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MessagePosté: Mar 27 Mai, 2003 13:03
de ejds
Envoi de camille le 01 Mai 2003 17:14:17:
Bonjour,

Il faut relativiser les sources latines de cette période par trop marquée des supercheries de J.César.

Géographe latin d'origine Bétique,Pomponius Mela était contemporain de l'Empereur Romain Claude 1er (-10/+54 A.D.);la même année (+43 A.D.),le premier écrivait sa Géographie de l'Ancien Monde et le second se lançait dans l'invasion de la G-Bretagne. On connait le goût de Pomponius Mela pour les régions mystérieuses et pittoresques et partant, sa propension à en rajouter pour impressionner ses lecteurs!. Bien sûr il ne mit jamais les pieds en P-Bretagne, pas plus d'ailleurs Strabon et Artémidore.

Pour ce qui est de Strabon, ses connaissances étaient essentiellement livresques : rapportant les dires d'Artémidore, il convient de préciser que ce dernier se limita à visiter l'Espagne en -100 B.C.; Certes il aurait pu, comme le Bétique Mela d'aileurs, recueillir à Cadix ex-Gadir, des histoires authentiques de marins Puniques (comme le fit Hérodote avec les Phéniciens à Tyr 4 Siècles plus tôt). Ces histoires ne seront pas sans rappeler à Strabon ce qu'il raconta sur les mêmes temples en Méditerranée.

A l'époque d'Artémidore, l'Ile de Sein ("Seidhum" ou "Sidum" insula, l'île des Sidoniens/Phéniciens)était sous le contrôle de la thalassocratie Vénète constituée d'authentiques autochtones de Bretagne Sud ne devant rien aux "duchentils" Gaulois. Celle-ci avait l'exclusivité du commerce avec les Iles Britanniques qu'ils avaient recue en héritage des navigateurs-commerçants Puniques
(à partir de -600 B.C.)et avant eux Phéniciens (à partir de 1200/1OOO B.C.).
Ainsi ce qui était une réalité établie pendant des Siécles, bascule à la suite de J.César pour devenir un mythe colporté par les Romains qui ne voyaient dans les Vénètes et autres autochtones de Bretagne sud, que des Gaulois!!!. Alors ils feront d'une authentique Astarte/Tanit, une Déesse Gauloise (donc Celte), une "Gallicenas".

Redde Astarte/Tanit quae sunt Astarte/Tanit!!!

Ceci étant établi, il est loisible de se demander si ces autochtones de Bretagne Sud, n'avaient pas changé le nom d'Astarte/Tanit comme le firent les Grecs qui héllénisérent son nom pour devenir Aphrodite ?.
Possible et mon idée serait de retenir "Dana" ou "Ana" pour de multiples raisons qu'il serait trop long de développer ici (Raisons d'ordre onomastique, géographique, chronologique , cultuelle,....)pour aboutir à Anne et Ste Anne d'Auray.

Camille

MessagePosté: Mar 27 Mai, 2003 13:46
de ejds
Sena île mythique
Petite promenée maritime teintée d’amertume, mais aussi de mysticisme et de mythomanie, à la lecture des petits condensés amassés dans les livres …

Le long des littoraux celtiques, la moindre légende antique vaut son pesant d’or ! :?

Les « témoignages » oraux ou écrits qui tiennent davantage des ouï-dire, des on-dit, que des choses vues ou vécues, sont riches d’enseignement car ils remettent en scène des brins de vie, remodèlent ça et là de nombreux paysages, élargissent des panoramas, font resurgir des débuts de reconstructions. Mais, tributaires de fragiles impressions, ces bien vagues témoignages se nourrissent, s’authentifient, s’échappent, se mêlent ou se démêlent sans cesse de nouvelles rumeurs océanes.

Ce que l'on commence à signaler, ce sont les faits propres à frapper l’imagination des voyageurs géographes, des négociants et se graver dans la mémoire côtière des marins. Tout ce qui sert de repère à la navigation, caps, promontoires, presqu’îles et îles lointaines, comme cette mystérieuse insula Sena à la pointe occidentale de l’Armorique qui fait référence et dont se murmure le souvenir jusque dans les livres de l’époque médiévale, les traditions et les rites étranges. Isolée au bout du monde, mal traitée par la mer et les vents, l'atmosphère farouche et sauvage qui s'en dégage y ont fait naître nombre de croyances.

Des druides et des Romains
Dans tous les territoires conquis, les Romains toléraient, mais contrôlaient certains cultes. Toute manifestation hostile menée par des religieux et troublant l’ordre public était sévèrement réprimandée, tout sanctuaire détruit. Aussi, en Gaule, les derniers cultes druidiques devaient avoir lieu dans des endroits isolés comme dans les ténébreuses forêts du continent. A l’abri des regards, ils serviront de refuge et d’asile aux derniers représentants religieux. Puis on les retrouvera, sous une autre forme, dans les sanctuaires des sources, où se pratiquaient les rites de la guérison et de la prophétie.

L'hypothétique confrérie des druides, totalement masculine, semble-t-il, élite au pouvoir contesté d’un peuple au caractère irascible et indiscipliné, gardienne de la tradition et de la philosophie celtique, avait été pourchassée jusqu’à sa disparition par l’empereur Claude Ier. Son règne, de 41/54 ap JC, fut marqué par la poursuite de la conquête de l’île de Bretagne, des grands travaux publics, l’amélioration des voies romaines et les réformes administratives entamées sous César.
En 61 de notre ère, Tacite racontera les massacres des druides et de ces femmes qui couraient comme des furies, – puis l’abattage des bois consacrés –, par l’armée romaine lorsqu’elle atteignit et détruisit le grand centre druidique sacré de l'île de Mona (Anglesey) au Nord-Ouest du Pays de Galles.

Sena, île de la sénescence
La vieillesse est un signe de sagesse et de bénédiction, un long acquis d’expérience et de réflexion, laquelle n’est qu’une forme imagée de celui qui se prépare à rentrer dans l'éternité et à transmettre son savoir. Il en va ainsi de tout être humain comme de toute civilisation finissante.
Refuge maternel, siège des pensées et sources des émotions, cette île de Sena était pareillement celle de la sénescence, du retour vers l’enfance, hospice de vieillards qui venaient là, dit-on, au crépuscule de leur vie se rapprocher vers leur dernier sommeil.

Plus probablement durant la belle saison, l’île était, toujours selon les légendes, un lieu de recueillement et abritait un collège d’où se diffusait la tradition philosophique, le récit épique des héros mythiques. Car bien avant l’arrivée des Romains, l’île accueillait, aussi dit-on, les sépultures des querelleurs marc'htiern armoricains qui partaient, avec armes et bagages, continuer les combats dans l’Au-delà.
Sa renommée continue par la célébration d'un culte dédié à une divinité pré-romaine, oracle d'une divinité gauloise au nom inconnu et que le peuple venait consulter de toute la Gaule.

