http://editions.guepard.free.fr/articles/arthur.phpLes sources littéraire du mythe d'Arthur roi de Bretagne.Arthur, mythe et roman.
On connaît mal l'origine du mythe arthurien, on la pense celte (Artio, déesse gauloise de la guerre) car ce mythe est présent partout où les celtes ont été, et il a certainement été très important dans les légendes racontées au coins du feu à la veillée. On connaît beaucoup mieux les sources littéraires, puisse que nombreuses d'entre elles, et les plus importantes, sont parvenues jusqu'à nous intactes. Les reliquats d'oralité parlent d'un mythe très ancien, païen et violent, symbolique et typiquement indo-européen. Les textes, eux, sont typiques d'un Moyen-Age chrétien en quête de héros au cœur noble tourmenté par les passions. Ces textes, fruits d'auteurs aux intérêts divergents, ne présentent aucune cohérence, s'inspirent les uns des autres au fur et à mesure des modes et des attentes du public. Nous ne rentrerons pas ici dans le détail des personnages et des intrigues, un excellent livre l'a déjà fait en 185 pages superbement illustrées : La Légende du roi Arthur d'Anne Berthelot (Ed. du Chêne 2004). Nous dresserons simplement une liste non exhaustive des textes fondateurs du mythe littéraire ; comme une invitation à s'y ressourcer pour dissocier la légende populaire et antique du héros romanesque médiéval.
Le Chef de Guerre breton, héritier de l'Empire Romain, en lutte contre les Saxons.
Arthur apparaît pour la première fois au IXème sciècle dans les Annales de Bretagne et au XIème sciècles dans l'Historia Britonum attribuée à Nennius. Ces annales font de lui un Dux bellorum, un chef de guerre, en lutte contre les Saxons. Elles sont très séduisantes par la simplicité du personnage et ont récemment inspiré un film au cinéma qui se veut « historique ». Mais d'autres chroniques de la même époque, beaucoup plus fiables, font obstacle à leur crédibilité.
Arthur est au Plantagenêts, ce que Charlemagne est au Capétiens... un vague ancêtre mais une légitimité.
Arthur s'impose dans les esprits grâce Geoffroy de Monmouth, auteur en 1138 de l' Historia regnum Britanniae. Cette « enquête » (véritable sens du mot Historia) est ce qu' on appellerait aujourd'hui un best-seller dans les milieux normands-plantagenêts de l'époque. Réinventant toute l'Histoire de la Grande Bretagne, elle fait d'Arthur un roi breton descendant directement de Brutus, l'ancêtre des Bretons et petit fils d'Enée. Arthur serait donc un lointain descendant de Vénus… mais héros très chrétien. C'est surtout une liste de batailles gagnées par Arthur contre les saxons. G. de Monmouth qui travaille pour les plantagenêts et finira évêque au Pays de Galles prétend tirer son savoir d'un livre breton. Il sera suivit de près par Robert Wace, clerc normand à la cour de Henri II Plantagenêt qui écrit en dialecte anglo-normand et Layamon (en anglais Lawman) qui écrit en moyen-anglais. Tout deux reprennent son récit politico-militaire mais font cette fois d'Arthur, le centre de leur roman. A partir de cette instant c'est une véritable mode arthurophille qui s'éveille et qui perdurera jusqu'au siècle suivant. De nombreux lettrés s'essayeront alors à décrire la vie, la cour, la lignée et les exploits du roi légendaire.
Un livret sera même tiré de l'Historia de Monmouth recueillant les prophéties de Merlin faites à Vertiger. A tel point que Geoffroy de Monmouth reprendra la brèche involontairement ouverte en écrivant en 1150 la Vita Merlini, la vie d'un Merlin vivant dans les bois un siècle et demi après le règne d'Arthur. Cette première « biographie » de Merlin, incompatible avec le Merlin faiseur de roi, est très souvent jugée comme « plus historique » par les passionnées. Elle est évidemment tout aussi fantaisiste que le reste.
Le professionnel arthurien
Parmi les auteurs qui écriront sur Arthur, il en est un qui va entièrement bâtir son œuvre sur le héros et surtout sur ses chevaliers et son univers : le professionnel arthurien de la 2nde moitié du XIIème siècle est Chrétien de Troyes. Il écrira 5 romans : « Erec et Enide », « Cligès », « le Chevalier à la Charrette », « le Chevalier au Lion » et « le Conte du Graal ». Tous situent leur action dans le même univers où règne Arthur mais sans forcement en faire le héros central. La nouveauté est que Ch. de Troyes à su rendre cohérent une histoire, des personnages, une époque et des événements ; cohérence inexistante dans les récits qui lui sont contemporains ou antérieurs et qui va donner au romancier la crédibilité indispensable pour résister aux siècles et aux frontières.
Un second mythe est né : Merlin
A la même époque, et sans doute inspiré par le livret de prophétie et la Vita Merlini de Monmouth, Robert de Boron s'intéressa particulièrement à l'avènement du Graal dont il fait la mission de Merlin. Dans « le Roman de Merlin », Arthur est un des rois manipulés par le magicien dans un seul but : établir un nouvel âge sur la Terre, celui de l'Esprit, du Grall. L'aspect métaphysique de ce roman lui assurera un grand succés au Moyen-Age. Il est aujourd'hui considéré comme une bible merlinesque avec toutes les bases d'une mystique ésotérique. Il équilibre Arthur le guerrier avec Merlin le mystique.
De la profusion au dogme
De nombreux auteurs moins célèbres écrivirent sur Arthur et sur Merlin tout au long du Moyen Age, de la Renaissance et jusqu'à présent. Nombreux sont ceux qui ont essayé de rationaliser tout ça, avec moult schémas, who's who, arbres généalogiques, presque des encyclopédies… Il y a même des débats pour savoir si telle ou telle version est juste ou erronée ! Mais c'est finalement Chrétien de Troyes qui restera la référence absolue, sans doute pour quatre raisons : des commanditaires puissants, le volume de l'œuvre, sa cohérence non pas par rapport à l'Histoire (aucun récit arthurien ne possède cette qualité…) mais dans la globalité des récits et enfin : un véritable talent. Aujourd'hui, il est clair que Chrétien de Troyes était un vrai romancier (même si certains passages des ses romans ne sont pas de sa plume) et non un collecteur. Les personnages, les événements, les décors sont issus de son imagination et de ses expériences propres et sont en fait très éloignées des légendes populaires qu'il aurait pu figer par écrit pour la postérité. C'est malheureux car à cause de lui nous avons oublié une grande partie du mythe originel, sa version ayant pris le dessus, c'est merveilleux car son œuvre est un monument que l'on lit encore aujourd'hui.
On trouve de nombreuses illustrations de la vie d'Arthur et des siens ou de Merlin à travers l'Europe : enluminures, reliefs, sculptures, peintures murales, etc… souvent on y voit un mélange entre sources romanesques (les sources précédemment citées) et légende locales. Cela prouve d'un côté que ces romans ou biographie eurent un succés considérable à travers l'Europe et les siècles, de l'autre que le mythe était déjà encré dans les esprits depuis longtemps (le culte d'Artio et d'Arthus - divinités ours - sont présents en Suisse, en Italie du Nord, en Belgique, en Grande Bretagne, en France, … voir l'article sur l'Ours).
Arthur, conseiller en communication...
Au XXème siècle, on retint de Chrétien de Troyes l'aspect courtois de la relation entre Geneviève et Lancelot. En fait, cet amour courtois à été commandé à l'auteur par Marie de Champagne ; celui-ci, peu enclin à cet frivolité, à délégué ce passage à ce qu'on appellerait aujourd'hui un nègre…
Au XXIème siècle, on retrouve chez Chrétien de Troyes l'aspect fabuleux et fantastique. Encore une fois, ce n'était pas le propos de l'auteur dont le but était clairement de dorer le blason d'une chevalerie bien mal renommée. Il a réussi à faire oublier les défaites, les pillages et les viols des chevaliers bien réels de son époque et à créer un mythe du chevalier noble et vertueux, qui lutte contre les passions et les tentations qui le tourmentent comme pour l'éprouver, et surtout poursuit une mission divine. Ce mythe est n'est pas le fruit du hasard ! Arthur est bien la survivance du dieu-Ours des Indo-européens, héros païen et violent qui chasse sans répit un gibier mystique. De nombreuses légendes et chansons à travers l'Europe parlent de chevaliers punis pour leur violence et condamnés à chasser un gibier inaccessible. Le Graal est ce gibier divin et rédempteur que Chrétien de Troyes propose à la chevalerie de son époque. Arthur était un dieu païen et violent, les auteurs du Moyen Age on fait de lui un roi chrétien et courtois. Ce mélange l'a rendu à jamais populaire.
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Les éditions du guépard © 2005