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MessagePosté: Lun 24 Nov, 2008 18:07
de Muskull
Bon... :D
Je continue sur mon idée mytho pas maniaque, simplement des liens que je fais et qui pourraient intéresser quelqu'un ici. :wink:
Si Télo et Edern peuvent être le cerf lui- même, notre Pwyll du mabinogi pourrait l'être aussi.
- La Banshee annonce Samain, ce qui est attesté par les textes irlandais, elle annonce soit la fertilité ou son absence, soit la nécessité de la navigation, de la quête pour regagner ses faveurs.
- Samain concrétise une chasse nocturne du cerf ou de l'auroch/taureau, celui qui est sacrifié dans la fosse (fond du chaudron de Gudenstrup) et se retrouve parfois réfugié dans un arbre protégé par les trois grues/cygnes (comme Télo en son chêne). Sanglier femelle une fois aussi, pour éviter à la renaissance de la saison claire (Beltaine), le "mauvais vent de Mai" et donc une saison claire bénéfique et fertile par le sacrifice du roi ou en substitut celui d'un animal le représentant.

Je porterai votre réflexion, si mes propos en valent la peine, sur le mythe de l'âge du Bronze dégagé par les découvertes archéologiques, celui du char solaire. Porté de jour par un char attelé de chevaux ou de cerfs en une occurrence et son trajet nocturne,chtonien ou le char devient barque "dans l'autre monde" emporté par des cygnes où autres oiseaux migrants.

Il y a là un shéma mythique très ancien.

MessagePosté: Lun 24 Nov, 2008 18:25
de Muskull
André-Yves Bourgès a écrit:
Muskull a écrit:C'était pas méchant. :wink:

Ouf !
AYB

Un peu moins d'ironie s'il te plaît. Je n'ai pas le nez plongé du matin au soir dans des archives. Pour moi le vivant actuel est primordial. Ne réduit pas mes témoignages.

MessagePosté: Lun 24 Nov, 2008 19:05
de Pierre
Muskull a écrit:Un peu moins d'ironie s'il te plaît. Je n'ai pas le nez plongé du matin au soir dans des archives. Pour moi le vivant actuel est primordial. Ne réduit pas mes témoignages.


Bah :shock:

Muskull, où as tu été chercher une critique dans le réponse d'André-Yves ?

Pas très gentil, ce que tu viens d'écrire :roll:

Toujours grognon ? :wink:

@+Pierre

MessagePosté: Lun 24 Nov, 2008 19:08
de Sedullos
Muskull,

D'un point de vue archéologique, il est important de préciser que, généralement, on chasse un animal sauvage mais que l'on sacrifie un animal domestique comme à Rome ou en Grèce. Jean-Louis Brunaux est formel sur ce point.

MessagePosté: Lun 24 Nov, 2008 20:04
de Muskull
Chers amis,
Je n'agressais absolument pas André-Yves dans mes propos (mes messages antécédents prouvent mon intérêt vis à vis de lui), loin de moi cette pensée. Je signalais simplement ma position envers les résurgences des mythes très anciens dans le compost médiéval et même au delà dans le monde contemporain des "fictions".
Sed, à mon humble avis, ce mythe vient du très ancien. Le héros devient roi divinisé, est sacrifié physiquement ou symboliquement si la situation économique ou territoriale bascule, etc...

MessagePosté: Mar 25 Nov, 2008 11:51
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:
André-Yves Bourgès a écrit:
Muskull a écrit:C'était pas méchant. :wink:

Ouf !
AYB

Un peu moins d'ironie s'il te plaît. Je n'ai pas le nez plongé du matin au soir dans des archives. Pour moi le vivant actuel est primordial. Ne réduit pas mes témoignages.


çà, en revanche, ce n'est pas très gentil.

Pour les vrais historiens, c'est aussi le présent et le vivant qui importent, pas la poussière des archives ; mais le témoignage, la mémoire, ne peuvent prétendre envahir tout le champ de l'Histoire. Sinon, gare aux dérives...

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Mar 25 Nov, 2008 12:52
de Sedullos
Salut à tous,

Un des problèmes récurrent de ce forum est que l'on mélange un peut tout, l'histoire, l'archéologie, l'histoire des religions, le folklore, la linguistique, la littérature médiévale... C'est aussi ce qui fait l'intérêt de cet espace de dialogue.