Des femmes et des îles
Bon nombre d’îles mythiques européennes n’étaient habitées que par des femmes. On peut rapprocher de ce fait l’existence présumée de communautés sacerdotales féminines dans quelques îles du littoral armoricain comme probablement celles d’Ouessant, du Mont St Michel et qu’on retrouvera ou encore dans l’île de Groix sur les côtes du Morbihan, mais aussi sous un mode plus cruel par les Samnites ou Amnites dans l’embouchure de la Loire : :shock::shock:

http://forum.arbre-celtique.com/viewtop ... 9750#19750

Tout comme dans l’île de Sein, un collège de femmes-prêtresses était mis à contribution pour entretenir le culte et défendre les lieux. Elles aussi vivaient séparées du monde pour se rapprocher davantage de leur déité et s'approprier les dons et pouvoirs secrets.

L’île devient refuge et rejoint par-là celui du temple et sanctuaire, un havre vertueux de neutralité, de sérénité et de savoir, à l’écart des soubresauts d’un monde continental tourmenté.

Il était aussi coutume que les Celtes confient à un conseil composé de leurs épouses et de leurs filles, les secrets les plus importants et les affaires qu'ils ne pouvaient démêler eux-mêmes. De fait, par sa sensibilité, bon sens, raisonnement logique, intuition ou prémonition, la femme jouait aussi un rôle primordial dans les conceptions religieuses celtiques, tant par son rôle de messagère de l’Autre Monde (– celui des Dieux –), et de l’Au-Delà (– celui des morts –), que par celui de médiatrice exclusive de la puissance divine. Elément clé essentiel entre un Ancien-monde défunt et celui du Nouveau-Monde, celui qui donne la vie, elle devient à la fois adoratrice mais aussi bienfaitrice guerrière, lorsqu’elle protège sa divinité, défend sa famille, la destinée de sa teuta ou de son peuple, d’un frère, d’un père, d’un oncle ou d’un secret amant partit en mer et jamais revenu.

Ainsi, dans le monde antique d’alors, assimilées à l’Hestia des Grecs, les prêtresses les plus puissantes sont les Vestales romaines qui, se vouant à une virginité perpétuelle, entretenaient un feu consacré dans le temple dédié à la déesse Vesta. Elles étaient astreintes à ce service et devaient rester vierges pendant 30 ans sous peine d’être enterrées vivantes. La raison de prendre des jeunes filles, plutôt que des femmes pour desservir l'oracle, est fondée sur la croyance des Gréco-Latins de leur pureté et de leur conformité avec leur déesse. Symbole d’opulence et de réincarnation, leur destinée devait rester intacte et réservée aux divinités et non pas déshonorée et avilie au contact des simples mortels. Ces concepts se retrouvent aussi sous les traits de la Sibylle, femme qui passait pour avoir reçu d’une divinité le don de pénétrer l’avenir.

Meli-Mela
Mais ce qui fait l’intérêt de l’insula Sena, c’est que nous sommes entrés dans une période trouble, et très peu documenté, au large des territoires Osismes. Mela, dans son texte très court, paraît en rajouter quelque peu pour impressionner, comme ces histoires toutes en allégories qu’on accorde à des personnages défunts qu’on n’a jamais connu mais que la légende populaire au fil du temps a agrémenté de faits glorieux, et, à qui, on attribue des pouvoirs qu’ils n’ont jamais possédés. Ou alors si peu ! Ainsi, en sera-il de la « Légende Doré des Saints ».

Pourtant, de ces prêtresses, on ne sait vraiment à ce jour si elles appartiennent au mythe ou à la réalité. Servantes attitrées, qui plus est d’une déité inconnue, le fait qu’elles aient existé demeure une probabilité.
Protégées et strictement encadrées et éduquées par des chefs religieux, grandes prêtresses ou druidesses, elles venait au sacerdoce, soit de leur propre initiative, soit sur les recommandations de leurs parents. Leur choix devait se porter probablement parmi les jeunes filles des grandes familles riches ou de la haute caste dirigeante des nobilis du littoral ou des peuplades marchandes des côtes celtiques. Nul équivoque de filles de joie, courtes vêtues, adoratrices d’Astarté, Tanit, Aphrodite ou autres sensuelles Vénus étrangères« nées de la mer », ni même de gracieuses et aguicheuses sirènes, batifolant sur les rivages et dans le creux des rochers.
En accord avec leur déité, leur habillement devait surtout être le reflet du temps déplorable, toujours changeant, froid, venteux et pluvieux qu’il fait habituellement sur l’île, et ce toute l'année.

De l’oracle et de l’île
Mélange d'habitude, de craintes et de superstition, il est un fait avérer que lors de courtes ou longues navigations côtières ou hauturières, les marins gaulois avaient coutume de consulter les oracles. Durant les périples singuliers ou les grandes périodes saisonnières de navigation, l’île devait non seulement servir à se concilier la bonne volonté des Dieux mais surtout servir de base avancée de renseignements sur les allées et venues des navires, de leurs passagers et cargaisons, de point de rencontres des équipages ou de dépêches transmis par les précédents bateaux. Surtout se familiariser avec les aléas de la météo par la seule observation et interprétation de la course des nuages et le vol des oiseaux, l’astronomie annonciatrice des tempêtes, la connaissance en ces latitudes des forces des marées et des phases de lune, des équinoxes avant d’affronter les courants parmi les plus violents d’Europe entre Sena et Uxisama et rejoindre en montée les ports des pays et îles du Nord ou au contraire descendre vers les côtes ibériques.

Aucun moyen de navigation et encore moins de sauvetage, l’île devait non seulement servir à toute fin pratique de modeste comptoir marchand, à réparer les bateaux de toutes contrées, mais surtout soigner ceux dont le genre de vie des voyages aux longs cours prédispose dans ces parages à des dangers, des naufrages, des maladies, des longues dérives en haute mer sans eau ni nourriture.
Eprouvés et affaiblis par une périlleuse traversée, porteuse de blessures ou de maladies, l’île devait servir au passage de refuge connu par tous les marins pourtant coutumiers des terreurs océanes et capables d’affronter ses terribles dangers à bord de leurs lourds bateaux de bois ou fragiles coracles de peaux. Ils y venaient solliciter qui un conseil, une prophétie, une réponse à leur inquiétude ou une guérison. Ils ne pouvaient se satisfaire de réponses obscures et incertaines ou d’un simple : « Bon soleil et bon vent ! ».
7 bonnes raisons sine qua non de venir les consulter. Au retour de leur voyage, ces navigateurs reconnaissants ou non de leurs pouvoirs devaient les remercier à leur juste façon, contre quelque forme d’obole ou d’offrande votive, des recommandations ou des soins prodigués.

