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MessagePosté: Dim 09 Déc, 2007 15:18
de André-Yves Bourgès
Taliesin a écrit:Guérec > Erec
Mais aussi Gradlon > Graelent ; Grailemiers
Guiomarc'h > Guilemer sire d'Avalon

Arthur, Gauvain (sous la forme uualtmoe), Merlin (Merthin) sont attestés dans le cartulaire de Redon dès le 9ème siècle

Salomon et Hoël sont présents dans l'HRB
Ils le sont aussi dans les chansons de geste, en compagnie d'Erispoé, d'Arastagnus, roi de Bretagne, de Graelent encore.

Tournés sur eux-mêmes, les Bretons, au 12ème siècle ? Est-ce si sûr ?


Ce sont des auteurs extérieurs à la Bretagne qui, ici, parlent des Bretons : pas les Bretons eux mêmes. En tout cas vous faites bien de rappeler Gradlon, dont j'ai souligné dans mon article déjà ancien sur les vicomtes de Léon le lien de parenté que Chrétien de Troyes lui attribue avec Guyomarc'h, le sire d'Avalon (BSAF, t. 126, 1997, p. 369.

Je maintiens mes réserves quant au recours à l'onomastique : c'est souvent la problématique de la poule et de l'oeuf.

Bien cordialement

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Dim 09 Déc, 2007 20:46
de Taliesin
André-Yves Bourgès a écrit:

Ce sont des auteurs extérieurs à la Bretagne qui, ici, parlent des Bretons : pas les Bretons eux mêmes.




ah oui, c'est vrai : pas de littérature écrite = pas de littérature du tout...

les cartulaires bretons mentionnent quelques citharistes et autres jongleurs à la cour des ducs de Bretagne aux 11ème et 12ème siècles. On se demande bien pour quoi ils étaient payés.

On se demande aussi comment ces auteurs extérieurs à la Bretagne en sont venus à s'intéresser à notre petite région excentrique (d'un point de vue géographique). Le climat et les bains de mer ? Le cidre ?

Ou bien y avait-il des conteurs bretons à la cour de Londres, récitant leurs lais devant Marie de France, et à Nantes, lors du couronnement de Geoffroi Plantagenêt, couronnement auquel Chrétien de Troyes a probablement assisté ?

Au sujet de la valeur de l'onomastique dans l'étude de la diffusion des légendes, voici un exemple :

Gauvain, seigneur de Tonnay-Charente, est attesté dans plusieurs chartes de la fin du 11ème-début du 12ème siècle. A cette époque, le héros Gauvain est totalement inconnu dans la littérature européenne.

Que doit-on en déduire ?

1 - Que ce seigneur charentais a servi de modèle au héros des romans et qu'il a été incorporé à la légende arthurienne au début du 12ème siècle ? (si la Charente est trop loin de Monmouth, j'ai aussi du Gauvain angevin de la fin du 11ème, pas loin de Saumur qui avait un prieuré à Monmouth, ça tombe bien)

2 - Que le héros celtique et sa légende étaient suffisamment connus et appréciés en Charente à la fin du 11ème siècle pour que des seigneurs locaux baptisent leur héritier de ce nom ?
si c'est la cas on peut se demander pourquoi et comment ce nom est parvenu jusqu'en Charente et on trouve.....des Bretons à Saintes, des Saintongeais et Poitevins à Quimperlé...etc.

MessagePosté: Dim 09 Déc, 2007 21:25
de André-Yves Bourgès
ah oui, c'est vrai : pas de littérature écrite = pas de littérature du tout...

les cartulaires bretons mentionnent quelques citharistes et autres jongleurs à la cour des ducs de Bretagne aux 11ème et 12ème siècles. On se demande bien pour quoi ils étaient payés.

On se demande aussi comment ces auteurs extérieurs à la Bretagne en sont venus à s'intéresser à notre petite région excentrique (d'un point de vue géographique). Le climat et les bains de mer ? Le cidre ?


Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas de littérature en Bretagne : dans l'article sur les vicomtes de Léon que j'ai déjà cité, j'envisageais même la possibilité d'une parenté de Marie de France avec les vicomtes de Léon et d'un séjour du poète à la cour vicomtale. Par ailleurs, je travaille depuis près de vingt cinq ans sur la littérature hagiographique bretonne qui a le mérite, quant à elle, d'être attestée.

Je vous ai répondu sur les exemples que vous citiez : je suis désolé que cette réponse provoque votre ire ; mais je ne suis pas disposé à débattre sur ce ton...

Ou bien y avait-il des conteurs bretons à la cour de Londres, récitant leurs lais devant Marie de France, et à Nantes, lors du couronnement de Geoffroi Plantagenêt, couronnement auquel Chrétien de Troyes a probablement assisté ?


Oui, peut-être, pourquoi pas, mais encore ?
Je redis que le constat de bonne foi, c'est la relative absence d'Arthur et de la légende arturienne en Bretagne continentale au XIIe siècle et qu'il faut attendre le XIIIe siècle pour constater localement un certain intérêt dont témoignent les GSR, puis le Livre des faits d'Arthur et le roman du Petit Artur de Bretagne.

Je m'en tiens là en ce qui concerne ce fil de discussion. Je vous remercie encore d'avoir répondu à ma question sur l'apparition de Brocéliande dans le corpus arthurien. Je n'ai rien contre la polémique ; mais je réprouve certaines outrances verbales, dont plusieurs membres de ce site sont décidément coutumiers.

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Lun 10 Déc, 2007 1:03
de Sedullos
Salut à tous,

André-Yves, c'est dommage, le fil est intéressant. J'apprécie vos interventions et celles de Taliesin.

J'avais une question : vous citez Le livre des faits d'Arthur, ce texte est il le même que Les premiers faits du roi Arthur, publié sous la direction de Philippe Walter dans le Premier tome du Livre du Graal chez Gallimard, d'après le manuscrit de Bonn ?

Le Livre du Graal. 1, Joseph d'Arimathie ; Merlin ; Les Premiers Faits du roi Arthur / éd. préparée par Daniel Poirion ; sous la dir. de Philippe Walter.- Gallimard, 2001.- LXXV-1918 p. - (Bibliothèque de la Pléiade ; 476).

MessagePosté: Mar 11 Déc, 2007 0:22
de jakes
l'heure est tardive mais ça me démange:

A ma conaissance, la première association de Merlin à une fontaine (ou vallée) est celle de Galabes (ou Galahes) § 116( 40 , 50)- §128 dans le texte de L' HRB, dès l'an 1138.( Trad L Mathey-Maille).

J'en reproduirai les chapîtres demain.

Dodo... pour toute la famille.

MessagePosté: Mar 11 Déc, 2007 23:15
de André-Yves Bourgès
Sedullos a écrit:
J'avais une question : vous citez Le livre des faits d'Arthur, ce texte est il le même que Les premiers faits du roi Arthur, publié sous la direction de Philippe Walter dans le Premier tome du Livre du Graal chez Gallimard, d'après le manuscrit de Bonn ?


Je réponds à votre question : le Livre des faits d'Arthur est le titre donné par l'historien Pierre Le Baud vers la fin du XVe siècle à une "démarque" en vers latins, composée sous le règne du duc de Bretagne Arthur II (1305-1312), de l'Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth. Il ne reste malheureusement de ce poème que quelques fragments et des paraphrases en prose française dans l'ouvrage de Le Baud.

Je viens de rédiger une étude sur le Livre des faits d'Arthur qui paraîtra dans les Mélanges à la mémoire de Gwenaël Le Duc.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Mar 11 Déc, 2007 23:33
de Sedullos
Bonsoir, André-Yves,

Merci pour votre réponse, donc ça n'a rien à voir avec le texte que je mentionnais plus haut qui doit faire partie du Lancelot-Graal.

Je dois reconnaître que je m'y perds un peu dans le Corpus arthurien qui est une jungle.

Je suppose que ce Pierre Le Baud, le même que le chapelain d'Anne de Bretagne qui est un des premiers à avoir mentionné la Ville d'Is ?