Pour les vrais historiens, c'est aussi le présent et le vivant qui importent, pas la poussière des archives...


Un doute narcissique m'étreint : suis-je un vrai historien ?

Le poète et traducteur du sanscrit René Daumal disait à peu près cela :
"Un couteau n'est ni vrai, ni faux, mais celui qui le saisit par la lame s'est trompé !"

Ce que Muskull nomme ses témoignages sont seulement des opinions, ses opinions, nourries de ses observations et aussi de ses obsessions.

Mais il n'est pas le seul : nous avons tous nos filtres, notre grille de lecture consciente ou non pour des faits, des données qui de toutes façons dépassent largement le cadre de notre propre expérience, de notre propre expertise.

MessagePosté: Mar 25 Nov, 2008 14:15
de Taliesin
Bonjour à tous

je ne voudrais pas être méchant (si un peu),mais il y a quand même un problème de méthodologie...

Effectivement, comme l'a dit Sed, nous avons tous nos présupposés, conscients ou inconscients, mais la meilleur façon de diminuer leurs effets, c'est de rester au plus près du texte (quand on en a un)

exemple : le cerf dans la légende de Telo et dans le Mabinogi de Pwyll.

Dans la première partie, Pwyll part à la chasse, ses chiens lèvent un cerf, mais c'est une autre meute, des chiens blancs aux oreilles rouges (des chiens de l'Autre Monde) qui rattape le cerf et le met à terre. Pwyll écarte alors la meute de chiens blancs pour mettre ses propres chiens à la curée. Arrive alors l'autre chasseur, propriétaire des chiens blancs, Arawn roi d'Annwvyn, qui demande réparation à Pwyll pour lui avoir pris son gibier, et ceci en vertu des lois galloises. La réparation consiste pour Pwyll à remplacer Arawn dans l'Annwvyn tandis qu'Arawn remplacera Pwyll dans son royaume pendant un an.
Dans la seconde partie - qui est tout à fait indépendante de la première -, Pwyll cherche à rattraper Rhiannon, tous deux sont à cheval. Rhiannon finit par l'attendre et demande à l'épouser.

Venons-en à Telo maintenant :
le seigneur de Château-Gall lui donnera toutes les terres dont il pourra faire le tour en une nuit, mais il devra s'arrêter au chant du coq.
Pour aller plus vite, Telo monte sur un cerf. Il est poursuivi par les chiens du seigneur et se réfugie dans un arbre, puis sa soeur fait chanter un coq avant le lever du jour, ce qui interrompt sa course.

Au-delà des éléments communs (en fait au nombre de deux : le cerf et la femme), est-ce qu'on peut dégager un schéma, une structure commune entre ces deux récits ? Franchement, ça me paraît difficile...

Dans la première partie du Mabinogi, mis à part le cerf - qui pourrait bien n'être qu'une pièce de gibier, car il n'est pas blanc et ce sont les chiens qui marquent l'entrée dans l'Autre Monde -, rien ne ressemble de près ou de loin à la légende de Télo.
Dans la seconde partie, le cerf est absent, Pwyll court après Rhiannon à cheval (Telo ne court pas après sa soeur et, bien entendu, il ne l'épouse pas), et Rhiannon représente la Souveraineté qui s'offre au bon roi. Quant à la soeur de Telo, elle a le mauvais rôle et j'y verrais bien là l'influence d'un clergé mysogine, la femme qui met des bâtons dans les roues du saint est un motif hagiographique assez fréquent (voir saint Ronan). De Rhiannon à Anauved, on pourrait peut être remonter à la même divinité féminine, mais leur fonction est complètement différente, et c'est ça qui compte.

MessagePosté: Mar 25 Nov, 2008 14:26
de André-Yves Bourgès
Sedullos a écrit:Salut à tous,

Un des problèmes récurrent de ce forum est que l'on mélange un peut tout, l'histoire, l'archéologie, l'histoire des religions, le folklore, la linguistique, la littérature médiévale... C'est aussi ce qui fait l'intérêt de cet espace de dialogue.


Entièrement d'accord.


Sedullos a écrit:
Pour les vrais historiens, c'est aussi le présent et le vivant qui importent, pas la poussière des archives...


Un doute narcissique m'étreint : suis-je un vrai historien ?

... nous avons tous nos filtres, notre grille de lecture consciente ou non pour des faits, des données qui de toutes façons dépassent largement le cadre de notre propre expérience, de notre propre expertise.


