Nombreuses peuvent être les transmissions orales, les variantes de textes et de traductions. Ainsi, les observations données par l’archéologue et historien
Henri Quilgars(1877-1937) lors d'une conférence faite au congrès de l'U.R.B. :
H. Quilgars a écrit: ------La science officielle française ne connaît guère les anciens Celtes que par des textes latins ou grecs, c’est-à-dire des documents de seconde ou même de troisième source. Les Celtes cependant, nous ont laissé des monceaux d’écrits, un ensemble documentaire qui dépasse en quantité tout ce que Rome ou la Grèce ont produit ensemble, qui constitue l’une des plus importantes contributions qui existe à l’histoire de l’esprit humain. La production littéraire gaélique notamment, offre une collection de poèmes, de chroniques, de biographies qui révèlent dans tous les détails, les moindres incidents de la vie des Celtes à l’aurore de notre ère : le Celtisant britannique O’C
URRY estime qu’il faudrait un volume de plus de 48.000 pages in-4° imprimées pour contenir les seuls textes gaéliques des manuscrits découverts ou établis jusqu’au
XVIIIe siècle. Grâce au chroniqueur irlandais Tigernach, mort en 1088, qui avait consulté toutes les traditions nationales, compulsé toutes les archives d’Irlande, nous connaissons de façon certaine les événements qui se sont déroulés en Irlande depuis l’an 305 avant notre ère, et de cette date à […] une succession à peu près ininterrompue de traditions et de faits dont l’authenticité ne peut être absolument contrôlée, mais qui apportent cependant sur les origines celtiques de jours singuliers, grâce aux rapprochements auxquels il est possible de les soumettre, en raison des découvertes accomplies dans le domaine, des sciences historiques depuis 20 ans.
La vie privée chez les Celtes, H. Quilgars, conférence faite au Congrès de l’Union Régionaliste Bretonne, imp. Réunies (non daté, 1928 ?), 24 pages, p. 3.
Kambonemos a écrit: La recherche n'est pas très aisée. D'autant que les nombreux patronymes plus récents tels que Branche (Midi), Branca (Corse), Branquet, et autres dérivés Branchu, etc, proprement " pourvu de branches" ont encore aujourd'hui une signification obscure [A. Dauzat] ; dans la symbolique celtique, d'après Leroux Guyonverc'h, la branche désigne souvent la baguette (magique) [irl.creb, croeb].
A défaut de toupet, rien n’empêche d’avoir une chevelure en
« baguette d’or », et
« des joues pourpres, plus belles qu’une prairie » :
H. Quilgars a écrit: ---[...] Enfin, pour paraître plus brillants dans leurs vêtements éclatants, hommes et femmes s’appliquaient à se composer un visage. Entre les Ier et Ve siècle de notre ère, hommes et femmes portaient longue une partie de la chevelure. La chevelure était, chez les Celtes, l’objet du plus grand soin : une chevelure bien entretenue était un signe de distinction suprême comme chez les Hellènes du VIe siècle avant notre ère (conception que ceux-ci tenaient des Ioniens, c’est-à-dire d’Asie), et quand on parlait de la beauté des femmes on se reportait immédiatement à celle de ses cheveux. Aussi les textes gaéliques et gallois qui nous renseignent sur les modes relatives à la coiffure, sont-ils extrêmement nombreux. Il y avait des chevelures en baguette d’or, des chevelures blanches comme la mouvante écume, des chevelures en fleur de genêt, en fleur de lin, pour en citer quelques-unes. Pour les parer à la mode du jour, car dès cette époque la mode avait ses caprices, les Celtes demandaient le secours de la teinture. Ce secours, on ne l’a pas oublié de nos jours, mais les Celtes l’ont invoqué à un tel point qu’ils ne craignaient pas de lui demander de leur composer une chevelure teinte de différentes couleurs. Voici à titre d’exemple, comment est décrite par la Tain bo Cualnge, la chevelure de CUCHULAINN : « Il était vraiment beau ce garçon ; ses cheveux avaient trois teintes : bruns en bas du crâne, rouges comme du sang au milieu ; ils étaient jaunes au sommet et couvraient la tête d’une sorte de diadème ; ils lui formaient trois cercles autour du creux de la nuque. Les cheveux qui tombaient par derrière sur le haut des épaules ressemblaient tous à des fils d’or, c’étaient des fils minces, dorés, déliés, magnifiques, formant des boucles longues, distinguées, de belle couleur. Une pourpre fine (c’est-à-dire des tresses de cheveux pourpres) aux tons d’or rouge aux flammes d’or, faisait cent tours autour de son cou, et il avait sur la tête cent cordons (de cheveux) semés d’escarboucles. »
----Cette copieuse description, et beaucoup d’autres, indiquent que les Celtes se relevaient les cheveux sur le sommet de la tête et qu’ils en laissaient retomber en tresses arrangées de différentes manières.
