Page 1 sur 1

sacrifices humains

MessagePosté: Jeu 17 Nov, 2005 12:56
de Leucobena
Alors voilà, j'ai bien effectué la recherche, mais c'est ... touffu, disons.
Donc ma requête est celle-ci : entre fantasme et preuves ( :roll: ) historiques, où en est-on de ce sujet ?

Beaucoup de scientifiques, d'archéologues, pensent que, pour, contre,... des textes romains en rapportent la description, mais les romains n'avaient-ils pas avantage à barbariser les barbares ? La religion des druides, réputée respecter la vie, pouvait-elle vraiment permettre de telles pratiques ? Foin de toute adoration des celtes qui n'en sont pas toujours vraiment dignes car l'humain est ce qu'il est, qu'apportent les études les plus récentes ?.....

Pouvez-vous apporter des remarques pertinentes sur ce sujet ou le grand flou règne-t'il toujours en maître?

MessagePosté: Jeu 17 Nov, 2005 15:00
de Marc'heg an Avel
Salut Leucobena,

Entre massacre et sacrifice : l'immolation des femmes romaines par les partisants de Boudicca, à la déesse Andrasta, lors de la guerre des Iceniens (60 ap. JC).

JCE :)

MessagePosté: Jeu 17 Nov, 2005 20:51
de Thierry
C'est un sujet très intéressant si on dépasse son aspect sensationnaliste et qui mérite qu'on s'y attarde en essayant de savoir ce qu'on entend par sacrifice humain.

En fait des mises à mort ritualisées sont décelables non seulement dans presque tout le monde antique et même au delà....

Une des difficultés tient à la confusion qui peut exister entre une condamnation à mort et une offrande à une divinité. Si on considère le fait que les condamnation ont pu être longtemps prononcées au nom de divinités, de la divinité puis de son incarnation, l'empereur, le roi, puis un souverain tout aussi mythifié que le peuple ou la nation, il est vraiment difficile de faire la part des choses.

En fait, on attribue souvent le pur sacrifice, odieux à nos sensibilités modernes, à des peuples (quasi) sans écritures et ces attributions ont souvent été le fait d'envahisseurs qui trouvaient ainsi une sorte de justification morale supplémentaire. Ainsi le texte de Lucain qui décrit comme le summum de l'horreur un site sacrificiel sinistre attribué aux gaulois ressemble étrangement à ce qu'on a pu lire sous la plume de conquistadores abordant le Mexique Aztèque.

De fait cette idée de sacrifice humain colle à cette civilisation et la déshumanise et la disqualifie quand on ne veut pas aller plus loin que le bout du nez des conquérants espagnols de façon quasi irrémédiable et il en est presqu'ainsi concernant les Celtes avec les témoignages romains.

La découverte de certains sites apparemment macabres en Gaule du Nord pourraient jouer dans le même sens si on ne fait aucun effort d'interprétation et de recherche de sens...

Le site de Fesques a fait sensation à cause de ses 17 paires de pieds, conséquence visible d'une exposition de suppliciés pendant de très longues périodes.

Une analyse très fine de ces situations spéciales par les archéologues ayant travaillé sur place a permis de découvrir que ces exposition étaient liés à un supplice qui pouvaient être très proche que celui...de la Croix, un peu différent tout de même car si les membres supérieurs étaient suspendus, les pieds, eux étaient fichés dans le sol.

On connait d'autres civilisations qui ont pratiqué de type d'exposition publique à échelle....industrielle. Sans parler de la vicitime la plus célèbre, que penser du consul Crassus qui fait élever des milliers de croix après la révolte de Spartacus..... :roll:

MessagePosté: Jeu 17 Nov, 2005 23:51
de Leucobena
Une des difficultés tient à la confusion qui peut exister entre une condamnation à mort et une offrande à une divinité.


Je me disais ceci : ne pouvaient-ils se dire "Puisque l'on fait couler du sang, autant l'offrir à un dieu" par exemple... (faut pas gâcher) ?

MessagePosté: Ven 18 Nov, 2005 22:28
de Thierry
Oui et non, il faut considérer le fait que l'autorité et donc la condamnation procéde de toute façon du divin, a une dimension sacrée.

Il y une dimension sacrificielle, expiatoire dans une condamnation à mort.

Les notions ne sont pas en soi si éloignées que ça.

On doit ajouter à cette dimension "judiciaire"que l'on trouve pour Fesques et peut être aussi à Acy-Romance, un autre aspect, celui-là, guerrier dont on trouve la trace à Gournay où l'on trouve des expositions d'armes prises à l'ennemi mais aussi de cadavres; s'agit ils de morts aux combats ou de prises de guerres sacrifiés.....

Dans les deux cas de figure, guerre ou condamnation, la mort semble ne pas être liée à la question de l'offrande ou en tout cas pas seulement, même si elle ne peut être départie de la présence divine....

