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MessagePosté: Sam 22 Nov, 2008 0:27
de Sedullos
Muskull a écrit:
Alexandre a écrit:IVe siècle ?

Oui, une supposition dans le domaine celtique de la révolte des kshatrias.
Sedullos pourrait t'en dire plus, il a bien étudié ce "renversement".


Salut,
Tu fais allusion à quoi exactement ? La chasse au sanglier dans Kulhwch et Olwen ?

MessagePosté: Sam 22 Nov, 2008 16:56
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:L'épisode de la course de St Edern montant un cerf contre sa soeur Genovefa conté par A. le Braz n'est pas sans rappeller celle de Pwyll et de Rhiannon.


Bonjour ami Muskull,

personnellement je m'interroge sur cette histoire collectée par Le Braz et pour laquelle nous ne disposons pas de témoignage plus ancien.

Sur Edern et son dossier hagiographique (fort mince au demeurant), voir ici la synthèse proposée par Y.-C. Castel et , ce qui concerne le "saint de pierre et bois".

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Sam 22 Nov, 2008 18:03
de Muskull
Merci André-Yves :)
Apparemment l'épisode de la course retranscrite par A. le Braz est emprunté à la "vie" St Theleau.
Je m'en va voir ça de plus près pour analyser le rôle féminin de "l'aventure". :wink:

Sed et Alexandre,
Excusez-moi de mon manque de précision. C'était bien sûr le IV° siècle avant J.C.
Dès sa seconde moitié les archéologues notent une "explosion exponentielle" de l'armement dans les sépultures. Je suis en train de vérifier la réalité de ce phénomène dans "L'âge du Fer en France" de P. Brun et P. Ruby.
Leur analyse historiologique de l'interprétation des découvertes archéologiques est passionnante et remet sans doute en cause mon interprétation. Qui était:
La montée en puissance des guerriers qui auraient pu évincer une "chiefferie" plus ou moins complexe et étendue spatialement qui conjuguait royauté et sacerdoce.

Éviction que l'on retrouve effectivement de manière mythique en La chasse au sanglier dans Kulhwch et Olwen des Mabinogion dont le but est de conquérir "la fille du géant". Donc, d'une certaine façon un renversement dynastique. :wink:

MessagePosté: Sam 22 Nov, 2008 18:32
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:Apparemment l'épisode de la course retranscrite par A. le Braz est emprunté à la "vie" St Theleau.


Sur ces aspects "mythologiques" concernant saint Teliau, voir aux éditions Kan an Douar le travail de J. Harscoët sur la troménie de Landeleau, téléchargeable ici.

Toute cette histoire est inconnue de l'auteur de la vita Teliavi, lequel, s'il fait allusion à l'utilisation par le saint de cerfs en guise d'animaux de trait, ne connaît de séjour armoricain de son héros que dans les parages de Dol, où Teliau est naturellement en contact avec saint Samson.

Nous voilà donc avec l'éternel problème de l'époque d'apparition de certaines légendes populaires concernant les saints en Bretagne. J'ai une petite idée là dessus et je la soumettrai à discussion si le débat s'engage.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Sam 22 Nov, 2008 19:27
de Muskull
Cher André-Yves,
Avant même de lire le texte que tu proposes, intentionnellement, je dirais que toutes résurgeances, voire envahissements mythiques et déluges de l'âme sont du fait de la Banshee. :twisted:
Celle qu'il faut faire taire quite à rameuter druides ou curés (Légende d'Is, Le Roux-Guyonvarc'h) parce qu'elle est l'ennemie de l'ordre établi et stagnant, cet hiver de la pensée, terre gaste du roi pêcheur, infertile et vide...

A bientôt Chevalier ! :D

MessagePosté: Sam 22 Nov, 2008 21:07
de Sedullos
Muskull a écrit:Merci André-Yves :)
Apparemment l'épisode de la course retranscrite par A. le Braz est emprunté à la "vie" St Theleau.
Je m'en va voir ça de plus près pour analyser le rôle féminin de "l'aventure". :wink:

Sed et Alexandre,
Excusez-moi de mon manque de précision. C'était bien sûr le IV° siècle avant J.C.
Dès sa seconde moitié les archéologues notent une "explosion exponentielle" de l'armement dans les sépultures. Je suis en train de vérifier la réalité de ce phénomène dans "L'âge du Fer en France" de P. Brun et P. Ruby.
Leur analyse historiologique de l'interprétation des découvertes archéologiques est passionnante et remet sans doute en cause mon interprétation. Qui était:
La montée en puissance des guerriers qui auraient pu évincer une "chiefferie" plus ou moins complexe et étendue spatialement qui conjuguait royauté et sacerdoce.

