Posté:
Jeu 30 Nov, 2006 16:02
de DT
Salut,
Pour ceux qui maîtrisent peu l’Anglais.
Tiré de Ch-j. Guyonvarc’h, Textes mythologiques irlandais I, Volume 1, Ogam-Celticum, 1980.
« EXTRAITS DU « LIVRE DES CONQUETES DE L'IRLANDE »
Ne sont cités ci-après que des extraits présentant un intérêt mythologique certain. Ils sont traduits d'après l'édition de R.A.S. Macalister, Lebor Gabala Erenn. The Book of the Taking of Ireland I, 1938, xxxiv et 269 pages ; II, 1939, 273 pages ; III, 1940, 206 pages ; IV, 1941, 342 pages ; V, 1956, 581 pages, Dublin, Irish Texts Society, volumes XXXIV, XXXV, XXXIX, XLI, XLIV. Comme nous n'entrons pas dans le détail de la critique textuelle des trois rédactions, des deux versions secondaires et des dix-huit manuscrits qui les contiennent (dont les plus connus sont les Livre de Leinster, Livre de Ballymote, Livre de Fermoy, Livre de Lecan et Rawlinson B 512 ; voir Macalister, op. cit., I, pp. VI-VIII), nos références renvoient uniquement à l'édition Macalister. Elles se répartissent ainsi dans notre classement :
1. I. : pp. 162-166, §§ 101-102 ;
2. II. : pp. 176-178, §§ 166-167 ; pp. 184-188, §§ 173-177 ; III. pp. 2-4, §§ 208-210 ; pp. 8-12, §§ 211-216 ; pp. 14-20, §§ 219-221 ;
3. III. : pp. 38-42, §§ 232-236 ;
4. III. : pp. 120-126, §§ 237-245 ; pp. 180-186, poème XLII ;
5. IV. : p. 14,§ 286 ; pp. 28-36, §§ 295-299 ;
6. IV. : pp. 106-110, §§ 304-307 ; pp. 110-130, §§ 309-316 ; p. 132,§ 317 ;
7. V. : pp. 10-20, §§ 378-384 ; pp. 30-32, §§ 386-387 ; pp. 34-38, §§ 390-395 ; p. 110, poème LXVIII ; p. 114, poèmes LXX et LXXI.
Pour plus de précision nous reprenons dans notre présentation matérielle des extraits la numérotation des paragraphes de l'édition Macalister. D'autres passages sont cités dans le Commentaire pour les besoins de l'explication religieuse. Quand l'édition Macalister produit concurremment deux (ou trois) rédactions, nous choisissons celle qui nous paraît la plus riche de détails.
1 : DÉFINITION DE L'OUVRAGE, DESCRIPTION DE L'IRLANDE ET GÉNÉALOGIE BIBLIQUE DES RACES QUI L'ONT PEUPLÉE.
§ 101. Une explication des prises de l'Irlande et de son histoire, de la liste de ses rois ; une récapitulation des histoires et un témoignage clair de ce qui s'est passé avant nous depuis le commencement du livre jusqu'à maintenant, ut dicit historia. L'île d'Irlande est située à l'ouest : comme le paradis d'Adam est placé sur la côte sud-est, l'Irlande est dans la partie septentrionale du monde, vers l'ouest. Ces deux pays sont semblables par nature, comme ils sont semblables par leur situation sur le globe. Car, de même que le paradis n'a pas de bête nuisible, c'est ainsi que les savants assurent que l'Irlande n'a ni serpent, ni lion, ni crapaud, ni rat nuisible, ni dragon, ni scorpion, ni aucun animal malfaisant, excepté le loup. L'Irlande est donc appelée « l'île de l'Ouest » : « Hyberoc » en grec est dit « occasum » en latin ; « nia » ou « nyon » en grec est dit « insula » en latin. Or, l'Irlande est proche de l'île de Bretagne. Pour ce qui est de la dimension des terres elle est plus étroite, mais pour ce qui est du sol elle est plus fertile. Celle-ci s'étend depuis le nord de l'Afrique et sa partie extrême atteint l'Ibérie, c'est-à-dire l'Espagne, et l'océan cantabrique. C'est à cause de cela qu'elle est appelée Hibernie. Elle est appelée aussi Scotia parce qu'elle est habitée par la nation des Scots. Il n'y a là ni serpent, ni oiseau rare, ni abeille. C'en était au point — et il n'en est plus ainsi maintenant — que si quelqu'un répandait parmi les ruches du sable ou du gravier apporté de cet endroit, les essaims les quittaient immédiatement. Les Scots sont nommés ainsi de Scota, fille du pharaon roi d'Egypte, qui fut l'épouse de Nelius. Et ils sont appelés Feni de Fenius Farsaid. Les Scots sont les mêmes que les Pictes, nommés ainsi à cause de leurs corps peints, pour ainsi dire scissi, parce qu'ils sont marqués d'images et de figures variées au moyen d'épingles et d'encre. Le pays est appelé aussi Eriu à cause de ses héros. Sudet qui legit.
