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MessagePosté: Mer 06 Juin, 2007 9:31
de Muskull
Alexandre a écrit:
Quand à un hypothétique monothéisme ancien, je pense - et je ne suis pas le seul - que c'est une illusion. Certes, il y a eu, déjà à date très ancienne, des réflexions d'intellectuels conduisant à des réductions drastiques des panthéons.

Effectivement, si l'on considère que le monothéisme est le fruit de spéculations intellectuelles on ne peut aller bien loin dans l'histoire des religions. C'est très matérialiste comme option, serais-tu marxisant ? :D
La problématique est totalement inversée si l'on considère le monothéisme comme le fruit d'une "révélation" dans le sens socratique du terme. Les polythéismes en serait alors les déclinaisons.

Je reviendrai sur le "trinaire naturel" :wink:

MessagePosté: Mer 06 Juin, 2007 10:06
de Fergus
Pour moi, il n'est pas impossible qu'à l'âge "classique" des religions celtiques, une certaine réflexion théologique (des "intellectuels" de l'époque, à savoir les druides) ait mené vers un monothéisme, ou au moins un monisme de principe.

Ce n'est pas contradictoire avec un polythéisme pratique, en particulier dans le culte collectif. L'exemple de l'Inde est là pour nous montrer qu'on peut très bien, à un certain niveau de réflexion, avoir conscience de l'unité du divin, tout en conservant, pour l'expression extérieure, un polythéisme.

Et d'ailleurs, d'un point de vue "interne", si le divin est Un dans son principe, il est multiple dans sa manifestation, et même les monothéismes les plus intransigeants ne peuvent faire l'économie d'une pluralité d'expression du divin : même l'Islam fait appel aux Anges (messagers, intermédiaires), ou aux 99 noms de Dieu.

MessagePosté: Mer 06 Juin, 2007 11:36
de lopi
En conséquence, je ne crois pas qu'il faille chercher un monothéisme celtique ailleurs que dans les spéculations de quelques intellectuels, fussent-ils anciens.


Ah les spéculations. Alexandre, que je flatterai en le qualifiant de Husserlien, à quand même confondu l'histoire de la pensée et la pensée de l'histoire.
C'est vrai que cette affirmation brutale d'un "monothéîsme" druidique va à l'encontre de bien des idées reçues, notamment celles, procuratives, d'Alexandre.
A+
Lopi

MessagePosté: Mer 06 Juin, 2007 12:29
de Sedullos
Salut,

Je partage assez le point de vue d'Alexandre sur la question du monothéisme.

En m'appuyant sur Le Roux et Guyonvarc'h qui ont noté cette tendance, je souhaite souligner un point qui me semble très important.

Le Roux et Guyonvarc'h écrivent que les dieux correspondent à des principes métaphysiques.

Intégrer cette notion permet de mieux comprendre ce qui pourrait apparaître comme contradictoire. Dès lors que l'on raisonne en termes de métaphysique, l'Un se profile en arrière plan et se manifeste, se déploie de façon multiple comme le dit Fergus.

MessagePosté: Mer 06 Juin, 2007 13:16
de lopi
Pardonnez-moi si je me suis mal fait comprendre :
Remplacer simplement "monothéiste" par "moniste


L'intervention de Fergus me semble la plus juste.

MessagePosté: Mer 06 Juin, 2007 15:24
de Sedullos
Je reviens sur un des post de Muskull à propos de la figure à deux visages, qui correspond aux Hermès ou Janus des sanctuaires gaulois de Provence.

Il existait en plus de cette représentation bicéphale de Janus, une variante tricéphale, le troisième visage invisible étant caché.

Sur tout cela, on peut se reporter aux commentaires de Le Roux et Guyonvarc'h dans Les fêtes celtiques, Chapitre V, Les portes de l'année et du temps à propos d'un article de Jean Thamar, Notion de la musique traditionnelle in Etudes traditionnelles, n°266, 1948.

MessagePosté: Mer 06 Juin, 2007 16:46
de Fergus
Il y a également un article de René Guénon, paru initialement dans la revue Le Voile d'Isis, juillet 1929, et reproduit dans le recueil Symboles de la Science sacrée (Gallimard), intitulé "Quelques aspects du symbolisme de Janus".

Quelques extraits :

L'interprétation la plus habituelle des deux visages de Janus est celle qui les considère comme représentant respectivement le passé et l'avenir ; cette interprétation, tout en étant très incomplète, n'en est pas moins exacte à un certain point de vue. C'est pourquoi, dans un assez grand nombre de figurations, les deux visages sont ceux d'un homme âgé et d'un homme jeune (...)