Éviction que l'on retrouve effectivement de manière mythique en La chasse au sanglier dans Kulhwch et Olwen des Mabinogion dont le but est de conquérir "la fille du géant". Donc, d'une certaine façon un renversement dynastique. :wink:


Muskull, juste quelques éléments :

La sépulture à char de la Gorge Meillet (Marne) : le guerrier portait une lance, 3 javelots, une épée, 1 casque. Ce type de panoplie se retrouve dans des récits irlandais et n'a rien d'exceptionnel, lesquels récits mentionnent druides, rois et guerriers.

L'armement celtique est stable du Vème au Ier siècle av. J.-C. ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu d'évolution, bien sûr.

Mais je doute vraiment qu'on puisse en déduire une quelconque révolte des guerriers contre les druides ou les rois. Qu'il y ait eu des changements dynastiques, oui, l'apparition de nouvelles oligrachies, aussi.

Et donc le curieux récit gallois de la chasse au sanglier serait le seul indice par rapport à cet révolte de ksatryas. Si on prend le récit à la lettre, la chasse d'un sanglier dévastateur, ça fonctionne aussi.

Si les cochons gaulois étaient tous petits, les sangliers eux étaient des "monstres", on parle de 1,50 m au garrot, (à vérifier) qui ne pouvaient être chassés que par des nobles armés avec chiens et chevaux.

MessagePosté: Sam 22 Nov, 2008 21:18
de Pierre
Sedullos a écrit:Si les cochons gaulois étaient tous petits, les sangliers eux étaient des "monstres", on parle de 1,50 m au garrot, (à vérifier) qui ne pouvaient être chassés que par des nobles armés avec chiens et chevaux.


Salut Sedullos,

Sujet qui effectivement mérite d'être examiné à la loupe.
Mais à condition de ne pas en abuser :wink:

1m50 au garrot, une rencontre nez à nez avec un tel bestiau, est dans ce cas à prendre au sens "propre".
Même ramené de moitié, ça fait une belle bête, qu'il vaut mieux éviter de rencontrer dans les sous-bois.

@+Fourbos

MessagePosté: Sam 22 Nov, 2008 23:40
de Sedullos
Je continue sur les guerriers. A partir du IVème siècle et jusqu'au Ier siècle av. J.-C., il est probable qu'on assiste à un élargissement de la classe guerrière avec des levées générales bien antérieures à la guerre des Gaules et qui se traduisent militairement par l'accroissement de l'infanterie légère. On a des traces chez Polybe et chez César.

Mais il semble difficile d'en déduire des éléments politiques même si on peut associer le développement de la phalange, infanterie lourde, avec l'élargissement des assemblées guerrières.

J'arrête là puisque tout cela n'a pas grand chose à voir avec le thème de la banshee. :wink:

MessagePosté: Dim 23 Nov, 2008 1:03
de André-Yves Bourgès
Bonsoir les amis,

Décidément notre forum "Historiographie" pourrait tout aussi bien s'appeler la "Foire à tout", où la Banshee, à l'instar de Princesse Bride et de ses RTI, croise des sangliers géants...

Je profite de l'occasion pour rappeler ici un livre fort stimulant, connu de tous les spécialistes du mythe de la Femme de l'Autre monde, celui que F. Le Roux et C.-J. Guyonvarc'h ont consacré à La légende de la ville d'Is, livre à la fois intelligent et érudit, qui fait justice de la pseudo-légende issue du courant folklorisant des XIXe et XXe siècle pour remonter aux origines du mythe supposé.

