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Gallic divinity of insula Sena, île de Sein, enez Sizun

MessagePosté: Dim 06 Avr, 2003 20:49
de ejds
Reprenant les dires d’Artémidore, le géographe grec Strabon (-58 /+ 25 ap JC) dans sa Géog. (livre V, chap. IV, partie VI), décrit pour la première fois une île au large de la Bretagne où se déroulaient des rites pareils à ceux célébrés à Samothrace. Ils sont tenus par des femmes consacrées à la chasteté, en l’honneur d'une déesse gallizenae "assimilée à Déméter et Coré".
Mais quel est donc le nom de cette mystérieuse divinité gauloise? Est-elle la même que l'on retrouvera en 43 de notre ère, lorsque le géographe ibère Pomponius Mela décrira l’île de Sein sous le nom de Sena Insula:
- "Sena, dans la mer britannique en face du littoral des Osismiens, est célèbre par l’oracle d’une divinité gauloise dont les prêtresses, consacrées par une virginité perpétuelle, sont dit-on, au nombre de neuf: on les appelle Gallizènes".

Do you know the name of the Gallic divinity of the insula Sena, Island of Sein or Enez Sizun?
Rewriting statements of Artemidore, the greek geographer Strabon (-58/+ 25 ap JC) in his Geog. (book V, chap. IV, part VI), described for the first time an island abroad the Brittany coasts where rites were similar with those celebrated in Samothrace. They were held by women devoted to chastity in the honor of a gallizenae goddess comparable to "Demeter and Core".
In the same way, in 43 of our era, the iberian geographer Pomponius Mela describes the island of Sein under the name of Sena Insula: - "Sena, in the British sea opposite the Osismiens littoral, is famous for the oracle of a Gallic divinity whose priestesses, devoted by a perpetual virginity, believe to be nine: they are called Gallizenes".

MessagePosté: Dim 06 Avr, 2003 22:36
de Patrice
Bonjour,

Gare aux mélanges! Strabon ne mentionne pas les Gallizenae. Seul Pomponius Mela le fait au sujet de l'île de Sein.
Voici les textes de Strabon:

"[...] ce qu'il raconte de Déméter et de Corè est plus digne de foi. Il y a, dit-il, près de la Britannique, une île où l'on sacrifie à Déméter et à Corè suivant des rites semblables à ceux de la Samothrace."

Voir le lien:




http://www.arbre-celtique.com/approfondissements/legendes/inventaire-txt/navigations.php

où les textes les plus importants sont cités.

Il n'y a hélas pas moyen de savoir quel était le nom gaulois de la (les ? ) divinité(s) de l'île. La mention de Démeter et Coré (qu'on retrouve dans les Argonautiques orphiques n'est pas une information celte mais une donnée issue de la tradition grecque orphique. Kern, dans ses Orphicorum fragmenta (153) indique une scholie dans laquelle on hésite à citer le rapt de Persephone (Corè) en Crète, en Sicile ou bien au bord de l'Océan (atlantique).

A+

Patrice

MessagePosté: Lun 07 Avr, 2003 9:49
de Sedullos
Bonjour,

Juste une remarque, on trouve la mention du culte des Dioscures chez les peuples de l'Océan, ce qui pourrait bien désigner les Celtes occidentaux dans certains récits grecs.

Y aurait-il un rapport entre ce culte et celui de Sena ?
sed...

MessagePosté: Lun 07 Avr, 2003 10:02
de Sedullos
Autre chose,
Le Roux et Guyonvarc'h ont établi un raprochement entre les Gallizenae et les soeurs de Morgane (9) dans Histoire des rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth.
sed...

MessagePosté: Lun 07 Avr, 2003 10:16
de Patrice
Salut,


En fait le texte de Pomponius Mela sur l'île de Sein est quasi similaire à la description de l'île d'Avalon dans la Vita Merlini de Geoffroy de Monmouth. Seul le nom de l'île change et Geoffroy donne aussi les noms des 9 femmes.
Ceci montre bien qu'avec cette histoire de "Gallizenae", on a affaire à un mythe et pas à de la géographie.

