Petit aperçu partiel. La mythologie celtique irlandaise étant d'une richesse extraordinaire.
Ce point de vue est un point de vue classique. Les choses bougent...
De nombreux articles et ouvrages traitent des Dieux de la Gaule (E.Thévenot préfère cette formulation plutôt que celle « les Dieux des Gaulois », avant-propos), mais les tentatives de synthèse sont souvent limitées et contradictoires.
En effet, plusieurs difficultés s’opposent à une systématisation (définitive).
L’une des difficultés majeures est très certainement la multitude des théonymes gaulois – environ 400 théonymes différents (Il est problable qu’il exstait d’autres théonymes, justifiant la préférence de Thévenot), et l’absence totale d’écrits gaulois situant ces dieux. Certains ont pensé, en raison de ce grand nombre de dénominations divines, à des cultes naturistes, d'autres, à une religion mal structurée, topique, en relation directe avec le lieu où elle était pratiquée...
Une autre difficulté vient du fait que nous connaissons les théonymes gaulois à une époque tardive de l’évolution historique de la Gaule. Ceux-ci sont connus par deux sources principales :
- les sources littéraires : des auteurs latins et grecs postérieurs à la conquête, tels Lucain et Lucien de Samosate.
- les sources archéologiques épigraphiques : des inscriptions sur des sculptures, des frontons ou des stèles gallo-romaines. En effet, les Gaulois de l'indépendance ne nous ont laissé ni les représentations, ni le nom de leurs dieux. Ce sont les Gaulois de la période gallo-romaine qui nous ont fourni ces éléments ; il fallut attendre que les Romains introduisent en Gaule l'épigraphie.
L’approche des théonymes gaulois peut donc principalement s’opérer à partir de la religion gallo-romaine, dans ce que l’on qualifie de religion syncrétique gallo-romaine, et ceci constitue une autre difficulté d’analyse.
Cette religion gallo-romaine relève d’un compromis entre les divinités celtiques, honorées durant l'indépendance, et les divinités latines, permettant de rendre le culte accessible à tous. Car, si la défaite d'Alésia marqua la fin de l'indépendance gauloise, elle ne fut pas synonyme de déculturation immédiate et totale. Les Gaulois continuèrent à croire en leurs dieux, et à pratiquer, au moins en partie, leurs offices divins ; P.-M Duval parle même d’un « renforcement de la religion celtique par le polythéïsme latin » (p.45).
Cette religion s’articule sur une composition des deux parties, s’opérant de plusieurs façon : assimilation, interprétation, fusion, juxtaposition, identification, parallélisme.(voir à ce sujet l’article de P.-M. Duval, p.56).
Cette composition s’observe dans la personnification des divinités. Ainsi, très souvent, on observe, sur les inscriptions gallo-romaines, le théonyme latin précédant ou suivi d'un théonyme gaulois. Ce dernier correspond au nom de la divinité gauloise la plus proche de la divinité latine. Car les dieux des Gaulois ne correspondent pas tout à fait aux dieux latins ; dans chaque cas précis d'une inscription, les Gaulois spécifiaient, par rapprochement de certains caractères et attributs, l'aspect divin qu'ils souhaitaient honorer.
Il y a donc deux shémas d’interprétation possibles :
- L’interprétation romaine
Procédant par analogie avec le panthéon latin, César fut le premier conceptualisateur de cette interprétation ; il considère, au livre VI de ses Commentaires, un « panthéon » gaulois regroupant cinq entités divines : « Le dieu qu'ils (les Gaulois) honorent le plus est Mercure... Après lui Appollon, Mars, Jupiter et Minerve » (VI, 17), et il cite brièvement, pour chaque dieu, les fonctions qui leurs sont attribuées par les Gaulois.
Cette interpretatio romana fut, et est encore critiquée, car lacunaire, César passe sous silence les déesse mères, pour ne citer que cet exemple.
Toutefois, pour G. Dumézil (Naissance de Rome, Paris, 1944, pp. 22-33), César a voulu traduire les principales fonctions divines observées en Gaule. De plus, cette attitude d’assimilation, entrevue et consignée lors de la conquète, sera observable durant toute la période gallo-romaine.
- L’interprétation gauloise
Les Gaulois étaient aussi les acteurs de ce syncrétisme. « L’interprétation gauloise », pour reprendre la formulation d’A. Grenier, est tout aussi importante. Après la conquête, les Gaulois ont « pris connaissance des noms et des images du panthéon gréco-romain, ils ont cru reconnaître en tel ou tel dieu classique, dont l’image et le nom leur étaient simultanémént proposés, leurs divinités longtemps abstraites, impersonnelles ou faiblement personalisées » Thévenot p.12.
