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Vous êtes dans Encyclopédie de l'Arbre Celtique > géographie des Celtes / Sources géographiques antiques / Description de la Terre (Descriptio orbis terrae) de R.-F. Aviénus [édition bilingue]
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Encyclopédie Celtique

Description de la Terre (Descriptio orbis terrae) de R.-F. Aviénus [édition bilingue]

La Description de la Terre (Descriptio orbis terrae) de Rufus Festus Avienus

Edition bilingue

Cette édition bilingue a été réalisée à partir la traduction publiée en 1843 par Eugène Despois & Édouard Saviot (libre de droits). Quelques modifications négligeables y ont été apportées. Aussi, pour en savoir plus sur ce texte antique et son auteur, vous pouvez également consulter les fiches complètes consacrées à Rufus Festus Avienus et à la Description de la Terre.

DESCRIPTIO ORBIS TERRARVMDESCRIPTION DE LA TERRE
[1] Qua protenta iacent vastae divortia terrae
et qua praecipiti volvuntur prona meatu
flumina per terras, qua priscis inclyta muris
oppida nituntur, genus hoc procul omne animantum
qua colit, Aoniis perget stilus impiger orsis.
ardua res, musae. deus, en deus intrat Apollo
pectora, fatidicae quatiens penetralia Cirrhae.
L'étendue et la situation des différentes parties de l'immense univers, la direction des fleuves qui roulent à travers les terres leurs flots précipités, la place des villes célèbres protégées par d'antiques murailles, la répartition du genre humain sur cette vaste surface ; tels sont les objets que va décrire ma muse de sa plume infatigable. La poésie est une oeuvre difficile. Mais voici le dieu ! Apollon pénètre dans mon coeur, et il a fait retentir le sanctuaire fatidique de Cirrha.

Pierides, toto celeres Helicone venite,
concinat et Phoebo vester chorus; Oceanumque,
[10] carminis auspicium, primum memorate camenae.
Filles du Piérius, accourez des retraites de l'Hélicon ; que votre choeur accompagne les chants de Phébus ! ô muses, préludez à ce poème par la description de l'Océan.

Oceani nam terra salo praecingitur omnis,
parva ut caeruleo caput effert insula ponto:
nec tamen extremo teres est situs undique in orbe,
qua colitur populis, qua tellus paret aratro;
sed, matutino qua caelum sole rubescit,
latior, accisi curvatur caespitis arvo,
cetera protentus. tria sunt confinia terrae
unius: est primum Libyae Europaeque Asiaeque.
Aequore ab Hesperio qua se salis insinuat vis,
[20] terrarumque cavis illabitur, arduus Atlas
qua iuga celsa tumet, Libyae sese explicat ora:
finis huic Gades, septenaque gurgite vasto
ora procul Nili, Phariorum ubi gleba recumbit,
et Pelusiaci celebrantur templa Canopi.
Europaeque dehinc laevum est latus: at procul ambas
una Asia, inclinans geminis se cornibus, urget
desuper, ac rupti divortia continet orbis.
Europam atque Asiam Tanais disterminat amnis
hic se Sarmaticis evolvens finibus alta
[30] scissus Araseo prius aequore, iam suus unda
effluit in Scythiam: procul hinc Maeotida Tethyn
intrat, et inserto freta pellit vasta fluento,
Ismaricique riget semper flabris aquilonis.
at qua piscosi gurges strepit Hellesponti,
vis obliqua sali tepidum procumbit in austrum,
terrarumque trium modus est mare, donec in alti
ora procul Nili late Thetis efflua serpat.
altera pars orbem telluris limite findit.
caespes terga iacens Asiae succedit in oras,
[40] immensusque modi protenditur. hic latus artans
Caspia contingit freta desuper, atque tumenti
proximus Euxino est: Asiam conterminus iste
Europamque secat. tellus sese altera in austrum
porrigit, insertoque sinus interiacet agro
aestuat); et Libycis Asiam discernit ab oris
sic diversa fuit sententia, rite quis orbi
limes haberetur. totum hoc circumlatrat aestus,
et maris infesti moles ligat. una furenti
natura est pelago, pelagi sed nomina mille,
[50] aequor ut innumeris terrarum admoverit oris.
qua se blanda satis intendunt flabra favoni,
Hesperium Oceano mare terras intrat ab alto.
axe Lycaoniae rursum facis, atque ubi dura
belligeratores nutrit tellus Arimaspas,
nomine Saturni late iacet aequoris unda.
hic densata sali stant marmora, pigraque ponti
se natura tenet, numquam ruit effluus umor:
mortuus hic Graio perhibetur gurges in usu
denique, quod lento stupeat plaga salsa profundo,
[60] vel quod sole carens pars orbis taetra rigescat.
vis hebes has oras ardor Titanius afflat,
vis evecta dies illuminat, omneque late
at qua prima dies rutilo sustollitur ortu,
aureus et tremulas late rubor inficit undas,
Eoum pelagus, freta dicunt Indica pandi.
propter Erythraei tenduntur dorsa profundi,
Aethiopumque salum diffunditur. hic notus aethram
urit, et hic aestu radiorum Phoebus anhelo
arva coquit: sterilis regio est, et inhospita late
[70] aret humus, cassaeque solo torrentur harenae.
La terre dans son ensemble est embrassée par la ceinture de l'Océan : c'est une île, comme celles qui élèvent leur humble sommet au-dessus de la mer azurée. Cependant les contours de la terre n'ont pas une forme circulaire, partout où elle est habitée par les peuples, où elle obéit à la charrue ; mais aux lieux où le ciel se rougit des feux du matin, elle est plus large, et forme comme une base plus étendue, en s'allongeant dans la direction opposée. L'univers est divisé en trois parties : la Libye, l'Europe, l'Asie. Là où la mer Occidentale précipite ses ondes et s'élance dans l'intérieur des terres, où le géant Atlas élève sa tête hautaine, se déploie le rivage de la Libye : elle se prolonge de Gadès aux lieux où le Nil se répand dans le gouffre des mers par sept embouchures, où s'étend le territoire de Pharos, où Canope l'Égyptienne voit ses temples se remplir d'adorateurs. À l'opposé se trouve le côté gauche de l'Europe ; mais l'Asie, jetant vers ces deux contrées deux bras qui les rapprochent, les domine de ses plateaux élevés, et prévient ainsi le divorce des deux mondes. Le fleuve du Tanaïs sépare l'Europe de l'Asie. Il descend des limites de la Sarmatie en roulant ses eaux profondes ; il se détache de l'Araxe pour devenir bientôt un fleuve indépendant, et coule vers la Scythie : loin de là il se jette dans le Palus Méotide, et son courant fait refluer les eaux de la mer ; le souffle de l'Aquilon de Thrace glace toujours ses eaux. Mais du côté où retentissent les gouffres poissonneux de l'Hellespont, un vaste courant d'eau se détache de l'Euxin pour se jeter vers les chaudes contrées du Midi ; cette mer sépare ainsi trois mondes, jusqu'aux lieux où Thétis vient dérouler ses vagues devant l'embouchure du Nil profond. D'autres divisent le monde par des limites terrestres. Il est une vaste contrée qui s'étend jusqu'en Asie et comprend d'immenses pays : un de ses flancs plus rétréci vient dominer la mer Caspienne, et avoisine l'Euxin gonflé par les orages. C'est la limite qui sépare l'Europe de l'Asie. Une autre contrée s'étend vers l'Auster ; c'est comme une digue entre deux mers qui bouillonnent sur ses flancs, d'un côté celle des Arabes, de l'autre celle de l'Égypte ; elle sépare l'Asie des contrées Libyennes. Telles ont été les différentes opinions sur les limites qui doivent partager le monde. Les abîmes mugissants d'une mer ennemie environnent la terre de toutes parts. La mer furieuse est partout la même, mais elle porte mille noms, selon les contrées innombrables dont elle baigne les côtes. Aux lieux où souffle le Zéphyr favorable aux moissons, la mer Occidentale quitte l'Océan pour descendre clans l'intérieur des terres. D'un autre côté, vers la constellation de Lycaon, où un sol sauvage nourrit les belliqueux Arimaspes, s'étend au loin la mer de Saturne. Dans ces parages la mer glacée reste immobile comme du marbre, l'onde paresseuse y est sans mouvement ; jamais rien n'en soulève les flots. Enfin cette mer a reçu des Grecs le nom de mer Morte. Peut-être est-ce sa nature même qui lui donne cette immobilité ; peut-être est-ce l'éloignement du soleil qui fait de ces contrées un vaste amas de glaces. C'est à peine si le soleil effleure ces lieux de quelques rayons émoussés ; c'est à peine si le jour y porte sa lumière : une atmosphère ténébreuse voile partout un ciel de plomb. Mais aux lieux où le jour fait rayonner ses premiers feux, où une rougeur dorée colore les ondes tremblantes, s'étend l'océan Oriental, la mer des Indes. Près de là la mer Érythrée allonge son dos immense, près de là se répand en tous sens la mer d'Éthiopie : là le lotus brûle l'atmosphère, et Phébus dévore de ses rayons les campagnes altérées : c'est une contrée stérile ; elle est partout déserte et desséchée ; des sables infertiles et brûlants y couvrent le sol.

Oceanus sic cuncta vago complectitur aestu,
undique sic unus terras interminus ambit,
innumerosque sinus cavat illabentibus undis
desuper: e multis celebri sub nomine tantum
quattuor infuso late sale terga dehiscunt.
primus in orbe sinus vasti maris aequora gignit,
gurgitis Hesperii: procul hic protentus in ortus
faucibus a Libycis aestum trahit, atque ubi laetam
caespite sub pingui pandit Pamphylia glebam,
[80] deficit, et curva sinuatur litoris ora.
alter item est primo brevior, maiorque duobus.
hic prolapsus aquaest, boreali fusus ab alto,
terga procelloso turgescit Caspia fluctu.
Hyrcanum hoc pelagus pars nominat. hinc duo rursum
ora patent ponti: geminus sinus aequoris intrat,
telluremque cavat, qua se notus axe tepenti
erigit. horum unus vada longe Persica fundit,
Caspia conversus procul in freta; porrigiturque
quartus Arabs, tumet hic rapido per aperta fluento,
[90] Eusinumque salum videt eminus. en tibi rursum
aequoris Hesperii tractus loquar: istius unda
lambit terga soli, qua se vagus explicat orbis.
nam vel caeruleo loca circumplectitur aestu,
vel celso demissa iugo confinia radit,
moenia vel fusi praestringit gurgite ponti.
in zephyrum tellus extenditur, oraque terrae
ultima proceras subducit in astra columnas.
Hic modus est orbis Gadir locus, hic tumet Atlas
arduus, hic duro torquetur cardine caelum,
[100] hic circumfusis vestitur nubibus axis.
et primum ruptas se pontus Hibericus illinc
inserit in terras: caput autem principiumque
Europae et Libyae est. mediis infunditur oris,
irrepitque salum. scopuli stant ardui utrimque:
unus enim Europam, Libyam procul aspicit alter.
sic discreta freto procera cacumina celsis
emicuere iugis, sic intrant saxa profundum,
sic subeunt nubes, sic caelum vertice fulcit
Maura Abila, et dorso consurgit Hiberica Calpe.
[110] Gallicus hinc aestus provolvitur. hic super urbem
Massiliam gens Graia colit, Ligurumque tumescit
aequor, et indomito tellus iacet Itala regno.
C'est ainsi que l'Océan, unique et immense ceinture du monde, entoura l'univers de ses flots vagabonds, qui, descendant de la haute mer vers les côtes, y creusent des golfes innombrables ; quatre seulement, plus célèbres que les autres, font entrer dans les terres une vaste étendue d'eau. Le premier golfe est celui que forme la mer Occidentale ; il s'étend au loin et porte ses flots du détroit voisin de la Libye à l'Orient. Aux lieux où la riche Pamphylie étale ses riches moissons, il s'arrête et vient le long du rivage décrire des sinuosités. Le second golfe est plus petit que le premier, plus grand que les deux autres. C'est un cours d'eau versé par l'océan Boréal, et qui, gonflant ses flots orageux, devient la mer Caspienne. Quelques-uns le nomment mer Hyrcanienne. La mer creuse encore deux golfes en pénétrant dans les terres, dans les contrées brillantes où s'élève le Notus : l'un d'eux forme la mer Persique, et, quoique éloigné de la mer Caspienne, s'étend dans la même direction : le quatrième enfin est le golfe Arabique ; soit rapide courant présente une vaste étendue d'eau, il correspond à une grande distance au Pont-Euxin. Je vous parlerai encore de la mer d'Hespérie : son onde vient baigner des rivages aux aspects variés. Tantôt ce sont des plaines qu'il entoure de ses flots azurés, tantôt des promontoires élevés dont il ronge les pieds, tantôt enfin des murailles qu'il presse de ses eaux. Cette terre s'étend du côté du Zéphyr, et ses extrémités portent jusqu'aux astres deux colonnes gigantesques. Là se trouve Gadir, la borne de l'univers ; là s'élève l'Atlas à la tête altière, inébranlable pivot du ciel ; son front est couronné d'un bandeau de nuages. C'est là que la mer d'Ibérie pénètre entre deux rivages jadis réunis : c'est la tête, le commencement de l'Europe et de la Libye. L'Océan se répand ainsi et se glisse au milieu des terres. Des deux côtés se dressent des rochers élevés : l'un regarde l'Europe, l'autre la Libye. Là, séparés par la mer, deux monts orgueilleux portent jusqu'aux astres leur front superbe ; là, deux immenses rochers descendent dans la mer, et pénètrent dans la région des nuages ; l'Africaine Abyla soutient le ciel de sa tête, et, en face, s'élève la croupe de l'Ibérique Calpé. C'est dans ces parages que commence la mer des Gaules. Sur le rivage qui la domine, une colonie grecque habite le territoire de Marseille ; près de ces lieux, la mer des Ligures soulève ses flots, et l'Italie, cette reine indomptable, étend ses vastes campagnes.

Ausonis haec regio est; pubi genus ab Iove summo.
qua se flabra trucis boreae per inhospita terrae
eructant caelo, populis caput Aeneadarum,
alba dehinc cautes est terminus: haec freta propter
Trinacriae summa consurgit litoris ora.
evolvuntur item vada fusi caerula ponti;
insula qua Cyrnus fluctu madet alludente,
[120] litoris ostriferi protendens latius undam,
Sardiniamque dehinc moles circumflua cingit
aequoris, et cano spumant freta concita fluctu.
hinc Tyrrhena sali sunt agmina, qua notus axem
umidus inclinat: qua lux se rursus eoa
emergit pelago, Siculi maris aestuat unda,
obliquumque quatit gurges protentior altum
usque in saxosi Pachyni iuga. plurimus inde
in Cretam trahitur ponti tumor: hicque procul se
inclinat rupes, atque obvia fluctibus altis
[130] ingreditur pelagus Gortynia moenia iuxta,
ac procumbentis sola propter pinguia Phaesti.
Prona mari cautes extenditur, ut ferus ora
est aries, ultroque minax petit obvia fronte:
denique sic olli nomen prior indidit aetas:
nec minus Italiam cornu prospectat acuto
litoris, et rapidi perflatur Iapygis ore.
hinc se rursus aquis Hadriatica marmora fundunt
in borean, zephyrumque dehinc deflexa parumper
alta petunt, rauco penitus repentia fluctu:
[140] hic sinus Ionius curvatur litoris acta,
caespitis et gemini tellus irrumpitur alto.
nam qua caeruleis pontus sese inserit undis,
Illyris in dextris pandit regionibus agros,
Emathiamque super sulcat genus acre virorum:
Ausonidum laevast. hinc longo caespite tellus
funditur, et varia populorum pube domantur
arva soli. trina haec pelagi circumtonat unda.
nam qua se zephyri sustollunt flabra, profundum
Tyrrheni est pelagi; qua se notus erigit aethra,
[150] Sicanum late fluitat mare: qua procul autem
spirat ab eois pulcher regionibus eurus,
Ionii sunt terga sali. sic Itala tellus
a circumfusis latus amplum lambitur undis.
Ce pays est l'Ausonie ; son peuple descend du grand Jupiter. La contrée des fils d'Énée commence à ces régions inhospitalières où l'impétueux Borée lance ses tourbillons du haut du ciel, elle se termine à la roche Blanche. Celle-ci s'élève sur une côte escarpée, près de la mer qui baigne la Trinacrie, et qui, roulant ses flots azurés, vient laver en se jouant les côtes de l'île de Cyrnus, dont les rivages étendus sont couverts de coquillages. Une mer profonde entoure ensuite la Sardaigne, et ses flots agités se blanchissent d'écume. La mer Tyrrhénienne roule ses vagues dans ces parages, où vient s'abattre le Notus pluvieux : du coté où l'aurore s'élève au-dessus des ondes, gronde la mer de Sicile, et ses eaux retentissantes vont s'étendre dans une direction oblique jusqu'aux rochers du promontoire de Pachynum. La mer étend ensuite ses flots vers la Crète. Là, les rochers semblent reculer devant elle, et lui laisser porter ses eaux jusqu'aux murailles de Gortyne, et près du riche territoire de Phestus, qui descend vers les flots. Dans ces lieux s'allonge un promontoire penché sur la mer, et qui représente la tête d'un bélier sauvage courbant pour le combat un front menaçant ; enfin ; c'est là ce qui lui a fait donner son nom par l'antiquité. La pointe que forme ce promontoire regarde l'Italie aussi bien que la Sicile, et il est exposé au souffle violent de l'Iapyx. L'Adriatique étend vers le Borée ses eaux, qui se détournent ensuite un peu vers le Zéphyr, et font pénétrer clans les terres leurs flots retentissants. Là, la mer Ionienne se courbe devant le rivage, et ses eaux séparent ainsi deux contrées verdoyantes. En effet, à l'entrée de cette mer aux ondes bleuâtres, l'Illyrie déploie à droite ses campagnes, qu'une race laborieuse cultive au-dessus de l'Emathie. À gauche est l'Ausonie, dont le rivage se prolonge au loin, et dont les champs obéissent à diverses races d'hommes. Trois mers viennent se briser avec fracas contre ses rivages. Dans la direction où s'élève le souffle du Zéphyr ; se trouve la mer Tyrrhénienne ; aux lieux où le Notus s'élance dans les airs, s'étendent les flots de la mer de Sicile ; du côté où l'Eurus souffle des contrées brillantes de l'aurore, la mer Ionienne présente sa large surface. Telles sont les mers dont les flots viennent lécher le vaste flanc de l'Italie.