Du sanctuaire de l’île
Il faut attendre le Ier siècle pour qu’apparaissent sur l’île quelques constructions romaines dont quelques fragments ont été retrouvés (tuiles, amphores, poteries, monnaies…). Aucune trace archéologique probable de sanctuaire n’a été découvert sur l’île à ce jour. Si les Romains mirent leur veto, les chrétiens ajouèrent leur credoà la religion celtique. Récupération, destruction méthodique due à des mains sacrilèges des profanateurs de sanctuaires, des chercheurs de trésors, des pilleurs de tombes, des nouveaux prêtres désireux de faire disparaître les traces, jusqu'au nom de l’île et des vestiges de l’ancienne religion qui pouvaient leur faire ombrage.

OPPIDUM OSISMES

http://www.gaulois.org/forum-aremorica2 ... me&start=0

Le climat marin lui-même et les inondations épisodiques de l’île n’ont pas contribué à préserver les vestiges du passé et les simples méthodes de construction des constructions gauloises. Solidement charpentée et recouverte de chaume comme on pouvait en trouver sur le cap, dans ces impressionnants oppida en éperon barré à flanc de falaises comme Castel Meur sur la pointe du Van, Castel Coz en Beuzec-Cap-Sizun ou encore à Trouguer en Cléden-Cap-Sizun qui se trouve à l'intersection du chemin de crête qui rejoint Douarnenez à la Pointe du Van (plus tard, une voie romaine y menait et continuait droit sur la baie dite des Trépassés, et vers dit-on la mythique ville d’Is). On peut aussi citer de l’autre côté de la baie, la pointe de Lostmarc’h (près de Crozon).
Ces précaires oppida, véritables nids d’oiseaux de proies pour qui attaque de la mer ont pour la plupart été assiégés, si ce n’est occupés un temp par les Romains. Ces habitats de fortune laissaient déjà augurer des mœurs guerriers et défensifs mais aussi de la finesse de la qualité de vie d’après les quelques éléments archéologiques découverts.

Navigium Isidis : Isis et Sérapis

http://forum.arbre-celtique.com/viewtop ... 0617#30617

Le culte de la déité n’était peut-être pas tenue sous forme de collège à l’année, vu le temps déplorable, mais plus certainement à la belle saison, et lors des grandes fêtes agraires et religieuses qui ponctuent l’année celtique. En commençant par le nouvel an rattaché à Samain, la grande fête des morts, voici venu le temps des grands Sénats, des rassemblements et réjouissances populaires. Grandes fêtes maritimes semblables à celles dédiées à Déméter et Coré, ou encore à celle d’Isis, certainement aussi et qui, à l’époque sur le littoral osisme et une probable influence gréco-punique, cycle agraire de l’hiver, du repli et de l’inaction où se construisent et se réparent les bateaux, au contraire du renouveau du printemps, du grand retour solaire, promesse d’une autre vie, du départ en mer et des grands voyages maritimes.

De nos jours, ces fêtes existent toujours sous d’autres formes et d’autres noms. Ainsi, le long des côtes bretonnes on assistait encore ainsi à des pardons marins comme celui de Saint Anne d'Auray en baie de Quiberon ou à St Anne de Fouesnant près de Concarneau.
Au son des cloches des villages environnants, sous leurs voilures multicolores voyageaient des paroisses entières avec leur clergé, leurs enfants de cœur tout de blanc vêtus, leurs croix, leurs lourdes bannières historiées, leurs oriflammes, leurs reliques. Les paysans viennent dans leurs plus beaux atours ou leur costumes traditionnels de dentelle finement brodée des grands jours de fête … : :shock::shock:

Le pardon est l'une des principales manifestations de la foi en Bretagne. En costume de fête, portant bannières et statues, hommes, femmes et enfants des environs se rendent par la terre ou la mer au sanctuaire. Ces pèlerins reviennent, en traversant la baie de Concarneau, du grand pardon de Sainte-Anne-de-Fouesnant, patronne des marins.

http://musee-beauxarts.quimper.fr/htcoib/oe_9.htm

GUILLOU Alfred
Arrivée du pardon de Sainte-Anne-de-Fouesnant à Concarneau


e.

MessagePosté: Mar 31 Jan, 2006 16:46
de ejds
Filles des îles

Afin de recomposer une atmosphère sénane, la rudesse du cap, je remonte ici un article immergé dans le forum et rédigé par Lopi.

Ambiance de bris de mer et de femmes océanes : :shock::shock:

article illustration début XXe

http://forum.arbre-celtique.com/viewtop ... 1845#21845

En ouvrant de vieilles valises j'ai retrouvé un article de l'illustration début 20e s. (je n'ai pas la date précise, les premières pages sont arrachées.

Mr Rosier fait un voyage en Bretagne, un peu comme un naturaliste en pays sauvage et inconnu, il va même jusqu'à l'ile de Sein, quel explorateur.


Je fus frappé de l'expression mâle et énergique qui se lisait sur tous les visages. Il serait difficile de trouver un spécimen plus pur de l'ancienne race celtique. Les femmes participent à cette rudesse ; elles ne sont pas jolies, mais elles ne sont pas dépourvues d'un certains agrément. ... Ces heureus insulaires ont réalisé parmi eux le partage égalitaire ; cette chimère que des utopistes insensés rêvent d'appliquer à nos société corrompues...
... Mais leurs moeurs ne sont nullement corrompues, comme il arrive dans la fortune. Ils vivent dans une ignorance complète de nos usages, de nos lois et de nos lumières. Ils ignorent aussi nos vices, nos dissentiments et nos préjugés... Un infatiguable dévouement les appelle au secours de tous les navires en détresse...
L'instruction est rare dans l'ile, le nombre de ceux qui savent lire et écrire est très restreint. L'ignorance n'est pernicieuse qu'au sein d'une civilisation avancée, et l'état de la colonie présente à peine les premiers rudiments d'une société. Il est douteux que l'instruction apportat quelques jouissances à des hommes dont la première des jouissances est d'affronter les dangers de l'Océan.
On pourrait craindre au contraire que par les appétits désordonnés qui sont les suites d'un enseignement mal combiné, comme il l'est aujourd'hui, l'instruction ne les enlevat à cette simplicité des meurs qui les retient sur leurs rochers déserts au détriment des populations qu'ils alimentent par leur industrie et des naufragés dont ils sont la providence.



On pourrait enchainer sur la chanson de Cappart Marie Jeanne Gabrielle et la boucle serait bouclée.
Lopi

Et voici donc la chanson de Louis Capart (mais avec un seul p comme dans Lopi :wink: ), chanteur, Sénan de souche, et auteur de la chanson Marie-Jeanne-Gabrielle :

Louis CAPART
CHANSON FRANCAISE - Bretagne - Ile de Sein


http://perso.wanadoo.fr/louis.capart/

Marie-Jeanne-Gabrielle
Paroles et Musique: Louis Capart

http://perso.wanadoo.fr/louis.capart/textes/mjg.htm

Marie-Jeanne-Gabrielle
Entre la mer et le ciel
Battu par tous les vents
Au raz de l'Océan
Ton pays s'est endormi
Sur de belles légendes
Illuminant son histoire
Gravées dans la mémoire
Des femmes qui attendent
Les Marins d’Ile de Sein


1. Raconte-nous l'enfant que tu étais
Courant du sable fin aux galets
Parle-nous de ces jeunes gens
Sautant les Feux de la Saint-Jean
On pouvait croire au Paradis
En ce pays
Chante-nous si tu t'en souviens
Pour passer le Raz de Sein
Le Cantique à Sainte-Marie
Qu'on ne chante qu'ici !