Les nécessités de pérennisation d’un culte accesible à tous ont facilité cette composition.
D’ailleurs, « les divinités qui ont reçu un nom latin ont manifestement bénéficié de condition incomparable de diffusion et de permanence » (p. 96 Clavel), et ce à une époque où les Gaulois optent pour des noms latins (J-J. Hatt, la tombe gallo-romaine, Paris, 1951, pp. 23-62 ; voir aussi M.Le Glay) et où les divinités latines ont grand succés.
Si l’on considère ce syncrétisme, on se doit de constater qu’il n’y a pas de recouvrement précis, un dieu indigène pouvant être assimilé à deux théonymes latins différents : le dieu Cocidius, par exemple, est associé à Mars (GB, VII, 286, 886, ..) mais aussi à Sylvain (Housesteads, VII, 642).
Toutefois, nous ne pouvons pas parler d’indifférenciation fonctionnelle des dieux (M.-L. Sjoestedt Dieux et héros des Celtes), en opposition aux dieux spécialisés du monde romain L’abscence de texte explicatif permettant de rattacher un théonyme gaulois à une fonction précise - les Gaulois de l’indépendance n’ont rien écrit sur leurs dieux – limite, certes, les vélléités d’intégration et d’identification, mais, n’exclue pas une spécificité fonctionnelle. L’étude linguistique des théonymes sera alors indispensable pour pénétrer l’essence d’une divinité. Cette analyse linguistique, confrontée à la composition du syncrétisme, permet de percevoir la nature et l’importance de la divinité indigène.
Les dieux s’intègrent dans un riche environnement mythologique, propre à chaque civilisation, même si des influences réciproques ont marquées à la fois la religion gauloise et la religion romaine (Barruol, p. 33), les dieux ne sont que le reflet palpable de cet environnement. Les activités des dieux ne sont donc pas les mêmes d’une civilisation à l’autre, on peut seulement faire des rapprochements. Une attitude exclusive d’interprétation, dans quelque sens que se soit, nous expose donc à de nombreux écueils.
De plus, « il apparaît que les deux religions ne sont pas superposables et qu’à côté des cultes officiels de Rome, survécut dans les provinces les moins romanisées, jusqu’à l’époque chrétienne, la vieille religion indigène tournée vers la croyance mystique dans l’Au-Delà, dont la Passion de Saint Julien de Brioude, nous a transmit le témoignage » (F.benoit, p. 355)
L’attitude ici adoptée sera celle de la différenciation et intégration opérée par César : pour chaque dieux assimilé au nom latin, nous donnerons les caractéristiques gauloises.
A la condition d'admettre ce syncrétisme, on remarque que, loin d'être la nébuleuse si souvent évoquée, la religion des Gaulois témoigne d'un ensemble, certes complexe, mais cohérent. La notion de guérison trouve naturellement sa place dans cet ensemble.
Cette classification, souvent considérée comme simple interpretatio romana, donc réductrice ou faussée, s'accorde en fait avec les dieux de la mythologie irlandaise
1 Mercure
Pour César, Mercure est le plus grand des dieux gaulois (Des toponymes comme Mercoeur (Haute-Loire), Mercurey (Saône-et-Loire), Montmartre (Paris)… pérennise le souvenir du culte.); les Gaulois « le regardent comme l'inventeur de tous les arts, le guide des voyageurs et le protecteur des marchands (VI, 17).
On retrouve ces fonctions dans les épithètes donnés à Mercure :
- Clavariates
- Perigrinorum
- Negotiator Mercalis (mais cette spécificité est partagée avec le monde gréco-romain (le Mercure romain est identifié à l’Hermès grec)
- Cissonius (Est de la Gaule : Besançon, Trèves, Cologne…Cissium est un terme gaulois signifiant voiture (Dottin, p. 246)
Mais la dévotion dépassait le cadre de ces simples dénominations. Tertullien le soulignait en nous apprenant que les Gaulois immolaient des victimes à Mercure. La façon dont les Arvernes le percevait témoigne aussi de cette importance ; en effet, selon Pline (HN 34, 45), le sculpteur grec Zénodore (à l’époque de Néron), à qui les Arvernes demandèrent de leur réaliser un Mercure, mit dix ans pour exécuter la statue colossale.