La prophétesse FEDELM qui vivait à la cour de Connaught au début du Ier siècle de notre ère, avait quatre nattes de cheveux blonds comme de l’or, trois lui entouraient la tête, le quatrième lui pendait si bas qu’elle lui touchait les mollets. Mais la plupart du temps, dans la vie ordinaire, la chevelure était relevée sur le front de manière à former un toupet, et retombait en tresses sur les épaules. Cette mode du toupet semble être bien celtique ; elle n’était pas seulement en usage chez les Celtes insulaires, mais encore chez ceux de Gaule avant la conquête romaine, et elle survécut elle-même à celle-ci, car au milieu du Ve siècle, Sidoine Apollinaire, qui mourut en 489, dit que les Gaulois de son époque Ad frontem coma tracta jacet, nudataque cervix, c’est-à-dire qu’ils portaient les cheveux relevés sur le front et coupés sur la nuque, et Sidoine ajoute que les Romains et les Francs, qui commençaient à envahir la Gaule, trouvaient cette mode si jolie qu’ils l’imitaient. Cette mode a survécu chez quelques clans écossais, et si on se rappelle qu’au XVIIe siècle on appelait en Écosse les Têtes Rondes certains partisans politiques qui reprirent l’antique habitude de se raser les cheveux sur la nuque et les oreilles et les conserver longs sur le sommet de la tête : sir Walter Scott en a fait état dans Wawerley. C’est peut-être encore une survivance de coutumes orientales, car en nous reportant aux civilisations préhelléniques qu’ont côtoyés les Celtes, nous voyons combattre au début de la guerre de Troie, les belliqueuses troupes de Thrace qui ne portaient des cheveux que sur le haut de la tête (Iliade, IV).
---La première chose que faisait un Celte ou une Celte qui allait en visite, c’était de vérifier si la chevelure était bien arrangée. Il y avait évidemment des coiffeurs chargés de ce soin, mais toute personne de bonne condition devait posséder l’art de se coiffer elle-même. Quand KULHWCH se présenta à la cour d’Arthur, il lui demanda ce qu’il devait lui offrir comme preuve de son savoir. « Je veux que tu mettes en ordre ma chevelure », répondit Arthur, et aussitôt le roi lui tendit un peigne d’or et des ciseaux d’argent.
---Les Celtes avaient, il y a deux millénaires, je ne veux pas dire le travers, car beaucoup de dames s’indigneraient, mais l’habitude, de se passer sur les joues des fards. On n’admettait pas les visages pâles qui évoquaient les maladies : il fallait montrer des signes indubitables de santé, des couleurs et des vives, « des joues pourpres, plus belles qu’une prairie », dit la saga des Fils d’Usnech, et quand la nature refusait ses couleurs, les Celtes recouraient à des imitations. Le rouge et le pourpre étaient particulièrement recherchés pour les joues. Au Ier siècle, de notre ère, dans toutes les cours d’Irlande, la mode exigeait des joues roses, ou bien de sang, ou bien de flammes ; et cette mode de farder les joues avec des couleurs vives, s’est perpétuée pendant des siècles : le grand poète lyrique gallois DAFYDD AB GWILYM, au XIIIe siècle, parle encore des joues aussi rosées que le vin de framboise, et il existait un dicton qui voulait que tout Celte eut les joues pourpres et l’esprit clair, ce qui signifiait la santé et l’intelligence. Je n’ai pas besoin d’ajouter que les lèvres étaient également fardées : comme les dames de nos jours, les femmes celtes se passaient du raisin sur les lèvres, et les hommes en faisaient autant et il était à peu près obligatoire de montrer des lèvres éclatantes comme de rouges alises, comme des cerises savoureuses et tendres, pour me servir des expressions d’usage.
---Quant aux dents, si les Celtes ne les teignaient pas, ils appréciaient grandement, comme le disait le druide CATHBA, « le trésor de dents sans défaut, de belles dents ressemblant à des perles, ou à du cristal, ou à une pluie de gemmes. »
---Et vous voyez ainsi que la somptueuse barbarie des Celtes n’étaient pas dépourvue de certains raffinements que ne désavouent pas les modernes.