Pour les Dioscures, Diodore de Sicile cite explicitement les Celtes riverains de l'Océan. A cette information répond peut-être le fait que souvent, dans les récits de navigation, on trouve dans l'île finale non pas des femmes mais les deux prophètes Enoch et Elie, qui sont aussi cité dans l'histoire de Fintan.

A+

Patrice

MessagePosté: Lun 07 Avr, 2003 14:21
de Muskull
Bonjour :)

Yep, on parle de ma coin ! :wink:

Au point culminant de l'île de sein, devant l'église, il y a deux menhirs, ils ne sont pas très grands mais ils sont deux et d'ailleurs on les appelle les jumeaux.

Je ne pense pas qu'ils aient eu un rapport quelconque avec le culte des dioscures ou de leur équivalent celtique,mais bon, ils sont là depuis un sacré bout de temps sur l'unique colline de l'île. :D

MessagePosté: Lun 07 Avr, 2003 16:32
de Muskull
Le soleil avait quatre épouses : Râjnî, la souveraineté, Prabhâ, la lumière, Châyâ, l'ombre, et Samjnâ, la connaissance. Cette dernière ne put supporter l'éclat de son mari, et un jour, elle décida de s'enfuir. Au fond d'une forêt, la femme du soleil se cacha sous les traits d'une jument. Inconsolable, son mari décida de la retrouver pour ne pas l'effrayer et la reconquérir, le soleil descendit sur terre sous la forme d'un splendide étalon. De leur union naquit des jumeaux qu'on appela des Ashvins, mi-homme, mi-chevaux.
Le mythe des Dioscures est très clairement d'origine védique. Les représentations grecques les figurent accompagnés de chevaux blancs jusqu'en Asie Centrale.

De manière plus archaîque, il y a aussi Gilgamesh et Enkidu, le roi divin et son alter égo mortel.

Mais j'ai du mal à trouver une relation avec un culte celtique :? :?:

Les Dioscures sont bien des protecteurs des marins ; leur invocation apaisait les vents. Le lever solaire dans les Gémeaux correspondait aussi au retour des grandes navigations en Méditerranée. Bref, ce sont les chouchous de Poseïdon et aussi les amis de la Lune.
Il y a aussi cette immortalité partagée, échangée ; 6 mois solaires et 6 mois sous terre où là on se retrouve mieux dans les mythes celtes. :)

Mais notre grec millésimé ne parle pas de Perséphone, il parle de deux jeunes hommes...
Il y a bien Finn né de cerf et biche et son frangin mais c'est pas patent... :?

Je sèche un peu là, help please :shock:

MessagePosté: Lun 07 Avr, 2003 17:18
de Sedullos
Salut,
Dans le Mabinogi de Math, les deux enfants d'Arianrod, Dylan, fils de la vague et le futur Llew sont peut-être une image galloise des Dioscures.
sed...

MessagePosté: Mar 08 Avr, 2003 13:29
de Fergus
Muskull,

Le thème des Dioscures n'est pas "d'origine védique". C'est un thème indo-européen dont les deux expressions les plus connues sont les Dioscures grecs et les Asvins védiques.
Dans le monde celtique, il est possible que le couple Cuchulainn / Conall Cernach soit un développement de ce thème, de même que les deux "neveux" d'Ambigatus, Ségovèse et Bellovèse.
Dans ce thème, l'un des deux jumeaux est un vainqueur, et l'autre un perdant...

MessagePosté: Mar 08 Avr, 2003 15:16
de ejds
Censés protéger les navigateurs, les rites de Samothrace ou mystères des Cabires étaient célébrés en des lieux tenus secrets, le plus souvent dans les îles du monde grec ou de l’empire romain mais aussi en Egypte. Tout comme le culte marin des Dioscures et celui agraire de Déméter et de Coré, ces cultes à Mystères introduisaient les concepts complexes de vie éternelle à qui faisait l’effort de la gagner, de salut dans l’au-delà et de résurrection du monde des morts. Ils étaient les mystères de l’homme qui espérait y trouver "le secret des choses", domaine de la force entre l’esprit et la matière, domaine de l’intermédiaire, du lien et des causes.
Le long des côtes européennes, ses pratiques religieuses antiques ont certainement influencé les grands rites celtes lunaires et solaires de l’au-delà.

