Sena île mythique
Petite promenée maritime teintée d’amertume, mais aussi de mysticisme et de mythomanie, à la lecture des petits condensés amassés dans les livres …
Le long des littoraux celtiques, la moindre légende antique vaut son pesant d’or !
Les « témoignages » oraux ou écrits qui tiennent davantage des ouï-dire, des on-dit, que des choses vues ou vécues, sont riches d’enseignement car ils remettent en scène des brins de vie, remodèlent ça et là de nombreux paysages, élargissent des panoramas, font resurgir des débuts de reconstructions. Mais, tributaires de fragiles impressions, ces bien vagues témoignages se nourrissent, s’authentifient, s’échappent, se mêlent ou se démêlent sans cesse de nouvelles rumeurs océanes.
Ce que l'on commence à signaler, ce sont les faits propres à frapper l’imagination des voyageurs géographes, des négociants et se graver dans la mémoire côtière des marins. Tout ce qui sert de repère à la navigation, caps, promontoires, presqu’îles et îles lointaines, comme cette mystérieuse insula Sena à la pointe occidentale de l’Armorique qui fait référence et dont se murmure le souvenir jusque dans les livres de l’époque médiévale, les traditions et les rites étranges. Isolée au bout du monde, mal traitée par la mer et les vents, l'atmosphère farouche et sauvage qui s'en dégage y ont fait naître nombre de croyances.
Des druides et des Romains
Dans tous les territoires conquis, les Romains toléraient, mais contrôlaient certains cultes. Toute manifestation hostile menée par des religieux et troublant l’ordre public était sévèrement réprimandée, tout sanctuaire détruit. Aussi, en Gaule, les derniers cultes druidiques devaient avoir lieu dans des endroits isolés comme dans les ténébreuses forêts du continent. A l’abri des regards, ils serviront de refuge et d’asile aux derniers représentants religieux. Puis on les retrouvera, sous une autre forme, dans les sanctuaires des sources, où se pratiquaient les rites de la guérison et de la prophétie.
L'hypothétique confrérie des druides, totalement masculine, semble-t-il, élite au pouvoir contesté d’un peuple au caractère irascible et indiscipliné, gardienne de la tradition et de la philosophie celtique, avait été pourchassée jusqu’à sa disparition par l’empereur Claude Ier. Son règne, de 41/54 ap JC, fut marqué par la poursuite de la conquête de l’île de Bretagne, des grands travaux publics, l’amélioration des voies romaines et les réformes administratives entamées sous César.
En 61 de notre ère, Tacite racontera les massacres des druides et de ces femmes qui couraient comme des furies, – puis l’abattage des bois consacrés –, par l’armée romaine lorsqu’elle atteignit et détruisit le grand centre druidique sacré de l'île de Mona (Anglesey) au Nord-Ouest du Pays de Galles.
Sena, île de la sénescence
La vieillesse est un signe de sagesse et de bénédiction, un long acquis d’expérience et de réflexion, laquelle n’est qu’une forme imagée de celui qui se prépare à rentrer dans l'éternité et à transmettre son savoir. Il en va ainsi de tout être humain comme de toute civilisation finissante.
Refuge maternel, siège des pensées et sources des émotions, cette île de Sena était pareillement celle de la sénescence, du retour vers l’enfance, hospice de vieillards qui venaient là, dit-on, au crépuscule de leur vie se rapprocher vers leur dernier sommeil.
Plus probablement durant la belle saison, l’île était, toujours selon les légendes, un lieu de recueillement et abritait un collège d’où se diffusait la tradition philosophique, le récit épique des héros mythiques. Car bien avant l’arrivée des Romains, l’île accueillait, aussi dit-on, les sépultures des querelleurs
marc'htiern armoricains qui partaient, avec armes et bagages, continuer les combats dans l’Au-delà.
Sa renommée continue par la célébration d'un culte dédié à une divinité pré-romaine, oracle d'une divinité gauloise au nom inconnu et que le peuple venait consulter de toute la Gaule.
Des femmes et des îles
Bon nombre d’îles mythiques européennes n’étaient habitées que par des femmes. On peut rapprocher de ce fait l’existence présumée de communautés sacerdotales féminines dans quelques îles du littoral armoricain comme probablement celles d’Ouessant, du Mont St Michel et qu’on retrouvera ou encore dans l’île de Groix sur les côtes du Morbihan, mais aussi sous un mode plus cruel par les Samnites ou Amnites dans l’embouchure de la Loire :
:shock:
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Tout comme dans l’île de Sein, un collège de femmes-prêtresses était mis à contribution pour entretenir le culte et défendre les lieux. Elles aussi vivaient séparées du monde pour se rapprocher davantage de leur déité et s'approprier les dons et pouvoirs secrets.
L’île devient refuge et rejoint par-là celui du temple et sanctuaire, un havre vertueux de neutralité, de sérénité et de savoir, à l’écart des soubresauts d’un monde continental tourmenté.