2. La peine et l'ennui, de l'automne à l'été
On ne vit qu'au rythme des marées
De la Naissance au grand Sommeil
Règne le flambeau de la Vieille
On mêle la cannelle
Au parfum des chandelles
On dira pour embarrasser
La mort : "Joie aux Trépassés"
Car sur cette terre fidèle
Les âmes vont au ciel

3. Quand le jour s'achève au-dessus de la grève
Sur la pierre écorchée de l'île
On croit voir au fond de la brume
Comme des feux qu'on allume
Ou la barque ensorcelée
Qui apparaît
Menaçante, elle vient jeter
La peur sur les naufragés
Et le noir habille la vie
Des femmes du pays

4. La vie a changé sur le court chemin
Du Néroth à Saint-Corentin
On ne reste plus très longtemps
Isolés du Continent
Même les Anciens ne reviennent
Qu'au printemps
Et la Mer a tourné le dos
Aux pêcheurs des temps nouveaux
Elle entraînera les marins
Loin de l'Ile de Sein

refrain
Marie-Jeanne-Gabrielle
Entre la mer et le ciel
Battu par tous les vents
Au raz de l'Océan
Ton pays s'est endormi
Il garde son histoire
Au plus profond des mémoires
Et l'on dit à Paris
Qu'il est beau le Pays
Des Marins d'Ile de Sein

e.

MessagePosté: Mar 31 Jan, 2006 16:59
de Muskull
Et e. nous tisse de fil en fils de belles mémoires anciennes avec une patience inlassable et vivifiante. :wink:
Si t'es pas du Cap toâ, tu le mérites ! :D

MessagePosté: Mar 31 Jan, 2006 18:57
de lopi
Ah, l'ïle de Sein. Si présente.
e capiste d'honneur, c'est-sûr. Un trône à Bestrée.
Lopi

MessagePosté: Mar 31 Jan, 2006 19:21
de Muskull
Voui, voui !
Quand c'est que tu viens mirer l'île et t'y faire accompagner par les fous de Basan ? :89:

MessagePosté: Sam 04 Fév, 2006 10:00
de ejds
Ah merci lopi et Muskull. Votre plaisir et le mien !
Mais avant, je continue mes modestes recherches :oops: !

Dea Senua, la petite déesse inconnue …

Nombreuses sont les découvertes, volontaires ou involontaires, livrées d’un coup de pioche bienheureux ou d’un brutal coup de socle de charrue qui nous permettent de découvrir ces étonnants trésors oubliés ou cachés, ces objets protégés de la convoitise des voleurs ou par les voleurs eux-mêmes…

De l’autre côté de l’Océan, Senua, une anodine déesse britannique de l’époque romaine, nous suggère un plausible rapprochement avec le nom de Sena (l’insula) si ce n’est de la Dea Sequana ?! : :shock::shock:

A New Treasure and a New Goddess for Roman Britain

http://www.romanfindsgroup.org.uk/finds.html

A fascinating new Roman temple treasure has been discovered near Baldock in Hertfordshire. Found by a metal-detectorist in September 2002, it comprises twenty-six gold and silver objects, including gold jewellery, a silver figurine and votive plaques of silver alloy and gold. Aware of the importance of his discovery the finder immediately contacted Gil Burleigh, local archaeologist and authority on the archaeology of the region. Gil arrived at the site shortly after the removal of the last pieces of the hoard and was able to establish and record the precise finding circumstances, to help to ensure the retrieval of all remaining fragments of the hoard and to initiate the Potential Treasure process: the district coroner was notified; the find was taken to the British Museum for report and scientific analysis; and, on 20th March 2003, the hoard was declared Treasure at a Coroner's Inquest. Meanwhile, a highly-successful focused programme of fieldwork by Gil has shed valuable light on the context of the find.

From the finder's account it would appear that the hoard had been placed in the ground in a compact and ordered manner. The first object he located was the silver figurine which lay on top of the items of gold jewellery and two silver model arms. Beneath those were the closely-stacked gold plaques and under them the silver-alloy plaques. No trace of any container was found.

The silver figurine, almost fifteen centimetres high, is of hollow construction and was evidently of good quality, but it has suffered badly from corrosion and damage, especially on the front. It shows a standing woman dressed in a full-length garment, her left shoulder bare, and her left arm supporting a fold of drapery. Her hair is parted on the crown and formed into a bun on the nape of the neck, but her arms, feet and face are lacking, and no distinctive attribute survives to identify her as a particular deity. Nevertheless, there is good reason to believe that the image was intended to represent a goddess named Senua.

What is the evidence? Well, it comes both from a study of the hoard's votive plaques and from the fieldwork. There are nineteen plaques - twelve of silver alloy (badly corroded, brittle and fragmentary) and seven of gold - of the 'leaf' type known from sites in Roman Britain and elsewhere in the Roman Empire. They are made from very thin sheet metal, with embossed and incised decoration, and were intended for dedication at a temple or shrine, to one or more gods or goddesses. Of the nineteen plaques in the present hoard five are still stuck together, but of the remaining fourteen twelve have an embossed image of a deity and all except one of those depict the goddess Minerva (the one exception is a most interesting and detailed image of Roma). It was somewhat surprising, therefore, to discover that all five of those that had an inscribed text recording the deity to whom they had been dedicated named not Minerva but Senua (also given as Sena and Senuna; e.g. DEAE SENVA[...../ FIRMANVS[...../ V[SLM] ). Furthermore, during the excavation of the hoard's context a silver base for a figurine was found adjacent to the findspot. It is almost certainly the missing base for the silver figurine, and it, too, is inscribed with the name of the goddess Senua ( D(eae) SENVA[E......). This goddess has not been encountered before, and she is a completely new deity for Roman Britain and, indeed, the Roman Empire.

The combination of the name Senua with the image of Minerva would suggest the twinning of a local British deity with the popular Roman goddess of wisdom and the crafts. Minerva also had warlike protective powers and an association with healing and with springs, as at Bath, where, twinned with Sulis, she controlled Roman Britain's only thermal spring. Senua might have been likened to Minerva for any one, or more, of these perceived powers. A watery connection seems probable. Perhaps Senua presided over a sacred spring, or perhaps she was a river goddess: certainly, the Ravenna Cosmography lists a river named Senua which has not yet been located more closely than southern Britain. In addition to Sulis, one thinks also of Dea Sequana, the goddess of the source of the Seine, whose name was also that of the river. It remains to be seen whether the results of fieldwork will provide any further clues to Senua's identity. Meanwhile, the inscriptions on the plaques reveal the names of some of the votaries: Cariatia (or Cariatus), Celsus, Firmanus, Lucilia. Two complete inscriptions record the same vow: 'Servandus Hispani willingly fulfilled his vow to the goddess Se(nua)'.

