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MessagePosté: Jeu 27 Nov, 2008 16:55
de André-Yves Bourgès
Taliesin a écrit:L'écrit n'occupe qu'une place assez faible dans les mass-media de l'époque, mais c'est lui qui nous est resté. (je ne parle pas ici du latin, langue écrite par excellence, mais des langues vernaculaires)


C'est comme pour le Loto ("100 % des gagnants ont tenté leur chance"), le latin occupe 100 % de la tradition écrite latine médiévale.

Je perçois un peu d'oralité dans les procès de canonisation des novi sancti en Bretagne au bas Moyen Âge (Yves de Kermartin, Charles de Blois, Vincent Ferrier) surtout en ce qui concerne ce dernier dossier, dont le latin véritablement macaronique rend la lecture aisée et en même temps assez plaisante pour un francophone. En revanche, dans les trois cas, même s'il existe plusieurs allusions à l'usage de la langue bretonne, je n'ai pas trouvé de tournures véritablement idiomatiques, à l'exception d'une ou deux courtes phrases en breton apparemment rapportées verbatim ; le double filtre des interprètes et des notaires qui enregistrent les dépositions des témoins se montre particulièrement efficace : ce n'est donc pas la parole du peuple que nous entendons mais l' "interprétation" qu'en font les clercs (cf. également le récent ouvrage de D. Lett sur le procès de canonisation de Nicoles de Tolentino).

Cordialement,

André-Yves Bourgès

PS : j'ai édité mon texte pour corriger une horrible faute d'orthographe.

MessagePosté: Jeu 27 Nov, 2008 17:15
de Taliesin
Il y a aussi les chartes, qui nous sont parvenues dans leur rédaction latine, mais dont la création est parfois orale. Le processus a été décrit par Hubert Guillotel dans sa thèse sur les Actes des ducs de Bretagne :

lorsque qu'un seigneur faisait une donation à un monastère, la proclamation de l'acte se faisait oralement, ce qui lui conférait sa pleine validité, validité renforcée par la remise d'une sorte de gage, de faible valeur vénale (couteau,..), mais de haute valeur juridique et symbolique. Cette proclamation se faisait probablement dans la langue des témoins et du public (à priori en langue vernaculaire, donc, et non en latin). Pendant ce temps, un moine prenait des notes sur une tablette de cire. Puis, une fois revenu à son scriptorium, il mettait l'acte au propre sur parchemin, en latin, avec les formules d'usage.

MessagePosté: Ven 28 Nov, 2008 18:42
de Muskull
Taliesin a écrit:c'est plus compliqué que cela. On a plusieurs cas de figure :

1 - création orale - transmission et diffusion orale : c'est le cas des bardes et des troubadours. Le troubadour trouve une chanson dans sa tête, la chante ou la récite à son jongleur, qui l'apprend par coeur à l'oreille, puis la chante à nouveau dans différentes cours seigneuriales.
C'est aussi le cas des chansons de geste, crées et transmises oralement, même lorsque des versions écrites existaient.

2 - création orale - transmission écrite diffusion orale : c'est le même cas que le 1, mais le jongleur prend des notes écrites pour se faciliter la mémorisation.
on a aussi le cas de Thomas d'Aquin qui "écrivait" ses livres dans sa tête, grâce aux connaissances emmagasinées dans sa mémoire, et qui les dictait à ses scribes. Mais dans ce cas, ensuite, la diffusion, en latin, était écrite.

en fait, la question à se poser, c'est pourquoi certaines oeuvres, à un certain moment, ont été mises par écrit ? Pourquoi la Chanson de Roland ?


Cher Taliesin, essayons un peu de naviguer en cette complexité.
Ce "dans sa tête" peut être une synthèse signifiante des nombreux dits oraux entendus que le troubadour fait entrer en une forme nouvelle propre à susciter l'intérêt des puissants du temps, de l'actualiser d'une manière bénéfique pour lui.
Il peut certes inventer quelques liaisons entre "contes" différents mais ce faisant toujours lié à l'éloge du payeur à qui il doit vie, subsides, gloire et honneurs, ce qui est toujours d'actualité.

Pouvons-nous faire confiance en les écrits d'un courtisan ?
Avons nous un rebelle écrivain avant et après F. Villon en ces temps, il était du XV° siècle ?