Il était aussi coutume que les Celtes confient à un conseil composé de leurs épouses et de leurs filles, les secrets les plus importants et les affaires qu'ils ne pouvaient démêler eux-mêmes. De fait, par sa sensibilité, bon sens, raisonnement logique, intuition ou prémonition, la femme jouait aussi un rôle primordial dans les conceptions religieuses celtiques, tant par son rôle de messagère de l’Autre Monde (– celui des Dieux –), et de l’Au-Delà (– celui des morts –), que par celui de médiatrice exclusive de la puissance divine. Elément clé essentiel entre un Ancien-monde défunt et celui du Nouveau-Monde, celui qui donne la vie, elle devient à la fois adoratrice mais aussi bienfaitrice guerrière, lorsqu’elle protège sa divinité, défend sa famille, la destinée de sa
teuta ou de son peuple, d’un frère, d’un père, d’un oncle ou d’un secret amant partit en mer et jamais revenu.
Ainsi, dans le monde antique d’alors, assimilées à l’Hestia des Grecs, les prêtresses les plus puissantes sont les Vestales romaines qui, se vouant à une virginité perpétuelle, entretenaient un feu consacré dans le temple dédié à la déesse Vesta. Elles étaient astreintes à ce service et devaient rester vierges pendant 30 ans sous peine d’être enterrées vivantes. La raison de prendre des jeunes filles, plutôt que des femmes pour desservir l'oracle, est fondée sur la croyance des Gréco-Latins de leur pureté et de leur conformité avec leur déesse. Symbole d’opulence et de réincarnation, leur destinée devait rester intacte et réservée aux divinités et non pas déshonorée et avilie au contact des simples mortels. Ces concepts se retrouvent aussi sous les traits de la Sibylle, femme qui passait pour avoir reçu d’une divinité le don de pénétrer l’avenir.
Meli-Mela
Mais ce qui fait l’intérêt de l’insula Sena, c’est que nous sommes entrés dans une période trouble, et très peu documenté, au large des territoires Osismes. Mela, dans son texte très court, paraît en rajouter quelque peu pour impressionner, comme ces histoires toutes en allégories qu’on accorde à des personnages défunts qu’on n’a jamais connu mais que la légende populaire au fil du temps a agrémenté de faits glorieux, et, à qui, on attribue des pouvoirs qu’ils n’ont jamais possédés. Ou alors si peu ! Ainsi, en sera-il de la «
Légende Doré des Saints ».
Pourtant, de ces prêtresses, on ne sait vraiment à ce jour si elles appartiennent au mythe ou à la réalité. Servantes attitrées, qui plus est d’une déité inconnue, le fait qu’elles aient existé demeure une probabilité.
Protégées et strictement encadrées et éduquées par des chefs religieux, grandes prêtresses ou druidesses, elles venait au sacerdoce, soit de leur propre initiative, soit sur les recommandations de leurs parents. Leur choix devait se porter probablement parmi les jeunes filles des grandes familles riches ou de la haute caste dirigeante des
nobilis du littoral ou des peuplades marchandes des côtes celtiques. Nul équivoque de filles de joie, courtes vêtues, adoratrices d’Astarté, Tanit, Aphrodite ou autres sensuelles Vénus étrangères« nées de la mer », ni même de gracieuses et aguicheuses sirènes, batifolant sur les rivages et dans le creux des rochers.
En accord avec leur déité, leur habillement devait surtout être le reflet du temps déplorable, toujours changeant, froid, venteux et pluvieux qu’il fait habituellement sur l’île, et ce toute l'année.
De l’oracle et de l’île
Mélange d'habitude, de craintes et de superstition, il est un fait avérer que lors de courtes ou longues navigations côtières ou hauturières, les marins gaulois avaient coutume de consulter les oracles. Durant les périples singuliers ou les grandes périodes saisonnières de navigation, l’île devait non seulement servir à se concilier la bonne volonté des Dieux mais surtout servir de base avancée de renseignements sur les allées et venues des navires, de leurs passagers et cargaisons, de point de rencontres des équipages ou de dépêches transmis par les précédents bateaux. Surtout se familiariser avec les aléas de la météo par la seule observation et interprétation de la course des nuages et le vol des oiseaux, l’astronomie annonciatrice des tempêtes, la connaissance en ces latitudes des forces des marées et des phases de lune, des équinoxes avant d’affronter les courants parmi les plus violents d’Europe entre Sena et Uxisama et rejoindre en montée les ports des pays et îles du Nord ou au contraire descendre vers les côtes ibériques.
Aucun moyen de navigation et encore moins de sauvetage, l’île devait non seulement servir à toute fin pratique de modeste comptoir marchand, à réparer les bateaux de toutes contrées, mais surtout soigner ceux dont le genre de vie des voyages aux longs cours prédispose dans ces parages à des dangers, des naufrages, des maladies, des longues dérives en haute mer sans eau ni nourriture.