Importance également accréditée par d’autres surnoms :
- Des surnoms de majesté (Magnus…) et topiques
- Defensor
- Visucius (Est de la Gaule : Phalsbourg (CIL XIII, 5991)… et Bordeaux (CIL XIII, 577) Racine visu-, signifiant science
- Adsmerius (Poitiers, CIL XIII, 1125)
Le correspondant irlandais de Mercure est le dieu Lug Samildanach (Lug « polytechnicien »), qui possède toutes les capacités des autres dieux (La société celtique, p. 108). L'un de ses théonymes gaulois serait Lugus, que l'on peut retrouver dans une quinzaine de toponymes théophores, Lugdunum, littéralement, ville de Lugus (Lyon, Louvain, Loudun...)(répertoires des toponymes en Lugdunum Celticum, 6, pp 368-376).
Ce dieu réunit à lui seul, tous les autres, il a de multiples facettes, ce qui peut expliquer le pluriel Lugoves, retrouvé sur une inscription gallo-romaine à Avenches (Suisse) (CIL XIII, 5078).
Dieu solaire, sa riche personnalité n’exclut pas des aspects sombres, qui s’expriment dans les récits épiques irlandais : la mère du Lug irlandais, est Eriu, autre nom de l'Irlande ; elle appartient à la race mythique des Fomoire (peuple de démons ayant précédé les dieux sur le sol irlandais). Lug commet également un meutre, puisqu’il tue d'une pierre son grand-père, Balor, à la fin de la Bataille de Mag Tured. Ainsi on distingue, d'une part son appartenance au monde infernal, d'autre part son aspect guerrier.
2 Apollon
Pour César : « Apollon chasse les maladies ».
Sa correspondance insulaire est double : dans la fonction de médecin : il correspond à Diancecht et ses trois enfants : deux fils, Miach et Ormiachl, et une fille Airmed..
Guyonvarc’h. C-J., Notes d’etymologie et de lexicographie gauloises et celtiques XXI, Ogam XX, pp.351-352.
Arzel Even, Les enfants de Diancecht, étude de mythologie irlandaise, Ogam 1/3, n°3, 1948.
L’étymologie des noms de Diancecht et de ses enfants est ici interressante à signaler. En effet, Diancecht signifie littéralement « Prise rapide », nom témoignant d’une certaine efficacité de ce médecin. Airmed signifie « mesure » ; Miach, « boisseau » ; Oirmiach constitue une simple variante morphologique et sémantique de Miach.
Ainsi, on retrouve et la comparaison indo-européenne établit que tout le vocabulaire de base de la médecine est apparenté au thème signifiant « mesurer ».
Meditor fréquentatif « s’exercer, s’appliquer à, réfléchir, étudier, méditer, répéter un rôle »
Théoriquement, la médecine, en tant que technique, est une attribution de la troisième fonction. mais le médecin est un druide, et la médecine s'étage ou se répartit, dans ses principes, ses techniques ou ses procédés, sur les trois fonctions :
- incantatoire (première fonction)
- sanglante (deuxième fonction)
- végétale (troisième fonction)
La répartition des niveaux fonctionnels de la médecine se fait entre Dianceht lui-même (incantation), ses deux fils, Miach et Octriuil, dont l'un est un doublet de l'autre (chirurgie), et sa fille Airmed, qui régit les plantes médicinales.
Diancecht est aussi, dans les généalogies mythiques, le grand-père du dieu suprême Lug.
L'Apollon celtique, d'après les textes irlandais, est une partie de l'aspect solaire de Lug, mais il n'est pas exclusivement solaire.
Eumène, panégyriste d’Autun (panegyr.Constant, d.21) rapporte que certains Apollon pouvaient infliger aux parjures un chatiment terrible, graces aux eaux brûlantes.
E.Thévenot nous rapporte à ce sujet une légende du pays de l’Auxois en Côte-d’Or. Au lieu-dit Bellenot, il existe une source qui passait au Moyen-Âge pour pte à confondre les sorciers. On plongeait les suspects dans la fontaine de Bellenot : les innocents surnageaient, tandis que les criminels s’en révèlaient incapables et étaient aussitôt convaincus de sorcellerie. P 114-115
Divinités et sanctuaires de la Gaule Fayart Paris, 1968
- en qualité de dieu de la jeunesse :
C'est Oengus (« Choix unique ») ou Mac Oc (« Fils jeune ») engendré et né en un seul jour.