MessagePosté: Ven 28 Nov, 2008 19:39
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:Ce "dans sa tête" peut être une synthèse signifiante des nombreux dits oraux entendus que le troubadour fait entrer en une forme nouvelle propre à susciter l'intérêt des puissants du temps, de l'actualiser d'une manière bénéfique pour lui.
Il peut certes inventer quelques liaisons entre "contes" différents mais ce faisant toujours lié à l'éloge du payeur à qui il doit vie, subsides, gloire et honneurs, ce qui est toujours d'actualité.

Pouvons-nous faire confiance en les écrits d'un courtisan ?
Avons nous un rebelle écrivain avant et après F. Villon en ces temps, il était du XV° siècle ?


Bonsoir Muskull,

C'est bien vu et c'est la raison pour laquelle les techniques actuelles de critique des textes s'incrivent dans une approche qui s'efforce de déterminer les publics à qui sont destinées les productions littéraires, ainsi que les commanditaires de ces oeuvres.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

PS: as-tu lu l'ouvrage de M Aurell sur La légende du roi Arthur, dont la dernière partie pourrait à mon avis apporter des éléments très utiles à ta réflexion ?

MessagePosté: Sam 29 Nov, 2008 11:11
de Sedullos
Muskull a écrit:Cher Taliesin, essayons un peu de naviguer en cette complexité. Ce "dans sa tête" peut être une synthèse signifiante des nombreux dits oraux entendus que le troubadour fait entrer en une forme nouvelle propre à susciter l'intérêt des puissants du temps, de l'actualiser d'une manière bénéfique pour lui.
Il peut certes inventer quelques liaisons entre "contes" différents mais ce faisant toujours lié à l'éloge du payeur à qui il doit vie, subsides, gloire et honneurs, ce qui est toujours d'actualité.

Pouvons-nous faire confiance en les écrits d'un courtisan ?
Avons nous un rebelle écrivain avant et après F. Villon en ces temps, il était du XV° siècle ?


« L’inventeur ! Le premier troubadour connu fut l’un des plus grands seigneurs de l’Europe médiévale : lo coms de Peiteus, Guilhem, septième comte de Poitiers et neuvième duc d’Aquitaine, né en 1071. » in Terre des troubadours / Gérard Zuchetto. Editions de Paris, 1996. p. 47

Attention aux détecteurs de courtisan, ils peuvent nuire à la compréhension du monde :lol:

MessagePosté: Sam 29 Nov, 2008 11:17
de Sedullos
L'arrière petit-fils de Guilhem se nommait Richard Coeur-de-Lion, il fut lui aussi troubadour et trouvère, écrivant en occitan et en français.

Quant à Bertrand de Born, seigneur de Hautefort en Périgord, troubadour et mercenaire, il n'hésita pas à combattre Henri II Plantagenêt et Richard et mourut au couvent !

MessagePosté: Sam 29 Nov, 2008 11:56
de Muskull
Sedullos a écrit:Muskull,

D'un point de vue archéologique, il est important de préciser que, généralement, on chasse un animal sauvage mais que l'on sacrifie un animal domestique comme à Rome ou en Grèce. Jean-Louis Brunaux est formel sur ce point.


Salut Sed,
Un bref retour en arrière dans le fil pour signaler que les fouilles menées par Jean-Marc Séguier (INRAP) sur l'enclos gaulois de Souppes sur Loing (77) ont mis en évidence une consommation massive et saisonnière de grosses pièces de viande de boeuf, de cheval et de cerf.

Et si la chasse était aussi un sacrifice. :?:

MessagePosté: Sam 29 Nov, 2008 12:12
de André-Yves Bourgès
Bonjour Sedullos,

Les exemples donnés sont indiscutables ; non moins l'est la cohorte des troubadours/trouvères et autres auteurs attachés à telle ou telle cour seigneuriale, stipendiés ou à tout le moins patronnés par le seigneur.

Le fait d'être patronné ou commandité ne nuit pas nécessairement à la créativité littéraire et à la qualité de l'oeuvre.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Sam 29 Nov, 2008 12:25
de Sedullos
AYB, Molière pourrait être un exemple plus récent de ce que tu dis.

Les anciens connaissaient la polysémie, les métaphores, les langages codés. Un texte peut s'adresser à un public donné et dire d'autres choses à une petite partie de ce public.

Si on prend le cas des bardes, c'est lorsqu'ils ne sont plus attachés à un noble qu'ils deviennent des errants. Chaque grand barde gallois, historique ou non est attaché à un roi ou seigneur.