Votive objects - gifts to a deity in return for favours requested or already granted - took many forms, and it is very probable that the small group of gold jewellery, like the plaques, figurine and model arms, had been dedicated to the goddess Senua. There are two large circular brooches with coloured glass settings, a neck-ornament comprising a pair of small enamelled discs linked by a gold chain, and, most impressive of all, a large oval clasp with fine gold ornament and a carnelian gemstone engraved with the figure of a standing lion, its paw resting on an ox-skull. All utilise fine gold beaded wire filigree and appear to have been made as an ensemble.

Much work remains to be done on the hoard and on the investigation of its context, and it is likely that there will be new and significant revelations. For the present, although it is impossible to determine unequivocally the reason for its burial we can date the hoard to the later third or fourth century AD and we can suggest that it was connected to a temple or shrine of the goddess Senua.

The hoard is of national importance and has been acquired by the British Museum. Its purchase was generously funded by the British Museum Friends and the National Art Collections Fund (Art Fund). It will be on display in the Weston Gallery of Roman Britain (Gallery 49) from mid-September and it will be included in the British Museum exhibition Buried Treasure: Finding Our Past which will open on 21st November 2003.

Ralph Jackson
Dept. of Prehistory and Europe
British Museum

A lire aussi en format pdf : :shock::shock:

Treasure annual report 2002

http://www.culture.gov.uk/NR/rdonlyres/ ... pp3870.pdf

Traduction du premier article : :?

Un nouveau trésor et une nouvelle déesse pour la Grande-Bretagne romaine

Un fascinant nouveau trésor romain d'un temple a été découvert près de Baldock en Hertfordshire. Trouvé par un chercheur équipé d’un détecteur de métal en septembre 2002, il comporte vingt-six objets en or et en argent, y compris des bijoux en or, une figurine en argent et des plaques votives d’alliage argentées et en or.

[…]La figurine argentée, de presque quinze centimètres de haut, de construction creuse était évidemment de bonne qualité, mais elle a beaucoup souffert, particulièrement sur l'avant, de la corrosion et des dégâts. Elle montre une femme debout habillée dans un habit intégral, son épaule gauche nue, et son bras gauche soutenant un pli de draperie. Ses cheveux sont séparés sur le sommet de la tête et façonnés en chignon sur la nuque, mais les bras, les pieds et le visage manquent, et aucun attribut distinctif existe pour l'identifier comme déité particulière. Néanmoins, il y a une bonne raison de croire que la représentation a été prévue pour symboliser une déesse appelée Senua.

Quelle est l'évidence ? Et bien, elle vient d'une étude des plaques votives du trésor et des travaux sur le terrain. Il y a dix-neuf plaques - douze en alliage argenté (très corrodées, fragiles et fragmentaires) et sept en or - du type en 'feuille' connue des sites en Grande-Bretagne romaine et ailleurs dans l'empire romain. Elles sont réalisées à partir de feuilles de métal très mince, avec la décoration en relief et incisée, et ont été prévues comme offrandes à un temple ou à un lieu de culte, pour un ou plusieurs dieux ou déesses. Des dix-neuf plaques du trésor actuel cinq sont encore collées ensemble, mais des quatorze restantes, douze ont une image en relief d'une déité et toute, sauf une, dépeignent la déesse Minerva (la seule exception est une image très intéressante et détaillée de Roma). Il est surprenant, donc, de découvrir que chacune des cinq qui possèdent un texte inscrit désignant la déité à qui elles avaient été consacrées ne soit pas Minerva mais Senua (également proposées comme Sena et Senuna ; par exemple DEAE SENVA[...../ FIRMANVS[...../ V[SLM ]).

En outre, durant le contexte de l'excavation du trésor une base argentée pour une figurine a été trouvée à côté du lieu de la découverte. C'est certainement la base absente de la figurine argentée, car elle est aussi inscrite avec le nom de la déesse Senua (D(eae) SENVA[E......). Cette déesse était inconnue avant, et elle est une déité complètement nouvelle pour la Grande-Bretagne romaine et, incontestablement, de l'empire romain.

La combinaison du nom Senua avec l'image de Minerva suggérerait le jumelage d'une déité britannique locale avec la déesse romaine populaire de la sagesse et des métiers. Minerva possédaient également des pouvoirs protecteurs guerriers et en association avec la guérison et les sources, comme à Bath, où, jumelée avec Sulis, elle a commandé la seule source thermale de la Grande-Bretagne romaine. Senua pourrait avoir été comparée à Minerva pour n'importe lequel ou plusieurs de ses pouvoirs. Un rapprochement aquatique paraît probable. Peut-être que Senua a présidé sur une source sacrée, ou peut-être était-elle la déesse d’une rivière : le Ravenna Cosmography liste un fleuve appelé Senua mais qui n'a pas encore été localisé autrement qu’en Grande-Bretagne méridionale. En addition de Sulis, on pense également à Dea Sequana, la déesse de la source de la Seine, dont le nom était également celui du fleuve.

Il reste à voir si les résultats des travaux sur le terrain fourniront tout autre indice à l'identité de Senua. En attendant, les inscriptions sur les plaques indiquent les noms de certains des votaries : Cariatia (ou Cariatus), Celsus, Firmanus, Lucilia. Deux inscriptions complètes consignent le même vœu : 'Servandus Hispani a volontairement accompli son vœu à la déesse Se(nua)'.

Les objets votifs - cadeaux à une déité en échange pour des faveurs demandées ou déjà reçues - ont pris beaucoup de formes, et elle est très probable que le petit groupe d’ornements en or, comme les plaques, la figurine et le modèle de bras, avaient été consacrés à la déesse Senua. Il y a deux grandes broches circulaires avec les assemblages en verre coloré, un ornement du cou comportant une paire de petits disques émaillés reliés par une chaîne en or, et, la plus impressionnante de tous, d'une grande agrafe ovale avec ornement d'or fin et une pierre gemme camée gravée avec la figure d'un lion debout, sa patte se reposant sur la tête d’un bœuf. Tous utilisent le fil perlé par or fin filigrané et semblent avoir été constitués comme un ensemble.

Beaucoup de travail reste à effectuer sur le trésor et sur l’investigation de son contexte, et il est probable qu'il y ait de nouvelles et significatives révélations. A présent, bien qu'il soit impossible de déterminer sans équivoque la raison de son enfouissement, nous pouvons dater le trésor du troisième ou quatrième siècle ap JC et nous pouvons présumer qu'il ait été lié à un temple ou à un lieu de culte dédié à la déesse Senua. […]

Ralph Jackson
Dept. of Prehistory and Europe
British Museum

Mythe ou réalité, adaptation hasardeuse, mimétisme ou filiations, quels étaient les liens de parenté et de rapprochements entre les déités insulaires et celles du continent ? Est-ce que ce sont les îles, les sources, les cours d’eau, les montagnes, les forêts … qui ont prêtés leurs noms aux déités ou le contraire ?