Efflua post Siculi moles evolvitur alti,
inque notum late vada ponti caerula serpunt,
donec harenosae se attollant aequore Syrtes,
infidumque rati tenuent mare. languida quippe
aequore iam fesso sese trahit unda per ambas.
montibus ab Siculis capit autem prona meatum,
[160] Cretaeisque iugis mox Syrtes inter oberrat
parcior, et tenui praetexens ima fluento.
rursus ab Idaea Salmonide porrigit aequor
se geminum: nautae Pharium dixere profundum,
quod procul in Casiae vergit confinia cautis:
Sidoniique dehinc late salis aestuat unda,
Issicus immodico donec sinus ore patescat,
aequoris et nostri sit terminus: arva ubi late
pinguia proceris Cilicum versantur aratris.
curva salo forma est: hinc sese marmora ponti
[170] in zephyrum torquent, ac flexu lubricus errat
gurges, et exesas illabitur unda lacunas.
sic virosorum prolixa volumina sese
sponte cerastorum facili sub viscere curvant;
sic spiras crebro sinuat draco, seque vel orbe
colligit inclinans, vel pronis agmina longe
tractibus absolvit: stridet nemus undique totum,
pestifero afflatu serpens vagus inquinat aethram.
haut secus illapso penetrantur litora fluctu,
et rursum tellus init aequora: iugis ubique
[180] mugitus pelago est, gemitu loca cuncta resultant.
Ensuite, la mer de Sicile répand sa masse liquide, et ses ondes bleuâtres glissent au loin, dans la direction du Notus, jusqu'aux lieux où les Syrtes sablonneuses s'élèvent sous la mer, et la rendent perfide pour les navires en exhaussant son lit. En effet, la mer languissante traîne sur les deux Syrtes ses flots épuisés. Des montagnes de Sicile où son courant commence, elle étend ses eaux profondes jusqu'aux monts de la Crète, et de là elle va promener autour des Syrtes ses ondes diminuées et couvrir son lit d'une mince nappe d'eau. Au promontoire de Salmonis, voisin de l'lda, commencent deux mers : les matelots appellent mer de Pharos, celle qui va se briser sur la roche du mont Casius ; plus loin bouillonne la mer de Sidon, jusqu'aux lieux où le golfe d'Issus ouvre son immense embouchure ; c'est là que se termine notre mer, devant les grasses campagnes que les Ciliciens labourent avec leurs grandes charrues. Cette mer décrit une courbe : elle se détourne ensuite vers le Zéphyr, en formant de nombreux replis, et elle pénètre dans les terres, qu'elle ronge de ses flots. Ainsi les cérastes à l'odeur fétide courbent leurs vastes corps en anneaux mobiles ; ainsi le dragon multiplie ses spirales, se ramasse en cercle en se courbant vers la terre, ou s'élance en avant en se déployant dans toute sa longueur ; le bois tout entier en retentit, et le serpent infecte l'air en portant çà et là soit haleine empoisonnée. C'est ainsi que les flots pénètrent dans le rivage, et que la terre à son tour s'avance au milieu des flots : partout cette mer fait entendre un éternel mugissement, et son bruit plaintif fait résonner tous les échos d'alentour.

Imminet huic late Pamphylia, subluit illic
unda Chelidonias, illisum murmurat aequor,
saepius et crebra spumescunt aequora rupe,
terminus his cautis Patareidis eminet arcis.
ac rursum in zephyrum vada semet caerula curvant.
hinc salis Aegaei tractus tonat, inque Bootis
plaustra dehinc rapidi flectuntur marmora Nerei,
saxosis Sporadum saepe obluctantia ripis.
non aliud tanta consurgit mole profundum,
[190] non sic curva Thetis fluctu tumet : extimus olli
in Tenedum cursus, pelagi caput incipit Imbro.
caespitis hinc proni protendens dorsa Propontis,
flatibus ex boreae tepidum procumbit in austrum,
immensaeque Asiae populos alit ubere terrae.
hinc artas inter fauces atque obvia saxa
Thracius angustas discludit Bosphorus oras,
Bosphorus Inachiae subvector virginis olim.
nam vicina sibi stant litora; terraque parci
faucibus oris hiat, pronam sinus evomit undam:
[200] proxima non alibi tantum divortia cernas
caespitis: hac pecoris cursu sternacis in aequor
Inachis illata est; sic pectus canduit ira,
Paelicis et tanto divam dolor extulit igni.
illic instabili fama est sale saxa moveri,
inferrique sibi flabris urgentibus oras:
hic rigidas errare ferunt per marmora cautes,
et nunc ora sali vastas praetendere rupes,
nunc aperire sinum: gemit amplo murmure pontus,
seu quod collisas Thetis indignata per arces
[210] saeviat obiectis; seu quod brevis exitus undas
exerat, et strictis eructet faucibus aequor.
interius lato pontus se gurgite fundit,
undarumque procul latus explicat, aurea Phoebi
qua rota purpureo repetit convexa sub ortu.
sic obliqua maris panduntur denique dorsa,
ut matutinis inclinent aequora habenis,
longior aut boreae concedat gurges in axem.
Pontus enim nostrae sinus est amplissimus undae.
La Pamphylie la domine, et ses côtes étendues sont baignées par la mer des îles Chélidoniennes ; les flots viennent s'y briser en mugissant ; des roches nombreuses font écumer les ondes ; puis cette mer recourbe de nouveau ses flots azurés vers le Zéphyr. Elle a pour borne le rocher que domine la ville de Patara. Plus loin grondent les flots de la mer Égée, domaine du rapide Nérée ; celle-ci s'étend ensuite vers le char du Bouvier, et vient souvent lutter contre les côtes rocheuses des Sporades. Nulle autre mer ne présente une masse d'eau aussi profonde, nulle part Thétis ne se recourbe en vagues plus élevées : le terme de sa course est Ténédos, la tête de cette mer est à Imbros. La Propontide, longeant de vertes collines qui se penchent vers la mer, descend des lieux où souffle Borée pour s'allonger vers le tiède Auster ; les terres fertiles qui l'avoisinent nourrissent les peuples de l'immense Asie. Là, dans une gorge étroite et embarrassée par des rochers, coule le Bosphore de Thrace ; il sépare deux côtes voisines. C'est lui qui jadis porta la fille d'Inachus. En effet, les rivages sont à peu de distance l'un de l'autre. La terre n'y présente qu'une étroite ouverture où la mer se précipite en bouillonnant : il n'existe point d'autre détroit qui ait aussi peu de largeur ; c'est par là que la fille d'Inachus fut emportée, à travers les ondes, sous la forme d'une génisse épouvantée ; alors Junon pâlit de courroux, et dans le coeur de la déesse la jalousie alluma tous ses feux. On dit que cette mer toujours agitée entraîne avec elle des rochers ; que des blocs détachés du rivage viennent s'entrechoquer poussés par les vents. On rapporte qu'on voit des récifs redoutables errer au milieu des eaux, et que l'embouchure du détroit présente tantôt une chaîne de vastes rochers, tantôt une surface unie ; les flots retentissent de longs gémissements, soit que Thétis indignée brise sa prison en se déchaînant contre tout ce qui lui résiste ; soit que les eaux n'aient pour s'écouler qu'une ouverture trop resserrée, et que cette gorge étroite fasse mugir les ondes. Le Pont se répand entre les terres voisines, en une vaste nappe d'eau, qui s'étend au loin vers les lieux où le char de Phébus aux essieux d'or remonte clans le ciel rougi de ses feux. Cette mer s'étend ainsi obliquement d'abord vers les lieux où se lève au matin le char du Soleil, et elle prolonge plus loin encore ses flots vers les régions boréales. Le Pont est la plus vaste étendue d'eau que forme notre mer.

Huic Asia ab laevis praecingitur Europamque
[220] excipit, adversusque dehinc se Thracius artat
Bosphorus et tenui vix panditur oris hiatu
at qua diducto pontus distenditur aestu,
et porrecta mari terrae iuga longius intrant
in pelagus, tractuque vago sua litora linquunt,
caespite Paphlagonum prodit saxosa Carambis.
altera se cautes similis procul arietis ori,
dura pruinoso qua torpet Taurica caelo,
exerit, et tenta late premit aequora fronte.
eminus ista notum videt, arctos eminus illa.
[230] porro inter fluctus ac fusi marmora ponti
proxima celsorum sic sunt sibi dorsa iugorum,
quamvis vasta sali moles interfluit arces,
ut gemini sit forma maris. sed brachia pontus,
finibus arctois, eoae lucis in ortum,
et qua prona dies atris involvitur umbris,
molliter inclinans, Scythici speciem facit arcus;
at tepidi de parte noti directior oram,
continuumque iacens, rigidi sub imagine nervi
tenditur: excedit confinia sola Carambis
[240] in borean vergens. boreali rursus in arcto
ore sinus patulo Maeotidis alta paludis
aequora prorumpunt: Scytha late barbarus oras
incolit, et matrem ponti cognominat undam.
sola parens ponto, genetrix haec sola fluentost:
hoc se fonte trahunt vaga glauci marmora ponti,
Cimmerio prolapsa sinu; nam Bosphorus illic
Cimmerius fauces aperit: circumque superque
Cimmeris, gens dura, colunt. hic ardua Taurus
in iuga consurgit, caelumque cacumine fulcit
[250] verticis, et celsis late caput inserit astris.
huc, mirante salo, quondam sese intulit Argo
Thessala, et innantem stupuerunt aequora cumbam.
Il est bordé à gauche par l'Asie ; il touche aux dernières limites de l'Europe, et c'est à l'opposé de cette dernière contrée que se trouve l'étroit Bosphore de Thrace, dont la bouche est à peine entrouverte. Plus loin les flots du Pont-Euxin se trouvent violemment séparés par un promontoire qui s'avance et se prolonge dans la mer, abandonnant ainsi le rivage pour se jeter au milieu des eaux : c'est là qu'apparaît sur la côte de Paphlagonie l'escarpée Carambis. Aux lieux où, sous un climat rigoureux, la Taurique dort engourdie par les frimas, s'élève un autre rocher ressemblant de loin à la tète d'un bélier, dont le front allongé, domine les eaux. L'un de ces caps regarde le Notus, l'autre les Ourses. Ainsi, à travers les flots et les plaines liquides du Pont, les croupes élevées de ces deux promontoires se correspondent si bien, quoique à une grande distance, quoique séparées par une vaste étendue d'eau, qu'elles semblent dessiner deux mers. Mais le Pont, inclinant mollement ses bras des contrées de l'Ourse vers le lever de l'aurore, et vers les lieux où le jour à son déclin s'enveloppe de ténèbres, décrit ainsi la courbe d'un arc de Scythie ; et son rivage ; présentant dit côté du tiède Notus une ligne droite et sans brisure, semble la corde roide et tendue de l'arc ; seule Carambis dépasse cette ligne en s'élevant vers Borée. Plus loin, vers l'Ourse boréale, par une vaste bouche se déchargent les eaux élevées du Palus-Méotide. Le Scythe barbare habite ses rivages, et appelle cette onde la mère du Pont-Euxin. Elle seule, en effet, enfante et fait naître les eaux du Pont ; c'est la source qui grossit le marbre mobile du Pont bleuâtre c'est du golfe Cimmérien qu'il tire ses eaux, car le Bosphore Cimmérien ouvre cette mer, et la race dure des Cimmériens habite tout alentour. Là, le Taurus élève sa crête gigantesque, soutient de son sommet la voûte des cieux, et porte sa tête au milieu des astres ; c'est là qu'Argo, la nef thessalienne, étonna jadis les ondes, et nagea au milieu des flots épouvantés.

sic vasti moles pelagi interfunditur oras:
sic se forma maris toto procul explicat orhe.
Nunc tibi tellurem versu loquar: incute docto,
Phoebe, chelyn plectro. musis intermina vita
permanet, et memori laus semper pullulat aevo.
indefessa tuae sint mentis acumina, lector,
sudorisque mei patulo bibe carmina rictu:
[260] dulcis in his haustus, meritum grave, gratia perpes.
C'est ainsi que la masse immense des eaux circule entre les rivages ; c'est ainsi que la mer dessine dans l'univers ses contours variés. Maintenant je vais parler de la terre : ô Phébus, frappe ta lyre de ton savant archet. Aux muses est assurée une vie immortelle, et leur gloire s'accroît de jour en jour dans le souvenir de la postérité. Lecteur, que ton attention soit infatigable, ces vers sont le fruit de mes soeurs ; viens boire à cette source poétique ; elle t'offre un breuvage agréable, un mérite solide, un charme perpétuel.

Ergo solum terraeque Libystidis ora per austrum
tenditur, eoae procul in confinia lucis.
Gades principium est; caput huius caespitis autem
artius angusto conducit litora tractu,
Oceanique salum cuneo subit: istius orae
terminus immensis Arabum concluditur undis.
at latus hoc terra diffusius explicat agros,
arvaque tenta patent. haec pingui caespite tellus
Aethiopum est nutrix, qui nigros propter Erembas
[270] extremi Libyae curvo sola vomere sulcant:
et rursum Aethiopes soli subiecta cadenti
arva tenent. sic scissa virum gens ultima terrae
incolit: hos afflant rutilae incunabula lucis;
hi iam praecipitis terrentur solis habenis.
La Libye étend ses côtes vers le midi et vers les lieux où naît l'aurore. Elle commence à Gadès ; la tête de cette contrée allonge ses rivages en une pointe étroite, et s'avance en forme de coin dans les eaux de l'Océan : l'extrémité opposée est enfermée par la mer immense des Arabes. Ce côté de la Libye présente une vaste étendue et de grandes contrées ; cette terre féconde est la nourrice des Éthiopiens, qui, non loin des noirs Érembes, aux derniers confins de la Libye, sillonnent la terre de leur soc recourbé ; ce sont encore les Éthiopiens qui occupent la contrée placée sous le soleil couchant. Ainsi, cette race d'hommes se trouve reléguée aux extrémités de la terre ; le jour les éclaire de ses rayons naissants, et ce sont eux aussi qu'épouvante le soleil quand son char, plonge à l'horizon.

propter proceras zephyri regione columnas
Mauri habitant; his fluxa fides et inhospita semper
corda rigent; trahitur duris vaga vita rapinis.
proxima se late Numidarum pascua tendunt,
Massyliique super populi per aperta locorum
[280] palantes agitant. certi laris inscia gens est:
nunc in dumosas erepunt denique rupis,
nunc quatiunt campos, nunc silvas inter oberrant
coniugibus natisque simul: cibus aspera glando
omnibus: haud ollis sulcatur caespes aratro:
non his mugitus pecudum strepit. inclyta post hos
moenia consurgunt Tyriae Carthaginis: illa
urbs Phoenissa prius, Libyci nunc ruris alumna,
paci blanda quies, et bello prompta cruento.
ast hinc in Syrtim praeceps ruit unda minorem,
[290] ulteriusque dehinc qua lux se reddit Olympo,
maior vasta sibi late trahit aequora Syrtis,
infidumque rati pelagus furit: ardua quippe
undarum moles Tyrrheno cogitur aestu,
curvatumque salum quatit amplo litora fluctu;
ecce alias lento prorepit gurgite Nereus,
undaque vix tenuis siccas praetexit harenas.
immemor ergo modi semper natura duabus
Syrtibus, et classem sors crebro caeca fatigat.
ambarum medio procera Neapolis arcem
[300] surrigit: hanc rursum gens late prisca virorum
Lotophagi includunt: diros Nasamonas at inde
aspice, quis quondam populorum examina multa
versavere solum, multo sonuere per agros
balatu pecudes: nunc lati iugera campi
et grege nuda iacent, et sunt cultoribus orba.
Ausonis haec duro vastavit dextera bello:
Ausonis invicti gens roboris una per orbem
arma tulit: pubem Latiam ferus horruit Hister,
Romanas aquilas Rhodanus tremit, Italidum vi
[310] maesta paludivagos Germania flevit alumnos.
Près des colonnes qui s'élèvent dans les régions du Zéphyr, habitent les Maures : ce sont des coeurs sans foi, que ne réchauffe jamais le culte de l'hospitalité ; leur vie errante se traîne dans un impitoyable brigandage. Près de là s'étendent les vastes pâturages des Numides, et la nation des Massyles mène dans de grandes plaines une existence aventureuse. Ceux-ci n'ont pas de demeures fixes ; tantôt ils gravissent sur des rochers couverts de ronces, tantôt ils foulent les plaines, tantôt enfin ils errent dans les forêts avec leurs femmes et leurs enfants ; leur nourriture à tous, c'est l'âpre fruit du chêne : jamais leurs plaines ne sont sillonnées par la charrue, jamais elles ne retentissent des mugissements de leurs troupeaux. Plus loin s'élèvent les murailles fameuses de Carthage la Tyrienne : c'était d'abord une ville phénicienne, maintenant c'est la fille adoptive de la Libye ; c'est le séjour d'une paix délicieuse, mais elle est ardente aux combats meurtriers. C'est là que la mer se précipite sur la petite Syrte ; et plus loin, vers les lieux où la lumière revient clans le ciel, la grande Syrte traîne ses vastes eaux. Là rugit une mer perfide pour les vaisseaux ; la mer Tyrrhénienne y amasse ses eaux en masses profondes, et, décrivant une courbe, bat les rivages de ses flots immenses ; quelquefois aussi Nérée s'en retire peu à peu, et c'est à peine si une légère couche d'eau couvre ces sables desséchés. Ainsi dans les Syrtes la nature ne garde jamais une juste mesure, et une destinée aveugle y fatigue souvent les vaisseaux. Contre les deux Syrtes, Néapolis élève sa citadelle altière : une race antique, les Lothophages, l'enferment de toutes parts ; de là, on peut voir les Nasamons impies dont le territoire était jadis labouré par un grand nombre de peuplades, pour qui de nombreux troupeaux faisaient résonner les campagnes de leurs bêlements. Maintenant ce ne sont que de vastes plaines, où l'on n'aperçoit ni troupeaux ni cultivateurs ; c'est le bras de Rome qui a dévasté ces contrées par une guerre impitoyable : les Romains ont porté par toute la terre leurs armes et leur force invincible : le sauvage Ister a frémi devant les enfants du Latium, les aigles romaines font trembler le Rhin, et la Germanie désolée par les armes italiennes a pleuré ses fils, les habitants de ses marais.