Oengus naquit, selon la légende, dans le Brug na Boinne, c'est-à-dire dans le tumulus de New Grange (143), des amours "adultères" du Dagda et de Boand, femme d'Elcmar, autre nom de la divinité sombre Ogme, frère du Dagda. Le Dagda, maître du temps, fit oublier ce temps à son frère, si bien que neuf mois ne lui parurent qu'un seul jour... (119).
3 Mars
Selon César : « Mars gouverne la guerre » (VI, 17).
De nombreux surnoms vont dans ce sens Caturix
Mais ses fonctions ne se limitent pas à la guerre. En Irlande, il existe deux correspondants :
- Nuada : il exerce son pouvoir divin au niveau royal.
Il représente l'aspect régulateur et distributeur de la fonction guerrière, mais aussi, de toute la société, y compris la troisième fonction.
A ce titre, il est aussi protecteur Camulus Barhill VII, 1103 ; Arlon XIII, 3980 ; Rindern XIII, 8701 Camulo- Dottin, p. 240 rapproche ce terme de l’expression « gouverné par un roi ».
-Ogme : c'est un demi-dieu, un « champion » à la manière irlandaise, souvent comparé à Hercule. Il correspond à un aspect sombre de la divinité. L'Irlande lui attribue également, d'une part, l'invention de l'écriture magique, et d'autre part, la maîtrise de l'éloquence. Lucien de Samosate définit l'homologue gaulois d'Ogme : Ogmios. Il le décrit comme un vieillard entraînant les hommes par des chaînettes, unissant leurs oreilles à sa langue (Discours, 1-7). Voir Guyonvarc’h, Magie.. pp. 43-8
C’est à l’aspect sombre-guerrier, sous le nom de Mars Mullo (Mars « tas de butin »)(par exemple à Rennes CIL XIII, 3148-3151 voir aussi J.Bousquet inscription de Rennes Gallia 1971, I, pp ; à Nantes CIL XIII, 3101-3102, à Allones, que les Gaulois vouaient les armes de leurs ennemis vaincus. Ceci est un exemple de la spécificité de l'épithète gauloise.
4 Jupiter
Pour César, « Jupiter exerce son emprise sur les hôtes des cieux ».
C’est donc le dieu de l’éternité.
Son correspondant irlandais est le Dagda, ou « bon dieu », ou dieu druide .
« Il y avait un roi célèbre sur l’Irlande du nom d’Eochaid Ollathir. Il avait pour autre nom le Dagda, car c’était lui qui leur faisait des miracles et qui mesurait les tempêtes et les récoltes… Il y avait une femme chez Elcmar (Grand jaloux ou Grand méchant, le frère du Dagda) de Brug, Eithne était son nom…. Dagda désira pour lui son amitié charnelle. La femme airait cédé au Dagda si elle n’avait pas eu peur d’Elcmar tant son pouvoir était grand. Le Dagda envoya alors Elcmar en voyage chez Bres, fils d’Elatha, à Mag Inis. Le Dagda mit de grands charmes sur Elcmar qui s’éloignait pour qu’il ne revînt pas à temps, c’est-à-dire tôt. Il l’éloigna de l’obscurité de la nuit et le garda de la faim et de la soif. Il mit sur lui de longues erances si bien que neuf mois furent comme un jour. Car il avait dit qu’il reviendrait entre le jour et la nuit. Le Dagda alla pendant ce temps à la femme d’Elcmar et elle lui engendra un fils, du nom d’Aengus. La femme était guérie de ses souffrances quand Elcmar revint. Il ne remarqua pas sa faute en elle, c’est-à-dire qu’elle avait couché avec le Dagda » (Premier paragraphe de la « Courtise d’Etain », Textes mythologiques irlandais, I, p. 242).
De cette union est né Mac Oc.
Dans ce texte, Dagda montre ses capacités à maitriser le temps, relation éternité et temps.
Ses attributs du Dagda sont :
- le chaudron d'abondance : (c'est le prototype pré-chrétien du Graal médiéval)
Quiconque s'y présente y trouve sa nourriture à satiété. Le chaudron est aussi un instrument de résurrection dans lequel on jette les morts et d'où ils ressortent vivants.
C'est probablement l'explication d'une des scènes représentées sur le chaudron de Gündestrüp.
- la massue : arme terrible qui tue les hommes (dans ce monde) par un bout, et qui les ressuscitent (dans l'Autre-Monde) par l'autre bout.