Qu'étaient devenus dans la continuité, les liens de parenté, l’exil, le souvenir ou les pratiques du collège des Sénanes, à l’image de Brigit, la guerrière armoricaine casquée au cime au cygne de Kerguilly en Dinéault (– elle aussi assimilée à Minerva si ce n’est Athéna –), ou encore selon l’entendement et la réécriture, Brigid, Brighid, Bríg, Bride, Brigindo, Brigandu, Brigan, Brigantia, Brigantis, Brigitte ... des textes irlandais du Haut-Moyen Age :

http://www.gaulois.org/forum-aremorica2 ... igit#10044

Ou de la Dea Sequana :

http://sourcesdelaseines.ifrance.com/so ... /index.htm

Tout comme la Dea Brigantia-Minerva de Birrens :

http://druidry.org/obod/deities/brigid.html

Ou encore de la déesse au chien loup de la mer nordique Dea Nehalennia :

http://forum.arbre-celtique.com/viewtop ... 1093#31093

Senua, Sequana, Brigit, Brigantia ou encore Nehalennia et bien d’autres déesses, prêtresses ou guérisseuses parfois au nom inconnu, nous montre encore, comment, à cette époque une divinité locale indigène pouvait s’adapter, accepter d’être représentée en statue, et vêtue à la mode gréco-romaine, sans pour cela perdre son nom, ni ses fonctions.

e.

MessagePosté: Sam 04 Fév, 2006 10:26
de Muskull
Le Hertfordshire est au Nord de Londres...
Il serait intéressant de connaître l'étymologie de Sena... :?

MessagePosté: Mer 15 Fév, 2006 12:34
de ejds
L’enfouissement des ex-voto en bois de la Dea Sequana

Pour revenir sur un des haut-lieux de la guérison en Gaule, un texte remarquable écrit au lendemain des découvertes des ex-voto des sources de la Sequana.
Surtout, la question la plus passionnante est de savoir pourquoi toutes ces sculptures en bois ont été ainsi enfouies en bloc. :?

Parole d’orant (*), s’agirait-il d’une favissa (*)? Explications : :shock::shock:

ARCHEOLOGIE ET FOLKLORE
AUX SOURCES DE LA SEINE

Par Albert Colombet.

Les Parisiens, et je pourrais même dire tous les Français, ont toujours porté beaucoup d’attachement et d’attention au fleuve qui arrose notre capitale et notamment à sa source.

C’est d’ailleurs la Ville de Paris qui a tenu à aménager en un modeste petit parc le terrain où sourdent les premières eaux qui, ne formant tout à leur début qu’un ruisselet, auront cependant l’insigne privilège de constituer notre grand fleuve national.

En réalité, il n’y a pas une seule source mais plusieurs dont les eaux ont été réunies dans un bassin orné d’une grotte de rocailles et d’une statue de nymphes due au sculpteur Jouffroy. La photographie a popularisé ce site qui n’avait guère que l’attrait de son vallon aux pentes boisées sans ce parc et sans ce monument.

Le caractère exceptionnel de ce lieu avait déjà été senti par les Gaulois et par les romains. Ils avaient élevé auprès de l’une des sources, celle qui plus tard reçut l’appellation de « La Douix », un temple avec piscine. Le site était surtout fréquenté par des malades, ainsi que des centaines d’ex-voto de pierre ou de bronze retrouvés au cours des fouilles, ex-voto représentant notamment des parties du corps humain : bustes, jambes, pieds, mains, yeux, seins, organes génitaux, etc. Sur certains d’entre eux, le sculpteur a reproduit parfois naïvement les symptômes du mal dont l’orant était atteint. Ainsi certains visages sont déformés ou trahissent d’idiotie, certains torses font apparaître des hernies serrées par des bandages, d’autres parties du corps sont couvertes de pustules, etc.

La Dea Sequana présidait aux guérisons espérées. Elle était aussi celle dont dépendaient les eaux qui allaient assurer la prospérité et la richesse des régions traversées. Elle était encore celle qui octroyait aux bateliers leur aisance. N’a-t-on pas retrouvé son image en bronze dressée sur une barque ? Bien plus, n’a-t-on pas découvert, à deux kilomètres des sources de la Seine, une galerie de bronze qui avait été sans doute dérobée au temple par des pillards et abandonnée par eux, galerie qui était certainement un ex-voto d’un de ces nautae parisiaci tirant leur fortune du cours d’eau (1).

Fait curieux, si ce temple avait été ruiné probablement lors des invasions barbares, si nul souvenir des sources guérisseuses n’avait été conservé, si nul saint n’avait christianisé le site, toutefois jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les habitants de Saint-Seine-l’Abbaye (2) se rendaient en période de grande sécheresse à la source de la Douix et, après avoir prié Saint-Seine, puisaient de l’eau et en aspergeaient le prêtre officiant, convaincus que plus leur aspersion seraient abondante, plus tôt leurs vœux seraient exaucés. Cette pratique se retrouve dans d’autres lieux, pour d’autres sources ou cours d’eau (source de la Roche-du-Jardon ou fontaine Saint-Martin, près de la grande Verrière (Saône-et-Loire) ; ruisseau de Reinache, près de Notre-Dame-de-Faubouloin, dans la Nièvre, etc.).

On pourrait même avancer que ce culte de l’eau subsiste en partie aujourd’hui puisque certains visiteurs n’hésitent pas à jeter des pièces de monnaie dans le bassin de la source. N’y a-t-il pas là survivance d’un geste antique, quelque explication plus ou moins prosaïque qu’on en donne (récompenser le gardien qui a la charge du nettoiement du bassin).

***

(*) L’orant ou au féminin orante (personnage en train de prier) du latin orare, « prier » donnera l’oratoire (lieu de prière).

(*) La favissa est une fosse aménagée où l'on entreposait les images des dieux ou les objets sacrés hors d'usage (sculptures, dédicaces, ex-voto, offrandes …) soit pour faire de la place ou pour les soustraire momentanément ou définitivement à la profanation ou à la récupération :


Ces sources de la Seine viennent de connaître un regain d’actualité. En effet, en septembre 1963, une sensationnelle découverte y était effectuée en nettoyant l’emplacement d’une prétendue piscine en contrebas du temple. Les fouilleurs mirent au jour, dans un sol marécageux et saturé d’eau, 170 bois sculptés. La plupart représentent des personnages (pèlerins habillés du grand manteau indigène avec capuchon et bourrelet d’étoffe autour du cou), ou des parties du corps humain, notamment des têtes et des jambes. Plusieurs d’un dessin bizarre pourraient figurer schématiquement les organes internes humains : poumons, estomac, intestins (3).

Ces sculptures sont tantôt ébauchées ou frustres, tantôt soigneusement ciselées. Plusieurs personnages sont rendus avec une finesse et un art remarquables. On peut notamment admirer plusieurs femmes aux jambes harmonieusement dessinées. Quelques-unes des statues atteignent 1 m 50 de hauteur.