Illi caeruleas attingunt aequoris undas:
at qua navigero tellus discedit ab aestu,
innumerae gentes, populorum examina mille
arva tenent. hic fata canit venerabilis Hammon,
mugit harenosis nemus illic denique lucis.
astat Cyrene propter vetus, erigiturque
urbs procera arces, et Apolline dives alumno:
Marmaridae iuxta; procul hi tamen ultima regni
Aegypto inclinant: tergo Gaetulia glebam
[320] protinus hinc Garamas late confinia tendit,
trux Garamas, pedibus pernix, et harundinis usu
nobilis: at quantum terrarum interna recedunt,
ut procul Oceano tellus vicina madescat,
Aethiopum populos alit ampli caespitis ora,
terminus Aethiopum populos adit ultima Cerne.
post Blemyes medii succedunt solis habenas,
corpora proceri, nigri cute, viscera sicci,
et circumvincti nervis exstantibus artus.
hi celeri molles currunt pede semper harenas,
[330] nec tamen impressae linquunt vestigia plantae.
eminus evolvunt hinc sese pinguia Nili
flumina, et intenti prolabitur aequoris unda.
hic qua secretis incidit flexibus agros,
Aethiopum lingua Siris ruit: utque Syenen
caerulus accedens diti loca flumine adulat,
nomine se claro Nilum trahit, inque iacentem
Aegyptum fusus fluctu premit arva marito,
fecundatque solum: procul illinc agmina cogit
in borean, scissusque vagis amfractibus aequor
[340] non olli compar quisquam fluit, inclyta quamquam
undique se totis eructent flumina terris.
Nilus enim immensos vitam dispergit in agros,
et fovet invecto sata gurgite: Nilus honorem
telluri reparat: Nilus freta maxima pellit.
hic Asiam ab Libya disterminat, axe favoni
secernens Libyam; redeuntis solis ab ortu
disiungens Asiae medio confinia fluctu.
nec procul illa virum gens incolit, axibus olim
quae prior humanas leges et iura notavit,
[350] vomere quae duro, quae longi pondere aratri
sollicitavit humum, quae fetus edere sulcis
tellurem docuit, quae caedens partibus aethram
prodidit obliquo solem decurrere caelo.
istius ergo tibi formam regionis et oras
expediam versu. blandus praetenditur aer,
prodigus herbarum caespes iacet, aspera nusquam
culmina consurgunt, portus cavat ora frequentis.
quidquid terra dehinc redeuntis sufficit anni
tempore, prae cunctis stupeas specieque modoque.
[360] trina loco frons est, sed laxior axe Bootis,
luce sub eoa constrictior, usque Syenen
tenditur, unde pii volvuntur flumina Nili.
hic urbs est Thebae, Thebae quae moenibus altis
praecinxere larem: Memnon ubi Tithoneus
suspectat roseas Aurorae matris habenas.
pars quae coeaneo discedit ab aequore, septem
oppida sustentat: notiam pars vergit in oram,
et modus est olli Serbonidis alta paludis;
altera pulsatur genitalibus ore favoni.
[370] hic urbem posuit Pellaeae dextera gentis;
hic inter celsas late surgentia nubes
templa Sinopaei Iovis astant nixa columnis,
divite saxorum circumvestita metallo,
auro fulta gravi, niveo radiantia dente.
nec minus hic speculae vertex subducitur, ex quo
cernere sit longe Pallenidis intima terrae.
at qua surgenti terrae pars conscia Phoebost,
aggere murorum Pelusia moenia surgunt.
gens hic docta sali tumido freta gurgite currit,
[380] inque procellosos lembum convertere fluctus
ludum habet, et rauca vitam producit in unda.
Ces peuples touchent aux bords de la mer azurée ; mais dans les contrées éloignées de ces ondes toutes parsemées de navires, mille essaims de peuples innombrables habitent les campagnes ; c'est là que le redoutable Ammon prédit l'avenir : sa voix fait retentir les bosquets sablonneux du bois sacré. Près de là se trouve l'antique Cyrène ; elle dresse jusqu'aux cieux ses tours hautaines, qu'Apollon enrichit de sa présence. Les Marmarides habitent près de cette ville ; cependant leur pays en se terminant s'incline vers l'Égypte ; derrière eux la Gétulie étend ses campagnes, et des nègres nomades parcourent ses vastes plaines. Le pays voisin est habité par les Garamantes, peuple farouche, rapide à la course, et célèbre par son habileté à se servir de l'arc. Dans l'intérieur des terres jusqu'aux contrées lointaines que baigne l'Océan, les peuples éthiopiens cultivent des pays immenses ; les Éthiopiens vont jusqu'aux parages où se trouve Cerné, la limite du monde. Près d'eux habitent les Blémyes, au milieu de la course du soleil : leur peau est noire, leur taille mince et élancée ; leurs membres présentent un invincible réseau de muscles saillants ; sans cesse ils parcourent d'un pied rapide leurs sables, sans laisser sur cette molle, surface l'empreinte de leurs pas. C'est du fond de cette contrée que, se déroulent les eaux fécondantes du Nil, que s'élance son vaste courant. Dans les lieux inconnus où il promène ses détours, il reçoit des Éthiopiens le nom de Siris ; et lorsque, s'approchant de Syène, il caresse ses rives du trésor de ses eaux bleuâtres, alors il prend le nom fameux de Nil, et, se répandant à travers les plaines basses de l'Égypte, il presse de ses flots bienfaisants cette terre, son épouse, et la féconde ; loin de ces lieux il pousse ses eaux vers le nord, et, se séparant pour se jeter dans des défilés sinueux, il va par sept embouchures déployer dans la mer ses ondes impétueuses. Nul autre fleuve ne peut lui être comparé, quoique dans toutes les contrées de la terre des fleuves fameux promènent leurs eaux retentissantes. Le Nil étend ses bras sur d'immenses campagnes, et, en y portant ses ondes, il féconde les sillons ; le Nil rend à la terre une nouvelle splendeur ; c'est le Nil enfin qui, à son embouchure, refoule la mer avec le plus de violence. Il sépare l'Asie de la Libye, et son courant, limite de ces deux parties du monde, voit la Libye à gauche, vers les lieux où naît le zéphyr, et l'Asie à droit, vers les contrées où le soleil revient éclairer la terre : sur ses bords habite la race d'hommes qui la première a su graver sur des tables les lois humaines et le droit des gens, labourer les champs avec le soc infatigable, avec la longue et pesante charrue ; qui a appris à la terre à couvrir ses sillons de fruits ; qui, divisant le ciel en différentes zones, y a signalé la course oblique du soleil. Aussi, je vais vous décrire l'aspect de cette contrée et les pays qu'elle renferme : une douce atmosphère s'étend sur cette région ; la terre s'y couvre d'herbes abondantes, nulle part ne s'élèvent d'âpres rochers ; le rivage offre des rades nombreuses ; les récoltes qu'y ramène le retour de l'année, sont d'une abondance merveilleuse, d'une étonnante beauté. Le pays est compris entre trois côtés, dont le plus large regarde la constellation du Bouvier, et le plus resserré est tourné vers l'Orient, et s'étend jusqu'à Syène, d'où se déploient les ondes bienfaisantes du Nil. Là se trouve Thèbes, Thèbes qui a entouré ses demeures de murailles élevées : c'est là que Memnon, fils de Tithon, regarde le char de roses de l'Aurore, sa mère ; la contrée qui s'éloigne de la mer azurée comprend sept villes ; une partie est tournée vers le Notus, et a pour limite le marais profond de Serbonis ; l'autre est exposée au souffle fécondant du Zéphyr. Dans ces parages, la main des enfants de Pella a placé une ville ; là s'élèvent dans la région des nuages les vastes temples de Jupiter Sinopien ; appuyés sur de hautes colonnes, ils sont revêtus du marbre le plus précieux, ornés d'or massif, et tout rayonnants d'un ivoire blanc comme la neige. La tour de Pharos ne s'élève pas moins haut, et de son sommet on domine toute l'étendue de la terre de Pallène. Dans la partie qui voit naître les premiers rayons du jour, on voit les hautes murailles de Péluse ; la population de cette contrée, habituée à la mer, s'élance sans crainte sur les flots gonflés par l'orage ; c'est un jeu pour elle de risquer une barque sur les flots soulevés par la tempête ; elle passe sa vie au milieu des eaux retentissantes.

Talis forma iacet Libyae, talique recessu
ab zephyro eoum tellus incumbit in axem.
istius extenti sola caespitis undique sulcant
gentes innumerae, quae sparsae litore longo
Oceani australis vada late caerula tangunt;
et quae multimodis media tellure agitantes
arva domant, et quae Tritonidis alta paludis
ut circumfuso populorum examine cingunt.
Tel est l'aspect de la Libye, telle est sa forme de l'Occident à l'Orient. Cette vaste étendue de terre est cultivée par des nations innombrables : les unes, dispersées sur un rivage immense, touchent aux flots azurés de l'océan Austral ; d'autres, dans l'intérieur des terres, vivant de mille manières différentes, soumettent les champs à la culture ; d'autres enfin couvrent de peuplades nombreuses les bords du marais Triton.

[390] Nunc tibi et Europae fabor latus: haec, ubi terras
intrat Atlantei vis aequoris, accipit ortum.
unus utramque sali fluxus secat, et procul unum
distinet os ambas: eadem insinuatio ponti
Europam et Libyam rapido disterminat aestu.
sed prior illa tamen tepido perfunditur austro,
haec subit insanos tergum curvata aquilones.
ambae Asiam rursum simili sub limite tangunt:
aequus utrimque modus protenditur: at simul ambas
si conferre sibi quisquam velit, una parumper
[400] ut credatur humus, mediique interflua ponti
subtrahat; extemplo, quali nux pinea formast,
singula versanti talis succedet imago
Europae et Libyae: sic nam latus explicat ambas,
unum et utrique caput, similis quoque finis utrique
sed tamen Hesperii qua spectant aequoris undam,
ambae producto coeunt sibi caespite terrae;
qua matutinis sol istas ignibus afflat,
latior ambabus species distenditur. unum
hoc agili sub mente tenens, velut obvia habebis
[410] cetera terrarum. tellus Europa columnis
proxuma magnanimos alit aequo caespite Hiberos.
hi super Oceani borealis frigida tangunt
aequora, et excursu diffusi latius agri
arva tenent, duris nimium vicina Britannis;
flavaque caesariem Germania porrigit oram,
dumosa Hercyniae peragrans confinia silvae.
Je vais maintenant parler de l'Europe ; cette contrée commence aux lieux où l'Océan Atlantique pénètre dans les terres ; c'est le même courant d'eau qui coupe les deux contrées, le même détroit qui les divise : c'est la mer Intérieure, dont les flots bouillonnants séparent l'Europe et la Libye. Mais l'une va chercher les chaleurs de l'Auster, l'autre va se recourber vers les aquilons fougueux. Toutes deux, à une égale distance, touchent à l'Asie : leur étendue est la même ; mais si l'on veut les considérer dans leur ensemble, en n'y voyant qu'une seule terre, et en supprimant par la pensée la mer qui les divise par le milieu, l'Europe et la Libye vous présenteront aussitôt l'image d'une pomme de pin ; car c'est sous cette forme que leurs flancs se prolongent : elles commencent et se terminent de même. Mais du côté où elles regardent les eaux de la mer Occidentale, toutes deux se joignent en s'allongeant ; quant à la partie que le soleil éclaire des feux du matin, elle présente beaucoup plus de largeur dans les deux contrées. Une fois que votre intelligence aura saisi et fixé cette pensée, vous aurez comme sous les yeux les autres parties de l'univers. La partie de l'Europe voisine des colonnes d'Hercule nourrit dans des champs fertiles les généreux Ibériens. Ils touchent par le nord aux ondes froides de l'océan Boréal, et leur contrée étend ses vastes campagnes vers des régions trop voisines de la Bretagne glacée, et des lieux où la Germanie à la blonde chevelure étend ses rivages, en longeant les épaisses retraites de la forêt Hercynienne.

Inde Pyrenaei turgescunt dorsa nivalis,
Gallorumque truces populi per inhospita terrae
vitam agitant: tum caeruleum Padus evomit antro
[420] hic prius Heridani propter nemorosa fluenta
fleverunt liquidae lapsum Phaethonta sorores,
mutataeque manus planxerunt pectora ramis.
Plus loin s'élève la croupe neigeuse des Pyrénées, plus loin les peuples farouches de la Gaule habitent une contrée inhospitalière. C'est dans ce pays que la source du Pô vomit ses flots azurés, et presse d'immenses campagnes sous ses ondes débordées. C'est là que, près des rives boisées de l'Éridan, les sueurs désolées de Phaéthon pleurèrent sa chute, et qu'en frappant leur poitrine, leurs mains se changèrent en rameaux.

Nec procul hinc rigidis insurgunt rupibus Alpes,
nascentemque diem celso iuga vertice cernunt.
porro inter cautes et saxa sonantia Rhenus,
vertice qua nubes nebulosus fulcit Adulas,
urget aquas, glaucoque rapax rotat agmine molem
gurgitis, Oceani donec borealis in undas
effluat, et celeri perrumpat marmora fluctu.
[430] quin et Danubium produnt secreta repente
barbara, sed discors tamen est natura fluento.
Abnoba mons Histro pater est: cadit Abnobae hiatu
flumen; in eoos autem convertitur axes,
Euxinoque salo provolvitur; ora per aequor
quinque vomunt amnem, qua se procul insula Peuce
exerit: hunc rigidi qua spirant flabra aquilonis,
Sarmata, Germani, Geta, Basternaeque feroces,
Dacorumque tenent populi, tenet acer Halanus,
Incola Taurisci Scytha litoris; indeque rursum
[440] dira Melanchlaeni gens circumfusa vagatur.
proxima Neurorum regio est, celeresque Geloni,
praecinctique sagis semper pictis Agathyrsi.
inde Borysthenii vis sese fluminis effert
Euxinum in pelagus: tunc aequora Panticapaei
ardescique tibi celso de vertice surgunt
Riphaei montis, ubi dura saepe sub arcto
densa pruinosos eructant nubila nimbos.
hic dites venae niveum gignunt crystallum,
adque hic indomito tellus adamante rigescit
[450] inter Riphaeos et proceros Agathyrsos.
haec gentes Histrum, qua se plaga dura Bootis
porrigit, incumbunt: medii de parte diei
per dumosorum reptantes dorsa iugorum
Gerrhae habitant. Gerrhas attingunt oppida late
Norica, et immodicae rursum sola pinguia glebae
Pannonia exercet. borean subit altior agro
Moesus, et extento post tergum caespite Thracas
plurimus excedit: tunc ipsi maxima Thraces
vomere sollicitant curvo loca: denique longo
[460] qua porrecta iacet spatio piscosa Propontis,
et qua praecipiti fluctu furit Hellespontus,
Aegaeumque dehinc procul in mare, plurima Thraces
arva tenent: hic mellifluis Pallena sub antris
Lychnitis rutilae flammas alit: hic et iaspis
fulva micat stellis, quantum convexa per aethrae
ignea perpetuis ardescunt sidera flammis.
Les Alpes dressent pris de là leurs roches escarpées, et le sommet de leurs pics élevés voit naître le jour. Le Rhin, sorti du nébuleux Adule, dont la cime soutient les nuages, hausse ses ondes au milieu de ses écueils et de ses roches retentissantes, et roule la masse impétueuse de ses vertes eaux, jusqu'à ce qu'il aille se perdre dans l'océan Boréal, et rompre de son courant rapide le marbre de cette mer. Le Danube se montre tout à coup sorti des solitudes barbares ; son cours change de direction. C'est le mont Abnoba qui enfante l'Ister ; ce fleuve tombe d'une gorge de l'Abnoba ; puis il se tourne vers l'Orient, et s'écoule dans le Pont-Euxin : cinq embouchures y vomissent ses eaux, clans les parages où s'élève à une certaine distance l'île de Peucé : près de là, du côté où soufflent les rigoureux aquilons, habitent les Sarmates, les Germains, les Gètes, les fiers Bastarnes, les peuples daces, les Alains infatigables, et le scythe, habitant de la Tauride ; et plus loin la nation des Mélanchlènes aux sombres vêtements, mène une existence vagabonde. À côté se trouve le pays des Neures, celui des rapides Gélons et des Agathyrses, toujours revêtus de saies bariolées. Plus loin le Borysthène va se précipiter dans le Pont-Euxin ; plus loin s'étalent les eaux qui baignent Panticapée et celles de l'Ardiscus : là se dresse la cime élevée des monts Riphée, dans les climats glacés de l'Ourse où des nuages épais vomissent des flocons de neige. Là, les veines de la terre recèlent en abondance un cristal éclatant de blancheur ; le diamant indomptable durcit partout le sol, entre les Riphéens et les Agathyrses à la taille élancée. Les nations s'étendent vers l'Ister, depuis les lieux où se montre la rigoureuse constellation du Bouvier. Vers le Midi, les Gerrhes gravissent sur la croupe de leurs montagnes hérissées de broussailles. Les villes du Noricum touchent au pays des Gerrhes, et plus loin la Pannonie laboure ses vastes et fertiles campagnes. Vers le Borée, s'étendent les plateaux plus élevés de la Mésie, qui, en se prolongeant derrière les Thraces, dépasse de beaucoup leur territoire. Ces mêmes Thraces labourent de leurs socs recourbés des champs immenses ; en effet, depuis les lieux où se déploient les eaux de la Propontide, féconde en poissons, et depuis ceux où se déchaîne l'Hellespont aux vagues fougueuses, jusqu'à la mer Égée, les Thraces occupent un pays très étendu : là, Pallène, dans des autres habités par des abeilles, recèle les flammes du lychnis éblouissant ; là, le jaspe jette des reflets aussi brillants que les astres qui de leurs feux éternels enflamment la voûte des cieux.

Hic rursum occiduis Europam fabor ab oris.
haec tamquam speculis adsurgens plurima trinis,
spectat Achaemeniae lucis iubar: unus Hiberos
[470] limes habet, limes tenet alter denique Graios,
Ausoniae medius protendit latius arva.
Oceani vicina salo qua gleba recumbit,
Oceani Hesperii, tumet illic ardua Calpe;
Hic Hispanus ager, tellus ibi dives Hiberum:
Tartesusque super sustollitur: indeque Cemsi
gens agit, in rupis vestigia Pyrenaeae
protendens populos: medio se limite gleba
Ausonis effundit; mediam secat Appenninus
Ausoniam: nam qua boreali vertice ad aethra
[480] concrescunt Alpes, surgit caput Appennino;
et qua Sicanii tellus madet aequoris aestu,
ut protelatae molis iuga gurgite condit.
huic circa multae sola sulcant proxima gentes;
et tamen has omnes solers tibi musa loquetur.
prima vetustorum gens est ibi Tyrrhenorum:
inde Pelasga manus, Cyllenae e finibus olim
quae petit Hesperii freta gurgitis, arva retentat
Itala: tum multa tenduntur parte Latini,
per quos flaventis Tybris pater explicat undas,
[490] Romanosque lares lapsu praelambit alumno.
hinc Campanus ager glebam iacit: hic freta quondam
Je vais recommencer la description de l'Europe en partant de l'Occident. Elle lance en avant trois péninsules élevées qui, comme autant de postes avancés, regardent venir le jour des contrées de la Perse : l'une est celle des Ibères, la dernière est habitée par les Grecs ; entre ces deux péninsules, l'Ausonie prolonge au loin ses campagnes. Dans les contrées qui s'étendent auprès de l'océan Occidental, se dresse la montagne de Calpé : c'est là que commence l'Espagne, le riche pays des Ibères ; au-dessus s'élève Tartesse. Plus loin vit la nation des Cempses, qui pousse ses tribus jusqu'au pied des Pyrénées. Entre l'Espagne et la Grèce s'étend le territoire de l'Ausonie, que l'Apennin coupe par le milieu ; car, dans la partie septentrionale où les Alpes semblent monter vers le ciel, s'élève la tête de l'Apennin, qui se prolonge en ligne droite jusqu'aux pays que baigne la mer de Sicile ; c'est là que, semblable à une digue, son extrémité vient mourir au milieu des eaux. Des nations nombreuses habitent les deux versants de cette chaîne ; et, malgré leur nombre, ma Muse saura les énumérer. La première est la race antique des Tyrrhéniens : viennent ensuite des Pélasges, qui, partis autrefois des environs de Cyllène en allant vers le couchant, se sont fixés dans les campagnes italiques ; un vaste territoire est occupé par les Latins, au milieu desquels le Tibre bienfaisant déroule ses ondes jaunissantes, et lèche de ses eaux fécondes le séjour des Romains. C'est là que commence le sol de la Campanie.

