Page 1 sur 2

Les dieux jumeaux des celtes ?

MessagePosté: Mar 24 Oct, 2006 17:18
de Muskull
Dans l'article récent "Images des dieux" in la revue Religions et histoire n° 10, W. Kruta fait une magnifique analyse de l'art celtique et y détecte le thème récurent d'une dyade divine qui "tourne" autour de l'un des rituels connus par Pline l'ancien, celui de la cueillette du gui.
Pour simplifier :
Le chêne dont le feuillage vit et meurt serait associé à une divinité cyclique régente de ce monde, chtonienne donc.
Le gui, qui garde ses feuilles en participant au même arbre de vie, comme symbole de l'immortalité et surgeon de l'autre monde, solaire donc mais d'un soleil qui ne décline pas.
Le premier représenté dans l'art celtique par un cornu "branchu" et le second par un visage humain entouré de feuilles de gui (ces oreilles de mickey) associé au cheval et aux oiseaux.

1° approche : Comment ne pas penser aux ashvins, aux dioscures, a Rémulus et Rémus, à Lleu et Dylan ?
Surtout que le rituel se terminait par le sacrifice de 2 taureaux.

2° approche : L'immortel représenterait la fonction sacerdotale (préservatrice), le cornu cyclique (korn) le roi et la fonction guerrière (destructeur), où est le créateur ?
Se serait-il "retiré" après sa création comme dans d'autres religions I.E. laissant à ses "légats" le soin de gérer les 2 mondes ?

3° approche : Je penche plutôt dans les mythes irlandais pour Lug (gui) et Ogme (chêne), le Dagda étant le créateur.
Pourquoi ? Sa massue traçait des "frontières" or, c'est sur l'une de ces frontière (démarquation du territoire sacralisé) que traçait Romulus qu'il "sacrifia" Rémus qui s'en jouait.

Vos avis ?

MessagePosté: Mer 25 Oct, 2006 17:40
de Muskull
Image

Sans doute en rapport vu les feuilles de gui.
Cette sculpture de Roquepertuse est souvent mise en rapport avec le Janus romain :
On le représente tenant d'une main une clef, et de l'autre une verge, pour marquer qu'il est le gardien des portes (januae) et qu'il préside aux chemins. Ses statues marquent souvent de la main droite le nombre de trois cents, et de la gauche celui de soixante-cinq, pour exprimer la mesure de l'année. Il était invoqué le premier lorsqu'on faisait un sacrifice à quelque autre dieu.

Ovide dit que Janus a un double visage parce qu'il exerce son pouvoir sur le ciel, sur la mer comme sur la terre ; il est aussi ancien que le monde ; tout s'ouvre ou se ferme à sa volonté. Lui seul gouverne la vaste étendue de l'univers. Il préside aux portes du ciel, et les garde de concert avec les Heures. Il observe en même temps l'orient et l'occident.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Janus_(mythologie)

Je ne vous apprends rien quand je dis que l'un des dioscures était immortel et l'autre mortel et de leur association rituelle au cheval ainsi qu'à la navigation (toison d'or) ; mais c'est leur frangine, Hélène, qui est cause de la guerre de Troie et de l'épopée de l'Illiade (cheval et navigation pour Ulysse). Toute ressemblance avec le rapt d'un taureau dans la Razzia irlandaise ne serait que fortuite. Surtout que Cuchulain qui est reconnu comme étant l'avatar de Lug utilise des oghams mortels pour protéger le gué qu'il garde.
Surtout que C. Sterckx, dans cette même revue nous dit que ces 2 taureaux source de ce cycle héroïque sont en fait deux porchers métamorphosés. L'on connaît l'importance d'Eumée le porcher dans le retour d'Ulysse mais c'est aussi un porcher qui conduit Gwyddion à Lleu mourrant. Mais rien à voir bien sûr vu que sur la cruche de Brno le Cornu a un groin de porc bien pratique pour "glander"...
Si j'ajoutais que "glander" est se nourrir de l'éphémère cyclique et "brouter" du gui est un chemin vers l'immortalité, cela n'évoque rien non plus ? Tant pis....