Toutes ces statues furent trouvées massées sur quelques mètres carrés, tantôt alignées, tantôt pêle-mêle. Elles reposaient sur un sol préparé et étaient recouvertes d’une couche de petits branchages, de feuilles et même de paille.

Une telle découverte soulève quantité de problèmes.

C’est, il faut le souligner, la trouvaille la plus considérable de sculptures sur bois de l’époque gallo-romaine. Jusqu’à présent en n’en connaissaient que quelques dizaines. Inutile de dire que toutes les précautions ont été prises pour que ces œuvres ne s’effritent pas et puissent être conservées intactes.

Les sculptures trahissent des ciseaux multiples : malhabiles ou expérimentés, gaulois ou romains, schématiques ou recherchés, réalistes ou idéalistes, expressifs ou académiques. Cette diversité ne doit pas nous surprendre. L’affluence des pèlerins avait dû attirer autour de la source divers marchands et sculpteurs de valeur différente. Les dévôts peu fortunés se contentaient d’ébauches ou de bois mal dégrossis.

La question la plus passionnante est de savoir pourquoi toutes ces sculptures ont été ainsi enfouies en bloc.

La réponse la plus simple qui se présente à l’esprit est que ce fut sous la menace d’une bande de pillards (d’où les précautions prises par la suite afin de récupérer par la suite le dépôt : sol préparé, couche de branchages, etc.). Mais d’après quelques débris de céramiques trouvées avec ces sculptures, débris qui appartiendraient à la plus ancienne céramique sigillée, le dépôt daterait du milieu du VIIe siècle. Or la paix régnait à cette époque et on ne peut songer à cette explication (4).

On a aussi émis l’hypothèse que ces sculptures de bois auraient subi la défaveur du public porté, à cette époque, vers les sculptures sur pierre. Mais comme, par leur destination d’ex-voto, ces œuvres avaient un caractère quasi-sacré, on les aurait enfouies au lieu des les brûler, comme au XVIIe ou XVIIIe siècle on enterrait dans les cimetières les statues anciennes qui ne plaisaient plus. Cette hypothèse expliquerait aussi le mélange hétéroclite d’ébauches, de sculptures en cours de fabrication et de sculptures terminées. A vrai dire, une telle désaffection aussi brusque, aussi totale paraît peu vraisemblable. Les modes ne sont pas si tranchantes.

M. Martin, doyen de la Faculté des lettres de Dijon et directeur de la circonscription archéologique, songeant aux dépôts sacrés ayant existé aux abords de certains temples du monde classique a conjecturé qu’il s’agirait d’une favissa. On appelle ainsi un dépôt d’ex-voto retirés d’un temple, par exemple pour faire de la place. Ces ex-voto ne pouvaient pas être détruits ni revendus. On se contentait de les enfouir. La présence d’ébauches s’expliquerait par le don de dédicants peu fortunés.

Ces deux dernières hypothèses ne sont pas d’ailleurs inconciliables. Elles ne permettent cependant pas de comprendre les précautions prises pour l’enfouissement.

Enfin, une curieuse pratique encore en usage dans le Morvan m’a suggéré une autre explication (5).

Un des dévoués correspondants de la commission de linguistique et de folklore de Bourgogne, M. Lacroute, ancien instituteur, à Champeau, a rapporté qu’on immergeait dans des fontaines ou dans des mares des pièces de bois de chêne ou de hêtre afin de les rendre imputrescibles. On les laissait près d’un an. Les objets confectionnés avec le bois en provenant étaient beaucoup plus résistants et ne piquaient pas.

Certes notre informateur nous parle de pièces de bois brut et non d’objets ; mais le bois, après immersion, était plus dur à travailler ; on peut penser qu’il était plus facile de le façonner avant.

Dès lors nous pouvons nous demander si les sculptures des sources de la Seine, ébauches ou œuvres achevées, n’avaient pas été immergées afin que leur bois devienne plus dur. Nous comprenons aisément avec cette supposition les précautions prises par l’enfouisseur. Pour une raison qui nous échappe, les artisans n’auraient pas relevé leur dépôt.

Toutes ces explications ne sont assurément que des hypothèses. Avouons franchement que nous ne possédons pas encore la clé de l’énigme. Comme pour Vix, les savants n’ont pas fini de parler des sources de la Seine… Et il n’est pas exclu que le folklore et l’ethnographie ne puisse apporter leur contribution dans cette passionnante recherche.

NOTES
(1) Nos lecteurs qui désirent se documenter davantage sur les sources de la Seine liront avec profit le chapitre qui leur est consacré par H.-P. Eydoux, dans « Hommes et Dieux de la Gaule », Plon, 1961, pp. 51-81.

(2) Le nom du bourg de Saint-Seine vient d’un Sequanus, originaire du village voisin de Mesmont, qui y fonda une abbaye au VI e siècle ; preuve que le vocable de la Seine servait encore à cette époque à dénommer filles et garçons.

(3) Sur cette découverte consulter la conférence du doyen Martin à la Commission des antiquités de la Côte-d’Or, séance du 16 octobre 1963, (Le Bien public, 29 novembre 1963 ; Les Dépêches, 27 novembre 1963).

(4) Il est vrai qu’il pouvait y avoir des bandes gauloises insoumises. Mais l’alerte aurait duré peu et les enfouisseurs devaient rapidement récupérer leur dépôt. Rien ne prouve évidemment que les tessons de céramique trouvés, sans conteste du Ier siècle, ne provenaient pas de vases du Ier siècle, conservées au IIIe ou au Ve siècle, au moment des invasions barbares. Mais un tel laps de conservation est peu vraisemblable pour des poteries… Cette date du Ier siècle peut-être dans une certaine mesure confirmée par le style de la majorité des figurations où l’art indigène prédomine et même dans les figurations soignées on décèle peu les influences étrangères qui furent prédominantes par la suite. Les œuvres paraissant les plus évoluées peuvent avoir été inspirées par des modèles grecs ou étrusques, dont l’existence en Gaule n’est pas impossible.

(5) Cette explication a été exposée à la séance de la Commission de linguistique et de folklore de Bourgogne du 28 novembre 1963.


Albert Colombet
BVLLETIN FOLKLORIVE D’ILE-DE-FRANCE. – N° 26. – Eté 1964, pp. 808-810.

e.