Parthenopen blando labentem in marmora ponti
suscepere sinu: tepidum si rursus in austrum
convertare oculos, nemorosi maxima cernes
culmina Piceni: coma largi palmitis illic
tenditur, ac fuso Bacchus tegit arva flagello.
tunc Lucanorum regio insurgentibus alte
cautibus horrescit: scrupus sola creber iniqua
asperat, et denso caecantur stipite silvae.
[500] Britius hinc dumos acer colit inter, et arces
intendant pelagus, displosisque aequora terris
instabile inclinent semper mare, qua vel eois
Hadrias unda vadis largam procul expuit algam,
vel qua Tyrrheni praeceps involvitur aestus.
ad zephyri hinc rupes dorsum tumet, inque Bootis
plaustra patens albo consurgit vertice saxum.
huc se prisca Locri gens intulit, et sale longo
eminus invecti, qua pontum gurgite rumpit
flumen Alex, Graiae rexerunt lintea cumbae.
[510] hinc Metapontini discurrunt latius arvo:
inde Croton priscis attollit moenia muris:
Aesarus hic amnis salsa convertitur unda,
et Iunone calent hic arae praesule semper.
nec minus exciti post flumina dira tonantis
infortunatae Sybaris vicina ruinast;
Samnitaeque truces habitant confinia: post hos
gens Marsum quondam tenuit loca: tumque Tarentum
surgit, Amyclaei suboles praedura tyranni.
hinc iacet in patulos proiecta Calabria campos,
[520] et super arenti tenduntur Iapyges agro.
huc se praecipiti cogit ferus Hadria ponto.
hic Aquileia decens celsis caput inserit astris:
Tergestumque dehinc curvi salis incubat oram,
extimus Ionii qua se sinus aequoris abdit.
tot populi Ausoniam circumdant moenibus altis,
Italiam cingunt tot diti caespite gentes.
Les ondes qui la baignent accueillirent autrefois Parthénope, qui s'avançait vers elles sur la surface unie des mers. Maintenant, si vous tournez vos yeux vers l'Auster à la chaude haleine, vous apercevrez les montagnes du Picénum couvertes de forêts. C'est là que la vigne étend ses larges feuilles, et que Bacchus couvre les campagnes de son vaste réseau de pampres. Le pays des Lucaniens est tout hérissé de roches escarpées ; c'est une terre rocailleuse et infertile ; l'épaisseur des taillis rend les forêts inaccessibles au jour. Plus loin la race ardente des Bruttiens cultive un sol couvert de ronces et habite dans des montagnes, lieux favorables aux trahisons ; leur pays va jusqu'aux lieux où s'étend la mer de Sicile, toujours agitée, toujours soulevée entre les deux contrées qu'elle a violemment séparées, et mugissant également à l'orient du côté où l'Adriatique se couvre d'algues nombreuses arrachées à son lit, et à l'occident où roulent les vagues impétueuses de la mer Tyrrhénienne. Près de là s'élève le promontoire du Zéphyr, et, s'étendant vers le char du Bouvier, il domine la mer de son blanc sommet. C'est là qu'aborda la race antique des Locriens après une lointaine navigation. Les vaisseaux grecs dirigèrent leurs voiles vers les côtes où le fleuve Alex coupe la mer de ses eaux. Plus loin s'étend le vaste territoire de Métaponte ; puis Crotone élève ses antiques murailles ; c'est là que le fleuve Ésarus répand ses eaux au milieu de l'onde amère ; c'est là que Junon est adorée sur des autels où brille un feu éternel. Près de là se trouvent les mines de l'infortunée Sybaris, que le courroux de Jupiter abîma sous un fleuve de sang. Les farouches Samnites occupent la contrée voisine : plus loin habitait jadis la nation des Marses. Près d'eux s'élève Tarente, la fille sévère de Phalante venu d'Amyclée. Près de là, la Calabre étale ses vastes campagnes, et les Iapyges sont dispersés sur un territoire aride. Près de leurs côtes la fougueuse. Adriatique précipite ses ondes dans un lit plus resserré. C'est là que la belle Aquilée élève sa tête jusqu'aux astres : puis Tergeste apparaît assise sur le rivage recourbé du golfe ; c'est le point le plus éloigné où s'étendent les eaux de la mer Ionienne. Tels sont les peuples qui entourent l'Ausonie de leurs remparts élevés, telles sont les races qui habitent les bords de l'Italie au riche territoire.

in iubar eoum rursum se pervia flectunt
aequora, et Assyrium suspectant eminus axem
Ionii freta glauca sali, primosque Liburnos
[530] praestringunt pelago; gens Hylli plurima rursum
accolit: hic tenui tellus discluditur aestu.
Illyris ora dehinc distenditur: hicque periclis
saepe carinarum famosa Ceraunia surgunt.
tum prorepentis qua sunt vada turgida Nerei,
Harmoniae et Cadmi sustentat gleba sepulchrum
barbara: nam longo iactati saepius orbe,
postquam liquerunt Hismeni fluminis undam,
hic in caeruleos mutati membra dracones
absolvere diem, finemque dedere labori.
[540] nec minus hic aliut monstri genus arbiter aethrae
edidit: adsistunt scopuli duo, cumque quid atri
imminet eventus, ut vulgi corda fatiget
sors rerum, et gentes terat inclementia fati,
et motantur humo, et coeunt sibi vertice saxa.
Les eaux de la mer Ionienne se tournent ensuite vers l'orient, ses flots azurés regardent de loin l'Assyrie. Les premiers peuples dont ils rasent les côtes, sont les Liburnes ; auprès d'eux habite la nation des Hylles. Dans ces parages un étroit promontoire s'avance dans les eaux de la mer. Plus loin se développe le rivage de l'Illyrie : c'est sur ses côtes que surgissent les roches Cérauniennes, trop limeuses par les périls qu'elles font courir aux vaisseaux. Puis, près des lieux où Nérée étale ses ondes bleuâtres, s'élève sur une terre barbare le tombeau de Cadmus et d'Harmonia : après avoir subi de longues épreuves dans tout l'univers, depuis le jour où ils quittèrent les eaux de l'Ismenus, c'est là qu'ils furent changés en deux serpents livides, et que la mort vint mettre un terme à leurs souffrances. À ce prodige, le maître des cieux en a joint un autre non moins étonnant : deux rochers s'élèvent dans les airs, et quand un événement terrible se prépare, quand le sort veut abattre les courages des peuples, que la cruauté des destins doit briser leurs coeurs, ces deux rochers s'ébranlent dans leur base, et viennent se toucher par leur sommet.

sed qua mitis item spirat notus, Oriciumque
pulsant flabra solum, Graiae confinia terrae
incipiunt aperire latus, prolixaque longis
iugera producunt spatiis, praecincta duobus
aequoris infusi procursibus: hanc freta quippe
[550] Aegaei lambunt pelagi; citus Hadria rursum
subluit hanc fluctu: gemino sic gurgite late
Graia madet tellus, sortitaque marmora ventos
quaeque suos, imo turgescunt mota profundo.
Eurus in Aegaeum contorquet flabra: cadentis
parte poli zephyris Hadriatica terga tumescunt.
insula se rursum Pelopis visentibus offert,
insula quae platani folio compar sedet. Isthmi
quippe caput summum conducitur, artaque vergit
in borean tellus, et Graios adiacet agros:
[560] cetera sub folii specie distenditur arva,
ac per utrumque latus sinuoso saepe recedit
caespite: sed tepido qua tellus tunditur austro,
Graiorum Triphylis sterili se porrigit ora.
hinc sacer Alpheus flumen trahit, et vagus aequor
influit Eurotas. Pisanos alter adulat,
alter Amyclaeas celeri secat agmine terras.
insula qua curvas inclinat concava valles,
Arcades immensum propter degunt Erymanthum.
hic distentus aquas sata lambit pinguia Ladon.
[570] iuxta Argivus ager, iuxta sunt culta Laconum:
illos prima dies, celer istos aspicit auster.
Isthmi terga dehinc geminus circumlatrat aestus,
parte Ephyres, piceas qua nos agit atra tenebras,
et matutinus qua lucem proserit ortus.
hic usu Graio nomen tenet unda Saronis.
Atticus hanc ultra limes iacet, Attica tellus
belligeratorum genetrix memoranda virorum.
fertilis haec herbis Illissum subvehit amnem:
Illissi boreas stagno tulit Orithyiam.
[580] eotumque dehinc sese confinia iungunt,
et Locris, et patuli sulcator Thessalus agri,
et Macetum praepingue solum; tumet arduus Hemus,
Threiciumque caput subducitur: adiacet Hemum
partibus ab zephyri Dodonae vatis alumnus.
axe noti rigidas subter rupes Aracynthi
gens Aetola colit; campis ibi pulcher apertis
labitur, et virides sulcans terras Achelous
irruit Hadriaci tergum maris; hicque frequentes
fluctibus attolluntur Echinades: haut procul inde
[590] prisca Cephallenae consurgunt oppida terrae.
Delphica quin etiam miscet confinia Phocis,
lucis in exortum protentior; inque Booten
Thermopylae cedunt. hic se Parnasia rupes
erigit: hic celeri Cephisus volvitur unda:
hic quondam Python transactus harundine membra,
sanguinis et cassus prolixa volumina solvit.
illic saepe deum conspeximus arridentem,


inter turicremas hic Phoebum vidimus aras.

Du côté où la douce haleine du Notus vient souffler sur le territoire d'Oricium, la Grèce commence à développer son large flanc, et à étendre ses campagnes spacieuses, bordées dans leur longueur par deux mers. La mer Égée lèche ses rivages à l'orient ; et de l'autre côté elle est baignée par les flots de l'Adriatique. Ainsi, deux vastes mers mouillent les côtes de la Grèce ; chacune a ses vents, qui la bouleversent dans ses profondeurs. L'Eurus s'engouffre dans le canal de la mer Égée ; à l'occident le Zéphyr gonfle les plaines de l'Adriatique. L'île de Pélops s'offre bientôt aux regards ; elle présente l'apparence d'une feuille de platane. Le sommet de l'isthme s'allonge et s'amincit en se dirigeant vers le Borée, et touche aux campagnes de la Grèce. Le reste de la péninsule s'élargit comme une feuille, et ses contours en décrivent les sinuosités. Du côté où les champs sont battus par l'Auster, s'étendent les plaines stériles de la Triphylis des Grecs. C'est de là que l'Alphée entraîne ses ondes sacrées dans la mer, et que l'Eurotas y porte le tribut de ses eaux. L'un baigne les champs de Pise, l'autre coupe de son courant rapide le territoire d'Amiclée. La péninsule se creuse au centre pour former une vallée profonde ; c'est là qu'habitent les Arcadiens, près du gigantesque Èryinanilie : le Ladon y lèche de grasses campagnes de ses ondes épandues. Près de là se trouve le territoire d'Argos, près de là les champs des Laconiens ; les uns sont exposés aux premiers rayons du jour, les autres art souffle du rapide Auster. Plus loin se prolonge l'isthme, battu sur ses deux flancs par deux mers retentissantes à l'endroit où se trouve Éphyre, du côté où la nuit obscure amène ses ténèbres, et du côté où l'aurore matinale répand la lumière. La mer qui baigne la côte orientale a reçu des Grecs le nom de golfe Saronique. De l'autre côté de ce golfe se trouve l'Attique ; le territoire d'Athènes, l'immortelle patrie de tant de héros ; cette terre fertile en herbages est arrosée par l'llissus ; c'est des bords de ce fleuve que Borée enleva Orithyie. La contrée voisine est celle des Béotiens. Plus loin se trouvent la Locride ; les vastes champs labourés par les Thessaliens ; la Macédoine aux fertiles campagnes ; l'Hémus élevé, dont la tête se dresse au milieu de la Thrace, et à côté de l'Hémus, dans la direction du Zéphyr, la montagne qui porte l'oracle de Dodone. Du côté du Notus, sous les roches escarpées de l'Aracynthe, habite la nation des Étoliens ; le magnifique Acheloüs y coule dans des plaines découvertes, et, sillonnant de vertes campagnes, va jeter ses eaux dans la mer Adriatique. C'est là que les îles Échinades sortent nombreuses du sein des flots. Près de ces lieux s'élèvent les villes antiques du territoire de Céphalénie. Le pays limitrophe est la Phocide, célèbre par la ville de Delphes ; c'est vers l'Orient qu'il s'étend le plus loin. Les Thermopyles s'allongent vers le Bouvier. Là s'élèvent les roches du Parnasse ; là le Céphyse roule ses eaux rapides. C'est là qu'autrefois Python, percé d'une flèche et perdant tout son sang, déroula épuisé ses immenses anneaux. C'est là que nous avons vu souvent le dieu nous sourire, que nous avons contemplé Phébus au milieu de ses autels parfumés d'encens.

Nunc ut quaeque vago surrexerit insula ponto,
[600] ordine quo steterint pelago circumflua saxa,
expediam. cumbae ducatur cursus ab unda
gurgitis occidui: precor, aspirate, camenae,
Inter et oppositas intendite lintea terras.
Gadir prima fretum solida supereminet arce,
Attollitque caput geminis inserta columnis.
Haec Cotinussa prius fuerat sub nomine prisco,
Tartesumque dehinc Tyrii dixere coloni,
barbara quin etiam Gades hanc lingua frequentat:
Poenus quippe locum Gadir vocat undique saeptum
[610] aggere praeducto. Tyrii per inhospita late
aequora provecti, tenuere ut caespitis oram,
constituere domus; dant hi quoque maxima templa
Amphitryoniadae, numenque verentur alumnum.
insula se propter Gymnesia tollit ab alto,
ac dilecta vago pecori consurgit Ebusus,
Sardiniaeque arces, et inhorrens Corsica silvis:
Aeolidesque dehinc tumidis se fluctibus edunt
insulae, et inserto canescunt undique ponto.
has dudum tenuit rex Aeolus: Aeolus illic
[620] hospita iactatis indulsit litora nautis,
Aeolus imperio summi Iovis arbiter alto
impositus pelago est, effundere carcere ventos
et sedare salum. septem sese aequoris aestu
emergunt arces: celsam rex Aeolus aulam
hic habuit. tunc Ausoniam se pandit in oram
tellus Trinacria et patulo distenditur agro.
haec autem trinis laterum procursibus astat,
ternaque caeruleis longe iuga porrigit undis.
in matutinos Pachynos producitur ortus:
[630] pars tepet ab zephyro Lilybeia: celsa Peloris
tota sereniferae pulsatur flatibus ursae.
hic iter infidum pelagi, miserandaque fata
involvere salo fluctuque hausere voraci
saepe ratis. urgent angustae marmora fauces,
artaque praecipitant properum confinia pontum.
qua se parte dehinc celsae notus erigit aethrae,
vis late Libyci furit aequoris. una ibi Syrtis;
ast aliam ulterius freta prolabentia tendunt,
parvaque caeruleo circumsonat aequore Meninx.
[640] rursus in Hadriacam lembum cogentibus undam,
et laevum curva pelagus sulcantibus alno,
insula se Grai Diomedis gurgite promit,
Italiam spectans et Iapygis arva coloni.
huc illum motae quondam tulit ira Diones,
postquam per celeres extorrem traxit Hiberos:
coniugis huc dirae misit furor Aegialiae.
Maintenant je vais énumérer les îles qui se sont formées sur les ondes agitées, et dire dans quel ordre se trouvent ces rochers toujours battus des flots. C'est de l'Occident que ma barque va prendre sa course : Muses, je vous en conjure, donnez-moi un vent favorable, et guidez mes, voiles entre les écueils. Gadir, la première, domine les mers de sa citadelle inébranlable, et élève sa tête entre les deux colonnes. Son ancien nom était Cotinussa ; des colons de Tyr lui donnèrent ensuite celui de Tartessus ; dans la langue des barbares elle s'appelle encore Gadès, du mot Gaddir par lequel les Carthaginois désignent tout lieu entouré d'une digue de terre. Les Tyriens, amenés à travers la mer orageuse, n'eurent pas plutôt occupé la côte, qu'ils y établirent des maisons : ils y élevèrent aussi des temples immenses au fils d'Amphitryon, et y fondèrent le culte de cette divinité protectrice. Près de là s'élève, du milieu de la haute mer, l'île de Gymnésie ; puis Ebusus aimée des troupeaux errants, la Sardaigne montagneuse, la Corse toute hérissée de forêts ; plus loin, du sein des flots gonflés, sortent les îles d'Éole, toutes blanches sur la mer où elles sont semées. Longtemps elles ont été habitées pair Éole, le roi des vents : c'est la qu'Éole offrait aux marins. battus, par la tempête ses rivages hospitaliers. C'est Éole que la toute puissance du grand Jupiter a donné pour maître à la mer, et auquel il a accordé le droit de déchaîner les vents et de calmer les ondes. Ces îles, aux rivages élevés, sont au nombre de sept ; sept rochers, d'où il dominait les mers. Près de là la Trinacrie étend vers les rivages de l'Ausonie ses vastes campagnes. Cette île, d'une forme triangulaire, allonge dans les ondes azurées trois promontoires. Le cap Pachynum s'étend vers le lever du jour ; celui de Lilybée est échauffé, par l'haleine du Zéphyr ; le promontoire élevé de Pélore est tout entier battu par les vents de l'Ourse qui ramène la sérénité dans le ciel. La mer offre en ces lieux une route perfide, et souvent de malheureux navires enveloppés par les oncles y ont disparu dans des gouffres dévorants. Les vagues s'y pressent dans un canal étroit, et le voisinage des deux côtes agite la mer en la resserrant. Du côté où le Notus s'élève dans les airs, la mer de Libye étend au loin ses fureurs. On y trouve une des Syrtes ; plus loin apparaît la seconde, que battent les eaux de la mer, et la petite île de Ménynx retentit du bruit des flots qui l'environnent. En retournant notre barque vers les flots de l'Adriatique, en sillonnant de notre carène recourbée la mer qui s'étend à notre gauche, nous voyons s'élever au-dessus des eaux l'île du Grec Diomède ; elle regarde l'Italie et les champs cultivés par les Iapyges. C'est là que la colère de Dioné, qu'il avait offensée, le poussa jadis après l'avoir traîné en exil jusqu'au milieu des Ibères rapides ; c'est la que l'envoyèrent les fureurs de sa femme Egialée.

Ionii siquis rate rursum caerula currat
aequora, et eoos cumbam producat in ortus,
Absyrti cautes et crebras protinus arces
[650] inveniet. Colchos huc quondam cura fidesque
extulit, insanam sectantes Aeetinen.
nec procul Ionii per terga Libyrnides astant:
inque notum post dira Ceraunia carbasa siquis
torqueat, et tepidos lembum declinet in axes,
Ambraciotarum succedent protinus arces,
Alcinoique domus pandetur Cercyra rursum,
Cercyra compta solum, locupleti Cercyra sulco.
hanc super est tellus, Ithaci vetus aula tyranni,
exulis et toto raptati saepe profundo.
[660] plurima praeterea consurgunt gurgite saxa,
quae protentus aquas Achelous pulcher oberrat;
Amnisusque dehinc alias circumfluit unda,
quae tamen in borean vergunt magis; Aegila parva
et procera caput turgescunt pulchra Cythera;
eminet hic etiam saxosa Calauria iuxta;
Carpathus hic rupes attollitur: haec tamen axem
respicit occiduum. nutrix hic Creta tonantis,
multa latus, glebamque ferax et opima virentum
erigitur pelago. Cretam super astitit Ida,
[670] Ida procellosis agitans aquilonibus ornos.
nec procul Aegyptum Rhodus adiacet, adiacet oram
Suniados, qua se protendit caespes Abantum,
fertilis Aeginae tellus, et opima Salamis.
lucis ab exortu, Pamphylia qua cavat aestum
prolabentis aquae, Cyprus alta cingitur unda,
adque Dionaei pulsatur litoris acta.
inde Chelidoniae tris sese gurgite tollunt,
qua frons tenta salo Patareidis eminet arcis.
laeta dehinc Aradus Phoenicum praeiacet oram,
[680] multus ubi exesae sinus est telluris ab alto,
ac latus omne soli procul in dispendia cedit
litoris, et curvo praelambitur ora fluento.
mirus at ille dehinc Aegaei gurges habetur,
qui gemina de parte sali velut ordine fisso
saxa mari profert circumflua, tenuia sese
areta praecipitant Athamantidis inclyta leto:
Sextus ubi atque Abydus parvo sale discernuntur,
et vicina sibi lambit confinia pontus.
pars procul Europae laevum latus, altera porro
[690] ditem Asiam spectat: cunctae tamen ordine facto
insulae in arctoi procedunt plaustra Bootis.
En parcourant de nouveau la mer Ionienne aux ondes azurées, en dirigeant notre barque vers le lever de l'aurore, nous trouverons aussitôt les rochers et les îles nombreuses d'Absyrte. C'est là que l'inquiétude, le dévouement d'un père amena les habitants de Colchos à la recherche de sa fille insensée d'Éetès. Non loin de là les Liburnides apparaissent sur la surface de la mer Ionienne. Après avoir dépassé les roches Cérauniennes, funestes aux navigateurs, si nous dirigeons nos voiles vers le Notus, vers les régions qu'échauffe un soleil plus ardent, nous rencontrerons sur-le-champ les îles escarpées des Ambraciotes ; Corcyre, la patrie d'Alcinoüs, nous étalera ses rivages, la belle Corcyre, Corcyre aux riches sillons. Plus loin se trouve Ithaque, antique demeure de ce roi que l'exil trama longtemps sur toutes les mers. Un grand nombre de rochers s'élèvent aussi devant la vaste embouchure du bel Achéloüs ; les eaux de l'Amnisus embrassent d'autres îles, mais elles sont situées plus au nord. La petite île d'Aegyle et la belle Cythère à la tête altière dominent les ondes ; près de là se dressent, les rochers de Calaurie, ceux de Carpathos ; cette dernière cependant est plus l'occident. Dans ces parages se trouve la Crète, nourrice du dieu de la foudre ; elle élève au-dessus de la mer ses vastes et fertiles campagnes, ses verdoyants sommets. L'Ida domine la Crète, l'Ida agitant sans cesse ses frênes battus par les orageux Aquilons. Près de là se trouvent, Rhodes non loin de l'Egypte, et vers le cap Sunnium, vers le pays des Abantes, le sol fertile d'Égine et la riche Salamine. À l'orient, aux lieux où la Pamhhylie se creuse en se retirant devant la mer, Cypre est entourée d'eaux profondes, qui battent sans cesse ce rivage aimé de Dioné. Plus loin les trois îles Chélidoniennes s'élèvent au-dessus des eaux, au milieu desquelles s'avance le promontoire de Patare. Puis la fertile Aradus s'étend, devant la Phénicie. Les flots rongent ses rivages et en découpent les contours et les fréquentes sinuosités, autour desquelles la mer serpente en les léchant. La mer Égée offre un singulier aspect : sur ses deux cotés elle présente comme deux rangs de rochers entourés par la mer, jusqu'aux lieux où se précipitent les eaux du détroit fameux par la mort de la fille d'Athamas. C'est là qu'un étroit canal sépare Sestos et Abydos ; et que la mer baigne cieux côtes rapprochées. Une partie de ses îles regarde le côté gauche de l'Europe, l'autre les riches campagnes de l'Asie ; toutes cependant s'avancent en ordre vers le char du Bouvier, le gardien de l'Ourse.