MessagePosté: Mar 11 Déc, 2007 23:50
de André-Yves Bourgès
Je dois reconnaître que je m'y perds un peu dans le Corpus arthurien qui est une jungle
.

C'est également l'impression que j'en ai ; mais en outre que l'imprécision de certains commentateurs vient renforcer (involontairement ou volontairement) cette impression : d'où ma question sur la première attestation de Brocéliande dans le corpus arthurien.

Je suppose que ce Pierre Le Baud, le même que le chapelain d'Anne de Bretagne qui est un des premiers à avoir mentionné la Ville d'Is ?


Oui, c'est cela.
La seconde version de l'ouvrage de Le Baud est accessible en ligne à l'adresse :
http://www.bvh.univ-tours.fr/Consult/in ... 5206_20571
La première version est téléchargeable sur Gallica (édition partielle par Ch. de La Lande de Calan).

Bien cordialement

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Mer 12 Déc, 2007 10:39
de Marc'heg an Avel
Si ça peut aider :

Le lien sur la Société Internationale arthurienne :

http://www.uhb.fr/alc/ias/version_fr/fr_accueil.htm

JCE :wink:

MessagePosté: Mer 12 Déc, 2007 15:44
de Sedullos
Salut, merci à André-Yves et Jean-Claude.

Il y a 25 ans environ, j'ai travaillé sur des extraits de la première version pour mon mémoire de littérature comparée sur la ville d'Is.

Internet est quand même une grande chose, je me souviens de la galère pour accéder à une édition à la BM de Rennes, faire les recherches biblio, voyage depuis Limoges, montrer patte blanche, payer les photocopies...

Merlin et la fontaine de Galabes dans l’HRB.

MessagePosté: Mar 18 Déc, 2007 22:23
de jakes
Bonsoir à tous

Merlin et la fontaine de Galabes dans l’Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth en 1138.
Cette association précoce et singulière est elle le prototype de la fontaine de Barenton en Broceliande ?

Dans ce récit, l’ HRB, sitôt que Merlin ai lancé sa dernière prophétie devant le roi Vortigern §116 « si tu en as le pouvoir, fuit la colère des fils de Constantin. Déjà ils préparent des navires ; Déjà ils quittent les côtes de l’Armorique… », Aurèle Ambroise, réfugié chez Budic d'Armorique dans l'enfance, part à la reconquête de la Bretagne.

Victorieux des saxons mercenaires du traitre Vortigern il songe à édifier une « construction inédite » sur le mont Ambrius près de Salisbury en mémoire des Bretons morts pour le pays.
Tremorin, archevêque de Kaerleon soutient qu’il "n’existe qu’une personne qui puisse s’acquitter d’une tache pareille, c’est Merlin, le devin de Vortigern "

§128 : Les messagers d'Aurèle cherchent Merlin afin qu’il dirige la construction du Cercle des Géants.
« Parcourant les provinces, ces messagers le découvrirent dans le pays des Gewisséens, près de la fontaine de Galabes qu’il avait l’habitude de fréquenter. »( Edition Mathey –Maille)

Wace suit fidèlement dans le roman de Brut en 1154 la trame de l’Historia Regum Britanniae ;
Les émissaires d’Aurèle trouvent Merlin « a Labanes, une funtaine /Ki en Guales ert,.. » v8213. (Édition d’Yvor Arnold)

(Wace traduit abusivement et systématiquement les Gewissei de L’HRB par Guales (= pays de Galles), méconnaissance des Gewissae (=les West Saxons) de Béde le Vénérable :
Octave de Guales v5735, Vortigern de Guales v6481, et bien sûr le passage que je vient de citer « a Labanes, une funtaine /Ki en Guales ert,.. » .

Robert Wace, né à Jersey, chanoine à Bayeux semble assez fâché avec les « nugae » bretonnes de son temps :

Il ne traduit rien dans le roman de Brut de 1154 des prophéties de Merlin de l’HRB :
§116: 40ième prophétie de Merlin :La vallée de Galabes se transforme en montagne.
50ième prophétie : Les hommes perfides de Galabes , les Gewissei, combattent les Venédotiens (du Gwynedd, pays de Galles) sous la muraille de Glouchester.