§ 102. C'est des trois fils de Noë que furent remplies les trois parties de la terre, l'Europe, l'Afrique et l'Asie. Sem, fils de Noë, s'empara de l'Asie et vingt-sept races descendent de lui ; Cam s'empara de l'Afrique et trente races descendent de lui ; Japhet, fils de Noë, s'empara de l'Europe et de nord de l'Asie et quinze races descendent de lui. De quibus hoc carmen…..C'est de Japhet que viennent au nord-est les Scythes, les Arméniens et les peuples de l'Asie Mineure, les occupants et les peuples de toute l'Europe, et le peuple des îles qui sont en face depuis le sud, le nord et l'ouest, et depuis le mont Riphe au nord jusqu'à la côte d'Espagne. Japhet avait huit fils, à savoir que Magog était le huitième fils. Magog eut deux fils : Ibath et Baath. C'est d'Ibath que viennent les rois de Rome. Baath eut un fils, Fenius Farsaid, de qui viennent les Scythes, et c'est de sa race que sont les Goidels. De Ibath viennent les Francs, les Romains, les Saxons, les Bretons et les Albanais. C'est de Magog fils de Japhet que viennent les tribus qui s'emparèrent de l'Irlande avant les Goidels : Partholon, fils de Sera, fils de Sru, fils d'Esru, fils de Braiment, fils d'Aithech, fils de Baath, fils de Magog, fils de Japhet, fils de
Noë ; Nemed, fils d'Agnomain, fils de Paim, fils de Tait, fils de Sera, fils de Sru ; et la race de Nemed, les Gaileoin, les Fir Bolg et les Fir Domnann…..
4 : LA DEUXIEME CONQUETE DE L'IRLANDE
§ 237. Puis l'Irlande fut déserte pendant le temps de trente ans après la mort de Partholon, jusqu'à ce que vînt Nemed, fils d'Agnoman, des Grecs de Scythie, avec ses quatre chefs qui étaient ses quatre fils. Il eut quarante-quatre navires sur la Mer Caspienne pendant un an et demi mais seul son navire atteignit l'Irlande. Ce sont eux les quatre chefs : Iarbonel le devin, Annind et Fergus au Côté Rouge. Ils étaient les quatre fils de Nemed.
§ 238. Il y eut quatre jaillissements de lacs en Irlande au temps de Nemed : Loch Cal à Ui Niallain, Loch Munremar à Luigne, Loch Dairbrech, Loch Annind en Meath. C'est quand l'on creusait la tombe d'Annind, fils de Nemed, et qu'on l'enterrait que le lac jaillit sur le pays.
§ 239. C'est Nemed qui livra la bataille de Ros Fraechain contre Gann et Sengann, deux rois fomoire, et tous les deux furent tués. Deux forteresses royales furent construites par Nemed en Irlande, Raith Chimbaith en Semne et Raith Chindeich à Ui Niallain. Les quatre fils de Matan Munremar construisirent Rath Cindeich en un seul jour, à savoir Boc, Roboc, Ruibne et Rotan. Ils furent tués avant le matin à Daire Lige par Nemed avant qu'ils n'eussent achevé la construction.