MessagePosté: Dim 20 Nov, 2005 13:29
de Auetos
Bonjour à tous.

M. Brunaux, dans son livre "Les religions gauloises", nous dit :

 Le sacrifice humain :

Cette parenthèse a pour objet de replacer le sacrifice humain dans la vie religieuse quotidienne et non de le nier. De s’interroger sur une pratique exceptionnelle mais dont le sens très fort lui faisait jouer un rôle majeur dans l’imaginaire des peuples voisins.

Si l’on s’en tient à la seule réalité archéologique, il ne faudrait même pas accorder une place à ce rite qui n’a jamais été incontestablement prouvé. Jusqu’à présent et même si la présence d’os humains à l’intérieur des l’enceintes sacrées est attestée, aucun sanctuaire n’a livré de restes prouvant une mise à mort violente, de type sacrificiel, semblable à celle relevée sur les crânes de bœuf de Gournay : violents traumatismes sur la boite crânienne occasionnés par un instrument tranchant comme un merlin. Tant qu’une telle preuve matérielle ne sera pas fournie, l’existence du sacrifice humain dans ces sanctuaires ne peut être formellement établie.

Les traces relevées sur les vertèbres cervicales indiquent bien une décapitation mais qui a été faite, sur un individu déjà mort, avant l’arrivée du corps dans le sanctuaire. L’état de nos connaissances permet de ranger cette population à part : ce sont des corps d’ennemis morts ramenés dans le sanctuaire dans un rite de consécration des dépouilles.
« Aux ennemis tombés ils coupent les crânes et les attachent au cou de leurs chevaux. Les dépouilles ensanglantées de ces ennemis tués sont emportées comme du butin par les servants d’armes auxquels ils les ont confiées, au son du péan et des hymnes de victoire ; et ils clouent ces prémices du butin à leurs maisons » (Diodore de Sicile)

« … Dans beaucoup de cités on peut voir des tertres élevés dans des lieux consacrés avec des dépouilles … » (César)

En résumé, les os des hommes sur les sanctuaires ne présentent aucune analogie avec ceux des bêtes qui furent introduites vivantes dans ces enceintes pour y être immolées. On a affaire à des cadavres déposaient dans l’espace sacré, alors qu’ils avaient déjà subi un rite sur le lieu de leur mort, le prélèvement de leur crâne.

La fouille des grands sanctuaires du nord de la Gaule permet de tempérer les témoignages des auteurs anciens. Alors que ces derniers ne parlent jamais du sacrifice animal, omniprésent en ses lieux, ils sont prolixes envers le sacrifice humain, leitmotiv des sources écrites est absent de la plupart des sanctuaires.

Ces textes, nombreux et de qualité très inégale, peuvent être répartis en deux ensembles. Le premier contient un petit nombre d’écrits riches dont on connaît le sens et l’efficience, tandis que le second regroupe des informations souvent isolées, imprécises et peu crédibles.

Les auteurs de ces derniers recopièrent à l’infini une formule aussi tenace qu’imprécise qui est devenue un poncif de la littérature antique consacrée aux Gaulois : Les Gaulois sacrifiaient des victimes humaines, tantôt à Chronos, tantôt à Mercure ou à Saturne. Cette source nous vient du poète grec Sopatros qui accusait les Galates de mettre à mort leurs prisonniers de guerre.
Les autres, tirant pour l’essentiel leur source de Posidonios, nous dressent un tableau des différents sacrifices qui vont du sacrifice divinatoire aux exécution judiciaire en passant par le sacrifice d’action de grâce.


Le sacrifice divinatoire :

« Ils recourent également aux services de devins qu’ils tiennent en grande faveur. Ces derniers prédisent l’avenir d’après l’observation des oiseaux et par la mise à mort de victimes sacrificielles, c’est ainsi que toute la population est soumise à leurs oracles. Mais surtout quand ils font un examen sur un sujet important, ils ont une coutume étrange et incroyable. Un homme, qui a été consacré aux dieux, est frappé avec une épée dans une région située au-dessus du diaphragme, ils font alors leur prédiction d’après la chute de celui-ci qui a été frappé et qui tombe, d’après l’agitation de ses membres, mais aussi d’après la manière qu’a son sang de s’écouler, ayant foi dans cette observation divinatoire, ancienne et longtemps pratiquée. » (Diodore de Sicile)

« …ainsi que les formes de sacrifice et de divination, contraires à nos lois. Un homme, consacré aux dieux, après avoir été frappé dans le dos avec une épée, c’est d’après ses convulsions qu’ils prédisent l’avenir. » (Strabon)