Bref, il y a un truc, non ? :D

MessagePosté: Mer 25 Oct, 2006 19:56
de Alexandre
Ce genre de statues est appelé un Hermès, en référence à plusieurs (rares) représentations d'Hermès avec une moitié du visage noire et l'autre moitié blanche, trouvées en Italie du sud : il ne s'agit pas de jumeaux mais d'une divinité bicéphale. En dehors de Janus et Hermès, les parallèles sont fournis par :
- Hél, mortelle devenue maîtresse du royaume dévolu aux guerriers morts dans le déshonneur, chez les Germains : elle a une moitié du corps divinement belle, l'autre moitié cadavérique
- la figuration de son destin que le défunt rencontre à son arrivée au royaume des morts dans certains textes sacrés persans.
A l'exception de ce dernier exemple, réinterprêté sur un mode de jugement moral du défunt, le caractère bicéphale renvoie au caractère psychopompe de chacune de ces divinités.

L'interprétation d'Ovide est une généralisation des conceptions anciennes, qui n'en sont pas écartées. Quand il dit "Il observe en même temps l'Orient et l'Occident", il faut se rappeler que chez les Indo-européens - entre autres - l'Orient, où le soleil se lève, renvoie à la vie, alors que l'Occident, où le soleil se couche, renvoie au royaume des morts. Cette phrase renvoie donc sans ambiguité à son caractère originel de dieu psychopompe

MessagePosté: Jeu 26 Oct, 2006 17:03
de Muskull
Oui, bien sûr Alexandre mais mes spéculations sur cette double divinité que signale Kruta me fait envisager une séparation de ce double aspect dans les mythes, illustrative et didactique en quelque sorte de la part de la tradition orale de cette époque.
Comme Pwyll et Arawn dans les mabinogion et tant d'autres exemples jusqu'aux temps modernes et Freud et son conscient / subconscient.

Ainsi Sterckx dans cette revue sus-nommée met en parallèle le Dagda "bon dieu", Eochaidh Ollathair "Père Universel" et Oghma Griaineineach "Visage de Soleil", signalant qu'ils se partagent le patronage de la science divine de la première fonction.
Ogme est un "Hermès /Thot", écriture, enseignement oral :
Image
Cet enseignement qui aux dires des pythagoriciens (Vers Dorés) confère l'immortalité.

Maintenant les "porchers" étant les gardiens du chêne (cyclique) 3° fonction, l'enseignement gardien de l'immortalité (1° fonction), la 2° fonction est le "trait" de l'un à l'autre par la quête de la rédomption de l'enseignement juste qui se "décompose" finalement car ce "chêne là" qui le porte et le nourrit finit par mourir.
Trop naturaliste ? :D

MessagePosté: Ven 27 Oct, 2006 17:09
de Muskull
Un petit mot sur la dyade Dagda / Ogme.
Le fait que ce soit la massue du Dagda qui trace les frontières et donc les domaines de fondation, ce fameux"sillon" ; et aussi que les Fomore lui préparent un festin dans une fosse pour tenter de le vaincre m'invite à penser que c'est le Dagda le chtonien dans l'affaire.
C'est quelque peu contraire à l'analyse de Guyonvarc'h mais c'est la faute de Sterckx, pas la mienne. :lol:

Dans le domaine symbolique, tracer ce sillon fondateur serait un appel rituel au dieu du ciel (de l'orage) pour qu'il le fructifie de sa semence (la pluie), le même, le bon frappeur ou fendeur qui ouvre la terre et fait jaillir une source.
Avec bien sûr toutes les connotations d'une idéologie patriarcale sur la nature "femelle" de la terre. :roll:

MessagePosté: Lun 20 Nov, 2006 18:15
de Muskull
Pas l'air d'inspirer grand monde mon sujet. :?
Pourtant les deux mondes, celui-ci et l'autre sont des constantes dans l'imaginaire celtique et cette bi-partition est très I.E., la troisième fonction étant seulement apte à faire fonctionner "ce" monde et à le faire perdurer.
Dans un système de classification des "énergies divines" on aurait les gardiens de ce monde, les chtoniens ; les gardiens de l'Autre, apolliniens et les "passeurs" qui vont de l'un à l'autre. Psychopompes parfois à l'aller et "inspirants" au retour tel Hermes / Thot / Ogme ou les esprits daîmon tel celui de Socrate.
Le néoplatonisme se base sur cette dualité tripode.
Foutaise ???