§ 240. Douze plaines furent défrichées par Nemed en Irlande : Mag Cera, Mag Eba, Mag Cuile Tolaind et Mag Luirg en Connaught, Mag Seired en Tethba, Mag Tochair en Tir Eogain, Mag Seimne en Araide, Mag Macha en Archialla, Mag Muirthemne en Brega, Mag Bernsa en Laighne, Lecmag et Mag Moda en Munster.
§ 241. Il gagna trois batailles sur les Fomoire (des pirates de la mer) : la bataille de Badbgna en Connaught, Ia bataille de Cnamros en Leinster, la bataille de Murbolg en Dalriada. Puis Nemed mourut à Oilean Arda Nemid dans le territoire des Ui Liathain dans le Munster, d'une peste qui fit mourir deux mille personnes.
§ 242. Il y eut une grande oppression de la race de Nemed après lui en Irlande, du fait de Morc, fils de Dela, et de Conann, fils de Febar (c'est de lui qu'est nommée la tour de Conann, qui est appelée aujourd'hui Toirinis Cetne ; c'est là qu'était la grande flotte des Fomoire). Les deux tiers des enfants, du blé et du lait des hommes d'Irlande étaient apportés à chaque Samain à Mag Cetne. La colère et la fatigue saisirent cependant les hommes d'Irlande à cause de la lourdeur du tribut. Ils allèrent tous livrer bataille contre les Fomoire. Ils avaient trois champions, Semul, fils de Iarbonel le devin, fils de Nemed, Erglan, fils de Beoan, fils de Starn, fils de Nemed, Fergus au Côté Rouge. Ils étaient trois mille sur mer, trois mille autres sur terre. Ils prirent d'assaut la tour. Conann et ses enfants tombèrent.
§ 243. Après cette prise Morc, fils de Dela, vint contre eux avec les équipages de soixante navires et ils s'entretuèrent tous. La mer monta sur les hommes d'Irlande et aucun ne s'enfuit tant la bataille était rude. Il n'en réchappa qu'un navire dans lequel étaient trente hommes. Ils fuirent l'Irlande à cause de la calamité et du tribut. Bethach mourut en Irlande de la peste. Ses dix femmes lui survécurent pendant vingt-trois ans. Ibath et son fils Baath allèrent au nord du monde. Matach, Erglan et Iartach, les trois fils de Beoan, allèrent à Dobar et Iardobar au nord de l'Ecosse.
§ 244. Semeon alla au pays des Grecs. Ses descendants s'y multiplièrent si bien qu'ils furent des milliers. Les Grecs les réduisirent en esclavage : ils devaient apporter de la terre sur des montagnes escarpées pour qu'elles fussent des plaines fleuries. Ils furent fatigués de leur servitude et ils s'enfuirent au nombre de cinq mille. Ils firent des barques de leurs sacs. Ou, comme le dit le cahier au Dos de Neige, ils s'emparèrent pour partir des navires du roi des Grecs. Ils retournèrent en Irlande, leur pays d'origine. Cela, c'était deux cent trente ans après Nemed. Voici quels étaient leurs cinq chefs : Gann, Genann, Rudraige, Sengann et Slaine.
§ 245. Quant à Fergus au Côté Rouge et à son fils Britain Mael, de qui viennent les Bretons du monde, ils prirent Moin Conain et ils remplirent de leur descendance la grande île, Britannia insula, jusqu'à ce que Hengist et Horsa, les deux fils de Guictglis, roi des Saxons, vinssent les soumettre. Et ils repoussèrent les Bretons sur les bords de l'île. Ce sont les aventures des enfants de Nemed après la prise de la tour de Conann, et à ce sujet le sage historien a chanté :
poème XLI :
« La prise de la Tour de Conann, avec héroïsme,
sur Conann, le grand fils de Faebar :
les hommes d'Irlande y allèrent,
et trois princes avec eux.
Erglan, fils de Beoan, fils de Sdarn,
Semeon, fils de Iardan le rude ;
le guerrier de la plaine alla en exil,
le fils de Nemed, Fergus au Côté Rouge.
Trois fois vingt mille, d'une manière brillante,
sur terre et sur mer,
tel fut le nombre de ceux qui partirent de chez eux,
des enfants de Nemed, pour la prise de la tour.