Là encore, entièrement d'accord bien sûr : noter que je n'ai pas évoqué l'objectivité de l'historien ou, pire encore, la "vérité historique" ; mais en même temps, l'Histoire, assurément science molle, est malgré tout une science en ce que les historiens, à partir du matériau documentaire à leur disposition, développent des concepts qui s'avèrent opératoires pour une analyse des faits sociaux, des institutions, des mentalités...

Quand je parlais de "vrais" historiens pour qui le présent et le vivant l'emportent, je pensais à Marc Bloch ou à Henri Pirenne, par exemple...

J'écris ceci sur un stand du salon professionnel AGROMEK au Danemark, n'ayant jamais voulu m'ensevelir dans les archives et pratiquant ardemment la religion de l'aujourd'hui et du demain.

salut à tous,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Mar 25 Nov, 2008 14:31
de André-Yves Bourgès
Taliesin a écrit: Quant à la soeur de Telo, elle a le mauvais rôle et j'y verrais bien là l'influence d'un clergé mysogine, la femme qui met des bâtons dans les roues du saint est un motif hagiographique assez fréquent (voir saint Ronan).


Entièrement d'accord Taliesin, serrons le texte : mais dans le cas de Teliau, nous n'avons rien dans la vita qui ressemble à la légende tardive connue à Landeleau.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Mar 25 Nov, 2008 14:51
de André-Yves Bourgès
Bonjour,

Sur la vita de saint Ronan, j'ai proposé quelques pistes de travail accessibles ici.

Cordialement,

AYB

MessagePosté: Mar 25 Nov, 2008 15:30
de Taliesin
André-Yves Bourgès a écrit:
Taliesin a écrit: mais dans le cas de Teliau, nous n'avons rien dans la vita qui ressemble à la légende tardive connue à Landeleau.


Non, et pour cause. Je développe un peu plus ce que j'ai dit à propos du contexte politique de la rédaction de la Vie de saint Telo :

Le Livre de Llandav, qui contient la Vie des saints Dubric, Telo, Oudoceus, ainsi qu’une collection de chartes datées du temps de ces saints jusqu’à l’épiscopat de Urban en 1107, a été fabriqué pour prouver les droits de l’évêché de Llandav, centre religieux du pays de Gwent (Monmouthshire) contre ceux de Saint-David en Mynyw. A cette époque, le sud du Pays de Galles est depuis quelques décennies sous domination normande, et le clergé gallois est en pleine réorganisation : l’ancien système est détruit, les possessions ecclésiastiques sont redistribuées, souvent de façon arbitraires, et de nouvelles communautés religieuses sont fondées. Afin de conserver ou obtenir des terres et des droits et d’affirmer leur suprématie, il s’agit pour les évêchés gallois d’établir l’autorité religieuse ancienne et indiscutable de leur saint patron, et de le faire agréer par les nouveaux maîtres normands, parfois à n’importe quel prix. Ceci explique l’extraordinaire floraison des Vies de saints gallois aux 11ème-12ème siècles.

C’est en Pembroke que fut nommé le premier évêque normand du Pays de Galles, Bernard, évêque de Saint-David de 1115 à 1148. Il réforma complètement son diocèse pour le conformer au modèle continental, tout en respectant au mieux les divisions territoriales historiques du Pays de Galles. Il semble qu’il fut nommé archevêque vers 1140. Il devint même plus Gallois que les Gallois et poursuivit deux buts : faire de l’évêché de Saint-David le chef de l’Eglise galloise et rendre cette Eglise indépendante de l’archevêché de Canterbury. C’est certainement pour appuyer ces deux objectifs que fut utilisée la Vie de saint David, écrite par Rhigyfarch à la fin du 11ème siècle et où l’on voit David, successeur de Dubric, se rendre à Jérusalem pour être nommé archevêque, en compagnie de ses deux suffragants, Padarn et Teilo.