MessagePosté: Dim 17 Déc, 2006 13:26
de ejds
Théoxénie : théo du grec theos, « dieu » et xén(o), du grec xenos, « étranger ».

Le rite des théoxénies grecques, c’est-à-dire des banquets à caractère divin ou sacré … ou l’envol et la métamorphose des légendes dioscuriennes.

L'étude de Salomon Reinach : :shock::shock:

psychanalyse-paris.com a écrit:Les théoxénies et le vol des dioscures

Revue archéologique (1901)

Salomon Reinach, « Les théoxénies et le vol des dioscures », Cultes, mythes et religions, Tome II, Éd. Ernest Leroux, Paris, 1906, pp. 42-57.

http://www.psychanalyse-paris.com/877-L ... l-des.html


Image

e.

MessagePosté: Dim 17 Déc, 2006 16:15
de Alexandre
Attention : cet ouvrage date de 1906. Certaines interprêtations sont datées (notamment dans la 3e partie).

MessagePosté: Dim 17 Déc, 2006 17:35
de Muskull
Voilà ce qu'écrit Jean Varenne sur les jumeaux védiques :
Les Indiens védiques croyaient à l’intervention, au moment où le jour va paraître, de deux dieux jumeaux chevauchant dans le ciel (de là vient leur nom de « cavaliers », les Asvin, sans doute pour ouvrir le passage à la déesse Usas : Aurore). Le caractère hypothétique de cette interprétation tient au fait que le Veda, tout en associant constamment les Asvin à la venue de l’aurore, ne décrit jamais la situation mythologique créée par l’intervention des jumeaux divins. On pense évidemment aux Dioscures grecs, mais il est étrange que les mythes védiques concernant les Asvin soient orientés dans une autre direction : ils évoquent les jumeaux célestes en les présentant comme des thaumaturges, habiles à soigner leurs fidèles et à les guérir de leurs maladies et infirmités. Ainsi plongent-ils un vieillard dans une fontaine de jouvence pour lui permettre de plaire à la jeune femme qu’un roi lui a donnée, rendent-ils à un prêtre la tête qu’on lui a coupée, fournissent-ils des herbes curatives à tel autre, etc.
Outre ce rôle de « médecins des hommes et des dieux », les Asvin sont également « maîtres en savoir » : ils instruisent, communiquent des secrets, enseignent des recettes magiques. Leur domaine est essentiellement celui des arts, à commencer par la musique ; mais ils savent aussi beaucoup de choses de l’agriculture et de l’élevage des chevaux. Cette fois, c’est à Orphée et Apollon que l’on pense, bien que le caractère « solaire » soit secondaire chez les Asvin et qu’il ne soit jamais question de souffrance ni de mort dans les mythes qui leur sont propres. Pourtant, le fait qu’ils parcourent la Terre, se mêlent aux hommes, soignent les malades leur confère une impureté rituelle qui conduit les dieux à les écarter des cérémonies religieuses. Mais, par quelque ruse, les Asvin trouvent le moyen de s’associer aux sacrifices et d’y recevoir leur part.

Selon les théories de Georges Dumézil sur l’idéologie tripartite des Indo-Européens, les Asvin se situent au troisième niveau (dans la fonction de producteurs des richesses, celle qui a trait à la fécondité, à la prospérité, etc.). Sous le nom de Nasatyas (que l’on retrouve également dans l’Avesta iranien), ils figurent, à la troisième place, dans la liste des dieux invoqués à titre de garants du traité d’alliance conclu entre un souverain hittite et le roi Mitanni (Anatolie, T XVe s.) ; c’est là une preuve que les jumeaux thaumaturges appartiennent à la religion indo-européenne la plus archaïque.

Je crois qu'il y a aussi une représentation des dioscures qui conduisent le char d'Eos ( l'aurore).