MessagePosté: Jeu 16 Fév, 2006 12:14
de aryann
Bonjour!
J'aimerais bien savoir quelles ont été les fouilles pratiquées sur l'île et ce qu'on a retrouvé. A part les deux menhirs à côté de l'église quels sont les vestiges? Je suis souvent allée à Sein petite fille pendant les vacances mais je ne me rappelle pas avoir visité de musée sur place.
Quand au fait que l'on assimile particulièrement les femmes à l'île de Sein (comme à d'autres îles) j'ai une petite pensée peut être idiote à vous de me dire: Depuis la nuit des temps le seul moyen de survivre sur ces îles était la pêche. Etant donné les eaux dangereuses entourant l'île de Sein (ou d'autres) le taux de mortalité en mer a toujours été très élevé donc la population masculine insulaire beacoup plus basse que celle des femmes. Tout bêtement peut être? Je me rappelle de toutes ces vieilles femmes vêtues de noir blaguant sur le quai...
A part ça un grand merci à tous, c'est fou ce qu'on s'instruit avec vous! :D

MessagePosté: Jeu 16 Fév, 2006 13:17
de Muskull
Bienvenue Aryann :)

Pas de fouilles à ma connaissance sur l'île même mais quelques unes dans le Cap Sizun...
Par contre une bibliographie copieuse :
http://perso.wanadoo.fr/fromveur/livresiroise.htm

MessagePosté: Dim 19 Fév, 2006 12:07
de ejds
Hyacinthe Le Carguet

Parmi une abondante littérature et pour ne citer qu’un seul auteur, Hyacinthe Le Carguet, voilà quelques-uns de ses ouvrages sur les découvertes rapportées sur le cap et sur l’île sa voisine :

. L'occupation néolithique dans le Cap-Sizun (pointe du Raz), 1896.
. L'île de Sein aux temps préhistoriques, 1897.
. Contribution à l'Anthropologie du Cap-Sizun - Le Facies Capiste, 1908 …

Le personnage est attachant. Percepteur de son état (*), et à ses heures collecteur de contes et légendes, il avait, de par son métier, une très bonne connaissance de la région et de ses habitants. Il montrait toutefois, mais on peut le comprendre, peu d’indulgence envers ses contemporains imposables (surtout ceux de l’île, certainement peu enclins à lui confier, à la fois, secrets de famille et économies).

Voici ce que nous dit Charles Le Goffic : :shock::?

Charles Le Goffic n'a passé que quatre jours à l'île de Sein ; au moins a-t-il fait la traversée, et en décembre ! Il s'est consciencieusement documenté et a beaucoup lu : Ardouin Dumazet, Lucien Boulain, Cambry, Joseph Cuillandre, le chevalier de Fréminville, le père Maunoir, Adolphe Paban, etc.

À Audierne avant d'embarquer, il rencontre Hyacinthe Le Carguet un érudit local, auteur d'un « Tableau de l'île et du Raz de Sein » paru dans la Revue des traditions populaires [1891] : « Un artiste sympathise d'ordinaire avec ses modèles : il est remarquable que M. Le Carguet n'éprouve aucune tendresse pour les siens. On a fort exagéré, selon lui, la misère des Iliens, qui n'est qu'une légende soigneusement entretenue par les intéressés. Elle leur vaut des secours de toutes sortes, en nature et en argent, des pouvoirs publics et des particuliers » (p. 79). Monsieur Le Carguet était percepteur ...

EXTRAIT : Ces mœurs primitives s'expliquent autant chez les Iliens par la fidélité aux anciens usages que par leur éloignement des centres administratifs et l'espèce d'autonomie qu'on leur a toujours laissée : leur organisation, au commencement du XIXème siècle, était celle du clan, de la tribu ; ils continuent de vivre en marge du code. C'est peut-être bien encore la meilleure explication de cette religiosité anachronique dont on ne trouve point d'équivalent, même en Bretagne. Longtemps solitaires, perdus aux confins du vieux monde, sur la mer la plus perfide, sans même ce sentiment de sécurité et de détente qu'éprouvent les autres marins, leur journée faite, en prenant pied sur le continent, mais se regardant vraiment comme sur un pan de terre naufragée, sur un radeau de fortune, ils se sont tournés vers la religion comme vers le seul havre d'allègement qui s'ouvrait à eux.
pp. 116-117

http://jacbayle.club.fr/livres/Iroise/LeGoffic.html

Charles Le Goffic
Sur la côte : L'âme des phares, L'île de Sein, La vie du Banc, Les faucheurs de la mer.
E. de Boccard, Paris, 1928.

Le Carguet affichera un scepticisme de bon ton sur certaines croyances, telle celle de la légende de la sirène du Cap-Sizun (en fait une bouée surmontée d’une corne de brume).

Plus remarquables seront, entre-autres, ses compte-rendus sur les pratiques pas très catholiques qui ont perduré sur le Cap (Les vases enfouis pour maléfices dans le Cap-Sizun, "Superstitions & croyances du Cap-Sizun. Sorcellerie". 1906.), et dont on retrouvera les commentaires sur le site suivant : :shock::shock:


[…] A la fin de 19e siècle et au début du 20e, Hyacinthe Le Carguet fut le providentiel et inlassable collecteur de ces croyances surgies de la nuit des temps, au moment précis où la civilisation moderne achevait de les repousser dans l’oubli. En véritable ethnographe, cet érudit bigouden, de son état percepteur à Audierne, passa des centaines d’heures d’observation et de patiente écoute auprès des habitants du Cap, et spécialement des anciens, dépositaires de trésors qu’il voyait disparaître à tout jamais sous ses yeux. Sa quête, sur ces sujets sensibles que sont les maléfices et la sorcellerie, ne fut pourtant pas toujours aisée, ainsi qu’il en témoigne lui-même à plusieurs reprises au détour de ses nombreux écrits, publiés pour la plupart dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère.
Ainsi, confie-t-il, « le secret à garder et à transmettre, la crainte des maléfices sont les deux causes principales d’insuccès dans les recherches de cette partie du folklore. Seuls, l’embarras des personnes interrogées, les regards inquiets qu’elles jettent autour d’elles, font soupçonner les gens qui détiennent l’un de ces secrets. »

http://www.audierne.info/pages/histoire ... ssions.htm

Paul CORNEC

(*) Attention : Planquez vos bas de laine !
Comme c’est bientôt la collecte des impôts, voici :
:45:

Le possédé du percepteur

http://www.chez.com/ruivaz/percepteur.html

Je ne sais pas si vous croyez à la sorcellerie.
Moi, je ne voulais pas y croire
jusqu'au jour où je me suis aperçu
que j'étais possédé du percepteur.
Oui! Possédé!
Envoûté par mon percepteur!

Depuis quelque temps, déjà,
je le voyais qui rôdait
autour de ma maison.
Il allait et venait...
Il semblait dessiner tout en marchant des figures
géométriques.
En fait, il prenait des mesures fiscales!
Et puis il disparaissait,
et puis il revenait.
J'avais observé aussi
que chaque fois qu'il revenait,
je payais un nouvel impôt sur le revenu!

[...] Et plus je paye mon percepteur,
plus il me le fait payer!
Il met ma faiblesse à contribution.
Il me taxe sur ma valeur personnelle.
Il m'impose sa volonté.
Il me tourmente.
Il me traque!
Tout ça parce que
j'ai eu la faiblesse de montrer
des signes extérieurs de richesse,
alors que ma richesse est tout intérieure!

Raymond Devos

e.