Au point de vue où le symbolisme de Janus est rapporté au temps, il y a lieu de faire une remarque très importante : entre le passé qui n'est plus et l'avenir qui n'est pas encore, le véritable visage de Janus, celui qui regarde le présent, n'est, dit-on, ni l'un ni l'autre de ceux qu'on peut voir. Ce troisième visage, en effet, est invisible, parce que le présent, dans la manifestation universelle, n'est qu'un instant insaisissable ; mais lorsqu'on s'élève au-dessus des conditions de cette manifestation transitoire et contingente, le présent contient au contraire toute réalité. (...)

Par ces quelques considérations il facile de comprendre déjà que Janus représente vraiment Celui qui est, non seulement le "Maître du triple temps", mais aussi et avant tout, le "Seigneur de l'Eternité".
(...)

MessagePosté: Mer 06 Juin, 2007 17:45
de Muskull
Merci à tous,
Avant de revenir au symbole triadique que je pense naturel comme le souligne Fergus, je voudrais signaler que la différence entre monisme et monothéisme est toute philosophique et des plus minces.
Une façon "confortable" dirais-je de séparer les concepts originels des religions du Livre de ceux d'autres cultures tout aussi prestigieuses qui envisageaient un Principe unique.

Mon propos était différent. Il est habituel que l'intelligence déductive fasse naître le concept de l'Unité de la multiplicité car l'intellect est structurant, classifiant. L'intelligence inductive est moins commune car "elle remonte le courant" en quelque sorte et elle peut déduire face à des faits historiques précis une évolution autre des concepts et représentations spirituelles ayant "impacté" les humanités.
Un exemple : Zarathoustra a eu la "révélation" que la religion de ses anciens était "pervertie", détournée au profit des mages et du pouvoir et que "l'essentiel" était oublié. Qu'aurait-il pu faire sans le secours et l'écoute d'un prince puissant ? Rien sans doute car il n'était socialement rien.
Mais le fait est que ce soutien lui a permis de rénover le mazdéisme mais presque dès sa mort les mages ont repris le pouvoir et le "message" s'est dilué à nouveau dans la religion formelle.
Qu'elle différence, sinon d'habillement, y a-t-il entre cette volonté de rénovation suite à une "révélation" avec l'action (ou non-action) d'un Lao Tseu, Bouddha, Abraham, Moïse, Shankarasharia, Jésus, Mohammed ?

Pythagore aurait pu devenir lui aussi le "prophète" d'une nouvelle religion mais l'effort de ses disciples à "actualiser socialement" son enseignement s'est terminé dans un bain de sang.

Cela, vous l'avez compris, pour illustrer une peu "l'inductivité" des idées et aussi la possibilité, oh combien conceptuelle, que la philosophie druidique (qui fait couler beaucoup d'encre et travailler les claviers :D ) soit née elle aussi d'une "révélation".

P.S. Pour ceux qui en croquent à rebours de façon quasi inconsciente :lol:
Le marxisme historique est aussi loin de la pensée philosophique de Marx et Hegel que l'église catholique romaine du message originel de Jésus. :shock:

MessagePosté: Mer 06 Juin, 2007 17:56
de Fergus
Et le néo-nazisme de la pensée d'Adolf Hitler ? :D
Hengel, connais pas. Mais Engels, peut-être... 8)

Je suis assez primaire, parfois (souvent), et pour moi, monothéisme signifie : un seul dieu, alors que l'hindouisme est polythéiste puisqu'il propose à la vénération une multitude de dieux. Ce qui ne l'empêche pas d'être moniste, c'est-à-dire d'avoir conscience de l'unité profonde du divin.

MessagePosté: Mer 06 Juin, 2007 18:34
de Muskull
J'ai corrigé : Hegel...
Oui tu es primaire de relever de cette façon infâmante une faute de frappe style : Je vais casser son "truc".
Reste dans ton domaine archival si c'est tout ce que tu proposes en philosophie. :roll:

MessagePosté: Mer 06 Juin, 2007 21:23
de Fergus
Ah, Hegel ? Je pensais que tu voulais parler d'Engels, qui a écrit avec Marx le Manifeste du Parti Communiste.

Ce n'est pas "tout ce que j'ai à proposer en philosophie", mon grand, mais ça a son importance. Le flou, l'à-peu-près, c'est très sympathique, surtout dans le celtisme, mais parfois ça manque de... précision. Ca permet de retrouver des sources, des textes, des auteurs. Si on cherche Hengel, ben on trouve rien. Désolé de t'avoir vexé, Muskull.