Eprouvés et affaiblis par une périlleuse traversée, porteuse de blessures ou de maladies, l’île devait servir au passage de refuge connu par tous les marins pourtant coutumiers des terreurs océanes et capables d’affronter ses terribles dangers à bord de leurs lourds bateaux de bois ou fragiles coracles de peaux. Ils y venaient solliciter qui un conseil, une prophétie, une réponse à leur inquiétude ou une guérison. Ils ne pouvaient se satisfaire de réponses obscures et incertaines ou d’un simple :
« Bon soleil et bon vent ! ».
7 bonnes raisons
sine qua non de venir les consulter. Au retour de leur voyage, ces navigateurs reconnaissants ou non de leurs pouvoirs devaient les remercier à leur juste façon, contre quelque forme d’obole ou d’offrande votive, des recommandations ou des soins prodigués.
Du sanctuaire de l’île
Il faut attendre le Ier siècle pour qu’apparaissent sur l’île quelques constructions romaines dont quelques fragments ont été retrouvés (tuiles, amphores, poteries, monnaies…). Aucune trace archéologique probable de sanctuaire n’a été découvert sur l’île à ce jour. Si les Romains mirent leur
veto, les chrétiens ajouèrent leur
credoà la religion celtique. Récupération, destruction méthodique due à des mains sacrilèges des profanateurs de sanctuaires, des chercheurs de trésors, des pilleurs de tombes, des nouveaux prêtres désireux de faire disparaître les traces, jusqu'au nom de l’île et des vestiges de l’ancienne religion qui pouvaient leur faire ombrage.
OPPIDUM OSISMES
http://www.gaulois.org/forum-aremorica2 ... me&start=0
Le climat marin lui-même et les inondations épisodiques de l’île n’ont pas contribué à préserver les vestiges du passé et les simples méthodes de construction des constructions gauloises. Solidement charpentée et recouverte de chaume comme on pouvait en trouver sur le cap, dans ces impressionnants
oppida en éperon barré à flanc de falaises comme Castel Meur sur la pointe du Van, Castel Coz en Beuzec-Cap-Sizun ou encore à Trouguer en Cléden-Cap-Sizun qui se trouve à l'intersection du chemin de crête qui rejoint Douarnenez à la Pointe du Van (plus tard, une voie romaine y menait et continuait droit sur la baie dite des Trépassés, et vers dit-on la mythique ville d’Is). On peut aussi citer de l’autre côté de la baie, la pointe de Lostmarc’h (près de Crozon).
Ces précaires
oppida, véritables nids d’oiseaux de proies pour qui attaque de la mer ont pour la plupart été assiégés, si ce n’est occupés un temp par les Romains. Ces habitats de fortune laissaient déjà augurer des mœurs guerriers et défensifs mais aussi de la finesse de la qualité de vie d’après les quelques éléments archéologiques découverts.
Navigium Isidis : Isis et Sérapis
http://forum.arbre-celtique.com/viewtop ... 0617#30617
Le culte de la déité n’était peut-être pas tenue sous forme de collège à l’année, vu le temps déplorable, mais plus certainement à la belle saison, et lors des grandes fêtes agraires et religieuses qui ponctuent l’année celtique. En commençant par le nouvel an rattaché à Samain, la grande fête des morts, voici venu le temps des grands Sénats, des rassemblements et réjouissances populaires. Grandes fêtes maritimes semblables à celles dédiées à Déméter et Coré, ou encore à celle d’Isis, certainement aussi et qui, à l’époque sur le littoral osisme et une probable influence gréco-punique, cycle agraire de l’hiver, du repli et de l’inaction où se construisent et se réparent les bateaux, au contraire du renouveau du printemps, du grand retour solaire, promesse d’une autre vie, du départ en mer et des grands voyages maritimes.
De nos jours, ces fêtes existent toujours sous d’autres formes et d’autres noms. Ainsi, le long des côtes bretonnes on assistait encore ainsi à des pardons marins comme celui de Saint Anne d'Auray en baie de Quiberon ou à St Anne de Fouesnant près de Concarneau.
Au son des cloches des villages environnants, sous leurs voilures multicolores voyageaient des paroisses entières avec leur clergé, leurs enfants de cœur tout de blanc vêtus, leurs croix, leurs lourdes bannières historiées, leurs oriflammes, leurs reliques. Les paysans viennent dans leurs plus beaux atours ou leur costumes traditionnels de dentelle finement brodée des grands jours de fête … :
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Le pardon est l'une des principales manifestations de la foi en Bretagne. En costume de fête, portant bannières et statues, hommes, femmes et enfants des environs se rendent par la terre ou la mer au sanctuaire. Ces pèlerins reviennent, en traversant la baie de Concarneau, du grand pardon de Sainte-Anne-de-Fouesnant, patronne des marins.
http://musee-beauxarts.quimper.fr/htcoib/oe_9.htmGUILLOU Alfred Arrivée du pardon de Sainte-Anne-de-Fouesnant à Concarneau
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