Cette politique ne pouvait que rencontrer des résistances au Pays de Galles même, et le principal rival au pouvoir de Bernard fut l’évêque de Llandav Urban (1107-1134), Gwrgan de son nom gallois. Llandav – monastère près de la rivière Taf – n’était qu’une chapelle et Urban en fit une cathédrale. On ne sait pas à quel saint était dédicacée la chapelle de Llandav à l’origine ni même si elle fut un centre ecclésiastique important avant l’accession d’Urban à l’épiscopat. Pour contrer les prétentions de l’évêque de Saint-David, Urban et sa famille vont à la fois fabriquer un livre – le Livre de Llandav – et inventer un diocèse. Sur le modèle du cartulaire de Landévennec, le Livre de Llandav contient la Vie des saints fondateurs ainsi qu’une collection de chartes de donations, prouvant la validité et l’ancienneté du diocèse de Llandaf et de ses possessions terriennes. Ainsi, les trois premiers évêques de Llandav auraient été saint Dubric, saint Teilo et saint Oudoceus. Dubric fut probablement un personnage historique. Il figure dans la Vie de saint Samson, comme l’évêque qui ordonna Samson diacre. Son culte primitif semble avoir été centré à Archenfield, mais il doit sa célébrité au clergé de Llandav qui l’adopta et le fit passer pour le patron fondateur du monastère. En 1120, ses reliques furent transférées de Bardsey Island (nord du Pays de Galles) à Llandav et on entreprit la construction d’une cathédrale, afin d’inaugurer la création du nouveau diocèse. Peu après, vers 1134, on rédigea une Vie de saint Dubric où il apparaît comme archevêque de Llandav, et qui est une sorte de réponse à la Vie de saint David, où Dubric, en tant que prédécesseur de David, est donc archevêque de Mynyw. Nous reviendrons plus loin sur le cas de saint Telo. Oudoceus, présenté comme le neveu et successeur de Telo, n’a probablement jamais existé. Quant aux chartes de donation, on peut douter fortement de leur authenticité. Bien qu’elles soient datées du 6ème au début du 12ème siècle, elles se présentent toutes sous la même forme. Les noms des donateurs, les rois du Morgannwg et d’Archenfield, ont sans doute été empruntés à des chartes authentiques et des généalogies. Mieux encore, les faussaires de Llandav utilisèrent des chartes – probablement fausses également - provenant du monastère voisin de Llancarfan, qu’ils réécrirent complètement en attribuant à Llandav les donations faites originellement à Llancarfan. On remarque aussi que si l’on pointe sur une carte les lieux de culte dédiés à saint Telo et saint Dubric, on couvre exactement le territoire réclamé par l’évêque Urban pour le diocèse de Llandav. Cela découle d’une logique simple : si Dubric et Telo sont les saints patrons de Llandav, alors toutes les paroisses, églises, chapelles,…dont ils sont aussi les patrons appartiennent à Llandav.

On peut se demander si un tel travail de falsification eut seulement pour origine une querelle de préséance entre Saint-David et Llandav, ou s’il existaient d’autres raisons. A la fin du 11ème siècle, le seigneur normand Robert Fitz-Hamon réussit à conquérir le Glamorgan, région où étaient implantés les principaux monastères gallois, Llantwit Major, Llancarvan, et aussi Llandav. Fitz-Hamon donna le monastère de Llancarvan à l’abbaye anglo-normande de Gloucester dont il était le seigneur. Or, la famille d’où Llandav tirait ses dirigeants – Urban et ses frères, entre autres – était celle des chefs héréditaires du monastère de Llancarvan, qui venaient donc d’être spoliés de leurs biens par Fitz-Hamon et Gloucester. Leur réponse fut de réclamer devant le pape tout ce que les Normands leur avaient pris, et même au-delà, en fabriquant pour cela un dossier sur lequel appuyer leurs revendications : le Livre de Llandav.

La Vie de Telo, pièce du dossier Llandavien :

La version primitive de la Vie de saint Telo fut écrite vers 1120 par Etienne, frère de l’évêque Urban. Elle ne mentionne pas la visite de Telo en Armorique. C’est dans la version contenue dans le Livre de Llandav, interpolée et en partie réécrite, que Telo se réfugie auprès de Samson. Avant ces deux rédactions, les seuls éléments écrits concernant Telo sont des notes marginales inscrites dans un Evangéliaire du 8ème siècle connu aujourd’hui sous le nom de Lichfield Gospel ou Livre de Saint-Chad. Ces notes furent ajoutées aux chartes du Livre de Llandav au 12ème siècle. L’Evangéliaire en question arriva vers 820 au monastère de Llandeilo Fawr, haut lieu du culte de Telo et siège probable d’un évêché de Telo au 9ème siècle. A cette époque, Llandeilo Fawr se trouvait dans le diocèse de Saint-David. D’autre part, on remarque la rareté des lieux de culte dédiés à Telo dans le Glamorgan et autour de Llandav : la plus proche église dédiée au saint, Merthyr Mawr, se trouve à vingt miles de Landav.

