Posté: Dim 04 Mar, 2007 16:02
Sur sainte Nonne.
Albert Le Grand, traitant de la Vie de saint Gildas, cite parmi ses sources « le manuscrit de la vie de sainte Nonnite gardé en l’église parrochiale de Dirinon au diocèse de Cornouaille ». Cet ouvrage n’est autre que la pièce de théâtre en breton consacrée à la sainte et à saint David son fils, dont la découverte en 1833 au presbytère de Dirinon a provoqué alors et depuis bien des discussions : s’agit-il d’un texte ancien (XIIe siècle ?) comme le croyait son premier éditeur ? Ou bien, comme la critique interne du texte et l'approche codicologique de son unique manuscrit permettent de le supposer, d’une composition tardive de la seconde moitié du XVe siècle, contemporaine ou peu s'en faut de la construction du "tombeau" de la sainte, auquel il est expressément fait référence aux vers 1501-1502 ("vaillant gant carantez en bez a neuez flam/anterin ha dinam greomp an anterramant") ?
Cette "Buez santez Nonn" a fait l'objet en 1999, avec des commentaires de Y. Le Berre, B. Tanguy et Y. -P. Castel.
Sur saint Guénolé.
Voir l'histoire de l'abbaye de Landévennec par le RP Marc Simon OSB, Rennes, 1985, p. 25-55, qui constitue une bonne mise au point sur le dossier hagiographique de saint Guénolé. A compléter par différentes communications dans les actes du colloque du 15e centenaire de l'abbaye, publiés en 1986, notamment celles du regretté H. Guillotel (p. 97-114) et de C. Brett (p. 253-267) ; sans oublier le travail minutieux de J.C. Poulin.
Sur saint Ciaran de Saighir et saint Piran.
A moins que ce ne soit le fait d’Albert Le Grand lui-même, il semble bien que les sources auxquelles ce dernier a puisé pour composer sa propre notice sur Sezni, évêque irlandais, proposaient, pour servir de biographie au saint, un texte qui peut avoir été partiellement démarqué de la vita de Senan, autre Irlandais, autre évêque. Cette confusion était facilitée par le fait que les paroissiens de Guissény célébraient la fête de leur patron à la même date que celle de saint Senan.
Mais l’hagiographe, qu’il s’agisse d’Albert Le Grand ou de celui qui l’a inspiré, a surtout utilisé pour composer son propre ouvrage, la vita d’un troisième saint d’origine irlandaise, Ciaran de Saighir, vita qui elle-même démarque celle d’un saint Pieran cornique !
Notons que le renard et le loup, aux dires de l’hagiographe de Ciaran de Saigir, constituaient, avec le blaireau et le cerf, la population monastique aux ordres du saint irlandais : "deinde alia animalia de cubilibus heremi ad sanctum Kyaranum venerunt, id est vulpis, et broccus, et lupus, et cerva ; et mansuerunt mitissima apud eum ; obediebant enim secundum jussionem sancti viri in omnibus quasi monachi". Un chapitre de la vita, dont C. Plummer a dit qu’il s’agissait de "one of the most delightful things in hagiological literature", nous montre d’ailleurs "Frère renard", lequel avait dérobé les chaussures de Ciaran pour les manger, rejoint dans son repaire et ramené assez brutalement à de meilleurs sentiments par l’envoyé du saint, le blaireau : "broccus autem, …ad speluncam fratris vulpis pervenit. Et… duas aures ejus et caudam abscidit…. Et vulpis necessitate compulsus, simul et broccus, cum sanis ficonibus hora nona ad cellam suam ad sanctum Kyaranum venerunt". Les mêmes protagonistes se retrouvent dans "le Jugement de Renart", avec le franchissement d’une étape supplémentaire puisque les animaux ont non seulement reçu le don de parole, mais de surcroît forment une société hiérarchisée, inspirée de la société féodale : Grimbert le blaireau et cousin de Renart, obtient de ce dernier qu’il se rende enfin à la cour de Noble le lion, pour confesser ses méfaits et répondre de leurs conséquences.
Cordialement,
André-Yves Bourgès
www.hagio-historiographie-medievale.fr
Albert Le Grand, traitant de la Vie de saint Gildas, cite parmi ses sources « le manuscrit de la vie de sainte Nonnite gardé en l’église parrochiale de Dirinon au diocèse de Cornouaille ». Cet ouvrage n’est autre que la pièce de théâtre en breton consacrée à la sainte et à saint David son fils, dont la découverte en 1833 au presbytère de Dirinon a provoqué alors et depuis bien des discussions : s’agit-il d’un texte ancien (XIIe siècle ?) comme le croyait son premier éditeur ? Ou bien, comme la critique interne du texte et l'approche codicologique de son unique manuscrit permettent de le supposer, d’une composition tardive de la seconde moitié du XVe siècle, contemporaine ou peu s'en faut de la construction du "tombeau" de la sainte, auquel il est expressément fait référence aux vers 1501-1502 ("vaillant gant carantez en bez a neuez flam/anterin ha dinam greomp an anterramant") ?
Cette "Buez santez Nonn" a fait l'objet en 1999, avec des commentaires de Y. Le Berre, B. Tanguy et Y. -P. Castel.
Sur saint Guénolé.
Voir l'histoire de l'abbaye de Landévennec par le RP Marc Simon OSB, Rennes, 1985, p. 25-55, qui constitue une bonne mise au point sur le dossier hagiographique de saint Guénolé. A compléter par différentes communications dans les actes du colloque du 15e centenaire de l'abbaye, publiés en 1986, notamment celles du regretté H. Guillotel (p. 97-114) et de C. Brett (p. 253-267) ; sans oublier le travail minutieux de J.C. Poulin.
Sur saint Ciaran de Saighir et saint Piran.
A moins que ce ne soit le fait d’Albert Le Grand lui-même, il semble bien que les sources auxquelles ce dernier a puisé pour composer sa propre notice sur Sezni, évêque irlandais, proposaient, pour servir de biographie au saint, un texte qui peut avoir été partiellement démarqué de la vita de Senan, autre Irlandais, autre évêque. Cette confusion était facilitée par le fait que les paroissiens de Guissény célébraient la fête de leur patron à la même date que celle de saint Senan.
Mais l’hagiographe, qu’il s’agisse d’Albert Le Grand ou de celui qui l’a inspiré, a surtout utilisé pour composer son propre ouvrage, la vita d’un troisième saint d’origine irlandaise, Ciaran de Saighir, vita qui elle-même démarque celle d’un saint Pieran cornique !
Notons que le renard et le loup, aux dires de l’hagiographe de Ciaran de Saigir, constituaient, avec le blaireau et le cerf, la population monastique aux ordres du saint irlandais : "deinde alia animalia de cubilibus heremi ad sanctum Kyaranum venerunt, id est vulpis, et broccus, et lupus, et cerva ; et mansuerunt mitissima apud eum ; obediebant enim secundum jussionem sancti viri in omnibus quasi monachi". Un chapitre de la vita, dont C. Plummer a dit qu’il s’agissait de "one of the most delightful things in hagiological literature", nous montre d’ailleurs "Frère renard", lequel avait dérobé les chaussures de Ciaran pour les manger, rejoint dans son repaire et ramené assez brutalement à de meilleurs sentiments par l’envoyé du saint, le blaireau : "broccus autem, …ad speluncam fratris vulpis pervenit. Et… duas aures ejus et caudam abscidit…. Et vulpis necessitate compulsus, simul et broccus, cum sanis ficonibus hora nona ad cellam suam ad sanctum Kyaranum venerunt". Les mêmes protagonistes se retrouvent dans "le Jugement de Renart", avec le franchissement d’une étape supplémentaire puisque les animaux ont non seulement reçu le don de parole, mais de surcroît forment une société hiérarchisée, inspirée de la société féodale : Grimbert le blaireau et cousin de Renart, obtient de ce dernier qu’il se rende enfin à la cour de Noble le lion, pour confesser ses méfaits et répondre de leurs conséquences.
Cordialement,
André-Yves Bourgès
www.hagio-historiographie-medievale.fr