C'est probablement cet aspect de la divinité que l'on retrouve dans le dieu gaulois Sucellos (théonyme construit sur la racine su : bon le lien entre Jupiter et Sucellos est clairement établi dans CIL XIII, 6730 « à Jupiter Optimus Maximus Sucaelus… ») ou dieu au maillet et qui s'est perpétué dans la tradition bretonne du mell beniguet (boule bénite). De Vries pense qu'il s'agit du dieu « qui frappe de bons coups ». A noter que dans les attributs classiques de Sucellos, on retrouve aussi la coupe ou le vase, substitut du chaudron du Dagda.
- la harpe : elle contient toutes les mélodies de tous les instruments possibles, et le Dagda en tire les trois airs classiques : l'air du sommeil, l'air du rire et l'air de la tristesse.
- la roue : que détient le druide aveugle Mog Ruith (« serviteur de la roue »), qui est un aspect du Dagda. C'est la roue cosmique de l'apocalypse irlandaise : Sourd, celui qui l'entendra,
Aveugle, celui qui regardera,
Et mort, celui sur qui elle tombera.
De nombreuses figurations de la période gallo-romaine associent le nom de Jupiter et la représentation de la roue (voir J-J. Hatt, pp. 183-189).
Jupiter est le dieu de la science, mais aussi le dieu de l'amitié, et surtout le dieu maître du temps chronologique et atmosphérique, et à ce titre, maître des éléments : air, terre, feu et eau.
5 Minerve
Pour César, « Minerve enseigne les éléments des travaux et des métiers ».
Sa correspondance irlandaise est Brigit, mère des arts et des artistes (en fait, de tous les détenteurs d'un savoir manuel ou intellectuel). Elle est dite « mère des poètes, des forgerons et des médecins ».
Des connaissances fragmentaires que nous possédons sur Brigit, on peut tirer quelques éléments :
- son nom est attesté sur le continent par les noms en brig- (Brigantia...).
Elle porte aussi le surnoms de Belisama (« la très brillante »), de Sulis (de sul-, soleil), et au pluriel, Sulevia.
- cette divinité féminine est unique par rapport aux quatre divinités masculines.
Brigit est à la fois, selon les textes mythologiques, la fille du dieu druide Dagda, la mère de tous les dieux primordiaux ( y compris le Dagda ), leur épouse et leur soeur.
- on retrouve Brigit, en Irlande sous divers noms : Boand (femme de l'aspect sombre de la divinité), Tailtiu (« la Terre »), Eriu, Banba, Fotla (divers noms servant à désigner l'Irlande), Morrigan ("Grande reine", déesse de la guerre, épouse du Dagda)...
- la déesse Brigit fut rapidement christianisée ; et Sainte Brigitte fut, en Irlande, presque assimilée à la Vierge Marie. Son folklore, le premier février, était très important.
En conclusion, on peut dire que Brigit, avec sa correspondante gauloise Minerve, regroupe plusieurs aspects d'une même divinité. A ces divers aspects, et en fonction des peuples gaulois, correspondent divers surnoms. C'est la divinité et la représentation symbolique de la féminité et de l'initiation, dans tous ses aspects, sombres et solaires.
Sans doute, fait-il lui assimiler les mères.
6- Complexité du "panthéon" gaulois
Ce « panthéon » à cinq dieux, s'orientant suivant un système de trifonctionnalité, est cependant complexe, et les tentatives de synthèse sont difficiles. En effet, César ne cite aucun théonyme indigène, pourtant, ils sont très nombreux, et il est fort probable que nous n'en connaissions aujourd'hui qu'une infime partie.
Quoiqu'il en soit, certains auteurs pensent que ce n'est pas au théonyme qu'il faut prêter attention, mais à la fonction, dans laquelle s'intègrerait, pour chaque entité divine gauloise attestée, plusieurs dizaines de surnoms, fonctionnels, locaux ou topiques.
Afin de souligner la complexité du "panthéon" gaulois, nous prendrons l'exemple des théonymes gaulois cités par Lucain dans La Pharsale : "Ils (les Gaulois) apaisent par un sang horrible le féroce Teutates, le hideux Esus et, dans de sauvages sanctuaires, Taranis..." . Certains ont pensé que le poète latin n'avait cité ces théonymes qu'en vertu des exigences du mètre poétique. Mais deux scholies, appelées Commenta Bernensia, complètent les vers de Lucain, témoignant ainsi de l'importance de ces théonymes - que l'on retrouve de plus dans l'épigraphie.
