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Un gutuater chez Ausone ?

MessagePosté: Mar 15 Mai, 2007 11:31
de Orgenomeskos
Salut,

Je pense que c'est Patrice qui va me répondre :D ... J'ai rencontré dans mes lectures deux mentions d'un éventuel gutuater qui aurait été évoqué par Ausone. Il semble néanmoins, à la lecture des quelques traductions disponibles (notamment celle de Patrice) que cette mention de gutuater n'existe pas. Me suis-je trompé de passage ou faut-il croire que de Vries s'est lourdement trompé dans sa traductions? Il semble d'ailleurs que Dottin fasse référence au même passage.
Dottin G., (1904) - La Religion des Celtes
"La confusion du gutuater et du druide n’est faite que chez Ausone, qui d’ailleurs se sert dans un autre passage, pour désigner un prêtre de Belenus, de l’expression Beleni aedituus".

X. Delamarre (2003) fait référence à un passage de de Vries (1960 - Germanen und Kelten)
"Ausone mentionne, selon J. de Vries, Germanen und Kelten, Berne 1960, 86 (sans sources), un gutuater qui serait stirpe Druidarum satus"

MessagePosté: Mar 15 Mai, 2007 13:58
de Patrice
Salut,

En fait c'est un raccourci un peu rapide. Ausone ne parle pas de gutuater, et il est même peu probable qu'il est jamais entendu le mot.

Mais il parle d'un employé du temple de Belenos, issu d'une famille druidique.
Or les Gutuater sont des prêtres gallo-romains (pour ce qu'on en sait, puisque celui mentionné par Hirtius semble bien être un anthroponyme).
Donc, en gros: prêtre gallo-romain de famille druidique = gutuater.

Mise à part ça, c'est une ENORME approximation.

A+

Patrice

MessagePosté: Mar 15 Mai, 2007 15:07
de Sedullos
Salut,
de mémoire, Le Roux et Guyonvarc'h considèrent le gutuater comme le druide invocateur, le Père de la Voix.

MessagePosté: Mar 15 Mai, 2007 17:52
de Alexandre
L'étymologie dit "père des invocations".

MessagePosté: Mer 16 Mai, 2007 17:39
de Sedullos
En fait le Roux et Guyonvarc'h contestent la traduction par père de ater, ils évoquent un suffixe de nom d'agent figé ! J'avoue être un peu dépassé...

Delammare donne Maître (Père) des invocations.

MessagePosté: Mer 16 Mai, 2007 18:36
de Alexandre
Delamarre, reprenant Companile, compare gutuater avec le sanskrit pâtâ matînâm = père des prières. C'est un remarquable argument car cela indique un tour formulaire commun reflétant des conceptions religieuses communes.

MessagePosté: Ven 18 Mai, 2007 8:09
de Auetos
Ne peut-on pas plutôt rapprocher le mot Gutuater du vIn. Hotri, « invocateur » ?

MessagePosté: Ven 18 Mai, 2007 11:00
de Alexandre
vIn ?

MessagePosté: Dim 26 Aoû, 2007 19:37
de Jacques
Sans doute « vieil-indien » = sanscrit.
Trouvé à la page http://www.europeana.eu/RequestDigitalE ... n=-1&E=PDF :
Le Rig-Véda s'adresse plus spécialement au prêtre
qui récite les Mantras, au hotri

Delamarre parle d'un rapprochement possible avec le sanscrit hótar, sacrificateur.

MessagePosté: Lun 27 Aoû, 2007 11:46
de ejds
De nos jours on dit : parler d’une voix grave, profonde, rauque, éraillée, sourde..., qu’elle est "gutturale", du latin guttur, « gorge, gosier, gésier ».

Des variantes d’interprétations au mot gutuater ont été proposées ici, par exemple, dans le forum ou sur le net.

Quelques annotations supplémentaires : :?


P. Jousset a écrit:MASSIF DE L’OUEST

LES DRUIDES

Nous n’avions au sujet des Druides que de confuses traditions : les récents travaux de M. H. d’Arbois de Jubainville (1) viennent de jeter une vive lumière sur cette question. Les Romains, à leur arrivée, trouvèrent les Druides en Gaule ; c’était une puissance, et la conquête dut compter avec eux. Mais quels étaient-ils et d’où venaient-ils ?

Les prêtres de l’ancienne Gaule peuvent se rattacher à trois catégories : les Druides proprement dits, dépositaires de la science traditionnelle, arbitres et éducateurs ; les Gutuatri, interprètes populaires, affectés au culte d’une divinité ; les Uātīs ou devins de profession. Le nom des Gutuatri, veut dire « parleurs » ; c’étaient eux qui adressaient la parole à la divinité : gott en allemand, god en anglais ont la même racine originelle. Le Gutuatros (latin, gutuater) était le desservant d’un temple ou d’un bois sacré.