Europam incumbit prolixus limes Abantum.
Scyrus ibi late dorsum tumet, ac Peparethum
protollit pelagus. iuxta Vulcania Lemnos
erigitur, Cererique Thasus dilecta profundo
proserit albenti se vertice: prominet Imbrus,
Thressaque consurgit propter Samus: indeque rursum
Cyclades accedunt Asiam, Delumque coronant.
omnes fatidico curant sollemnia Phoebo.
[700] nam cum vere novo tellus se dura relaxat,
culminibusque cavis blandum strepit ales hirundo,
gens devota choros agitat, gratique sacrato
ludunt festa die, visit sacra numen alumnum.
L'île allongée des Abantes s'appuie sur l'Europe. Là Scyros soulève son vaste dos et Peparethus semble sortir de la mer. Dans le voisinage s'élève Lemnos, l'île de Vulcain, et Thasos, aimée de Cérès, dégage des eaux profondes sa tête blanchâtre ; puis apparaissent Imbros et auprès d'elle Samothrace ; plus loin les Cyclades se rapprochent de l'Asie et couronnent Délos. Toutes célèbrent des fêtes annuelles en l'honneur d'Apollon qui leur révèle l'avenir. Lorsqu'au printemps la terre ouvre ses pores resserrés par le froid, et que dans les trous des toits l'hirondelle fait entendre son cri joyeux, les pieux adorateurs d'Apollon forment des choeurs de danse, et dans leur reconnaissance honorent par des jeux ce jour solennel ; le dieu qu'ils adorent vient recevoir leurs hommages.

Hinc Sporades crebro producunt caespite sese
densa serenato ceu splendent sidera caelo.
nec minus attolluntur Ionides insulae ab alto.
hic iuxta Caunus, Samus hic Saturnia iuxta,
tumque Chius patulae prospectans arva Pelinae.
Lesbus item et Tenedus per aperti marmora ponti
[710] expediunt arces, et culmina nubibus indunt.
hinc se piscosi pandit sinus Hellesponti.
hic salis arctoi spumas vomit impiger aestus,
hic protenta quatit late freta glauca Propontis.
siquis laeva dehinc Euxini marmora sulcet,
ora Borysthenii qua fluminis in mare vergunt,
e regione procul spectabit culmina Leuces.
Leuce cana iugum, Leuce sedes animarum:
nam post fata virum semper versarier illic
insontes aiunt animas; ubi concava vasto
[720] cedit in antra sinu rupes, ubi saxa dehiscunt
molibus exesis, et curvo fornice pendent.
haec sunt dona piis: sic illos Iuppiter imis
exemit tenebris, Erebi sic inscia virtus.
De l'autre côté les Sporades élèvent leurs pics aussi nombreux que les étoiles qui brillent dans un ciel serein. D'autres îles sortent aussi des mers qui baignent l'Ionie, Là, se trouvent réunies Caunus, Samos, l'île de Saturne, et Chios vis-à-vis les campagnes que domine la vaste Pelina. Lesbos et Ténédos se dressent au milieu des eaux : leurs sommets se cachent dans les nues. Plus loin l'Hellespont étend ses ondes poissonneuses ; là, une mer toujours agitée vomit les eaux écumantes du Nord, et la Propontide bat ces vastes rivages de ses flots d'azur. Que le voyageur s'élance à gauche et sillonne le marbre de l'Euxin vers les parages où le Borysthène tourne son embouchure vers la mer, il apercevra de loin les hauteurs de Leucé, Leucé aux blancs sommets, Leucé l'asile des âmes : car on dit qu'après la mort les âmes des justes habitent dans ces lieux, où les rochers se creusent pour former de vastes grottes, et, rongés par les eaux, s'entrouvrent et s'arrondissent en voûte. C'est un asile donné aux âmes innocentes ; c'est ainsi que Jupiter les affranchit des ténèbres de l'enfer, et que l'Érèbe est un lieu toujours inconnu pour la vertu.

Rursum Cimmerius qua Bosphorus ora patescit,
dexterior ponto subit insula, vastaque late
excedit moles pelagus: sedet eminus ingens
Phaenagore, et muros attollitur Hermonassa.
Devant l'embouchure du Bosphore Cimmériens une île s'avance à droite dans la mer et dépasse les eaux de sa, masse énorme : on aperçoit de loin la grande Phénagoré et les murailles d'Hermonassa.

haec maris infusi consurgunt insulae ab alto.
exterior quis unda dehinc, circumfluus et quis
[730] aestuet Oceanus, quibus illae flatibus omnes
culmina pulsentur, memores date carmine musae.
Propter Atlantei tergum salis Aethiopum gens
Hesperides habitant; dorsum tumet hic Erythiae,
hicque Sacri, sic terga vocat gens ardua, montis:
nam protenta iugum tellus trahit: hoc caput amplae
proditur Europae: genetrix haec ora metalli,
liventis stagni venas vomit: acer Hiberus
hic freta veloci percurrit saepe phaselo.
eminus hic aliae gelidi prope flabra aquilonis
[740] exsuperant undas et vasta cacumina tollunt.
hae numero geminae, pingues sola, caespitis amplae,
conditur occidui qua Rhenus gurgitis unda,
dira Britannorum sustentant agmina terris.
hic spumosus item ponti liquor explicat aestum,
et brevis e pelago vertex subit: hic chorus ingens
producit noctem ludus sacer: aera pulsant
vocibus, et crebris late sola calcibus urgent.
non sic Absynthi prope flumina Thracis almae
Bistonides; non, qua celeri ruit agmine Ganges,
[750] Indorum populi stata curant festa Lyaeo.
Telles sont les îles qui s'élèvent dans la mer intérieure. Il faut énumérer maintenant, celles qu'entoure la mer extérieure, celles contre lesquelles bouillonne l'océan ; il faut dire à quels vents elles sont exposées : déesses de mémoire, ô Muses, c'est à vous de me l'apprendre. Près de la mer Atlantique, une race d'Éthiopiens habite les îles des Hespérides : là, s'élèvent les sommets d'Erythea et du mont Sacré, c'est ainsi que les habitants appellent le promontoire escarpé que forme la terre en se prolongeant au milieu des flots : c'est la tête de l'immense Europe. Cette terre, comme une mère féconde, fait sortir de son sein de riches mines d'étain blanchâtre : l'ardent Ibère parcourt souvent ces parages sur sa barque rapide. Plus loin, près des lieux d'où s'élance le souffle glacé de l'Aquilon, deux îles dominent les ondes de leurs vastes sommets. Leur sol est fertile, leur étendue considérable ; situées dans les parages où le Rhin va se perdre dans les eaux de l'océan Occidental, elles nourrissent les races féroces des Bretons. Là, au milieu des flots écumants d'une vaste mer, une petite île sort du milieu des eaux : des choeurs nombreux de femmes y célèbrent les fêtes du beau Bacchus ; ces jeux sacrés se prolongent dans la nuit. Elles frappent l'air de leurs cris, et font retentir la terre du bruit répété de leurs pas. Ni les femmes des Bistoniens près du fleuve Absinthe en Thrace, ni les Indiens qui habitent les bords du Gange aux flots impétueux, n'observent avec autant de zèle les fêtes instituées en l'honneur de Bacchus.

longa dehinc celeri siquis rate marmora currat,
inque Lycaonias cumbam procul urgeat arctos,
inveniet vasto surgentem vertice Thulen.
hic cum plaustra poli tangit Phoebeius ignis,
nocte sub illustri rota solis fomite flagrat
continuo, clarumque diem nox aemula ducit.
nam sol obliquo torquetur cardine mundi,
directosque super radios vicinior axi
occiduo inclinat, donec iuga rursus anhela
[760] devexo accipiat caelo notus. inde fluenta
tenduntur Scythici longe maris in facis ortum
Eoae: tum coeaneis erepit ab undis
insula, quae prisci signatur nominis usu
aurea, quod fulvo sol hic magis orbe rubescat.
Si nous dirigeons maintenant notre esquif rapide à travers une grande étendue de mer, vers l'Ourse, fille de Lycaon, nous verrons s'élever le vaste sommet de Thulé. Là, quand les feux d'Apollon s'approchent du Chariot voisin du pôle, la roue de son char illumine les nuits de sa flamme qui ne s'éteint pas, et la nuit, rivalisant avec le jour, apporte aussi sa lumière. C'est que le soleil parcourt au-dessus de la terre une route oblique, et qu'allant mourir vers les contrées septentrionales, il y laisse tomber directement ses rayons, jusqu'au moment où son attelage haletant redescend vers les lieux où les reçoit le Notus. Près de là la mer de Scythie étend ses ondes vers les contrées où naît l'aurore : là se soulève au-dessus des ondes bleues l'île connue de tout temps sous le nom d'île Dorée, parce que dans ces parages l'orbe du soleil s'y colore d'un rouge éclatant.

Contemplator item, ceu se mare flectat in austrum,
inque notum Oceanus freta ponti caerula curvet:
altaque Coliadis mos hic tibi dorsa patescent
rupis, et intenti spectabis caespitis arces.
pro quibus ingenti consistens mole per undas
[770] insula Taprobane gignit taetros elephantos,
et super aestiferi torretur sidere cancri.
haec immensa patet, vastisque extenditur oris
undique per pelagus: latus autem protinus olli
agmina cetosi pecoris, vaga monstra profundi,
alludunt: fervent Erythraei marmora ponti
tota feris: haec, ut rigidi iuga maxima montis,
nubibus attollunt latus omne, et terga tumescunt:
instar in his rupis spinae tenor arduus astat,
molibus in celsis scrupus quoque creber inhorret.
[780] a! nequis rapidi subvectus gurgitis unda
haec in terga sali lembum contorqueat umquam:
a! ne monstrigenis, hostem licet, inferat aestus
fluctibus: immodici late patet oris hiatus
quippe feris, antro panduntur guttura vasto;
protinus haec ipsas absorbent fauce carinas,
involvuntque simul mox monstra voracia nautas.
Voyez comme la mer se tourne du côté de l'Auster, et comme l'Océan courbe vers le Notus ses flots d'azur ; bientôt s'étendront à vos yeux les sommets du mont Colias, et un vaste et verdoyant plateau. Devant ces hauteurs assise sur sa base immense, l'île de Taprobane nourrit de sauvages éléphants, et est brûlée par les feux du Cancer enflammé. Cette île, d'une grandeur considérable déploie sur les mers ses rivages spacieux. Dans ces eaux se jouent de grands poissons, habitants terribles de ces parages : là mer Érythrée est sillonnée en tous sens par des monstres marins ; ils lèvent vers les nues leurs flancs et leur dos énorme. Comme une montagne escarpée ? leur épine dorsale se prolonge comme une roche élevée, et leur immense surface est hérissée de nombreuses écailles. Ah ! qu'aucun navigateur, porté sur le gouffre impétueux des mers, ne dirige sa barque vers ces parages ! ah ! fût-il mon ennemi, puissent les flots ne jamais l'amener au milieu de ces eaux peuplées de monstres ! leur gueule immense et toujours béante ouvre de vastes profondeurs, toujours prêtes à engloutir les vaisseaux eux-mêmes et à dévorer avec eux les matelots.

Ogyris inde salo promit caput, aspera rupes,
Carmanis qua se pelagi procul invehit undas;
regis Erythraei tellus haec nota sepulchro
[790] tenditur, et nudis iuga tantum cautibus horrent.
La roche escarpée d'Ogyris élève sa tête au-dessus des eaux, au milieu desquelles s'avance la Carmane : cette terre, illustrée par le tombeau du roi Èrythrée, étend une longue chaîne de roches nues et hérissées.

Persicus hinc aestus fauces hiat: insula rursum,
si tamen in borean flectantur carbasa cumbae,
Icarus aerio consurgit vertice in auras,
Icarus ignicomo Soli sacra; namque Sabaei
turis ibi semper vaga fumum nubila volvunt.
Le golfe Persique ouvre plus loin sa vaste étendue ; si nous tournons nos voiles vers Borée; nous verrons surgir dans les airs le sommet d'Icarus, l'île du Soleil aux cheveux de flamme ; toujours au-dessus de cette île roulent çà et là des nuées d'encens sabéen.

Insulae in Oceani procursibus hae tibi tantum
carmine sunt dignae: multas vehit undique pontus
praeterea, parvas specie, famaque carentia
pars Asiam, Libyam pars adiacet altera ponto,
[800] pars videt Europam: non has tamen aut modus orae,
aut interna cavi commendat vena metalli.
harum aliae duris reserant vis litora nautis,
et scaber in multis scrupus riget; undique iniquus
surrigitur vertex, et inhospita caespitis orast.
harum quis valeat numerosa ut nomina fari ?
si velit hoc ullus, velit idem scire quot alto
curventur fluctus pelago, quot sidera caeli
educant flammas, quot robora proferat Ida,
quantus harenarum numerus versetur ab euro.
Ces îles sont les seules, dans toute l'étendue de l'Océan, qui soient dignes de trouver place dans ce poème ; la mer en porte encore beaucoup d'autres à sa surface, mais elles ont peu d'apparence. Les unes vont dans les mers qui baignent l'Asie, les autres dans les eaux de la Libye, d'autres enfin regardent les rivages de l'Europe ; ni leur étendue, ni la richesse des mines recelées dans leurs flancs, ne les recommande à notre attention. Plusieurs d'entre elles laissent à peine accès aux hardis matelots sur leurs côtes hérissées d'âpres rochers ; leurs rivages inhospitaliers se défendent de tous côtés par des escarpements inaccessibles, Qui pourrait nommer des îles aussi nombreuses ! l'essayer, ce serait tenter de compter les flots qui se courbent sur les mers, les astres qui brillent dans les cieux, les chênes que produit l'Ida, les grains de sable que soulève l'Eurus.

[810] Carmine nunc Asiam formet stilus: incute doctam,
Phoebe, chelyn! totis Helicon aspiret ab antris.
maxima pars orbis narrabitur; inclyta tellus
prometur musis. terrarum summa duarum
unius est limes, quae caespite protegit ambas.
vastius ast Asiae diti caput, indeque sensim
in matutinos oram conducitur axes.
hic astare procul Bacchi fert fama columnas,
ultimus Oceani qua terras alluit aestus,
Indica qua rupes tumet extima, quo vaga Ganges,
[820] caespite dorsa trahens in Nysaeum Platamona
porrigitur. similis nequaquam est forma duabus,
nec modus est compar: secat unus denique pontus
Oceanus, trinoque sinu vagus influit aestus
unam Asiae molem: sinus istam Persicus intrat,
maximus hanc Arabum scindit sinus, et sinus aequor
inserit Hyrcanus: duo nigri partibus austri
curvantur, rigidam suspectat tertius arcton:
hic et in Euxini prorepit marmoris undam,
et zephyrum tergo spectat procul: adiacet ambos
[830] tellus multa dehinc, et longis tenditur arvis.
ast Asiam incumbit vasto mons aggere Taurus,
interstatque iugo mediam, Pamphylia campo
qua iacet, incipiens, ac verticis ardua ducit
Indorum in pelagus: nunc autem surrigit idem
obliquas arces et flexilis aera pulsat;
nunc directa solo tentus vestigia figit.
mille dehinc amnes unus vomit, exerit unus
flumina per terras, vel qua riget ora Bootis,
vel qua lene notus spirat, qua perstrepit eurus,
[840] et qua deiecto zephyrus sustollitur axe.
nec tamen hic uno signatur nomine ubique,
sed dum flectit iter, novus emicat; utque tumenti
gens vicina subest, peregrina vocabula mutat.
Maintenant c'est l'Asie que vont décrire mes vers ; ô Phébus ! soutiens mes chants des accords de ta lyre, et que le souffle poétique me vienne de tous les antres de l'Hélicon. Je vais parler de la plus vaste partie du monde : les Muses vont vous faire connaître cette contrée fameuse. L'Asie est à elle seule la limite des deux autres parties de l'univers, elle les domine, toutes deux de ses plateaux. C'est du côté où elle commence que l'Asie a le plus d'étendue, et peu à peu elle se rétrécit en s'éloignant vers les lieux où naît le jour. La renommée place les colonnes de Bacchus dans ces contrées lointaines, ces extrémités du monde, que baignent les flots de l'Océan, où s'élèvent les derniers rochers des Indes, où le Gange traîne à travers les campagnes ses eaux vagabondes vers le Platamon de Nyssa. L'Asie ne ressemble ni pour la forme ni pour l'étendue aux deux autres contrées : une seule mer sépare l'Europe et la Libye ; l'Océan, au contraire, forme autour de l'Asie, un grand nombre de mers retentissantes, et ses eaux vagabondes en font pénétrer trois dans cette seule contrée : le golfe Persique entre dans ses flancs ; elle est coupée encore par la vaste mer des Arabes ; enfin, la mer d'Hyrcanie y introduit ses eaux : deux de ces mers roulent leurs flots vers l'Auster aux noires tempêtes ; la troisième est tournée vers les climats rigoureux de l'Ourse ; cette dernière s'étend aussi vers les eaux calmes de l'Euxin, et son extrémité regarde le Zéphyr. Près de ces deux mers se déploient d'immenses campagnes, de vastes contrées. L'Asie voit s'élever la chaîne gigantesque du Taurus, qui la coupe par le milieu : il commence aux plaines de la Pamphylie, et prolonge ses pics élevés jusqu'à la mer des Indes. Tantôt sa chaîne décrit des sinuosités et s'élève dans les airs en faisant mille détours ; tantôt dans sa marche elle suit invariablement une ligne droite. À lui seul le Taurus vomit un grand nombre de fleuves, seul il répand des rivières sur toutes les contrées voisines, dans la direction du Bouvier, vers les tièdes contrées du Notus, vers l'Eurus mugissant, enfin vers les lieux où le Zéphyr voit mourir le jour. Cependant il ne s'appelle pas partout de même ; mais à chaque détour qu'il fait, c'est une nouvelle montagne, et, selon les nations qui habitent près de ses hauteurs, il prend un nom nouveau.

