Bonsoir,
1) les romains étaient-ils les seuls à opérer ce genre de deal ?Non, les Romains n'étaient pas les seuls. La Guerre des Gaules nous offre de nombreux exemples de cette pratique chez les Gaulois de Gaule Celtique :
B.G. I. 9. & I.19. : on apprend que lors des négociations entreprises par l'intermédiaire de l'Eduens Dumnorix, pour organiser le passage en bon ordre des Helvètes à travers le territoire des Séquanes, les deux peuples décidèrent d'échanger des otages. (source :
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/CAES/BGI.html#9 ;
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/CAES/BGI.html#19)
B.G. I.14. : L'Helvète Divico (Cf. fiche de l'Encyclo qui lui est consacrée
http://encyclopedie.arbre-celtique.com/divico-2815.htm), à qui César réclamait des otages, lui fit savoir en réponse :
"qu'ils tenaient de leurs pères la coutume de recevoir des otages, et de n'en point donner ; que le peuple romain devait le savoir."
(source :
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/CAES/BGI.html#14)
Outre la réponse que Divico, un autre passage indique que cette pratique est ancienne en Gaule, en tout cas antérieure à la Guerre des Gaule. Ce passage (
I. 31. ; VI.12) fait référence à la guerre ayant opposé les Eduens (et leurs alliés), à une alliance Arvernes - Séquanes - Suèves (vers 70-60 av. J.-C.) et à la défaite des premiers, ils furent contraints de livrer aux vainqueurs d’innombrables otages (Tous les passages sont repris sur cette fiche de l'encyclo :
http://encyclopedie.arbre-celtique.com/eduens-et-leurs-allies-sont-ecrases-70-60-8761.htm)
Ajoutons enfin que Romains et Gaulois ne sont pas les seuls à se livrer à ce genre de pratique. Le passage
I.31. ; I.33.-I.37. en atteste de nouveau en précisant bien qu'une partie des otages éduens (évoqués il y a quelques instants) avait été livrée à Arioviste
Si Arioviste venait à connaître leurs révélations, nul doute qu'il ne livrât tous les otages en son pouvoir aux plus affreux supplices.
(source :
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/CAES/BGI.html#31)
il les voyait livrant des otages entre les mains d'Arioviste et des Séquanes, ce qui était honteux pour lui-même et pour la toute-puissance du peuple romain
(source :
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/CAES/BGI.html#33)
Autre exemple, Les Atuatuques possédaient des otages atrébates, dont un fils et un neveu d'Ambiorix (V.27.), libérés grâce à César :
il lui doit également la liberté de son fils et du fils de son frère lesquels, envoyés comme otages aux Atuatuques, avaient été retenus dans la captivité et dans les fers.
(source :
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/CAES/BGv.html#27)
On trouve également une mention de ces échanges d'otages lors des préparatifs du soulèvement de la Gaule Belgique (hiver 58-57 av. J.-C.) (
II.1) :
Pendant que César était, comme nous l'avons dit, en quartier d'hiver dans la Gaule citérieure, les bruits publics lui apprirent et les lettres de Labiénus lui confirmèrent que les Belges, formant, comme on a vu, la troisième partie de la Gaule, se liguaient contre le peuple romain et se donnaient mutuellement des otages.
(source :
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/CAES/BGII.html#1)
... ou encore lors des préparatifs du soulèvement de 52 av. J.-C. (VII.4.) :
Ayant ainsi réuni de grandes forces, il expulse à son tour du pays les adversaires qui, peu de temps auparavant, l'avaient chassé lui-même. On lui donne le titre de roi, et il envoie des députés réclamer partout l'exécution des promesses que l'on a faites. Bientôt il entraîne les Sénons, les Parisii, les Pictons, les Cadurques, les Turons, les Aulerques, les Lémovices, les Andes, et tous les autres peuples qui bordent l'océan : tous s'accordent à lui déférer le commandement. Revêtu de ce pouvoir, il exige des otages de toutes les cités, donne ordre qu'on lui amène promptement un certain nombre de soldats, et règle ce que chaque cité doit fabriquer d'armes, et l'époque où elle les livrera. Surtout il s'occupe de la cavalerie
(source :
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/CAES/BGVII.html#7-4)
J'en passe et des meilleurs !
2) après combien de temps et pourquoi étaient-ils relâchés ?Les différentes attestations montrent que ces échanges / livraisons d'otages scellent un accord (ex. I. 9. & I.19.), une alliance (ex. II.1.) ou constituent un acte de soumission (I.31. ; I.33.). On imagine dans les deux premiers cas une libération des otages intervenant lorsque l'accord / l'alliance devient caduque et que la conservation d'otages n'a plus de raison d'être. Dans le dernier cas, tout semble plus compliqué... c'était alors une garantie pour le versement d'un tribut, la non-reprise des hostilités, etc. (I.31. ; I.33. ; V.27.)
3) Vercingétorix aurait-il pu être un otage?On le prétend souvent, mais César n'en dit rien dans la Guerre des Gaule. De mémoire, c'est Camille Jullian qui a popularisé cette hypothèse qui repose sur un passage de Dion Cassius (
Histoire Romaine, LX, 41) qui évoque l'amitié qui avait uni César et Vercingétorix.
"Après cette défaite, Vercingétorix, qui n'avait été ni pris ni blessé, pouvait fuir ; mais, espérant que l'amitié qui l'avait uni autrefois à César lui ferait obtenir grâce, il se rendit auprès de lui, sans avoir fait demander la paix par un héraut, et parut soudainement en sa présence, au moment où il siégeait dans son tribunal. [...] et le supplia en lui pressant les mains, sans proférer une parole. Cette scène excita la pitié des assistants, par le souvenir de l'ancienne fortune de Vercingétorix, comparée à son malheur présent. César, au contraire, lui fit un crime des souvenirs sur lesquels il avait compté pour son salut. Il mit sa lutte récente en opposition avec l'amitié qu'il rappelait, et par là fit ressortir plus vivement l'odieux de sa conduite."
(source :
http://users.skynet.be/remacle2/Dion/livre40.htm)
Cette amitié ne peut être née qu'au cours de la Guerre des Gaules. Nous savons qu'après l'exécution de Celtillos (son père), son oncle Gobannitio l'a fait chasser de Gergovie (VII.4.). Cet événement est contemporain de l'arrivée de César en Gaule selon les uns, antérieur selon les autres. Aussi, nous savons que César réclamait des otages aux Gaulois, particulièrement lorsqu'il devait s'éloigner de la Gaule. Vercingétorix, que l'on voulait éloigner de Gergovie, figuraient-il parmi les otages que son peuple a fait parvenir à César ? C'est probable...