MessagePosté: Mer 06 Juin, 2007 22:51
de Kambonemos
Bonjour,

Une des caractéristiques du monothéisme est de placer la divinité partout en général et hors de nore monde en particulier, principalement dans les cieux, contrairement au polythéisme qui place les dieux je dirai, à portée des humains : la terre étant elle-même reconnue comme une entité divine... Quant à un monisme spirituel, les Grecs par exemple ont un grand Tout (assez abstrait) auquel se soumet Zeus lui-même et qu'ils appellent les Destins... Pour en revenir aux divinités gauloises, et si l'on peut parer César des plus grandes vertus militaires, il n'en demeure pas moins qu'il semble porter peu d'intérêt _ au travers de la Guerre des Gaules _ à la chose religieuse d'où sa tentative de syncrétisme lapidaire qui nous laissera à jamais sur notre faim...

***"Les anciens dieux sont comme les volcans endormis : on ne sait jamais quand ils se réveilleront." [in Belphégor]***

MessagePosté: Jeu 07 Juin, 2007 8:43
de Muskull
Oui Kambonemos et Fergus me prend pour un adepte du Grand Flou (très abstrait). :lol:
L'oeuvre de Hegel a profondément influencé celle de Marx que Engels a dénaturé en la publiant. C'est hors propos mais je voulais le signaler.

Le facteur temps est très important pour analyser la mythologie celtique. Ce n'est pas un produit brut et immuable, elle a été multi influencée pendant de nombreux siècles et celle que l'on connaît au travers des manuscrits irlandais médiévaux ne peut être appliquée à toute la sphère culturelle celtique de façon a-historique.
Kruta signale 3 grands pôles, le Sud alpin, le bassin Est du Danube et l'Atlantique.

MessagePosté: Jeu 07 Juin, 2007 12:28
de Sedullos
Muskull a écrit:...
Le facteur temps est très important pour analyser la mythologie celtique. Ce n'est pas un produit brut et immuable, elle a été multi influencée pendant de nombreux siècles et celle que l'on connaît au travers des manuscrits irlandais médiévaux ne peut être appliquée à toute la sphère culturelle celtique de façon a-historique.
Kruta signale 3 grands pôles, le Sud alpin, le bassin Est du Danube et l'Atlantique.


Salut,

Le propre des mythologies, c'est justement d'échapper au facteur temps.
Je ne vois pas comment on pourrait appliquer la mythologie celtique à l'histoire celtique pour ce que l'on en connaît en plus.
Cunliffe distingue trois ères de civilisation depuis l'Age du Bronze qui correspondent grosso modo à celles de Kruta. Mais on est pas beaucoup plus avancés avec ça. Par contre, lorsqu'il dit qu'on peut déceler dans les épopées irlandaises des éléments laténiens peu documentés matériellement par ailleurs en Irlande, là il applique l'histoire à la mythologie...

MessagePosté: Jeu 07 Juin, 2007 17:40
de Muskull
Salut Sed,
Sans vouloir te contredire je voudrais signaler que les mythologies évoluent elles aussi dans le temps même si certains archétypes sont plus stables. Un simple exemple, l'importante évolution de la mythologie chrétienne au fil des conciles et des ajouts locaux comme le culte des saints et le culte marial.

Il y a effectivement des éléments laténien dans les épopées irlandaises alors que l'Irlande, du moins en constat archéologique, en était resté globalement à une culture du bronze final, sauf en Ulster précisemment où ont lieu ces épopées transcrites beaucoup de siècles plus tard.
C'est intéressant car ces transcriptions tardives tout en conservant les mythèmes principaux anciens les ont sans doute "habillés" de culture plus proche dans le temps, à peine pré-chrétienne.
Toujours est-il qu'ils contiennent aussi de nombreux éléments "magiques" plus proches des cultures manistes que monistes. :wink:

Par contre je suis tout à fait d'accord avec toi pour dire que tout celà est difficile à démêler.
Un mythème cepandant qui semble à mon avis "atlantique", celui des jumeaux venus de l'océan avec leur mère, la Vieille ou Tisseuse des destins que l'on retrouve fragmenté dans les mabinogion et de vieilles traditions cantabriques.
Pourtant ce mythe des jumeaux semble I.E. au possible. Dumézil a développé ce mythème dans "le roman des jumeaux" en ses derniers écrits. Pourtant il est aussi dans la Bible, dans l'épopée de Gilgamesh et dans nombre de "contes" recueillis tant dans le Nord que le Sud Amérique.
Dans le domaine celtique, Dumézil les trouve en Dylan et Lleu, c'est motif de réflexion car si Dylan retourne dès sa naissance à son élément immortel, Lleu, soumis à la mort doit sa rédemption à un "mage" plus sorcier que druide en fait. Je ne pense pas que ce soit une influence chrétienne car Gilgamesh (entre autres) est lui aussi en quête de la plante d'immortalité.