Le poète Glenmor clamant la force du chant et de l'errance a écrit "suis né trois fois barde en citadelle" et je me souviens encore du manoir où il m'a reçu un jour de décembre.

MessagePosté: Sam 29 Nov, 2008 12:38
de André-Yves Bourgès
Sedullos a écrit:AYB, Molière pourrait être un exemple plus récent de ce que tu dis.


Bien sûr ! Et en y regardant bien, je pense que la liste pourrait se prolonger encore dans le temps...

AYB

MessagePosté: Sam 29 Nov, 2008 16:03
de Sedullos
Muskull a écrit:
Sedullos a écrit:Muskull,

D'un point de vue archéologique, il est important de préciser que, généralement, on chasse un animal sauvage mais que l'on sacrifie un animal domestique comme à Rome ou en Grèce. Jean-Louis Brunaux est formel sur ce point.


Salut Sed,
Un bref retour en arrière dans le fil pour signaler que les fouilles menées par Jean-Marc Séguier (INRAP) sur l'enclos gaulois de Souppes sur Loing (77) ont mis en évidence une consommation massive et saisonnière de grosses pièces de viande de boeuf, de cheval et de cerf.

Et si la chasse était aussi un sacrifice. :?:


Salut, tu fais bien de préciser le mot consommation.
La grande différence entre le sacrifice et la chasse, c'est le consentement de la victime pour le sacrifice et le caractère aléatoire de la chasse.

L'immolation chez les Grecs, on voit ça dans une scène d'Alexandre le Grand d'Oliver Stone consiste à verser du grain sur la victime, bovin, porc, ovin et d'obtenir son "consentement", obtemption d'autant plus facile qu'on lui fait baisser la tête.

Obtenir le consentement d'un dix cors ou d'un grand sanglier est plus aléatoire ! Il faut qu'il veuille bien être là et se laisser abattre.

Ceci dit Brunaux évoque des sacrifices d'animaux domestiques offerts en Grèce à Diane pour la remercier pour le gibier qui appartient exclusivement aux dieux alors que les animaux domestiques appartiennent exclusivement aux humains.

MessagePosté: Sam 29 Nov, 2008 18:12
de Muskull
Une mise en situation de l'INRAP:
http://www.inrap.fr/archeologie-prevent ... moulin.htm

Cher Sed,
Il s'agit de banquets rituels saisonniers et non de consommations profanes.
Je ne puis imaginer une seule seconde que dans un tel rituel de sacrifice-communion avec la ou les divinités "d'en haut" l'on ait pu introduire des venaisons non consacrées préalablement.

C'est pour cela que j'évoque la possibilité d'une "chasse sacrée" du cerf car il n'y a aucune trace de sanglier dans les reliefs alors que ces chasses existent dans certains mythes et dérivés comme les vies des saints.
Il y a aussi quelques cas de sacrifices chthonien de cerf, non démembrés, non consommés.

MessagePosté: Dim 30 Nov, 2008 1:37
de Sedullos
Muskull a écrit:Il s'agit de banquets rituels saisonniers et non de consommations profanes.
Je ne puis imaginer une seule seconde que dans un tel rituel de sacrifice-communion avec la ou les divinités "d'en haut" l'on ait pu introduire des venaisons non consacrées préalablement.


Consacrées par qui ? Et comment ?

Les sacrifices d'animaux ne sont pas forcément une communion.

Au sens où le partage entre les humains et les dieux n'est pas équitable... On offre la fumée et certains morceaux aux dieux et on partage le reste, souvent les meilleures parts entre les humains admis à la célébration.

MessagePosté: Dim 30 Nov, 2008 1:51
de Pierre
Salut à tous,

Muskull, ne t'emballes pas trop vite. Patrice Méniel n'exclue pas la possibilité de "cerf domestique" chez les Gaulois. Et la consommation de sanglier - quoique rare - n'est pas inexistante.

@+Pierre

MessagePosté: Dim 30 Nov, 2008 1:54
de Sedullos
Pierre a écrit:Salut à tous,

Muskull, ne t'emballes pas trop vite. Patrice Méniel n'exclue pas la possibilité de "cerf domestique" chez les Gaulois. Et la consommation de sanglier - quoique rare - n'est pas inexistante.

@+Pierre


Un "appelant" ?