La première scholie de Berne nous dit que : "Mercure, en langue gauloise se dit Teutates... Voici comment l'apaisent les Gaulois : dans un bassin plein d'eau, on plonge la tête de la victime jusqu'à ce que l'étouffement s'ensuive. Pour apaiser Mars, qui est Esus, la victime est suspendue à un arbre et on l'écartèle. En l'honneur de Taranis, on brûle des hommes dans un mannequin de bois " .
La seconde scholie donne des renseignements qui semblent contradictoires : "Mars est Teutates... Mercure est pour eux Esus, c'est du moins sous ce nom que l'honorent les commerçants. Le maître des guerres et le plus grand des dieux célestes est Taranis-Jupiter ; on lui offrait jadis des sacrifices humains ; il se contente aujourd'hui d'animaux ".
L'étude linguistique de ces théonymes nous apporte de précieux renseignements. En effet, Esus correspondrait au terme "Dieu".
Le théonyme Taranis est construit sur un thème se rapprochant du breton et du gallois taran ainsi que de l'irlandais torann "foudre, tonnerre" . (on retrouve taranis dans l’épigraphie CIL XII, 820, à Orgon ( Bouches-du-Rhône)
Le théonyme Teutates est construit sur la racine touta que Dottin rapproche de l'irlandais tuath "peuple", du gallois tud "terre" et du breton tud "gens". C.J.Guyonvac'h synthétise ce théonyme par "chef du peuple".
- Faut-il voir dans ces théonymes, trois aspects d'une même divinité? F.Le Roux et C.J.Guyonvac'h pensent ainsi à trois aspects de Jupiter, distribuant Esus "optimus" à l'aspect sacerdotal, Taranis à l'aspect guerrier et Teutates (chef du peuple) à la troisième fonction.
Ceci témoigne, soulignent les auteurs, de l'unité de la trifonctionnalité aussi bien divine qu'humaine .
- Faut-il y voir trois divinités individualisées, partiellement syncrétiques? J.J.Hatt (101) suggère ainsi les équations suivantes :
- Esus = Mercure ou Mars
- Taranis = Jupiter + Mars + Dis Pater
- Teutates = Mars ou Mercure
Taranis se placerait ainsi comme une divinité régissant la destinée humaine. Selon J.J.Hatt, Taranis serait associé, sur un plan symbolique, au cheval.
Faut-il encore y voir trois divinités syncrétiques, d'où se détacheraient les cinq divinités du "panthéon"?
Le "panthéon" gaulois est ainsi difficile à circonscrire, et souvent, seule l'analyse linguistique de ces théonymes nous permet d'entrevoir leur fonction.
Cependant, à la condition de concevoir un dieu, non pas par un seul théonyme latin réducteur, mais par la fonction que le théonyme gaulois mis en épithète représente, on peut entrevoir une religion, certes complexe, mais structurée, et dans laquelle se dessine très nettement l'aspect médical.
7 - Problème lié à des divinités particulières non intégrées dans le panthéon gréco-romain
Cernunnos « le cornu » Cernunnos : origin and transformation of a celtic divinities Phyllis Fray Bober American Journal of Archaeology 1951,, n°45, pp 13-51), ce dieu doté de ramures de cerf et qui détient une place privilégiée sur le chaudron de Gündestrup
Epona
Problème de l’évolution historique La mieux conservée a pu être assilée à Vénus au sanctuaire de Colombières-sur-Orb, Clavel. M, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, p. 564, Paris, 1970.
Ce n’est pas seulement, la déesse protectrice des écuries, comme le suggérait Apulée (Metam, II, 27), c’est aussi une déesse du salut caractère funéraire (F . Benoit, Epona funéraire, Ogam, XVII, 1965, pp. 333-336, protectrice du voyage dans l’au-delà (Duval)
8 - Répartition tripartite
Il semble qu'il y ait eu, chez les Celtes, plusieurs niveaux de compréhension des dieux. Au premier niveau, celui des peuples, pour qui les divinités sont très nombreuses, topiques. Le deuxième niveau est celui de l'aristocratie guerrière ; comme nous l'a montré César, le "panthéon" se résume à cinq divinités principales, cinq hypostases, les autres n'étant que des variantes locales. Enfin, pour les initiés, c'est-à-dire pour les druides, ces dieux eux-mêmes relèvent d'un principe unique. Les dieux sont chacun les divers aspects d'une grande divinité suprême. La religion celtique, et Saint Augustin
l'avait déjà signalé, tend ainsi au monothéisme.
Voici un petit tour rapide d'horizon.
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