Une inscription romaine de Mâcon parle d’un Gaulois, gutuater martis, c’est-à-dire attaché au culte de l’une des nombreuses divinités celtiques assimilées à celles des Romains. Il est aussi question d’un gutuater dans une inscription du Puy-en-Velay ; enfin deux dédicaces trouvées à Autun avaient pour auteur, chacune un gutuater. Les Gutuatri subsistèrent en Gaule pendant la conquête romaine. C’étaient les plus anciens prêtres des Gaulois : ils en furent les derniers, jusqu’au triomphe du Christianisme.


[…] Le mot « druide », en effet, veut dire, en celtique, « très savant », dru-uids, littéralement « fortement voyant ». A la différence des Gutuatri, qui restaient attachaient séparément à un office personnel, les Druides formaient une corporation culturelle enseignante et un corps arbitral : ce fut ce qui les perdit aux yeux de Rome. D’abord César se servit d’eux : il vante le zèle du Druide Deuiciacos, qui sut lui concilier le concours des Éduens : ce Druide vint même à Rome solliciter le Sénat pour ses compatriotes. Cicéron en parle. Mais, lorsque la Gaule fut conquise et qu’Auguste l’eut organisée, Rome prétendit la transformer à son image, afin de mieux la maintenir dans la dépendance ; et, pour atteindre ce but, le Druidisme devait disparaître.

D’abord les dieux romains furent associés aux divinités gauloises : Mars, déjà frère du dieu grec Arès, le devint du dieu gaulois Toutatis ; Minerve, l’Athêna des Grecs, déesse protectrice d’Athènes, fit alliance avec la déesse gauloise Belisama ; il y eut un dieu des sources, Appolo-Boruo (Bourbon-l’Archambault), un Appolo-Belenos, dieu de la lumière, etc.

L’assimilation parut d’autant plus facile que les différents organes du culte gaulois avaient à Rome leurs équivalents : les Augures correspondent aux Uātīs, ou devins celtiques ; les Gutuatri aux Flamines chargés du culte d’un dieu (flamen dialis, prêtre de Jupiter) ; enfin les Druides rappellent à s’y méprendre le collège des Pontifes. Comme eux, ils forment une corporation d’État, si les Druides sont arbitres des procès et conservateurs des traditions nationales, les Pontifes, eux inscrivent le texte des lois et sont chargés de leur interprétation. Les Pontifes romains écrivent les fastes et les Annales de Rome ; les Druides enseignent l’histoire et l’astronomie, que les Pontifes, d’ailleurs, ne peuvent ignorer, puisqu’ils doivent dresser chaque année, le calendrier. Il semblait qu’une telle analogie d’institutions cultuelles dût être une cause d’entente, non de dissension. Mais pour le malheur des Druides, ils représentaient l’élément traditionnel du parti vaincu.

(1) Les Druides, Paris, H. Champion.

La France, géographie illustrée, P. Jousset, Librairie Larousse, non daté (1912 ?), pp. 166—167.

e.

MessagePosté: Lun 27 Aoû, 2007 11:50
de ejds
De nos jours on dit : parler d’une voix grave, profonde, rauque, éraillée, sourde..., qu’elle est "gutturale", du latin guttur, « gorge, gosier, gésier ».

Des variantes d’interprétations au mot gutuater ont été proposées ici, par exemple, dans le forum ou sur le net.

Quelques annotations supplémentaires : :?


P. Jousset a écrit:MASSIF DE L’OUEST

LES DRUIDES

Nous n’avions au sujet des Druides que de confuses traditions : les récents travaux de M. H. d’Arbois de Jubainville (1) viennent de jeter une vive lumière sur cette question. Les Romains, à leur arrivée, trouvèrent les Druides en Gaule ; c’était une puissance, et la conquête dut compter avec eux. Mais quels étaient-ils et d’où venaient-ils ?

Les prêtres de l’ancienne Gaule peuvent se rattacher à trois catégories : les Druides proprement dits, dépositaires de la science traditionnelle, arbitres et éducateurs ; les Gutuatri, interprètes populaires, affectés au culte d’une divinité ; les Uātīs ou devins de profession. Le nom des Gutuatri, veut dire « parleurs » ; c’étaient eux qui adressaient la parole à la divinité : gott en allemand, god en anglais ont la même racine originelle. Le Gutuatros (latin, gutuater) était le desservant d’un temple ou d’un bois sacré.