Accipe, qui populi circumdent denique Taurum.
Maeotae primi salsam cinxere paludem.
obversatur item trux Sarmata, bellica quondam
gentis Amazonidum suboles: nam cum prius illae
egissent vasti prope flumina Thermodontis
Threicio de Marte satae, iunxere profectae
[850] concubitus: longas exercet Sarmata silvas:
ex quibus elapsus Tanais procul arva pererrat
barbara, et in salsam protendit terga paludem.
hic Asiam Europa disterminat. arduus istum
Caucasus eructat: Scythicos hic fusus in agros
impacatorum nutrit pubem populorum.
huius utrumque latus quatit amplis bruma procellis,
constrictumque tenent hunc frigora. proxima rursus
Cimmerii Sindique colunt: Cercetia gens est
adque Toretarum propter genus: indeque Achaei,
[860] ab Xanthi ripis atque Idaeo Simoente,
inter chauricrepas et scruposas convallis,
transvexere larem. iuxta gens aspera degit
Eniochi, Zygique dehinc, qui regna Pelasgum
linquentes, quondam tenuerunt proxima ponti.
impiger hos propter Colchus colit: iste feraci
exul ab Aegypto celsae serit aspera rupis:
Caucasus Hyrcanae nimium conterminus undae
huius valle procul Phasis gemit, istius antro
agmina provolvit, Circaeaque lapsus in arva
[870] incidit, Euxinum. borealis cardine caeli
rursus in eoae lucis confinia tellus
inclinata iacet, gemino vicina profundo.
Caspia nam late terram super alluit unda,
Euxinique subest tergum salis: asper Hiberus
hic agit: hic olim Pyrenide pulsus ab ora
caespitis eoi tenuit sola, ceu vaga saepe
fors rapit exactos patria: tenet aequora campi
gens Camaritarum, qui post certamina Bacchum,
Indica Bassaridum cum duceret agmina victor,
[880] accepere casis, mensasque dedere Lyaeo:
orgia ludentes et nebride pectora cincti
deduxere choros, Nysaei ludicra ritus.
hos super in fluctus adsurgit Caspia Tethys.
Voici les peuples qui environnent le Taurus. Les Méotes entourent les marais salés qui portent leur nom ; près d'eux se rencontre le farouche Sarmate, race belliqueuse descendue des Amazones : celles-ci, filles de Mars, le dieu de la Thrace, habitaient d'abord sur les rives du vaste Thermodon, elles quittèrent ce pays, et prirent des époux ; le Sarmate habite de grandes forêts, d'où s'échappe le Tanaïs pour parcourir des contrées barbares, et aller verser ses eaux dans le Palus-Méotide. Ce fleuve sépare l'Europe de l'Asie : il s'élance des pics élevés du Caucase, et, répandu dans les champs de la Scythie ; il nourrit une race belliqueuse. Ses deux rives sont battues par de fréquentes tempêtes, et le froid enchaîne ses eaux. Dans le voisinage habitent les Cimmériens et les Sindes, les Cercètes et les Torètes, et, plus loin, des Achéens, venus des rives du Xanthe et du Simoïs ; voisin de l'Ida, et qui transportèrent leurs pénates dans ces vallées rocailleuses où le Caurus fait entendre ses sifflements ; à côté d'eux habite la rude nation des Hénioques, puis les Zygies, qui abandonnèrent jadis les royaumes des Pélasges pour s'établir sur le littoral du Pont. Colchos nourrit prés de là, ses colons infatigables ; exilés de la fertile Égypte, ils sont venus ensemencer des roches âpres et escarpées. Le Caucase est très voisin de la mer d'Hyrcanie. Dans une de ses vallées gémissent les eaux du Phase, sorti d'une de ses cavernes, et qui, roulant ses flots à travers les champs de Circé, va se jeter dans l'Euxin. Cette contrée s'étend des régions boréales en s'inclinant vers l'orient ; elle est bordée par deux mers : la mer Caspienne la baigne au nord, et au-dessous d'elle s'étend le Pont-Euxin. C'est là qu'habite le sauvage Hibère : chassé autrefois des contrées voisines des Pyrénées, il est venu chercher une patrie en Orient ; ainsi le sort traîne souvent les exilés de pays en pays. La nation des Camarites habite ces plaines ; lorsque après ses combats Bacchus conduisait en triomphe des choeurs de bacchantes indiennes, ces peuples le reçurent dans leurs cabanes, et offrirent leurs tables au dieu du vin ; la poitrine couverte d'une peau de chevreuil, et célébrant les orgies sacrées, ils formèrent des choeurs de danse selon les rites de Nyssa. Au-dessus d'eux la mer Caspienne soulève ses flots.

Haec dicenda mihi; nec diri gurgitis umquam
lustravi pinu freta barbara, nec vagus orbem
undique reptavi: sed vasti flumina Gangis,
Caucaseas arces et dumicolas Arienos
incentore canam Phoebo, musisque magistris
omnia veridico decurrens carmine pandam.
C'est d'elle que je vais maintenant parler. Je n'ai point sur un vaisseau parcouru les mers barbares, aux gouffres dévorants, je n'ai point traîné mes pas errants dans tout l'univers ; mais Phébus me donne le ton, les Muses m'instruisent, et je chanterai le vaste courant du Gange, les sommets du Caucase, et les Ariens qui habitent au milieu des broussailles ; voilà ce que mes vers vont décrire avec exactitude.

[890] Caspia per teretes Tethys distenditur oras,
et sinuant curvis hanc totam litora terris.
tantum sed fuso pontus iacet iste profundo,
ut ter luna prius reparet facis incrementa,
quam quis caeruleum celeri rate transeat aequor.
gurgitis Oceanus pater est: namque iste nivalis
axe Helices infert rapidi freta concita ponti,
et sinus inde sibi pelagus trahit: hic vada propter
Caspia versatur Scytha belliger; hicque feroces
degunt Albani: trux illic arva Cadusus
[900] dura tenet, Mardi celeres, Hyrcani, Apyrique.
caespite vicino Mardus fluit, et procul ipsos
accedit Bactros; attingens denique atroces
agmine Dercebios, medius disterminat ambos,
Hyrcanique salis tumido convolvitur aestu.
sed Bactrena solo vasto procul arva recedunt,
Parnassique iugi tegitur gens rupibus illa:
Dercebios aliud cohibet latus et vada tangit
Caspia: tum clari pharetris agilique sagitta
Massagetae rauci succedunt flumen Araxis:
[910] durum ab stirpe genus, placidae mens nescia vitae,
ignorant flavae Cereris commercia, Bacchi
semper inexpertes animam traxere ferinam.
his cibus et potus simul est: nam sanguen equinum
et lac concretum per barbara guttura sorbent.
nec procul ad borean diri posuere Chorasmi
hospitia, et iuxta protendit Sugdias agros,
Sugdias, ingenti quam flumine dissicit Oxus.
hic procul Hemodii late ruit aggere montis,
et per prolixos evectus protinus agros
[920] Caspia propellit fluctu freta: qua patet huius
fluminis os, diri ripas habitant Iaxartae.
tendere non horum quisquam certaverit arcus:
ambitus hos etenim multus trahit, et grave curvis
pondus inest taxis, longo sunt spicula ferro,
et rigor in nervis veluti bovis. inde cruenti
sunt Tocari, Phrurique truces, et inhospita Seres
arva habitant, gregibus permixti oviumque boumque
vellera per silvas Seres nemoralia carpunt.
ultima Epetrimos tellus habet: et procul ista
[930] cassa virum est, nullis pecorum balatibus agri
persultant; herbae viduus iacet undique caespes,
fronde caret; nusquam terras intersecat amnis.
Caspia tot late circumdant aequora gentes.
La mer Caspienne s'étend entre des rivages arrondis, dont les nombreux détours découpent dans toute sa longueur de continuelles sinuosités. Son étendue est assez grande pour que la lune puisse trois fois se renouveler avant qu'un vaisseau rapide en ait traversé les ondes azurées. L'Océan en est le père ; il entraîne vers ces contrées les flots impétueux formés par les neiges de l'Ourse ; c'est de là que ce golfe tire ses eaux. Près de la mer Caspienne se trouvent le Scythe belliqueux, le fier Albanien. Dans cette rude contrée habitent aussi les farouches Cadusiens, les Mardes rapides, les Hyrcaniens, les Apyres. Dans le pays voisin coule le Mardus, qui se rapproche des Bactriens et touche aux Dercébiens indomptables ; il coule entre ces deux peuples qu'il sépare, et va rouler ses ondes au milieu des eaux soulevées de la mer d'Hyrcanie. Les champs des Bactriens s'étendent au loin, et cette nation est protégée par les rochers du mont Parnasse : l'autre rive du Mardus est la limité des Dercébiens et touche à la mer Caspienne. Les Massagètes fameux par leurs carquois et leurs flèches rapides, habitent les bords de l'Araxe mugissant ; c'est une race dure, une vie calme leur est inconnue ; ils ne connaissent point les dons de la blonde Cérès, et, toujours étrangers aux plaisirs de Bacchus, ils mènent une vie sauvage ; un seul mets satisfait à la fois leur soif et leur faim : ces barbares avalent du sang de cheval mêlé à du lait caillé. Près de là, vers le Nord, se sont établis les cruels Chorasmes, et à côté la Sogdiane étend ses campagnes, que divise le large courant de l'Oxus. Ce fleuve s'élance de la chaîne de l'Emodus au milieu des plaines, et, roulant à travers des champs immenses, il refoule de ses flots ceux de la mer Caspienne ; près de l'endroit où il va se perdre clans la mer, habitent les cruels Iaxartes. Personne ne saurait tendre leurs arcs ; ces arcs sont d'une grande dimension ; ce sont des ifs recourbés et très pesants ; leurs traits sont armés d'un long fer, et leurs cordes sont roides comme un nerf de boeuf. Plus loin sont les sanguinaires Tochares, les Phrures farouches ; les Sères habitent des contrées inhospitalières, et, confondus avec leurs troupeaux de brebis et de boeufs, ils recueillent au milieu de leurs forêts le duvet qu'ils trouvent sur les arbres. Les Épétrimes sont le dernier peuple de cette contrée ; plus loin il n'y a plus d'habitants, les champs ne résonnent plus des bêlements des troupeaux ; ce n'est plus partout qu'une terre sans herbes, sans arbres, sans cours d'eau. Telles sont les nations qui de près ou de loin entourent la mer Caspienne.

Nunc rursum ab Colchis et glauci Phasidis undis
occiduum ad solem populos memorate, camenae,
usque in Threicii fauces maris! aspera primum
Byzeron est gens: diri sunt inde Bechires,
Macrones, Phyliresque et pernix Durateum gens.
inde Tibareni, Chalybes super, arva ubi ferri
[940] ditia vulnifici crepitant incudibus altis.
post hos Assyriae tenduntur iugera terrae,
Armenioque iugo late surgens Thermodon
erigitur celsa in fastigia prisca Sinope.
hanc urbem quondam, magni Iovis ardor, Asopis
virgo, locans saevae propter confinia terrae,
aulam habuit, plebemque suo de nomine dixit.
nec procul hinc purus laticem provolvitur Iris;
et citus Armeniae cursum convallibus arcis,
qua vastum in pelagus vergit saxosa Carambis,
[950] urget Halys: tum Paphlagonum sata longa patescunt,
et Mariandinon gens incolit, unde triformis
ora canis superas quondam produxit in auras
Alcides Erebo: propter Bithynia glebam
exerit: hic late Rhebas extenditur amnis,
Rhebas, coeanei qui dissicit aequora ponti,
Rhebas, argento similem qui porrigit undam.
hi pontum cingunt populi. nunc illa canatur
ora Asiae, glaucus pelagi quam subluit aestus,
axe noti in fauces rapidi procul Hellesponti,
[960] et freta qua spumant Aegyptia partibus austri,
usque Arabas et longa Syrae confinia terrae.
dictum etenim, quantus rigidas Scytha degat ad arcto.
Maintenant, ô Muses, dites-nous tous les peuples situés depuis la Colchide, et les eaux bleuâtres du Phase jusqu'à l'Occident, jusqu'à la mer de Thrace ! C'est d'abord la nation sauvage des Byzères ; puis les cruels Béchires, les Macrons, les Philyres, et les Duratéens aux pieds rapides ; ensuite les Tibarènes, au-dessus les Chalybes, où la terre qui produit en abondance le fer meurtrier, retentit du bruit des enclumes. Près de ces peuples s'étendent les plaines de l'Assyrie ; échappé des montagnes d'Arménie, le Thermodon baigne les campagnes habitées jadis par les Amazones ; près de là s'élève la tête altière de l'antique Sinope. La fille d'Asopus, ardemment aimée de Jupiter, fonda jadis cette ville sur les limites d'une terre barbare ; elle y fit son séjour, et donna son nom à son peuple. Près de là, l'Iris roule le cristal de ses eaux, et vers l'endroit où les rochers de Carambis s'avancent dans la vaste mer, l'Halys vient précipiter ses ondes rapides après avoir parcouru les vallons de la montagneuse Arménie. Là se déploient les campagnes de la Paphlagonie ; c'est dans ce pays qu'habite la nation des Mariandynes, et qu'Alcide autrefois traîna des bords de l'Érèbe à la lumière du jour le chien aux trois gueules menaçantes. Près de là se trouvent les champs de la Bithynie. Le fleuve Rhébas y développe son vaste courant, le Rhébas qui vient fendre les eaux bleues du Pont-Euxin, le Rhébas qui roule des eaux brillantes comme l'argent. Tels sont les peuples qui bordent le Pont-Euxin. Décrivons maintenant les pays de l'Asie que baigne la mer azurée, depuis le Notus jusqu'au canal du rapide Hellespont, et les mers qui écument vers l'Auster du côté de l'Égypte, jusqu'à l'Arabie et aux vastes confins de la Syrie : nous avons énuméré toutes les peuplades scythiques qui habitent vers l'Ourse glacée.

Calchedon tumulus fluctu circumdatus alto
eminus Europam proceraque moenia Byzae
aspicit: ab tergo tendit Bebrycia glebam,
celsaque nubiferae sustollit culmina rupis
Mysus ager: Mysos tacitum diffusus in aequor
tergaque flavescens sulcat Cius: huius ad undam
pulcher Hylas nymphis quondam fuit anxia cura.
La colline de Chalcédoine entourée par une mer profonde regarde de loin l'Europe et les remparts élevés de Byzance ; la Bébrycie s'étend derrière elle, et la Mysie porte jusque dans la région des nuages la cime hautaine de ses rochers. La rivière de Cius promène à travers la Mysie ses eaux silencieuses et sa surface jaunâtre ; c'est près de son onde que le bel Hylas excita l'ardent amour des Nymphes.

[970] Hinc in caeruleum cedit sinus Hellespontum,
explicat et Phrygiam tellus incurva Minorem;
maior Sangario late praestringitur amni.
haec procul eoos procedit plurima in axes,
fertilis herbarum: qua caelum rursus in umbras
inclinat vertex, panduntur terga Minori,
quae iacet immensae late sub rupibus Idae,
infortunatam pertingens caespite Troiam.
La mer resserre ensuite ses eaux azurées dans le canal de l'Hellespont : c'est là que la petite Phrygie dessine un coude au bord des flots. La grande Phrygie est arrosée par le vaste courant du Sangarius ; elle étend ses fertiles prairies bien loin vers l'Orient. À l'opposé, vers les lieux où disparaît la lumière, la petite Phrygie étale ses campagnes sous les rochers de l'immense Ida, et touche aux ruines de la malheureuse Troie.

Aeolis inde patet vastum super Hellespontum
Aegaei per terga sali. prolixus Ionum
[980] rursus ager glebam protenditur: hunc secat ingens
Maeander, salsique ruens vada gurgitis intrat.
comminus hic gelidi qua spirant flabra aquilonis,
urbs Ephesus tetricae sustollit fana Dianae,
munus Amazonidum memorabile; nec minus inde
Lydia procedens longum latus explicat euro:
in qua vitiferae Molus iuga proserit arcis,
Et Pactolus aquas agit auriger, arva canoris
persultant cygnis, curva sedet undique ripa
creber olos, laetis adsurgunt gramina campis,
[990] herbaque luxurians sola semper pinguia vestit.
sed locuplete magis Maeandria gleba recumbit
ubere, nam blandi terram rigat unda Caystri.
Maeonis hic etiam deducit turba choreas:
aurea subnectunt haec vincula, ritus Iaccho
luditur, atque sacris feriunt ululatibus aethram;
virgineusque chorus late strepit, exilit omnis
coetus, ut instabiles vaga pendent corpora dammae:
Chaurorum quoque flabra deo famulantia ludunt
ritibus in vulgi; subeunt haec serica saepe
[1000] pallia, et impulsi zephyris agitantur amictus.
haec linquenda tamen laeto reor omnia Lydo.
En quittant le vaste Hellespont, on voit s'étendre l'Éolide sur les bords de la mer Égée. Plus loin se développent les campagnes des ioniens ; le grand fleuve du Méandre les sillonne de ses eaux, qu'il va précipiter dans la mer. Près de là, du côté où souffle l'Aquilon glacé, s'élève dans la ville d'Éphèse un temple consacré à l'austère Diane, offrande fameuse dés Amazones. La Lydie déploie ensuite son large flanc au souffle de l'Eurus. C'est là que le Tmolus prolonge ses coteaux couverts de vignes, que le Pactole roule dans ses eaux des paillettes d'or, que les prairies retentissent du chant des cygnes : un grand nombre de ces oiseaux se tiennent sur les rivages sinueux, au milieu des hautes herbes et des prairies luxuriantes, qui sont le vêtement de ces grasses et fécondes campagnes. La terre de la Méandrie est encore plus fertile ; elle est arrosée par la douce rivière du Caïstre. Les femmes de Méonie s'y livrent à la danse ; elles ont des ceintures d'or, des jeux y sont célébrés selon les rites de Bacchus, elles font retentir l'air de leurs hurlements religieux. Le choeur bruyant des vierges bondit en cadence, et elles semblent, comme les biches légères, effleurer à peine la terre de leurs pieds. Le souffle des vents se joint aux efforts de la foule pour honorer le dieu ; il gonfle les manteaux de soie et les agite au milieu des airs. Mais il faut laisser tout cela aux joyeux Lydiens.

Qua se Xanthus agit, Lyciorum tenditur ora
inclinata mari, surgunt ibi culmina Tauri
Pamphyliae in fines: hic idem Cragus habetur
nomine sub gentis: prope celsam surgit in arcem
prisca Side: fomes calidis adoletur in aris
saepe Dionaeae veneri: stat Corycus alta,
stat Perge propter, micat ardua tecta Phaselis
eminus, et Phoebi radiis tremit aemulus ardor.
[1010] inde Lycaoniae tractus iacet: impiger agros
incola decurrit, sitit atrum dira cruorem
gens hominum, et saevo pascuntur pectora bello.
tum Pisida ferox exercet pinguia culta,
Telmissusque dehinc urbs eminet, eminet arcem
inclyta per nubes attollens moenia Lyrbe,
et Lacedaemoniae surgunt fastigia Selges.
Aux lieux où coule le Xanthe, s'étend, en s'abaissant vers la mer, le rivage des Lyciens où les sommets du Taurus s'élèvent vers les frontières de la Pamphylie ; la même montagne reçoit des habitants le nom de Cragus. Aspendus dresse sa citadelle escarpée près des eaux poissonneuses de l'Eurymédon ; c'est là qu'un sanglier hideux est consumé sur les autels embrasés, en l'honneur de Vénus Dioné. Près de là s'élèvent Corycus et Pergé ; les hauts édifices de Phaselis brillent à travers les airs, et leurs feux scintillants rivalisent avec les rayons du soleil. Plus loin s'étendent les plaines de la Lycaonie : les habitants qui parcourent ces campagnes sont ardents, féroces, toujours altérés de sang et de carnage, et leurs coeurs se repaissent des fureurs de la guerre. Plus loin le Pisidien féroce laboure ses grasses campagnes. Là s'élèvent la ville de Termesse, et Lyrbé qui porte au milieu des nuages ses murailles fameuses, et le faîte de Selgé, la ville lacédémonienne.

Plurimus hinc terras intrat sinus, undaque longe
vicina Euxino rupti sola caespitis urget.
hic diros Cilicas trames tenet, inque diei
[1020] tenditur exortum: sulcant duo flumina terram,
Pyramus hic undas, hic volvit Pinarus aequor.
Cydnus item mediae discernit moenia Tarsi.
Pegasus hoc olim suspendit caespite sese,
impressique solo liquit vestigia calcis;
esset ut insigni revoluta in saecula semper
nomen humo, clari post ultima Bellerophontis.
sic caespes late producit Aleius arva,
horrescitque comis nemorum, per inhospita cuius
aequora secreto vitam protraxerat agro.
[1030] Lyrnessusque dehinc, hic Malus et Anchialia,
illustresque Soloe post carmina vatis alumni.
Commagenorum propter diffunditur ora:
et procul Hesperium curvatur limes in axem,
donec piniferas Casii prorepat ad arces.
La mer forme ici un vaste golfe, et pénètre dans les terres qu'elle ronge et presse de ses eaux en se rapprochant de l'Euxin. C'est le pays des Ciliciens farouches ; il s'étend vers, le lever du jour. Deux fleuves, le Pyramus et le Pinarus, sillonnent cette terre de leurs ondes. Le Cydnus divise par le milieu les murailles de Tarse. C'est là que Pégase s'élança autrefois dans les airs, et laissa sur le sol l'empreinte de son pied, afin de donner à cette terre un nom immortel après la mort du fameux Bellérophon. Le pays des Aléens déploie ici ses vastes campagnes, toutes hérissées de bois touffus : c'est dans ce pays inhospitalier que Bellérophon alla, cacher sa triste existence. Plus loin, Lyrnessus, Mallos, Anchialée, et Soles, rendue fameuse par le poète qu'elle a élevé. À côté s'étend le territoire de Commagène, qui va recourber ses campagnes vers l'occident, jusqu'au, sommet du Casius surmonté de pins.