On le voit, ce rite se déroule dans un but et un contexte précis. Car si la mantique privée peut s’accommoder de l’observation du vol des oiseaux ou la lecture des entrailles d’un animal quelconque, le destin d’une nation exige une haruspicine plus solennelle pratiquée sur un corps humain. Par sa consécration aux dieux la victime, « être sacré », place le sacrifice au sein d’un culte du plus haut niveau et établit le contact avec le monde divin. Autrement dit, la victime va devenir pour quelques instants le porte-parole des dieux qui vont s’exprimer à travers lui. L’authenticité d’un tel sacrifice semble, dans ce cas, incontestable, mais n’en demeure pas moins un cas exceptionnel, justifié par de grands intérêts qui menacent la nation entière.
Les Grecs et les Romains ont pratiqué longtemps de tels sacrifices avant l’entrée en guerre, sacrifice marqués du sceau de la mantique. On le voit, même au cours d’évènements dramatiques, ce type de sacrifice humain demeure exceptionnel, alors qu’on se trouve à une époque relativement ancienne, le début du III° siècle av. è.v.. C’est dire qu’à l’époque de César un tel sacrifice devait être rare, voire être le souvenir d’un lointain passé.


Le sacrifice d’action de grâce :

« … Mars régit les guerres. A ce dernier, quand ils ont décidé de livrer un combat, ils font la plupart du temps vœu de consacrer tout ce qu’ils prendront à la guerre : quand ils ont gagné, ils immolent tout le butin vivant et le reste ils l’apportent en un même endroit. Dans beaucoup de cités on peut voir des tertres élevés dans des lieux consacrés avec ces dépouilles. » (César)

« Quand le général des Barbares Galates fut revenu de sa poursuite, il rassembla les prisonniers et procéda à un acte cruel et parfaitement orgueilleux. Après les avoir couronnés, il sacrifia aux dieux ceux qui avaient le plus bel aspect et qui étaient dans la fleur de l’âge, si toutefois un dieu peut accepter de telles marques de vénérations. » (Diodore de Sicile)

Ce schéma classique indique un rite non pas courant mais connu et dont les règles doivent être scrupuleusement respectées, ce qui exclut tout emportement conjoncturel.
On a affaire ici à un ensemble de rites purement guerriers qu’on retrouve, dans ces grandes lignes, dans la religion romaine archaïque : le Votum. Le prix du vœu, suivant la gravité du péril, variait dans la masse et la qualité des offrandes. Il pouvait être total dans le pire des cas : butin matériel, animal et humain, ou se limiter à des prises prestigieuses : trophées d’armes, parures. Entre ces deux extrêmes, toutes les solutions étaient possibles.
Ainsi, que son but soit divinatoire ou qu’il soit l’aboutissement d’un vœu, le sacrifice humain apparaît avant tout comme un rite guerrier ou un rite conjoncturel dans une situation périlleuse. Par là il ne diffère pas des sacrifices que l’on rencontrait dans la Grèce ancienne ou à Rome jusqu’à une époque très tardive.


Exécutions judiciaires :

« … Les supplices de ceux qui sont arrêtés pour vol ou pour brigandages passent pour être plus agréables aux dieux... » (César)

« … En effet, les malfaiteurs qu’ils ont gardé prisonniers pendant cinq ans, ils les sacrifient en l’honneur des dieux… » (Diodore de Sicile)

Les Gaulois ne faisaient rien d’autre que ce que font la plupart des peuples au cours de l’histoire, c’est-à-dire qu’ils mettaient à mort les malfaiteurs. Les Grecs, comme les Romains, ne procédaient pas différemment, même si la mise à mort ne se justifiait plus par la religion mais par l’application des lois. Il ne fait aucun doute que toute personne convaincue d’un crime suffisamment grave ait été sacrifiée.
Chez la plupart des peuples gaulois, le juridique ne s’était pas séparé du religieux, non par archaïsme mais par philosophie politique. En s’occupant de toutes les affaires judiciaires, publiques et privées et en ritualisant les condamnations à mort, les druuides cantonnaient le sacrifice humain à un cadre strictement pénal qui, bien évidemment, fut institutionnalisé et décrété plus plaisant aux dieux. Il est donc fort probable qu’ils aient eue lieux au cours de grandes fêtes religieuses.