Une inscription romaine de Mâcon parle d’un Gaulois, gutuater martis, c’est-à-dire attaché au culte de l’une des nombreuses divinités celtiques assimilées à celles des Romains. Il est aussi question d’un gutuater dans une inscription du Puy-en-Velay ; enfin deux dédicaces trouvées à Autun avaient pour auteur, chacune un gutuater. Les Gutuatri subsistèrent en Gaule pendant la conquête romaine. C’étaient les plus anciens prêtres des Gaulois : ils en furent les derniers, jusqu’au triomphe du Christianisme.


[…] Le mot « druide », en effet, veut dire, en celtique, « très savant », dru-uids, littéralement « fortement voyant ». A la différence des Gutuatri, qui restaient attachaient séparément à un office personnel, les Druides formaient une corporation culturelle enseignante et un corps arbitral : ce fut ce qui les perdit aux yeux de Rome. D’abord César se servit d’eux : il vante le zèle du Druide Deuiciacos, qui sut lui concilier le concours des Éduens : ce Druide vint même à Rome solliciter le Sénat pour ses compatriotes. Cicéron en parle. Mais, lorsque la Gaule fut conquise et qu’Auguste l’eut organisée, Rome prétendit la transformer à son image, afin de mieux la maintenir dans la dépendance ; et, pour atteindre ce but, le Druidisme devait disparaître.

D’abord les dieux romains furent associés aux divinités gauloises : Mars, déjà frère du dieu grec Arès, le devint du dieu gaulois Toutatis ; Minerve, l’Athêna des Grecs, déesse protectrice d’Athènes, fit alliance avec la déesse gauloise Belisama ; il y eut un dieu des sources, Appolo-Boruo (Bourbon-l’Archambault), un Appolo-Belenos, dieu de la lumière, etc.

L’assimilation parut d’autant plus facile que les différents organes du culte gaulois avaient à Rome leurs équivalents : les Augures correspondent aux Uātīs, ou devins celtiques ; les Gutuatri aux Flamines chargés du culte d’un dieu (flamen dialis, prêtre de Jupiter) ; enfin les Druides rappellent à s’y méprendre le collège des Pontifes. Comme eux, ils forment une corporation d’État, si les Druides sont arbitres des procès et conservateurs des traditions nationales, les Pontifes, eux inscrivent le texte des lois et sont chargés de leur interprétation. Les Pontifes romains écrivent les fastes et les Annales de Rome ; les Druides enseignent l’histoire et l’astronomie, que les Pontifes, d’ailleurs, ne peuvent ignorer, puisqu’ils doivent dresser chaque année, le calendrier. Il semblait qu’une telle analogie d’institutions cultuelles dût être une cause d’entente, non de dissension. Mais pour le malheur des Druides, ils représentaient l’élément traditionnel du parti vaincu.

(1) Les Druides, Paris, H. Champion.

La France, géographie illustrée, P. Jousset, Librairie Larousse, non daté (1912 ?), pp. 166—167.

e.

MessagePosté: Lun 27 Aoû, 2007 12:04
de Alexandre
Le sanskrit hotar découle d'un indo-européen *ghow-t-êr, avec une initiale *gh à laquelle correspondrait un g en gaulois. On aurait **gutu-gouter ou quelque chose d'approchant. Le rapprochement est donc exclu.

MessagePosté: Lun 27 Aoû, 2007 14:59
de Fergus
ejds a écrit:
P. Jousset a écrit:MASSIF DE L’OUEST

LES DRUIDES

Nous n’avions au sujet des Druides que de confuses traditions : les récents travaux de M. H. d’Arbois de Jubainville (1) viennent de jeter une vive lumière sur cette question.

e.


Rappelons que Henri d'Arbois de Jubainville est né à Nancy le 15 décembre 1827 et mort à Paris le 26 février 1910...

Alexandre, le sanskrit hotar ne peut-il être mis en relation avec le premier composant de gutuater, *gutu-, plutôt qu'avec le second terme ?

MessagePosté: Lun 27 Aoû, 2007 15:04
de Alexandre
C'est juste. Non seulement on peut, mais c'est même ce que j'ai fait plus haut ! :lol:
En détails, *ghu-t-o-ph2têr = *ph2têr ghu-t-ôn = père des invocations, à rapprocher des formes sanskrites que j'ai indiquées précédemment.

MessagePosté: Lun 27 Aoû, 2007 17:39
de Jacques
Ce qui me frappe toujours dans les écrits du XIXème et du début du XXème, c'est le ton péremptoire qu'ils emploient pour affirmer des convictions sans fondement
Les Gutuatri subsistèrent en Gaule pendant la conquête romaine. C’étaient les plus anciens prêtres des Gaulois : ils en furent les derniers, jusqu’au triomphe du Christianisme.