En des temps où les contes et légendes surgissaient de l’imaginaire, portés par les courants, sans temps, sans terre ni repères, mondes peuplés d’êtres et de pays chimériques qui appartenaient à qui voulait bien les raconter, on ne peut donc pas trop savoir à quelle époque ni à quelle divinité la déité de Sena était liée.
On ne dispose sur l’oracle et la déesse gauloise d’aucun autre témoignage pour en décider que les vagues fragments de Pomponius Mela, et aucun lien ne paraît être fait sur l’île et la déesse gallizenae d’Artémidore "assimilée à Déméter et Coré". On ne peut à ce jour que spéculer sur le nom de la déesse et l’archéologie est pour l’instant muette.
Le culte dédié aux marins gaulois ou étrangers était selon toute vraisemblance un culte importé, de complaisance, propre à épater les touristes égarés ou de passage faisant spécialement escale. Soit qu’une déité celte ait pris le nom et l’aspect d’une déité gréco-romaine avec beaucoup de similitudes, soit que l’emprunt ait eu lieu en sens inverse.
Collusion des dieux et des îles, a t'elle vraiment existé cette île mythique et mystique, vestige de la ville d’Is, presqu’île avant de devenir île, du temps du néolithique la déesse du site armoricain devait être la mère des dieux, Dana. Une autre prétendante est Sirona la déesse stellaire, au croissant solaire, la parèdre d’Apollon à l’époque gallo-romaine. Cette antique déité astrale celte, connue sous un nom approchant celui des temps protohistoriques, était vénérée un peu partout en Gaule. Divinité polyvalente, à la fois céleste, aquatique et chtonnienne, terrienne, elle est la déesse de l’astronomie, de la lumière et du ciel, de la guérison, de la fertilité et des sources.
Vu l’habileté du peuple Osisme du premier siècle ap JC de donner un aspect triadique et protéiforme à ses dieux, il peut s’agir d’après l’emplacement géodésique de l’île vers le couchant, la symbolique même du paradis et de l’Autre Monde des dieux, sépulture des petits princes du bronze puis des druides, sise sur la route de l’étain de la marine marchande gréco-romain, d’un oracle assimilé ou dédié à un ou plusieurs dieux locaux des marins, du voyage, de la guérison, du soleil et de la mort. Si ce n’est Belisama grande déesse messagère du sidh à Samain et à Beltain, on peut la deviner sous les traits de l’antique déesse grecque Selena qui savait réunir en elle tous les charmes et attributs de la romaine Diana, de l’égyptienne Isis ou encore Koridwen: déesse de la lune et de la transformation du mythe celte qui perpétuera en elle, via, le conteur gallois Taliesen, réincarnation de Gwydon, fils de Don, déesse de l’air et de l’eau, le culte de Déméter et Coré.

MessagePosté: Mar 08 Avr, 2003 16:18
de Muskull
Bonjour Ejds :)

Que tout celà est bien dit et bellement écrit :o

Merci Sed, je vais relire ce mabinogi.
Ce qui est marrant avec toi c'est que l'on se retrouve toujours avec un bouquin à lire ou relire. Celui là je l'ai, ouf ! :wink:

Demat Fergus, en plus des éléments que tu proposes j'ai aussi trouvé que Macha avait mis au monde des jumeaux après avoir fait la course contre les chevaux de Conchobar. Leurs noms ne sont pas transmis hélas...
Macha, Rhiannon, Epona ; Pwyll et Arawn sont aussi jumeaux... :wink:

"Pas d'origine védique", je suis d'accord avec ta correction, d'autant plus que les mythes gémellaires débordent largement le monde I.E., soit qu'ils soient alliés ou ennemis.
Caïn et Abel, Gilgamesh et Enkidu, Osiris et Seth, et bien d'autres en Afrique et aux Amériques...

Tous sont très clairement les jeunes compagnons de la Grande Mère en son triple aspect lunaire comme le signale si bien Ejds :)
Symboles solaires du voyage diurne et nocturne de l'astre mais aussi représentants du double aspect de l'humain divin et terrestre à la fois, écartelé entre ses désirs spirituels et ses pulsions matérielles.