Autres sacrifices :

« … D’autres ont des représentations d’une grandeur colossale dont les pièces faites d’osier tressé sont remplies d’hommes vivants ; on met le feu a celles-ci et les hommes entourés par les flammes y périssent. » (César)

« … Mais on rapporte aussi d’autres formes de sacrifice humains : ils perçaient de traits les victimes et les accrochaient à un poteau dans les sanctuaires ; ils construisaient aussi une représentation gigantesque de bois et de paille qu’ils brûlaient après l’avoir remplie de bétail et de bêtes sauvages ainsi que d’êtres humains. » (Strabon)

Cette dernière forme de sacrifice, à cause de sa description exotique, a plus retenu l’attention des commentateurs que les sacrifices humains qui viennent d’êtres décrits et peuvent par comparaison avec d’autres religions paraître assez banals.
L’originalité de cet holocauste, les précisions sur la construction peux donner une certaine crédibilité au témoignage, sauf que la mention des bêtes sauvage dans le texte de Strabon paraît fort douteuse. Les autres sacrifices, mentionnés toujours par Strabon, paraissent plus suspects encore. Ainsi, il écrit, sans plus s’y attarder, deux manières parfaitement aberrantes de mettre à mort des humains. La première consiste à percer une victime de flèches, la seconde à suspendre ou accrocher à un poteau un homme dans une enceinte sacrée.
Les récentes découvertes de dépôts osseux humains dans les sanctuaires Bellouaques, loin d’accréditer de tels témoignages, invitent plutôt à les corriger. On est en droit de se demander s’il ne s’agit pas tout simplement de la description de trophées humains construits avec des cadavres de guerriers morts au champ d’honneur.
A l’époque de Posidonios, la confection de gigantesques trophées humains n’était déjà plus en usage dans la Gaule, c’est donc par une source intermédiaire que l’ethnographe de la Gaule a eu à connaître cette coutume. L’auteur de sa source n’a certainement pas vu l’accomplissement du rite qui devait se faire dans le secret ou dans le cercle des initiés, il n’a donc vu que le résultat ; des cadavres décharnés encore accrochés à des poteaux, et c’est à partir de cette observation qu’il a reconstruit un rite imaginaire.
Quoi qu’il en soit, qu’il s’agisse d’un véritable sacrifice ou, comme je le crois, de la description d’un trophée, il s’agit encore une fois de rites purement guerriers.


Au terme de cette parenthèse, nous pouvons dire en toute objectivité que le sacrifice humain a existé en Gaule, qu’il entrait dans des pratiques guerrières et prenait des formes tout à fait similaires à celle que l’on rencontrait en Grèce jusqu’au VI° siècle av. è.v. et à Rome jusqu’à l’Empire.
A partir du III° siècle av. è.v., sous l’influence de la philosophie druidique et sous l’effet de la transformation profonde de la société gauloise, cette pratique prend essentiellement une allure pénale, et donc, le sacrifice humain proprement dit, dont César accuse les druuides, était, à son arrivée en Gaule, abolis depuis déjà fort longtemps.

MessagePosté: Dim 20 Nov, 2005 14:41
de Leucobena
Les autres sacrifices, mentionnés toujours par Strabon, paraissent plus suspects encore. Ainsi, il écrit, sans plus s’y attarder, deux manières parfaitement aberrantes de mettre à mort des humains. La première consiste à percer une victime de flèches, la seconde à suspendre ou accrocher à un poteau un homme dans une enceinte sacrée.


Hem, et le supplice célèbre de Saint Sébastien ? quant à accrocher un homme à un poteau, il y en a ue d'autres dans l'histoire, tout dépend de la manière dont ils sont accrochés, je pense qu'il veut dire que ce n'est pas crédible en tant que sacrifice, par contre comme supplice il n'y a pas de doûte. Il y a même de nombreuses méthodes plus incroyables encore... Mais je m'égare là n'est pas le sujet et ça ne concerne à priori pas les gaulois.

Peut-être que Brunaux reverrait ses conclusions sur les crânes humain "percutés" avec ceci, la hache d'Acy Romance :
http://forum.arbre-celtique.com/viewtop ... 4091#34091

MessagePosté: Mer 23 Nov, 2005 17:08
de ejds
Auetos a écrit: Les autres sacrifices, mentionnés toujours par Strabon, paraissent plus suspects encore. Ainsi, il écrit, sans plus s’y attarder, deux manières parfaitement aberrantes de mettre à mort des humains. La première consiste à percer une victime de flèches, la seconde à suspendre ou accrocher à un poteau un homme dans une enceinte sacrée.

:? :shock: ... On pourrait aussi énumérer à l’infini les exemples connus et pratiqués de "sacrifices" par les Romains.
Plutôt, à circonstances appropriées, termes appropriés : punition sommaire, règlement de compte, exécution collective dans les arênes, condamnation pour l'exemple... dans la souffrance.
Comme celui de la crucifixion sur une colline, la tête en bas de Saint Pierre, car accusé, lui et les siens par Néron en 64 ap JC, d’avoir mis le feu à Rome.

Un film, à voir ou à revoir, qui retrace la vie peu enviable des premiers chrétiens à Rome, ou la rencontre d'un général victorieux des Brittons, avec une esclave chrétienne :

http://www.cinemovies.fr/fiche_film.php?IDfilm=6673

Quo vadis ?

http://cine.voila.fr/film/fichefilm_gen ... 44210.html

e.