Vallée, perfidie, fontaine, la dimention magique et maléfique du val sans retour, déjà?



Dans le Roman de Rou,1160-1170 où il n'évoque pas directement la forêt de Brocéliande. Il avait appris que :

La fontaine de Barenton
sort d'une part lez le perron
En la forêt tout environ
Mais je ne sais par kel raison


Curieux d'assister aux prodiges de cette source merveilleuse, Wace se rendit ence lieu :

La alai-je merveilles queue
Vi la forest et vi la terre
Merveilles quis, mais ne trovai
Fol m'en revinc, fol i alai
Fol y allai, fol m'en revinc,
Folies quis, por fol me tinc.


Wace ne découvrit pas la fontaine.
"les Bretons vont souvent fablants, Ils sont menteurs, hâbleurs, moqueurs, fiers, arrogants, violents, grifaignes".

Amicalement, Jakes .

MessagePosté: Mar 18 Déc, 2007 23:35
de André-Yves Bourgès
@ Jakez

Merci de cet intéressant rappel ; mais je cherchais simplement à vérifier la première attestation de Brocéliande dans le corpus arthurien, sans entrer dans des hypothèses aussi séduisantes que ténues, bien éloignées de ce que peut produire mon esprit un peu (trop) positiviste.

Il est frappant en effet de constater que Wace n'en pipe mot alors que, précisément, il connaît l'endroit comme le montre son Roman de Rou. C'est donc qu'à l'époque de composition de ce dernier ouvrage, la connection n'était pas encore établie.

Pour moi la question est tranchée : il faut attendre les années 1230 pour voir introduite directement (et non plus obliquement, comme l'avait fait Chrétien de Troyes) Brocéliande dans le légende arthurienne.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Mer 19 Déc, 2007 10:30
de Marc'heg an Avel
Salut,

1230 : la 3ème croisade était terminée; Arthur Ier de Bretagne (un Plantagenêt), était déjà mort, assassiné par son oncle; le "Saint-Grall" était déjà dans la littérature.

Brocéliande apparaît donc bien comme un raccord postérieur.

Par qui, et pourquoi ? Là est la question.

JCE :wink:

MessagePosté: Mer 19 Déc, 2007 20:57
de André-Yves Bourgès
Marc'heg an Avel a écrit:
Brocéliande apparaît donc bien comme un raccord postérieur.

Par qui, et pourquoi ? Là est la question.


Tout à fait d'accord : Taliesin avait eu l'amabilité de m'indiquer que Brocéliande n'était pas chez Robert de Boron, mais figurait dans l'Estoire de Merlin, le Livre del Lancelot del Lac, le Livre d'Artus, le Merlin Huth. C'est donc dans l'analyse et la critique historico-littéraire de ces ouvrages et de leurs sources qu'il faut rechercher, outre le "qui" et le "pourquoi", le "où", qui ne se situe manifestement pas en Bretagne continentale et qu'il convient peut-être de chercher plutôt du côté de la Champagne, dans un contexte qui bien sûr n'exclue pas des influences réciproques entre les deux principautés au travers de contacts politiques, diplomatiques, commerciaux et culturels.

Bien cordialement

André-Yves Bourgès

PS : à titre d'information, j'ai rendu compte au travers d'une notule du blog "hagio-historiographie médiévale" d'une hypothèse relative à "la dimension arthurienne de saint Armel" :
http://andreyvesbourges.blogspot.com/20 ... armel.html

MessagePosté: Jeu 20 Déc, 2007 19:07
de jakes
A Y Bourgès: "C'est donc dans l'analyse et la critique historico-littéraire de ces ouvrages et de leurs sources qu'il faut rechercher, outre le "qui" et le "pourquoi", le "où", qui ne se situe manifestement pas en Bretagne continentale et qu'il convient peut-être de chercher plutôt du côté de la Champagne."

Ca décoiffe! mais pourquoi pas. Quelle est votre piste cher Bourgès?

Brecelien semble quand même d'éthymologie bretonne, plutôt que champenoise, mais est ce un leure?

cordialement, Jakes.