Hinc solers Asiam facili cape carmine totam.
forma sit huius enim talis tibi: quattuor illam
in latera effusam cordi dato; longior autem
sit modus his, rutili quae spectant sideris ortum:
tumque tene, primo quod carmine musa locuta,
[1040] totam Asiam celsi praecingi vertice Tauri
extima in Indorum: montis tamen accipe molem
per latus id duci, quo dat Cynosura pruinas:
solis ab occasu vastum decurrere Nilum:
Indicum ab eois mare fervere, rursus ab austro
fluctibus immodicis Rubri salis aequora volvi.
ora Syrum curvi procumbens litoris acta
in notum et eoi confinia tenditur euri.
haec Coele est Graio sub nomine: namque duobus
ut conclusa iugis, vallis vice, multa cavatur.
[1050] ab zephyro Casius mons imminet: axe diei
consurgentis item Libanus premit arduus arva.
pars procul a pelago terras colit, inque recessu
gens agitat: salso quidquid pulsatur ab aestu,
Phoenicum regio est: hi Rubro a gurgite quondam
mutavere domus, primique per aequora vecti
lustravere salum; primi docuere carinis
ferre cavis orbis commercia; sidera primi
servavere polo; populis Phoenicibus ergo
urbs Iope, sterilisque dehinc habitatur Elais,
[1060] Gazaque proceris adsurgens undique muris.
hic Tyrus est opulens, et Berytus optima, Byblos,
Sidoniique lares; ubi labens agmine amoeno
caespitis irrigui Bostrenus iugera findit.
Maintenant que mes vers vous apprennent à saisir d'un seul coup d'oeil l'ensemble de l'Asie. Voici quelle est sa forme : rappelez-vous qu'elle a quatre côtés ; le plus long est celui qui regarde le lever brillant du jour ; souvenez-vous aussi de ce que ma Muse a déjà dit ; que la chaîne du Taurus embrasse toute l'Asie comme une ceinture jusqu'à l'extrémité des Indes ; mais apprenez que cette montagne suit surtout ce côté de l'Asie où Cynosure répand ses frimas ; à l'occident coule le vaste Nil ; à l'orient bouillonne la mer des Indes ; vers l'Auster la mer Rouge roule ses flots gigantesques. La contrée des Syriens, recourbant son rivage, s'étend vers le Notus et aux limites de l'Eurus oriental. Les Grecs l'appellent Caele : elle est comme encaissée entre deux chaînes de montagnes, et se creuse en une longue vallée. Le mont Casius la domine vers le Zéphyr ; à l'orient, le Liban élevé commande à ses campagnes. Une partie de ses habitants cultive, loin de la mer, l'intérieur du pays. La contrée que battent les flots salés forme le pays des Phéniciens : ces peuples y sont venus en quittant la mer Rouge ; ce sont les premiers qui, portés sur la plaine liquide, en ont parcouru les flots, les premiers qui ont appris à porter dans les flancs des navires le commerce du monde, les premiers qui ont observé les étoiles suspendues à la voûte des cieux. La Phénicie comprend la vile d'Iopé, la stérile Élaïs, et Gaza, entourée de tous côtés par de hautes murailles. L'opulente Tyr, la délicieuse Berytus, Byblos et Sidon, se trouvent dans ces campagnes, au milieu desquelles le Bostremus prend son cours et qu'il vivifie de ses belles ondes.

Nec minus hic Tripolis pingui sola porrigit agro;
Orthosisque dehinc attollitur: hic Marathus stat.
litoris extremo caput altis turribus effert
Laodice, et glauci praelambitur aequoris unda.
hic nemorosa virent Daphnae loca, celsa cupressus
erigitur, ramos innectit laurus odora,
[1070] crine Dionaeo myrtus diffunditur, altae
consurgunt pinus, et caelum sibila pulsant
robora, mollicomis tellus insternitur herbis.
urbs mediis Apamea dehinc consistit in arvis,
et qua Phoebeam procul incunabula lucem
prima fovent, Emesus fastigia celsa renidet.
nam diffusa solo latus explicat, ac subit auras
turribus in caelum nitentibus: incola claris
cor studiis acuit, vitam pius imbuit ordo:
denique flammicomo devoti pectora Soli
[1080] vitam agitant: Libanus frondosa cacumina turget,
et tamen his celsi certant fastigia templi.
hic scindit iuxta tellurem glaucus Orontes,
nec procul Antiochi vagus interlabitur urbem,
praestringens undis Apamenae iugera glebae.
fertilis hic caespes protenditur, arvaque amica
sunt pecori, in septu facilis Pomona resurgit,
et fecunda Ceres campo flavescit aperto.
C'est là que Tripolis étend son fertile territoire ; plus loin sont Orthosis et Marathus. À l'extrémité de la côte, Laodicé élève sa couronne de tours, dont la mer azurée baigne le pied. C'est là que sont les bosquets verdoyants de Daphné ; c'est là que le cyprès élance sa haute cime, que le laurier enlace ses rameaux parfumés, que le myrte étale son feuillage consacré à Dioné ; le pin y dresse aussi sa tête, le chêne y bât les airs de ses rameaux sifflants ; de hautes herbes y couvrent les prairies d'une ondoyante chevelure. Plus loin, la ville d'Apamée est située au milieu d'une plaine ; du côté où les feux du jour sortent de leur berceau, Émèse élève son faîte étincelant : ses flancs se prolongent au loin sur la terre, tandis que ses édifices vont toucher les cieux. Les habitants de cette ville exercent leur intelligence par de sérieuses études, auxquelles les sénateurs se livrent encore avec plus d'ardeur. Enfin ils ont pour le soleil, le dieu à la chevelure d'or, un culte constant et dévoué. Près d'eux le Liban élevé ses verdoyants sommets, et, malgré leur hauteur, le faîte d'un temple voisin rivalise avec eux. Non loin de là, l'Oronte aux eaux d'azur fend la terre de son courant ; ses eaux vagabondes vont traverser la ville d'Antiochus et raser les campagnes d'Apamène. Là s'étend un territoire fertile, des pâturages aimés des troupeaux ; Pomone chaque année y prodigue ses trésors, et la féconde Cérès jaunit ses vastes plaines.

Si rursus tepidum via deflectatur in austrum,
curva sinus Arabi succedent aequora propter.
[1090] namque Arabas Syriaeque solum sinus iste fluento
dividit, et tentis procul interfunditur undis:
et tamen eoos paulum inclinatur in axes
usque in belligeri confinia flexus Elani.
hinc tellus Arabum producit caespite campos,
et latera ab gemino sale cingitur; alluit aestus
Persicus hanc, Arabumque sinus rigat aequore terram.
his sua flabra polo spirant: nam Persicus euro
turgescit vento, zephyro sinus aestuat alter.
pars autem in primos quae semet porrigit ortus,
[1100] et notus insurgit qua nubifer, aequore Rubri
tangitur Oceani; felici terra recumbit
tota solo: tellus hic semper fragrat odoro
caespite: prorumpit lacrimoso stipite myrrha,
Myrrha furor quondam Cinyreius; hic ladani vim
vellera desudant, calami coma pullulat almi,
gignit humus casiam, concrescunt tura per agros,
longaque fecundis pinguescit odoribus ora.
vera fides, illic femoris sub imagine partus
disrupisse Iovem penetralia; proderet ortus
[1110] ut sacer aetheria fulgentem fronte Lyaeum.
nascenti Baccho risit pater, undique fulsit
caelicolum sedes, convexaque pura tetendit
festa dies: tellus effudit dives odores;
villorum subitis tumuit pecus incrementis:
ver habuere suum nova gramina, flore frequenti
pinsit terra sinus, ac nymphis unda cucurrit
largior: internis etiam procul undique ab oris
ales amica deo largum congessit amomum.
extemplo Liber subnectit nebride pectus,
[1120] effusasque comas hedera ligat, inde virentis
attollit thyrsos, et blandi luminis igne
os hilarat, totaque celer diffunditur aethra.
Si l'on redescend vers le tiède Auster, on rencontre bientôt le golfe Arabique, fécond en orages. Ce golfe vient séparer par son courant l'Arabie de la Syrie, entre lesquelles il étend au loin ses ondes : cependant il s'incline un peu vers l'orient, et se tourne vers le pays des belliqueux Élanes. C'est là que la terre des Arabes, dont les flancs sont pressés par deux mers, étend ses vertes campagnes ; d'un côté elle est baignée par le golfe Persique, de l'autre côté le golfe Arabique mouille ses rivages. Des vents différents soufflent sur ces deux mers : l'Eurus gonfle les flots du golfe Persique ; le Zéphyr fait bouillonner l'autre mer. L'autre, contrée, qui s'avance vers le lever du soleil, et du côté où s'élève le Notus chargé de nuages, est baignée par les eaux de la mer Rouge : tout ce pays est d'une grande fertilité ; une végétation odorante, y parfume les airs : l'arbre de Myrrha y répand ses larmes, Myrrha jadis l'amante de son père Cinyre ; les toisons des brebis semblent suer le ladanum ; la bienfaisante Cérès y fait naître d'abondantes moissons, la terre y produit la cannelle, l'encens y pousse en abondance, et ce vaste rivage s'enrichit des parfums d'un sol fertile. Une tradition certaine rapporte que, dans ces lieux Jupiter entrouvrit sa cuisse pour donner le jour à Bacchus, qui s'élança le front brillant d'une joie, divine. Son père lui sourit à sa naissance ; la demeure des dieux resplendit de mille clartés, et ce jour d'allégresse fit descendre des cieux une plus pure lumière ; la terre répandit ses parfums en abondance ; les troupeaux se couvrirent tout à coup d'épaisses toisons : les prairies renouvelées eurent aussi leur printemps, les champs s'émaillèrent de mille fleurs, et les Nymphes firent courir des ondes plus abondantes ; du fond des contrées les plus éloignées, l'oiseau aimé du soleil amassa des trésors d'amome. Aussitôt Bacchus entoure sa poitrine d'une peau de chevreuil, il noue avec le lierre ses cheveux répandus sur ses épaules, il lève ses thyrses verdoyants, sa figure rayonne d'une joie séduisante, et rapide il s'élance au milieu des airs.

Sed propter Libanum terram sulcant Nabataei,
Chaulasiique dehinc, Agraei rursus et inde
Hatramis est tellus: Macae vicina fluento
Persidis accedunt: Rutili contermina ponti
Minaei Sabataeque tenent; super impiger ampla
aequora desulcat glebae ditis Cletavenus.
Les Nabathéens labourent les campagnes voisines du Liban ; plus loin sont les Chablasiens, les Agrènes et ensuite la contrée de Chatrames ; les Maces sont tout près du golfe Persique ; les Minnéens et les Sabathéens occupent les contrées voisines de la mer Rouge ; plus loin le Cataban infatigable cultive les vastes plaines d'une fertile contrée.

Plurima praeterea gens circumplectitur illic
[1130] oram Arabum, muta sed degunt agmina fama,
et numerus cunctis inglorius: inde favoni
qua plaga fecundis alit almos flatibus agros,
barbara montivagos tellus extendit Erembas.
hi vitam duris agitant in cautibus omnem,
intectique artus erepunt ardua semper
culmina saxorum: non ollis pabula in usum
terra parit: glebas abrodunt more ferarum
ieiunas herbae, nec amicas frugibus ullis.
Un grand nombre de peuplades entourent encore les rivages des Arabes, mais sur elles la renommée est muette ; c'est une foule obscure. Plus loin s'étend une contrée fécondée par le souffle bienfaisant du Zéphyr : c'est là qu'habitent les Érembes errants dans les montagnes ; ils passent toute leur vie au milieu d'âpres rochers, et ils gravissent tout nus jusqu'aux sommets de leurs pics escarpés. Les sillons ne leur donnent point leur nourriture ; ils broutent comme les bêtes sauvages la surface d'une terre avare même de gazon, et qui ne produit aucun fruit.

Hinc ultra Libani rursum fastigia celsi,
[1140] lux Hyperionio qua se sustollit ab ortu,
alterius Syriae limes iacet usque Sinopen
gurgitis attiguam; mediis hic impigra in arvis
Cappadocum gens est: propter freta turgida rursus
Assyrii iuxta sunt ostia Thermodontis,
et festina citis evolvitur unda fluentis.
Au delà des sommets élevés du Liban, du côté où le soleil parait pour accomplir sa course dans les cieux, la seconde Syrie prolonge ses campagnes jusqu'à Sinope, près de la mer. Là, dans l'intérieur des terres, habite la nation active des Cappadociens. Près de la mer orageuse se trouvent aussi les Assyriens à l'embouchure du Thermodon, qui roule ses ondes impétueuses et précipite son rapide courant.

Nec procul, attollit qua se facis ardor eoae,
plurimus Euphratae manat liquor: iste feroci
fusus ab Armenia vastum caput exerit antro,
inque notum primae protenditur agmine molis;
[1150] at matutinos iterum conversus in axes,
dividit inserto mediam Babylona fluento.
inde Teredoniae iuga propter maxima rupis
Persidis in pontum sparso cadit effluus amni.
Près de là, vers les lieux où l'Aurore élève son flambeau dans les airs, coule le vaste Euphrate : la source immense de ce fleuve sort d'une caverne située dans la sauvage Arménie, et d'abord il s'avance vers le Notus ; puis, se tournant vers l'est, il coule à travers Babylone, que ses eaux divisent par le milieu. Enfin, près des roches gigantesques de Térédon, il verse dans le golfe Persique ses ondes épandues.

Hunc super, in septem quantum via carpitur ortus
caespitis extenti spatiis, citus aequora Tigris
prona rotans, et saxa iugis avulsa supernis,
et totas late celeri trahit agmine silvas.
quin et vasta palus medio distenditur agro;
maximus hanc fluctu Tigris secat: intrat aperti
[1160] terga lacus, stupet unda silens, tacitaeque recumbunt
aequora Thospitis; solidarum denique more
riparum stagni facies incisa quiescit,
invectumque sibi cohibens altrinsecus amnem
stat disclusa palus. sic Elidis incola pontum
dissicit Alpheus: pelago sic inserit undas
illaesum optatae flumen ducens Arethusae.
ergo per et stagnum vehitur celer amnis apertum,
hoc elapsus item vim proni gurgitis urget.
non alium tantus rapit impetus; haud ita quisquam
[1170] spumescit fluctus, neque tantos ulla fragores
unda ciet. medio quae tellus funditur agro,
hoc Interamnis nomen tenet; ut situs illam
flumine praecinctam gemino per aperta locavit.
non qui lanatum longo pecus educat agro,
aut qui cornigeri ductor gregis arva pererrat,
gramina qui pastor simis petit apta capellis,
quique cavo solers committit semina sulco,
quem Pomona iuvat, quem ramis aesculus altis
illicit, et pingui dependens subere glando;
[1180] bracchia Nysaei qui palmitis ordine iusto
digerit, aut tectis siquis dolat impiger ornos,
vel salis in fluctus qui cumbam navita texit,
spreverit hos saltus: nihil indiga subtrahit ora:
dives humo tellus, dives iacet arbore caespes.
istius in borean quidquid protenditur agri,
Armenii et vita duri sulcant Matieni.
À l'est, à sept jours de marche, le Tigre rapide roule ses eaux précipitées, et entraîne dans son vaste courant les rochers séparés des montagnes et des forêts tout entières. Un large marais s'étend au milieu des campagnes ; le Tigre immense le coupe de ses flots : il pénètre avec force dans le lac Thospitis, dont les ondes immobiles restent silencieuses et comme étonnées de sa violence ; enfin ce marais, ainsi séparé en deux parties par le fleuve, offre par son immobilité l'aspect de deux rives solides, et semble des deux côtés resserrer le fleuve comme dans un lit. Ainsi que l'Alphée, en Élide, vient fendre les eaux de la mer ; ainsi qu'à travers les flots salés, il porte ses ondes restées pures vers Aréthuse, sa bien aimée ; de même ce fleuve impétueux s'élance au milieu de cette large nappe d'eau, et pousse devant lui toute la masse de ses ondes. Il n'existe point de fleuve dont le courant soit aussi fort, qui soulève autant de flots écumeux, et fasse entendre un aussi terrible fracas. La terre qui se trouve entre l'Euphrate et le Tigre s'appelle Interamnis, à cause de sa situation entre ces fleuves qui enferment ses plaines des deux côtés. Le berger qui élève dans de vastes prairies les brebis à la riche toison ; celui qui parcourt les campagnes en conduisant ses boeufs aux cornes élevées ; le pure qui recherche les gazons aimés des chèvres camuses ; l'agriculteur habile qui confie ses semences aux sillons, qui se réjouit des présents de Pomone, et voit avec joie le chêne aux rameaux élevés, et les glands suspendus à ses branches trop chargées ; le vigneron qui aligne les ceps de Nysa ; le charpentier qui travaille sans relâche le frêne destiné aux constructions ; le navigateur qui sait construire un vaisseau capable de braver les flots de la mer ; tous admireront ces vastes forts, cette contrée féconde en productions de tout genre, ces sillons riches en céréales, cette terre riche en arbres magnifiques. Toute la partie de ce pays qui s'étend vers Borée est habitée par les Arméniens et les durs Matiènes.

Qua sunt flabra noti, Babylon subducitur arce
procera in nubes: hanc prisca Semiramis urbem
vallavit muris, quos non absumere flammae,
[1190] non aries penetrare queat: stat maxima Beli
aula quoque argento, domus Indo dente nitescit,
aurum tecta operit, sola late contegit aurum.
ipsa dehinc tellus, quae circumplectitur urbem,
et procerarum fluctu vernat palmarum,
et splendente procul beryllo ferta renidet.
hic tamen internis Ophietidis arcis in arvis
inter gemmiferas excrescit creber harenas.
hinc Babylona super, geminae pro finibus ursae,
Cissi Massabataeque et Chalonita vagantur.
Du côté où souffle le Notus, Babylone élève sa citadelle au milieu des nuages : Sémiramis, la première, entoura cette ville de remparts que les flammes ne peuvent consumer, et que le bélier ne saurait renverser. On y voit l'immense palais de Bélus, tout brillant d'argent et décoré de l'ivoire des Indes ; l'or couvre les toits, l'or s'étend sur les planchers. Le territoire qui environne la ville est embelli par la verdure ondoyante des hauts palmiers, et l'on voit de loin le béryl resplendissant étinceler sur le sol. Cette pierre se rencontre souvent dans l'intérieur des terres à Ophiétis, au milieu d'un sable riche en pierres précieuses. Plus loin, au nord de Babylone, vers les contrées des deux Ourses, errent les Cisses, les Messabates et les Clialonites.