La vie privée chez les Celtes, H. Quilgars, conférence faite au Congrès de l’Union Régionaliste Bretonne, imp. Réunies (1928 ?), 24 pages, pp. 21-23.
H. Quilgars a écrit:Quand KULHWCH se présenta à la cour d’Arthur, il lui demanda ce qu’il devait lui offrir comme preuve de son savoir. « Je veux que tu mettes en ordre ma chevelure », répondit Arthur, et aussitôt le roi lui tendit un peigne d’or et des ciseaux d’argent.
Mais dans le texte qui suit, tout au contaire, c'est Arthur qui coiffe Kulhwch :
J.-C. Lozac’hmeur a écrit:------------- Kulhwch et Olwen--- L’histoire de Kulhwch et Olwen a été conservée sous la forme complète dans le manuscrit du Livre Rouge de Hergest (fin du XIVe siècle) et partiellement dans le manuscrit du Livre Blanc de Rhydderch de près d’un siècle antérieur. L’étude de la langue a permis aux spécialistes de situer la composition de l’œuvre aux environs de l’an 1100. Kulhwch et Olwen est donc le plus ancien roman arthurien. (Texte du Livre Rouge, édité par J. Gwenogvryn Evan, Oxford, 1887 1).I. Nous nous sommes néanmoins permis d’adopter dans certains cas les leçons du Livre Blanc. ---[…]Le garçon rougit et l’amour de la jeune fille pénétra tous ses membres bien qu’il ne l’eût jamais vue. Son père lui demanda :
---« Mon fils, pourquoi rougis-tu ? Qu’est-ce qui te peine ?
---— Ma belle-mère m’a juré que je n’obtiendrai jamais de femme jusqu’à ce que j’obtienne Olwen, la fille d’Yspaddaden Penkawr.
---— C’est pour toi chose facile, lui dit son père. Arthur est ton cousin germain. Va le voir pour qu’il arrange ta chevelure et demande-lui cela en guise de don. »
---[…] Glewlwyd vint ouvrir au jeune homme. Bien que tous eussent l’habitude de descendre de cheval à la porte au moyen de la pierre placée là à cet effet, Kulhwch ne descendit pas : il entra sur sa monture. Il dit :
---« Salut, prince suprême de cette île ! Salut à ceux d’en bas aussi bien qu’à ceux d’en haut dans cette maison, à tes nobles, à ta suite comme à tes chefs d’armée ! Que personne ne soit excepté ! Et de même que je t’ai salué sans réserve, que soient complète dans cette île ta grâce, ta gloire et l’admiration que tu inspires !
---— Salut à toi ! dit Arthur. Assois-toi entre deux guerriers, on interprétera en ton honneur un chant mélodieux, et tu jouiras du privilège d’un prince héritier d’un royaume aussi longtemps que tu resteras ici. De plus, quand je distribuerai mes dons à mes hôtes et aux gens venus de loin, ta main sera la première à les recevoir dans cette Cour. »
--- Le garçon dit :
--- « Je ne suis pas venu ici pour gaspiller nourriture et boisson. Si j’obtiens ce que je demande, je le paierai en retour par des louanges. Si je ne l’obtiens pas, j’emporterai ta honte aussi loin que s’étendit ta gloire : aux quatre coins du monde. »
---Arthur dit :
--- « Quoique tu ne demeures pas ici, seigneur, tu obtiendras le don qu’indiqueront ta tête et ta langue, aussi longtemps que le vent séchera, que la pluie mouillera, que le soleil continuera sa course dans le ciel, à moins que tu ne demandes mon navire, mon manteau, Caletvwlch, mon épée, Rongomyant, ma lance, Wynebgwrthucher, mon bouclier, Carnwenhan, mon poignard et Gwenhwyfar, ma femme.
---— Tu en prends Dieu à témoin ?
---— Tu l’obtiendras volontiers ! Dis ce que tu veux.
---— Je veux que tu arranges ma chevelure.
---— Accordé ! »
---Arthur pris un peigne d’or et des ciseaux aux anneaux d’argent et se mit à le peigner. Puis il lui demanda qui il était : […]
---------------------------------------------------------------------------------------------------J. C. L.Récits et poèmes celtiques, Léon Fleuriot, Jean-Claude Lozac’hmeur et Louis Prat, Éditions Stock, 1981, 256 pages, pp. 159-160, 164-165.
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