Torinis, l'île de la tour,
forteresse de Conann, fils de Faebar;
c'est par Fergus lui-même, combat de valeur,
que fut abattu Conann, fils de Faebar.
Morc, fils de Deled, y vint ;
c'était pour aider Conann.
Conann tomba avant :
pour Morc ce fut une grande nouvelle.
Soixante navires sur l'océan,
tel est le nombre de ceux avec lesquels vint Morc, fils de Dela.
Ils les comptèrent avant qu'ils ne touchassent terre,
les enfants de Nemed à la force brillante.
Les hommes de toute l'Irlande furent dans la bataille :
après la venue des Fomoire
le flux les noya tous
hormis trois fois dix hommes.
Erglan, Matach, Iartacht le noble,
les trois fils de Becan, fils de Starn à la ceinture blanche,
Bethach, Britan après le combat,
Beath le glorieux et Ibath;
Bechach, Bethach, Bronal, Pal,
Gorthigern, German, Glasan,
Ceran, Gobran, Gothiam le pur,
Gam, Dam, Ding et Deal;
Semeon, Fortecht, Gosten le brillant,
Grimaig, Guilliuc l'intelligent,
Taman, Turruc et Glas,
Feb et Feran à la chevelure frisée ;
Trois fois dix hommes de cette belle navigation
quittèrent ensuite l'Irlande ;
ils se partagèrent en trois groupes
après la prise de la tour de Conann à l'ouest.
Le tiers de Bethach le victorieux, à la belle gloire,
de Torinis à Boinn ;
c'est lui qui mourut à Inis Fail,
deux ans après Britan.
Le tiers de Semeon, fils du noble Erglan,
mourut à Belach Conglais avec horreur;
le tiers de Britan, dit Ua Flainn,
alla ensuite jusqu'à la tour de Conann.
Les enfants d'Israël firent un voyage
en ce temps-là : ils sortirent d'Egypte
et les enfants de Gaedel Glas
entreprirent un voyage vers la Scythie.
Ô Christ aimable à la belle apparence,
Ô roi qui attribue la porte du paradis ;
dans ton ciel, endroit célèbre,
Ô roi de la terre, puisses-tu me choisir ! ».
[Commentaires de Ch-J. Guyonvarc’h]
La deuxième conquête de l'Irlande est menée à bien par un chef au nom celtique : Nemed est le « sacré », à la différence de Partholon dont le nom était d'origine étrangère (et d'emprunt relativement récent). Le schéma de la conquête est classique :
- errance maritime,
- jaillissement de lacs, défrichements de plaines, construction de forteresses,
- batailles contre les Fomoire,
- mort par maladie ou massacre et fuite des survivants.
Le triplement de la bataille contre les Fomoire ne trahit aucun souvenir historique, hormis la mention des « pirates de la mer » qui exprime indirectement ici l'assimilation des Vikings — Danois et Norvégiens arrivés à la fin du Vlllème et au début du IXème siècle — aux Fomoire. Tous les ennemis de l'Irlande auront d'ailleurs plus ou moins ce sort. Le combat contre eux n'est pas compris non plus comme l'expulsion d'un précédent occupant mais comme une révolte contre un oppresseur (cf. infra l'explication de Mag Slecht). L'antagonisme complexe des Fomoire et des occupants de l'Irlande, antagonisme absolu mais coupé de trêves et d'alliances, sera mieux présenté à propos de la Bataille de Moytura où le schème est le plus clair. Mais le poème relatif a la tour de Conann, chef Fomoire, est un bon exemple de la poésie de cour irlandaise avec son emphase et ses redondances. Indépendamment de ce fait le poème dépeint la tour comme une chose de l'Autre Monde et il établit un parallèle entre le départ d'Egypte des Hébreux et la fuite de Nemed de Grèce en Irlande. Keating suit dans l'ensemble la trame de la narration du Livre des Conquêtes et il va plus loin encore dans l'assimilation biblique : pour lui les Fomoire étaient des « navigateurs de la race de Cham qui partit d'Afrique. Ils fuirent jusqu'aux îles de l'ouest de l'Europe et ils y firent une occupation pour eux-mêmes, fuyant aussi la race de Sem de peur qu'elle ne prît l'avantage sur eux, à la suite de la malédiction mise par Noë sur Cham dont ils venaient » (éd. D. Comyn, I, p. 178). L'interprétation biblique est contredite par la nature même des Fomoire mais elle est conforme à l'esprit des rédacteurs du Livre des Conquêtes et elle rejoint la définition de Partholon comme « parricide » (analogue à Caïn) contraint de quitter sa famille, de s'exiler et ne pouvant, à cause de son crime, faire souche dans le pays où il s'installe.