MessagePosté: Dim 17 Déc, 2006 22:10
de Derfel
On trouve aussi le thème du jumelage sur la cruche de Brno-Malomerice, ça a l'air d'etre une obsession chez Kruta, c'est aussi chez lui que j'ai trouvé ça (dans les dossiers de l'archéologie n°313...il y a des abonnements qui ne sont pas inutiles!) On peut avoir une photo ici : http://www.musee-mariemont.be/celtes/celtes.pdf

Pour cette photo, désolé pour la qualité mais elle est scannée...
Image

Re: Les dieux jumeaux des celtes ?

MessagePosté: Jeu 31 Juil, 2008 20:43
de Charles
:109:

MessagePosté: Jeu 31 Juil, 2008 20:58
de Charles
:109:

MessagePosté: Jeu 31 Juil, 2008 21:05
de Charles
:109:

Re: Les dieux jumeaux des celtes ?

MessagePosté: Jeu 31 Juil, 2008 21:20
de Charles
:109:

MessagePosté: Jeu 28 Aoû, 2008 18:59
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:Pas l'air d'inspirer grand monde mon sujet.


Sujet pourtant extrêmement intéressant qui méritait mieux pour sa reprise que les velléités de Charles, dont nous avons constaté les excès et le retrait.

Je propose un angle d'attaque différent : la vita "carolingienne" de saint Guénolé précise que les parents du futur fondateur du monastère de Landévennec, Fracanus et Alba, lesquels n’avaient alors que trois enfants (deux jumeaux et une fille : Jacobus, Uueithnocus et Chreirbia) passèrent de l’île de Bretagne en Armorique, où devait naître Guénolé. L'hagiographe, Uurdisten, indique au surplus que la mère, Alba, était surnommée « aux trois mamelles », parce qu’elle avait été dotée de trois mamelles, conformément au nombre de ses enfants ; mais, pressentant qu’il lui faut donner une explication pour que ce sein supplémentaire puisse apparaître véritablement comme un signe de la naissance à venir de Guénolé, l’hagiographe prend soin de préciser que la sœur de Jacob et Guézennec ne doit pas être comptée dans le calcul des mamelles, car il n’est pas coutume dans l’Ecriture de retracer la généalogie des femmes.

De son côté, l’hagiographe de saint Jacut, qui donne également à son héros le seul nom de Jacobus, ne lui connaît que deux frères et contourne ainsi le problème des trois seins qu’il attribue lui aussi à leur mère. Après avoir salué ardemment mais brièvement la sainteté de saint Guénolé, cet auteur, qui a travaillé vers la fin du XIe ou le début du XIIe siècle et, pour une partie du moins, en utilisant « un texte antérieur aux invasions normandes », consacre tout le reste de son ouvrage à chanter les prodiges de la gémellité sanctifiée de Jacob et de Guézennec. Prolongeant le précédent examen de la vita de saint Jacut par B. Merdrignac ("Les deux portes du Paradis", dans La Bretagne et l'Europe préhistoriques. Mémoires en hommage à P.-R. Giot [= Revue archéologique de l'Ouest, suppl. 2], 1990, p. 385-392), je m'efforce actuellement (*) de vérifier comment d’anciennes traditions « domnonéennes » relatives à l’histoire de deux saints jumeaux , traditions qui pouvaient remonter à l’époque même de la fondation de Landoac, ont pu être captées à l’époque carolingienne par les hagiographes de Landévennec et associées à saint Guénolé, puis ravivées et recyclées aux XIe-XIIe siècles. A cet égard la mention explicite dans la vita de saint Jacut du monastère normand de Deux-Jumeaux n’est sans doute pas fortuite ; de même le nom de Jacob renvoie-t-il peut-être moins à saint Jacques qu’au célèbre jumeau biblique. Curieusement, un personnage dont le statut n’est pas clarifié, mais qui était en relation directe avec l’abbaye de Deux-Jumeaux aux années 832-833, porte quant à lui le nom d'Esaü !

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

(*) « Les relations entre les abbayes de Landévennec et de Landoac durant le haut Moyen Âge : le palimpseste hagiographique » (travail en cours).