[1200] At rursum Armeniae siquis pede pergat ab arce
rupis, et eoas gressum producat in oras,
Medica prolixos spectabit regna per agros.
horum qui gelidi succedunt plaustra Bootis,
pinguia rura tenent: sunt illic Atropateni,
sunt Geri et Mardi. tepidum qui rursus ad austrum
oram habitant, Scythicae deducunt semina gentis.
nam Medea ferox fuit ollis sanguinis auctor.
haec cum Pandionis letum componeret aulae,
Attica qua pulchro tellus pinguescit Ilisso,
[1210] proditur, inque fugam propere convertitur exul.
has post in terras pinu subit Aeetine,
inseditque locos: veteres accedere Colchos
nulla inerat menti fiducia; denique ab illa
Medorum suboli magicae furor artis inhaeret.
pars gentis, rutilos Phoebi quae spectat in ortus,
saxa habitat, saxis excudit narcissiten:
qui propter dumos nemorosaque rura vagantur,
in pecus intenti, crebro grege pascua tondent.
Si l'on quitte les rochers élevés de l'Arménie pour s'avancer vers les contrées de l'Aurore, on rencontrera les royaumes des Mèdes aux plaines étendues. Parmi ces peuples, ceux qui habitent vers le Chariot glacé du Bouvier, occupent de fertiles campagnes : là sont les Atropatènes, les Gèles et les Mardes. Ceux, au contraire, qui habitent les contrées échauffées par le souffle de l'Auster, descendent des races scythiques. C'est l'indomptable Médée qui est la mère de cette nation. Comme elle s'apprêtait à jeter le deuil dans le palais du fils de Pandion, aux lieux où le bel Ilissus fertilise les campagnes de l'Attique, son projet fut découvert, et elle fut forcée de fuir et de s'exiler aussitôt. La fille d'Aeetès fut apportée par mer dans ces lieux, et s'y établit ; elle n'osait retourner à Colchos, son ancienne patrie. C'est d'elle enfin que la race des Mèdes tient soit attachement indestructible pour les pratiques de la magie. Ceux des Mèdes qui habitent vers les contrées brillantes de l'orient, vivent dans des rochers d'où ils tirent le narcissite. Des peuplades de pasteurs errent dans de vastes plaines couvertes de broussailles, et de prairies que broutent leurs nombreux troupeaux.

Medica se tantos effundit gleba per agros,
[1220] Caspia ut extento contingat caespite claustra.
haec Asiae digere fores, hiet ore quod illo
porta quasi, et longas bivium discedat in oras.
panditur Hyrcanis hinc ianua; ianua Persis
hinc patet, imbriferum qua vergit mundus in austrum.
La Médie est assez étendue pour aller toucher par ses extrémités aux gorges Caspiennes. On appelle ces gorges les portes de l'Asie, parce qu'elles présentent une ouverture assez semblable à celle d'une porte, et que de là partent deux chemins qui vont se perdre dans des contrées lointaines. Du côté où l'Ourse neigeuse s'élève dans le ciel, s'offre la porte d'Hyrcanie ; la porte Persique se trouve dans la direction où le ciel s'incline vers l'Auster pluvieux.

Ecce sub immenso portarum vertice Parthi
rura tenent, curvi nequicquam vomeris usu
sollicitanda sibi; non ollis cura laborque,
aequora terrarum gravibus componere rastris:
exercent saevi se semper Martis in arma.
[1230] sica comes lateri est, manus autem hastilia vibrat,
demittunt pharetras umeris et letifer arcus
semper inest laesae: neque per compendia diras
producunt animas; non puppibus aequora sulcant:
non proni gregibus pecoris fera vita iuvatur.
sed quatit alipedum sola semper cursus equorum,
pulsaque terra gemit: discurrunt crebra per auras
spicula, missilibus late subtegitur aer.
Au pied des pics gigantesques des portes Caspiennes habitent les Parthes ; c'est vainement qu'on voudrait par le labourage fertiliser leurs stériles campagnes : ces peuples se soucient peu de travailler à la culture des plaines à l'aide des hoyaux pesants ; ils s'exercent sans cesse aux travaux du terrible Mars. Un poignard est attaché à leur côté, leur main brandit des javelots, un carquois est suspendu sur leur épaule, et l'arc meurtrier ne quitte point leur main gauche. Leurs âmes farouches ne peuvent se plier aux travaux du commerce ; ils ne savent ni sillonner la mer de leurs vaisseaux, ni soutenir leur vie avec des troupeaux qui leur offriraient de continuelles ressources. Mais le galop des coursiers aux pieds ailés fait retentir toute la contrée qui semble en gémir, leurs flèches sifflent dans les airs, et leurs traits obscurcissent le ciel,

Quin etiam post hos amor est si discere Persas
consimilis, solersque trahit te cura per orbem;
[1240] has quoque musa tibi formabit carmine terras,
quae liquidos amnis via devehat, utque iugorum
consurgat vertex, quibus oris arva recumbant
barbara, famosum qui Persam roboret usus.
quippe Asianarum primi degunt regionum.
vita opulens genti, gazas quoque terra ministrat
omnibus, et largum populis producitur aevum.
dives in his mos est iam longi tempore saecli,
ex quo Maeoniam bello trivere cruento.
illudunt auro vestes, et cuncta teguntur
[1250] auro membra viris, auro vestigia condunt:
tantus Persarum dissolvit pectora luxus.
ipsa autem tellus inclusa est montibus altis,
undique in australem latus inclinatior axem,
ac borean longe, longe quoque Caspia claustra
deserit, atque noti placida perfunditur aura.
istius at spatiis finem dat Persicus aestus,
incoliturque solum populis tribus. una sub arcto
pars agit, armigeris nimium contermina Medis:
altera per mediae telluris terga vagatur:
[1260] porro ad flabra noti, pelagus prope, tertia degit.
Persidis, et rigidas curvant labentia ripas.
arva secat Cyrus, perrumpit rura Coaspes,
Indica provolvens procul aequora: cuius ad undam
incola flaventem studio sectatur achatem.
nam cum brumali ceciderunt sidere nimbi,
imbribus et caelo fusis furit auctior amnis,
eos lapides late flumen trahit: undique tellus
circumiecta dehinc laeti viret ubere campi.
Maintenant si tu veux connaître aussi les Perses, si une curiosité savante t'entraîne dans tout l'univers, ma Muse peut te décrire aussi ces contrées, te dire la direction de ces fleuves rapides, la situation de ces montagnes à la cime escarpée, les limites qui renferment ce pays de barbares, et les usages qui ont donné aux Perses leur force et leur célébrité. C'est premier peuple des contrées asiatiques. Leur manière de vivre est somptueuse, la terre leur donne à tous des trésors, et ils passent leur vie au sein de l'opulence. Leurs habitudes de luxe datent des temps reculés, où ils écrasèrent la Méonie par des guerres sanglantes. Leurs habits sont brochés d'or, l'or les couvre tout entiers, c'est l'or qui enveloppe leurs pieds : tel est le luxe excessif qui amollit le coeur des perses. Cette contrée est enfermée dans de hautes montagnes ; elle penche un peu vers les régions australes, et s'éloignant des contrées boréales et des gorges Caspiennes, elle est exposée à la douce haleine du Notus. Le golfe Persique borne ce pays qui est habité par trois peuples. Le premier se trouve au nord et touche aux Mèdes des belliqueux, le second erre dans le centre du pays, le troisième est situé vers les contrées où souffle le Notus, près de la mer. Un grand nombre de fleuves parcourent le sol de la Perse, et font au milieu des plaines serpenter leurs rives escarpées. Le Cyrus traverse les campagnes ; le Choaspe les coupe de son courant, qui va pousser devant lui les flots de la mer des Indes : les peuples qui habitent ses rives recherchent avec soin la blonde agate ; car, lorsque les nuages d e l'hiver, tombant du ciel en torrents de pluie, ont grossi le fleuve et augmenté son impétuosité, il entraîne avec lui un grand nombre de ces pierres précieuses. La terre voisine présente de toutes parts une riche et verdoyante végétation.

Sed qua caeruleam sinus infert Persicus undam,
[1270] gens Carmanorum late colit: hanc facis ortus
urit Phoebeae; tanto quoque funditur agro,
ut simul et glauci contingat gurgitis aestum,
et procul internae perreptet iugera terrae.
Du côté où le golfe Persique fait pénétrer au milieu des terres ses ondes azurées, la nation des Carmaniens habite de vastes campagnes. Le flambeau de Phébus les brûle à son lever : leur territoire est assez étendu pour pouvoir à la fois toucher aux flots de la mer verdâtre, et s'avancer ait loin clans l'intérieur des terres.

Hos super et tellus tendit Gedrosia glebam
Oceani vicina fretis; at flumen ad Indum
Auroraeque latus Scytha miti proximus austro
accolit: australis certe Scytha dicitur iste:
namque alii dura pulsantur desuper arcto.
Indus Caucasiae prorumpens rupis ab antro
[1280] adversum pelago Rubri procul aequoris amnem
porrigit, inque notum recto fluit agmine aquarum.
ora dehinc Indo duo sunt, mediumque per agrum
insula se vasto fundit tergo Patalene.
innumeras idem dispescit flumine gentes,
Oritas Aribasque et veloces Arachotas,
et Satram infidum, vel qui per inhospita late
discreti populis, discreti finibus agri
arva agitant, uno sed nomine sunt Arieni.
hi quamquam steriles decurrant semper harenas,
[1290] munera nec carpant cerealia, nec nova prelo
musta premant, fulvo tamen invenere corallo
pandere vivendi commercia, quaerere pulchrae
Sapphiri latebras et praeduros adamantas.
Plus loin la Gédrosie étend ses campagnes voisines des eaux de l'Océan. Ce sont, des Scythes qui habitent la partie orientale voisine de l'Indus, en s'approchant du tiède Auster : du moins, on les appelle les Scythes méridionaux : car les autres sont battus par les vents qui soufflent de l'ouest. L'Indus, s'échappant d'une ces cavités de la roche Caucasique, étend au loin ses eaux vers la mer Érythrée, et son courant se dirige tout droit vers le Notus. L'Indus a deux embouchures, entre lesquelles l'île de Patalène étend sa vaste surface. Ce fleuve nourrit sur ses deux rives des peuplades innombrables, les Orites, les Aribes, les rapides Arachotes, le Satre perfide, et, dans des contrées inaccessibles, des nations séparées en peuples et en territoires différents, mais qui toutes portent le nom d'Ariènes. Ces peuples n'habitent que des sables stériles ; ils ne savent pas récolter les dons de Cérès, ni faire couler sous les efforts du pressoir les vins nouveaux ; cependant ils ont trouvé le moyen d'assurer leur existence par le commerce du corail, et en découvrant les lieux où se cachent le brillant saphir et le dur diamant.

Calliope, Indorum populos et regna canamus.
ultima terrarum tellus aspergitur Indi
fluctibus Oceani; primam coquit hanc radiis sol,
sol Hyperionius, sol magni gratia mundi,
astrorum genitor, lucis sator et vigor aethrae.
sed genti Indorum taeter color: efflua semper
[1300] his coma liventes imitatur crine hyacinthos.
terrarum in latebris excludant caute metalla:
pars telas statuunt, et vestimenta laborant
lintea: pars Indi procurat segmina dentis,
atque ebur invigilat: multi, qua flumina nimbis
Auget hiems, vastum ut late trahat agmen aquarum
alveus, et celsas evincant aequora ripas,
palantes obeunt beryllum, prona fluenta
quem procul internis a finibus, aut adamanta
detulerint: his glauca dehinc tornatur iaspis.
[1310] nec minus et bacas alii prope marmora curvis
excudunt conchis: pars rursum divite cura
herbosi lapidis venas fodit: hique rubore
suffusas blando quaerunt campis amethystos.
horum dives enim tellus est Indica semper,
et tali scrupo caespes tumet: amnibus autem
fertilis irriguis crebro praelambitur ora:
extendunt celsi vaga late brachia luci,
et vernat nemorum semper coma. nunc tibi formam
terrarum expediam, nunc carmine flumina fabor,
[1320] nunc rigidos montes, nunc multae denique gentis
absolvam populos. latera agris undique in Indis
quattuor esse tene: coeant tot et anguli ab omni
parte sibi, oblique claudentes extima terrae,
ceu species rhombo est. [...
Calliope, chantons les peuples et les royaumes de l'Inde. La dernière contrée du monde est baignée par les flots de l'océan Indien : c'est elle qui est brûlée la première par les rayons du soleil, cet ornement de l'immense univers, ce père des astres, qui répand la lumière et la vie dans les airs. Les peuples de l'Inde ont le teint basané, et leur chevelure toujours flottante imite la noire hyacinthe. Les uns creusent le sol d'une contrée sauvage pour tirer, au moyen de ces galeries souterraines, l'or de la roche qui le recèle ; les autres sur des métiers fabriquent des étoffes de lin ; d'autres vendent par morceaux des dents d'éléphants et s'adonnent au commerce de l'ivoire ; quand les fleuves grossis par les pluies d'hiver roulent une énorme masse d'eau et surmontent les hautes rives de leurs ondes triomphantes, un grand nombre d'Indiens errent sur leurs bords pour rechercher le béryl ou le diamant que le courant rapide a amené de l'intérieur du pays : ce peuple travaille aussi de jaspe verdâtre. Ceux-ci, sur les bords de la mer, arrachent les perles aux coquillages arrondis ; ceux-là s'enrichissent à la recherche du corail, cette végétation de pierre ; les autres cherchent dans les champs les améthystes aux teintes purpurines : car le sol de l'Inde les recèle en abondance, et ces pierres y remplissent le sein de la terre. Une foule de fraîches rivières arrose ce fertile pays. De hautes forêts jettent au milieu des airs leurs bras étendus et leur chevelure toujours verdoyante. Maintenant je vais dire quelle est la forme de cette contrée, énumérer ses fleuves, ses montagnes escarpées et ses peuples nombreux. L'Inde présente quatre côtés ; et autant d'angles, venant se réunir, s'allongent obliquement, pour fermer le monde, sous la forme d'un rhomboïde.

...] zephyri de partibus, Indus
gurgitis occursu fit certae terminus orae:
axe noti, Rubri late salis obiacet unda:
flumen item Ganges fit limes caespiti eoo;
adque Lycaonia consurgit Caucasus arcto.
aequore qua fuso laticem provolvitur Indus,
[1330] Dardanidum gens est, ubi magnus sorbet Hydaspes
delapsum summa saxorum mole Acesinen.
tertius amnis item secat agri proxima Cofes;
in medioque Sabae sunt caespite: gens quoque Sodri
propter agit; populique dehinc velut ordine facto
Peucaleum longas exercent vomere terras.
Gargaridae rursum: gens haec obnoxia Baccho,
et glebam sulcant, et ritibus orgia ludunt.
Du côté de l'occident, l'Indus jusqu'à soit embouchure forme la limite naturelle de cette contrée ; au midi s'étendent au loin les flots de la mer Rouge ; le Gange borne le pays à l'orient, et le Caucase s'élève du côté de l'Ourse, fille de Lycaon. Dans la vallée de l'Indus, habitent les Dardanides, à l'endroit où le large Hydaspe reçoit l'Acésine ; qui tombe du haut d'une masse de rochers. Un troisième fleuve, le Cophès, arrose les campagnes voisines ; entre ces fleuves habitent les Sabes ; à côté sont les Scodres ; puis viennent, comme successivement, les Peucaliens, dont la charrue sillonne un vaste territoire ; ensuite les Gargarides, adorateurs de Bacchus, qui labourent la terre, en célébrant selon les rites les orgies sacrées.

Hic Hypanis lateque trahens vaga terga Cymander,
rupe procul fulvum provolvunt fluctibus aurum:
[1340] nec minus hi campos intrant Gangetidis orae,
quae per flabra noti fuso distenditur agro,
usque in celsa iacens confinia Colidis arcis.
Colis et ipsa dehinc cetosi vergit in aequor
Oceani, tantoque iugo subit aetheris auras,
arceat alituum subducta ut rupe volatum.
sed circum Gangen regio est devota Lyaeo,
perpetuique sacri talis narratur origo.
La sont l'Hypanis et le Cymander, entraînant au loin ses eaux errantes ; tous deux, sortis de l'Hemodus, ont un cours très étendu, et roulent dans leurs flots des paillettes d'or à la couleur fauve. Ils entrent aussi dans les campagnes du Gange, qui se prolongent vers le midi jusqu'aux confins de la montagne de Colis. Colis elle-même s'avance dans les eaux de l'Océan fécond en monstres marins, et son front s'élève si haut dans le ciel, que le sommet de ses rochers s'oppose au vol des oiseaux. Tout le pays qui avoisine le Gange est consacré, à Bacchus, et voici quelle est, dit-on, l'origine de ce culte éternel.

Indorum in populos fatalia Liber agebat
proelia: vipereo late Bellona flagello
[1350] increpat, et magno tremuerunt regna pavore,
insistente deo. venit ergo ad flumina Gangis,
discursuque sacro praeludit proelia Liber.
Maenades extemplo maculosae nebridis usum
permutant clipeis, viridique hastilia thyrso
succedunt; solvunt properantes lintea Bacchae
vincula, viroso pectus vinxere dracone;
pro molli vitta prorepunt crine chelydri;
excitoque ferox persultat in agmine Mavors:
dux aquilas in bella rapit, tremit Indica tellus
[1360] pressa pede, et toto tonuerunt classica caelo.
ergo et Nysaeos discit gens rite recessus,
et stata sollicito deducunt orgia ritu.
ipse dehinc diros ut Liber perculit Indos,
Hemodi victor conscendit verticis arces,
effusamque solo gentem procul aspicit omnem:
ima iugi extantis vestigia gurgite canent.
Oceani eoi praetento denique Bacchus
litore, et extrema terrarum victor in ora,
ducit laurigeros post Indica bella triumphos,
[1370] erigit et geminas telluris fine columnas,
invisitque dehinc Ismeni fluminis undam.
Bacchus faisait aux peuples de l'Inde une guerre sanglante ; Bellone faisait siffler au loin son fouet de vipères, et les royaumes étaient dans l'épouvante à la venue du dieu. Il arrive donc sur les bords du Gange, et prélude au combat par des cérémonies sacrées. Aussitôt les Ménades changent contre un bouclier la peau tachetée qui couvre leurs épaules ; les lances remplacent le Thyrse verdoyant ; les Bacchantes se hâtent de dénouer leurs ceintures de lin, pour entourer leurs poitrines d'un dragon hideux ; des couleuvres serpentent autour de leur chevelure en guise de bandelettes ; et le farouche Mars bondit au milieu de cette troupe ardente. Le chef entraîne ses aigles au combat, l'Inde frémit sous son pied qui l'écrase, et les clairons font retentir le ciel. Les peuples se soumettent alors aux mystères du dieu de Nyssa, et célèbrent religieusement ses fêtes à des jours fixés. Après avoir soumis les Indiens rebelles, le dieu vainqueur monte sur le sommet de l'Hemodus : il embrasse du regard les nations répandues sur cette terre, tandis qu'à ses pieds la base de la montagne est blanchie par l'écume des flots. Enfin Bacchus, maître du vaste rivage de l'océan Oriental et de ces extrémités du monde, mène, vainqueur de l'Inde, un triomphe où s'agitent les palmes du laurier ; il élève deux colonnes aux bornes de la terre, et va visiter les eaux du, fleuve Ismenus.

Has tantum gentes commendat fama per orbem.
vile aliae vulgus, pecorum vice, terga pererrant
caespitis abiecti: non his aut gloria forti
parta manu est, aut clara decus peperere metalla
terrarum venis: habitant ignota locorum
semper inexpertes famae, per inhospita degunt
arva procul, nullis sunt dignae denique musis.
at tu, Phoebe pater, vos clari turba, camenae,
[1380] nominis, Aonio famam inspirate labori.
Tels sont les peuples que, la renommée signale dans l'univers ; le reste n'est qu'une multitude sans importance, et, comme de vils troupeaux, ils parcourent des contrées méprisées des autres nations : ce ne sont pas eux dont le bras courageux a conquis la gloire, qui ont fondé leur grandeur sur la richesse des mines précieuses que recèle la terre ; toujours inconnus à la renommée, ils habitent des lieux ignorés ; ils vivent dans des pays inhospitaliers ; ils ne sont pas dignes d'être chantés par les Muses. Mais toi, puissant Apollon, et vous, choeur illustre des Muses, donnez la gloire au travail du poète.


Sources:
  • E. Despois & E. Saviot (1843) - Rufus Festus Avienus ; Description de la Terre, les Régions maritimes, phénomènes et pronostics d'Aratus et pièces diverses, C. L. F. Planckoucke, éditeur, Paris, 280p.
  • Julien Quiret pour l'Arbre Celtique

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