Voici un résumé succinct de cette seconde version : Telo naît dans le sud du pays de Galles, de parents nobles et est instruit par l’archevêque Dubric. Il se lie avec David, futur évêque de Mynyw et tous deux partent pour Jérusalem en compagnie de Padarn. Là, ils sont tous les trois faits évêques et Telo remplace saint Pierre. Revenu dans sa patrie, Telo devient évêque de Llandav et du district voisin sur lequel avait régné Dubric. La peste jaune désolant le pays, emportant avec elle le roi Maelgwn de Gwynedd, Telo, après avoir passé quelque temps auprès de Gerent, roi de Cornouaille insulaire, va chercher refuge en Armorique auprès de Samson, archevêque de Dol et comme lui disciple de Dubric. Il réalise plusieurs miracles en pays dolois puis, la peste jaune ayant disparu, se prépare au retour. Le roi d’Armorique Budic lui demande alors de délivrer son pays d’une énorme vipère, ce qu’il fait sans peine. Budic lui demande alors de venir à Dol pour en être l’évêque. Telo offre à Budic un cheval envoyé par Dieu et prie pour faire des cavaliers armoricains les premiers du monde ; prière qui fut exaucé car, selon l’auteur de la Vie, de son temps les Armoricains étaient sept fois plus forts à cheval qu’à pied. Ensuite, après un court séjour chez Gerent, Telo regagne sa ville épiscopale de Llandav et reprend sa suprématie sur tous les évêques de la Bretagne du sud. Il consacre Ismael évêque de Mynyw à la place de saint David, décédé. A sa mort, le clergé de ses trois principales églises se disputa son corps. Dieu en fit donc trois et ainsi furent satisfaites les trois églises de Pennalun en Pembrokeshire, de Llandeilo fawr en Carmarthenshire et Llandav.

A partir de quels éléments fut écrite la Vie de saint Telo ?

Il y a d’abord le voyage à Jérusalem, en compagnie de David et Padarn, et ce voyage se retrouve d’ailleurs dans les Vies de ces trois saints, celle de Padarn étant la plus ancienne. Les deux autres Vies l’ont copiée, mais en apportant quelques modifications : nous avons vu que dans la Vie de saint David, ce dernier est nommé archevêque par le patriarche de Jérusalem, et que Telo et Padarn, ses suffragants, lui sont inférieurs. D’après Rhigyfarch, Telo aurait même été moine au monastère de David. Dans la Vie de Telo, c’est bien sûr lui qui joue le beau rôle, il est plus élevé en dignité que Padarn et Davis, il remplace même saint Pierre. Revenu en Cambrie, il devient évêque de Llandav et du district voisin sur lequel avait régné Dubric (sans doute Archenfield).
Les divergences constatées entre les trois Vies au sujet de ce voyage à Jérusalem permettent de dire que les hagiographes de Saint-David et de Llandav ont chacun apporté des modifications, non pas en fonction de sources anciennes et historiques, mais en fonction du différend qui les oppose au moment de la rédaction. Et il y a tout lieu de penser qu’il en fut de même pour le séjour de Telo auprès de saint Samson de Dol.

Samson est un personnage historique dont la Vie, très ancienne, fut amplement diffusée et utilisée par les hagiographes britonniques. Ainsi, vers 1125-1130, le chapitre de Saint-David envoya une lettre au pape Honorius II, prétendant que Samson aurait été archevêque de Mynyw, et qu’il aurait transporté le pallium (sorte d’écharpe ou étole de l’archevêque) de Saint-David à Dol. Prétention qui ne repose sur rien de sérieux, mais qui est un argument de plus dans la revendication de Saint-David à l’archevêché. La description de l’amitié entre Telo et Samson – disciple de Dubric, soi-disant fondateur de Llandav – et le séjour de Telo à Dol, qui dérive d’ailleurs largement de la Vie d’un autre saint breton, presque homonyme, Thuriau, successeur de Samson, est donc probablement une réponse à Saint-David et elle s’inscrit dans la rivalité entre les deux évêchés. Le désir de rattacher Mynyw et Llandav à saint Samson a du naître surtout au moment ou l’archevêché de Dol a paru reconnu par les papes, c'est-à-dire de 1076 à 1143.