Bienvenue et merci Ejds, j'ai beaucoup aimé :wink:

Et comme on dit en certains parages de "navigation", "Ne regardez pas le doigt, regardez ce qu'il montre". :lol:

MessagePosté: Mar 08 Avr, 2003 18:45
de Sedullos
Salut,
S'il y a bien un couple gallois de Dioscures, c'est-à-dire si cette interprétation est correcte, le premier Dylan Eil Ton, Fils-de-la-vague, revient dès sa naissance à son élément primordial, il nage comme un poisson.
Llew aura un autre destin, qui l'amènera à revivre sous une autre apparence, l'aigle, après avoir été assassiné par l'amant de Blodeweudd, et après avoir conquis, malgré la malédiction d'Arianrod, un nom, des armes et une femme, triade trifonctionnelle, avec l'aide de son protecteur et peut-être plus le très-savant Gwyddion.
sed...

MessagePosté: Mar 08 Avr, 2003 22:59
de Fergus
ejds (ça veut dire koi ?),

C'est un joli texte. S'il est de toi, tu as des dons poétiques.
Cependant, tu écris :
"En des temps où les contes et légendes surgissaient de l'imaginaire, portés par les courants, sans temps, sans terre ni repères, mondes peuplés d'êtres et de pays chimériques qui appartenaient à qui voulait bien les raconter, on ne peut donc pas trop savoir à quelle époque ni à quelle divinité la déité de Sena était liée. "

Or, nos connaissances en matière d'histoire des religions montrent que les récits sont loin d'être des 'contes et légendes surgissant de l'imaginaire', mais des symboles mis en récits. Ils n'appartenaient pas à 'qui voulait les raconter' : ils n'appartenaient à personne, et ne les racontaient que ceux qui en avaient la qualification".

MessagePosté: Mar 08 Avr, 2003 23:48
de Sedullos
Salut,
on pourrait même ajouter :
"Ne les écoutaient, pour certains récits, que ceux qui en avaient la qualification, et à certains moments".
L'imaginaire est un concept très moderne qui aurait eu quelque mal à être compris par les anciennes sociétés traditionnelles.

Le mythe devenu pour nous un récit fabuleux, chimérique, était pour elles porteur de sens, d'enseignement.

[Les druides figurent en bonne place en tant qu'enseignants avec le statut d'hommes libres, les premiers dont l'Europe se souvienne à une époque où les Romains fouettaient le professeur-esclave, acheté en Grèce, lorsque ses élèves étaient ignorants ou indisciplinés.]
Cette dernière remarque pourrait figurer dans un autre fil, Celtes/bêtes sauvages.
sed...

MessagePosté: Mer 09 Avr, 2003 16:23
de Muskull
Bonjour :)

"L'imaginaire est un concept très moderne qui aurait eu quelque mal à être compris par les anciennes sociétés traditionnelles."

Je vous rejoins tout à fait sur ce point mais accordons à Ejds d'avoir mis dans ce mot plus que la courante acceptation moderne. Le sens général de son texte nous y invite... :wink:

Les paysages des mondes intérieurs de "l'âme" humaine sont tramés par leur culture spirituelle et sociale. Les bardes, conteurs, poètes, tissent sur cette trame les dessins (desseins ?) de l'actuel. Plus la trame est profonde, plus les images évoquées sont vives et preignantes.
En langage moderne, on parle aussi de référentiel pour cette "trame"...

L'un des buts des classes sacerdotales est de rendre ce "shéma" mitoyen des deux mondes afin de les "accorder" à la manière platonicienne du terme, c'est du moins mon analyse... :?
Eviter que l'humain ne devienne schyzophrène en vivant un jour sa "bête" et l'autre son "ange"... :lol:

P.S. J'ai relu pour Dylan et Lleu à la main sûre mais je ne suis pas emballé, de même pour les exemples cités par Fergus... :(
Je reste attaché à Pwyll et Arawn et au concept de royauté ; je mets mes idées au clair et je reviens... :wink: