letelegramme.com, mardi 18 décembre 2007, a écrit:Trésor. L'héritage des Celtes 545 pièces d’or éparpillées dans un mouchoir de poche, un enclos gaulois de 200 m², c’est l’extraordinaire découverte faite par des archéologues, en mars dernier, à Laniscat. Le secret, bien gardé, a été dévoilé hier... Le lieu-dit Rosquelfen, en Laniscat, était connu pour son occupation à l’époque gauloise (entre 300 avant J.C. et 58 après J.C.). Pas étonnant, donc, que la mise à quatre voies de l’axe Rennes-Châteaulin, la RN 164, ait suscité une attention particulière des services de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) lorsqu’il s’est agi d’y faire passer la déviation de Gouarec et Saint-Gelven. Mais jamais, en terre bretonne ni ailleurs, une aussi précieuse découverte n’avait été effectuée dans ce contexte.
545 pièces « d’or » Fin mars, un participant aux fouilles mettait au jour une première pièce. Munis d’un détecteur de métaux, les archéologues entreprenaient alors de ratisser l’enclos d’une ferme gauloise encore parfaitement délimitée par des vestiges de fossés doublés de talus. « Dès la première journée, nous avons trouvé une cinquantaine de pièces. L’ensemble de la mise au jour s’est étalé sur trois semaines », explique Eddy Roy, qui a dirigé les fouilles. Un secret absolu a été demandé et obtenu de tous ceux qui avaient connaissance de la découverte. 545 pièces de monnaie ont été rassemblées, avant que le site ne soit recouvert et rendu aux travaux. Les monnaies, des « statères » et « quarts de statères » ne sont pas exactement d’or, mais d’électrum, un alliage d’or, d’argent et de cuivre.
Des ciselures magnifiques Dans un exceptionnel état de conservation, elles sont ciselées avec une finesse stupéfiante. On y distingue, sans mal, tête de cheval, sanglier, homme tenant une lance, motifs floraux, etc. Enterrées au pied d’un talus, puis sans doute dispersées par les labours des époques récentes, les pièces auraient constitué le capital (« colossal », observent les spécialistes) d’un riche habitant, à qui la vie a, sans doute, joué un mauvais tour. « La composition de l’alliage permet de situer l’enfouissement entre 75 et 50 avant J.C., peut-être lors de la conquête de la Gaule par les Romains, et le site a été abandonné vers 50 de notre ère. C’est ce qui l’a protégé, car la plupart des implantations gauloises ont vu ensuite s’ériger des villas gallo-romaines. Une famille a vécu là sans savoir que son ancêtre lui avait laissé un trésor », expliquent les archéologues.
Un nouvel éclairage sur la vie des Gaulois Au-delà de ce touchant aspect anecdotique, et de son grand intérêt artistique, la découverte est de première importance pour les scientifiques. Elle pourrait même les amener à réviser leurs théories sur l’habitat et l’organisation de la société chez les Gaulois. Elle permet, en tout cas, dans cette zone qui fut frontalière, d’affiner la connaissance que l’on a des territoires des Vénètes et des Osismes (*), et de reconsidérer le rôle de ces derniers, qui avaient émis la monnaie découverte dans la péninsule bretonne. * Peuple gaulois du groupe des Celtes, présent dans une zone couvrant le département du Finistère et l’ouest des Côtes-d’Armor. Leur nom signifie ceux de la mer. Leur capitale était Vorgium Osismiorum (Carhaix-Plouguer).
Roselyne Veissid Projet de musée archéologique« Nous sommes en train de réfléchir à la création d’un musée archéologique dans les Côtes-d’Armor », a annoncé, hier après-midi, Christian Provost, vice-président du conseil général chargé de la culture. Il n’a fourni aucune indication sur le lieu, ni sur le calendrier de ce projet. Mais cette découverte de Laniscat hisse désormais le département au rang de haut lieu de l’archéologie gauloise. Rappelons qu’en 1988, une remarquable statuette de 48 cm, « Le barde à la lyre », avait été découverte non loin de là, à Paule.
Un grand établissement agricoleLes archéologues « lisent » dans les vestiges comme dans les livres. Ils ont élaboré pour le site de Rosquelfen, en Laniscat, qui fut sans doute un grand établissement agricole, un historique étonnamment précis. « Vers le milieu du III e siècle avant notre ère, un notable s’y installe avec sa parenté », échafaudent les spécialistes. « Comme c’est l’usage à l’époque, il délimite l’emprise de sa ferme par un enclos, de 7.500 m², composé d’un fossé doublé d’un talus, geste ostentatoire plutôt que volonté défensive. Installées le long des talus, les habitations construites sur poteaux sont peu spacieuses. Une partie de l’enclos est réservée au traitement et au stockage des céréales. En pleine romanisation de l’Armorique, le site semble avoir été abandonné au cours du premier siècle de notre ère ».
(Photo Gilles Leroux/Inrap)