Autre élément douteux se rapportant à la querelle entre Llandav et Saint-David : de retour en Cambrie, Telo consacre Ismael évêque de Mynyw à la place de David, décedé. La Vie de Oudoceus nous apprend qu’Ismael n’est autre que le neveu de Telo, l’un des fils de sa sœur Anauved et de Budic, roi de Cornouaille. Ici, l’attaque contre Saint-David est double : c’est Telo, qui consacre évêque le successeur de David, il lui est donc supérieur, et il consacre son propre neveu, ce qui signifie le rattachement de Saint-David à Llandav.


La Vie de Telo n'est donc qu'une pièce d'un dossier bâti pour défendre des intérêts politiques et fonciers exclusivement gallois. Le culte de Telo en Bretagne armoricaine n'avait aucun intérêt pour l'hagiographe qui rédigea sa Vita. Pourtant, cet hagiographe, sans doute Caradoc de Llancarfan, avait des liens avec les Bretons armoricains, soit par l'intermédiaire de Llancarfan, en relation avec Quimperlé, soit par son contemporain, certainement d'origine bretonne continentale, Geoffroy de Monmouth. Son silence sur le culte de Telo en Petite-Bretagne (sauf à Dol, mais on voit ce qu'il faut en penser) semble bien être volontaire.
En conclusion, on ne peut s'appuyer sur la Vie de Telo, rédigée dans un contexte très particulier et dans un but tout aussi particulier, pour déterminer l'ancienneté ou non de la légende landeleausienne.

je reviendrais plus tard sur les éléments, historiques ou non, liés à la Cornouaille armoricaine et qui filtrent malgré tout du livre de Llandav et de généalogies galloises.

MessagePosté: Mar 25 Nov, 2008 16:17
de Sedullos
Salut Taliesin,

compliquée cette histoire :)

Deux remarques, l'importance du neveu du côté maternel se confirme dans les successions celtiques...

Pourtant, cet hagiographe, sans doute Caradoc de Llancarfan, avait des liens avec les Bretons armoricains, soit par l'intermédiaire de Llancarfan, en relation avec Quimperlé, soit par son contemporain, certainement d'origine bretonne continentale, Geoffroy de Monmouth.
Si je lis bien, Geoffroy de Monmouth serait d'origine bretonne armoricaine ?

MessagePosté: Mar 25 Nov, 2008 16:23
de André-Yves Bourgès
Bonjour Patrice,

Taliesin a écrit:En conclusion, on ne peut s'appuyer sur la Vie de Telo, rédigée dans un contexte très particulier et dans un but tout aussi particulier, pour déterminer l'ancienneté ou non de la légende landeleausienne.


Nous sommes donc d'accord ; d'où ma méfiance à l'égard du "mythe ancien d'origine galloise" dont la tradition landeleausienne aurait gardé le souvenir.

Taliesin a écrit:je reviendrais plus tard sur les éléments, historiques ou non, liés à la Cornouaille armoricaine et qui filtrent malgré tout du livre de Llandav et de généalogies galloises.
.

Je suis particulièrement intéressé à lire vos commentaires, car je suspecte pour ma part une large contamination du légendaire gallois par les traditions de la Cornouaille continentale à l'époque où la dynastie comtale locale a hérité le ducatus de Bretagne (dernier tiers du XIe siècle) : la vita des saints Jacut et Guézennec ou encore la vita de saint Turiau, composées dans les parages dolois et portent les marques me semblet-il de cette influence cornouaillaise.

J'en reparlerai après votre propre post.

Je m'interroge sur l'opportunité d'ouvrir un nouveau fil de discussion, parce que nous sommes un peu loin de la femme de l'Autre Monde.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Mar 25 Nov, 2008 16:27
de André-Yves Bourgès
Sedullos a écrit:Si je lis bien, Geoffroy de Monmouth serait d'origine bretonne armoricaine ?


C'est l'hypothèse aujourd'hui retenue par plusieurs chercheurs, qui interprètent lato sensu me semble-t-il les conclusions du regretté H. Guillotel sur l'origine bretonne des seigneurs de Monmouth...

Bien cordialement,

AYB