Le récit de la prise de la tour de Conann complète aussi, et achève, la transition entre la race de Nemed et la suivante, celle des Fir Bolg. C'est ce que l'on infère de la dispersion des fils de Nemed dans trois directions :
- les fils de Bethach et de Beoan au nord du monde et en Ecosse,
- Semeon et ses descendants chez les Grecs,
- Fergus et son fils Britain Mael en Grande-Bretagne.
Ils reviendront sous le nom de Fir Bolg, dont on a voulu faire des Bretons et des Belges — autre naïveté historicisante, moderne celle-là — mais les trois directions, encore une fois, ne sont pas une géographie à prendre au pied de la lettre : l'Ecosse et la Grande-Bretagne sont toutes deux « au nord du monde », et la Grèce, comme l'Espagne, est un substitut érudit de l'Autre Monde. L'important est que les enfants de Nemed quittent l'Irlande.
Le premier résultat de la curieuse ethnographie et des « mouvements » du Livre des Conquêtes est donc de donner une origine goidélique aux Bretons de la grande île voisine, annexion que ne justifie plus la philologie contemporaine. Keating, qui rapporte lui aussi fidèlement et clairement toutes ces traditions, et qui a de l'amour-propre à revendre, saisit l'occasion pour critiquer la théorie des Bretons descendant de Brutus : « Le plus convenable est de penser que cela est vrai, car il n'est pas probable qu'on la nomme (la Bretagne) de Brutus. Car si elle venait de lui, il est probable qu'on l'appellerait Brutania. En outre c'est ce nom qui a été le plus obscurci par les enfants de Brutus suivant (Geoffroy de) Monmouth, puisque Laegrus, fils de Brutus, donna le nom de Laegria à la partie de la Bretagne qui lui revenait; Camber, le second fils de Brutus, donna le nom de Cambria à la partie qui lui revenait; et Albanactus, le troisième fils de Brutus, donna le nom d'Albania à sa propre part du même territoire.
Quant aux autres enfants de Nemed, qui continuèrent à habiter l'Irlande après (le départ de) ces chefs, ils furent opprimés, de temps à autre par les Fomoire, jusqu'à l'arrivée de la postérité de Simeon Brec, fils de Starn, fils de Nemed, de Grèce en Irlande. Il y a eu deux cent dix-sept ans depuis la venue de Nemed en Irlande jusqu'à l'arrivée des Fir Bolg... » (op. cit., éd. D. Comyn, I, p. 188).
Nous verrons que les Tûatha Dê Dânann, qui succèderont aux Fir Bolg, descendent eux aussi de la race de Nemed, avec le même ancêtre commun que Partholon. Le principal souci des auteurs du Livre des Conquêtes, outre la justification biblique de leur tradition, a été précisément de démontrer la continuité du peuplement de l'Irlande, terre promise de Goidels, comme la Palestine a été la terre promise d'Israël. Leurs méthodes scientifiques, ethnographiques ou étymologiques n'étaient évidemment pas celles qui sont les nôtres mais il ne sert à rien d'appliquer des méthodes d'investigation modernes à leurs résultats si l'on n'a pas compris le postulat qui leur a servi de base. Que l'on trouve partout les mêmes thèmes, chez Giraud de Cambrie, chez Keating ou dans les Annales des Quatre Maîtres, cela a une signification. Si d'Arbois de Jubainville et quelques-uns de ses successeurs avaient vu dans le Livre des Conquêtes autre chose que des réminiscences historiques, ils auraient peut-être empêché des celtomanes, charlatans ignares et peu soucieux d'exactitude, de transformer cette partie de la tradition celtique en fausse littérature ou en stupide science-fiction, terrestre ou extra-terrestre. »
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