Quand je dis "mythe supposé", c'est que la démonstration de ces deux excellents chercheurs me paraît achopper sur le problème des sources dès la première étape de la construction légendaire, dont, avec une franchise qui les honore, ils déclarent : "en l'état actuel des choses, cela commence par un récit d'hagiographe", récit au demeurant tardif, puisqu'il s'agit de celui consacré à saint Gwenolé, dominicain de Morlaix, Albert Le Grand paru pour la première fois en 1636/1637.

Ici comme ailleurs, il reste à identifier les sources d'Albert Le Grand et en proposer la critique : supposer comme le font Le Roux et Guyonvarc'h que le nom et le personnage de Dahud nous ont conservé, dans le récit de l'hagiographe, le souvenir déformé de la Banshee, qui d'ailleurs ne figure pas dans les textes antérieurs (depuis Le Baud vers la fin du XVe siècle jusqu'à l'auteur anonyme du Mystère de saint Gwenolé, qui travaille vers 1580), c'est, me semble-t-il, considérer comme acquis ce qui reste à démontrer.

Au passage, je signale que dans leur recensement des textes sur Ys, Le Roux et Guyonvarc'h ont omis un passage d'un contemporain du P. Le Grand et qui fut en contact avec lui, Du Buisson-Aubenay, dans son Itinéraire de Bretagne (dernière édition, p. 358-359).

Cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Dim 23 Nov, 2008 11:04
de Muskull
André-Yves Bourgès a écrit:Sur ces aspects "mythologiques" concernant saint Teliau, voir aux éditions Kan an Douar le travail de J. Harscoët sur la troménie de Landeleau, téléchargeable ici.
...

Nous voilà donc avec l'éternel problème de l'époque d'apparition de certaines légendes populaires concernant les saints en Bretagne. J'ai une petite idée là dessus et je la soumettrai à discussion si le débat s'engage.

Hou ben, 300 pages quand même !
Pour les pressés p 34 le récit de fondation où l'on voit que Télo est un "homme du síd et à partir de la p 233 pour les correspondances mythiques :wink:
@ suivre...

MessagePosté: Dim 23 Nov, 2008 12:18
de André-Yves Bourgès
André-Yves Bourgès a écrit:Au passage, je signale que dans leur recensement des textes sur Ys, Le Roux et Guyonvarc'h ont omis un passage d'un contemporain du P. Le Grand et qui fut en contact avec lui, Du Buisson-Aubenay, dans son Itinéraire de Bretagne (dernière édition, p. 358-359).


Signalons également que ce même patient travail de recensement critique avait été déjà réalisé en 1994 par J.-P. Piriou lors du colloque "Übergänge und Spannungsfelder zwischen Mündlichkeit und Schriftlichkeit", à l'occasion de sa contribution sur le thème de la ville engloutie dans la littérature bretonne. Je ne vois pas que ce travail soit cité par Le Roux et Guyonvarc'h ; mais leur ouvrage ne contient pas d'annexe bibliographique et leurs nombreuses références sont dispersées dans les notes de leur apparat critique.

Cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Dim 23 Nov, 2008 12:40
de Sedullos
Salut AYB,

Puisque qu'on est dans l'historiographie, il faut bien reconnaître que Françoise Le Roux et Christian-J. Guyonvarc'h n'ont pas recensé tous les textes. Ils ont rassemblé les sources irlandaises et galloises, les pièces de théâtre bretonnes, ce qui est déjà beaucoup. 8)

Ils ont ajouté à cela les références que j'avais rassemblées pour mon mémoire de maîtrise de lettres modernes : L’utilisation de la légende de la Ville d’Ys, aux XXème siècle, en littérature et en bande dessinée / Jean-Paul Brethenoux.- Limoges : Université de Limoges, 1984, mémoire cité par Le Roux et Guyonvarc'h, pp. 113 et 118.

Objectivement, l'analyse du livre de Charles Guyot ou celle de certaines fonctions du mythe doivent beaucoup à mon propre travail… :wink:

Je figure aussi dans la bibliographie de l’article de Joël Hascoët , Ker-Is ou la ville de l’Autre Monde : Un mythe celtique toujours vivant, lequel contient une recension beaucoup plus complète des textes et des travaux sur Keris.

Fin du message publicitaire :lol:

MessagePosté: Dim 23 Nov, 2008 13:00
de André-Yves Bourgès
Sedullos a écrit:Objectivement, l'analyse du livre de Charles Guyot ou celle de certaines fonctions du mythe doivent beaucoup à mon propre travail… :wink:


Eh oui, les maîtres utilisent souvent les travaux de leurs disciples, mais sans toujours leur rendre hommage...

Bien cordialement,

AYB

MessagePosté: Dim 23 Nov, 2008 16:52
de Muskull
Muskull a écrit:
André-Yves Bourgès a écrit:Sur ces aspects "mythologiques" concernant saint Teliau, voir aux éditions Kan an Douar le travail de J. Hascoët sur la troménie de Landeleau, téléchargeable ici.
...

Nous voilà donc avec l'éternel problème de l'époque d'apparition de certaines légendes populaires concernant les saints en Bretagne. J'ai une petite idée là dessus et je la soumettrai à discussion si le débat s'engage.

Hou ben, 300 pages quand même !
Pour les pressés p 34 le récit de fondation où l'on voit que Télo est un "homme du síd et à partir de la p 233 pour les correspondances mythiques :wink:
@ suivre...


Bonjour,
Dans son livre Joël Hascoët postule qu'il n'y a pas "collision" entre les vies d'Edern et de Télo mais une "surimpression" des saints sur un mythe plus ancien sans doute d'origine galloise.
Dans les deux "vies" une soeur jalouse est présente qui raccourcit la course nocturne du cerf (rite de fondation) en faisant chanter un coq avant l'aube à l'aide d'un feu.
Il signale aussi que cette course nocturne dans le mythe d'origine aurait lieu la nuit de Samain car quasi tous les saints au cerf sont fêtés vers la Toussaint.
LES SAINTS ASSOCIÉS AU CERF :
Peu d’autres saints partagent cette présence cervidée, saint Edern,
saint Hubert, saint Eustache, saint Cadoc, saint Hernin, saint Ké, saint
Ludre. La légende de saint Eustache christianise au VIIIe siècle le
mythe de la chasse au cerf, sa légende est popularisée par Jacques de
Voragine et sa Légende dorée au XIIIe siècle
p 233
Le mabinogi de Pwyll est celui qui se rapproche le plus de cette "aventure" par sa chasse au cerf qui met en contact les deux mondes don Rhiannon est la première émissaire.

Il y a cette curieuse "première séquence" de la vie de Télo qui met aussi en acte le síd, menez glaz (colline verte):
Je me référerai donc à la compilation exhaustive des chanoines Abgrall et Peyron pour présenter le récit de fondation :
Lorsque saint Théleau vint en ce pays, sa première intention fut de bâtir
sa maison sur le Menez-Glaz, près de Lan al Loch. Il planta à cet effet
dans le sol des pierres debout qu’il recouvrit, en guise de toit, d’une pierre
plate. Tout enfant (dit le narrateur) je me suis blotti plus d’une fois dans
cette espèce de four (ancien dolmen) pour m’abriter contre la pluie, mais
depuis, la maison du saint s’est en partie écroulée
p 34
- Course nocturne du cerf
- L'élément féminin "raccourcit" la nuit de Samain par des feux.
Il n'y aurait pas là une inversion ? :? [/code]

MessagePosté: Dim 23 Nov, 2008 18:08
de André-Yves Bourgès
Bonjour à tous,

Oui, mais pas de texte ancien relatif à saint Edern et la vita de saint Teliau, comme je l'ai signalé plus haut, est muette sur l'épisode de la soeur jalouse et ne connaît d'apostolat de son héros en Bretagne armoricaine qu'à Dol et de cerf que comme bête de somme : autant dire que la tradition hagiographique télavienne ancienne ignore le culte du saint à Landeleau ; mais, outre le toponyme, ce culte est attesté dans l'enquête sur la vie et les miracles d'Yves de Kermartin (+ 1303) : un témoin oculaire rapporte indirectement à propos du futur saint Yves une pratique dévotionnelle qui consistait à s'allonger "dans une pierre creuse où saint Eleau avait, durant sa vie, fait sa pénitence" (in uno lapide concavo, in quo sanctus Eleau suam egerat penitenciam dum vivebat)


Toutefois, cela ne me semble pas permettre de conclure péremptoirement à la persistance locale d'un mythe ancien d'origine galloise.

AYB