Page 2 sur 4

MessagePosté: Jeu 19 Juil, 2007 14:26
de Sedullos
De toute façon, des motifs comme le triscèle, je l'écris à la française, et d'autres qui en sont voisins ou inspirés ont été utilisés par d'autres cultures et civilisations issues de la famille indo-européenne.

Je pense à une pièce constituée de trois chevaux qui appartient à l'art thraço-scythique de Roumanie, on en a parlé sur un autre fil à propos d'un bijou contemporain. Ou au drapeau de l'île de Man avec ses trois jambes, on trouve ce motif sur une monnaie de Sicile des derniers siècles av. J.-C.

MessagePosté: Ven 27 Juil, 2007 10:06
de Jacques
Sedullos a écrit:Je voudrais bien savoir d'où viennent les mots monade et triquetra ?
Pour le triquètre (triquetra), il semble que ce soit un autre mot pour le triscèle ou triskèle :
Triscèle ou triskèle, subst. masc. ou fém. Même sens. Sur une monnaie d'Aspendos on trouve précisément la roue associée au triskèle ou triquètre (J. DÉCHELETTE, Manuel archéol. préhist., celt. et gallo-romaine, t. 2, 1, 1910, p. 454). Au bronze final (...) les décors dérivés de la roue attestent la persistance de cultes solaires; le disque évolue pour devenir spirale, croix, étoile, svastika ou triscèle (Encyclop. univ. t. 3 1968, p. 628).
Au départ, c'est un motif composé de trois jambes humaines repliées, réunies en un centre d'où elles rayonnent, motif pas précisément celtique, n'en déplaise aux néo-Celtes
Motif décoratif composé de trois jambes humaines ou trois branches repliées dans le même sens, réunies en un centre d'où elles rayonnent en s'inscrivant le plus souvent dans un triangle équilatéral. Le rôle de la monnaie semble être décisif dans la retransmission de certains thèmes. Le triquètre (...) trois jambes humaines, soudées aux cuisses, avec, au centre, une boule (...), figurent souvent sur le bouclier d'Athéna (J. , Le Moy. Âge fantastique, Paris, Flammarion, 1981, p. 63).
Sous la forme triquètre ou triquetra, de l'adjectif latin triquetrus, triangulaire, c'est apparemment toujours le même motif :
[]. Var. triquetra, forme latine. Étymol. et Hist. 1. Subst. 1599 [éd.] « triangle » (MARNIX, Differens, I, IV, 10, fo 277); 1611 « id. » (COTGR.) ; 2. a) 1803 adj. « qui a trois côtés ou trois faces » (BOISTE); b) 1812 subst. fém. « assemblage de trois jambes repliées en triangle, que l'on trouve sur certaines médailles antiques » (MOZIN-BIBER). Empr., à deux reprises, au lat. triquetrus « qui a trois angles ».

Ces textes sont tirés du Trésor Informatisé de la Langue Française http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/t ... 423214510;

Mon dictionnaire latin donne, comme exemples, au mot triquetrus,
    triquetra littera la lettre triangulaire, le delta
    triquetra insula l'île triangulaire, la Bretagne (César)
    triquetra tellus la terre triangulaire, la Sicile (Horace)

MessagePosté: Ven 27 Juil, 2007 10:28
de Sedullos
Salut,

Jacques, merci,

Ce que tu cites sur les 3 jambes confirme ce que je disais précédemment... Il ne faut pas tout ramener aux Celtes, on est bien d'accord là-dessus.

Le Trésor informatisé de la langue française est une excellente référence. J'ai eu en d'autres temps pour professeur un des rédacteurs de la version papier, Monsieur Caron.

MessagePosté: Ven 27 Juil, 2007 11:41
de ejds
Jacques a écrit:triquetra tellus la terre triangulaire, la Sicile (Horace)

On trouve aussi : :?

Trinacria ou Trinacrie, Thrinacrie… (= qui a trois promontoires), nom antique de la Sicile ou "île aux trois pointes" (Pachynum, Lilybée et Pélore).

Avenius a écrit:AVIENUS.
Description de la Terre

Près de là la Trinacrie étend vers les rivages de l'Ausonie ses vastes campagnes. Cette île, d'une forme triangulaire, allonge dans les ondes azurées trois promontoires. Le cap Pachynum s'étend vers le lever du jour ; celui de Lilybée est échauffé, par l'haleine du Zéphyr ; le promontoire élevé de Pélore est tout entier battu par les vents de l'Ourse qui ramène la sérénité dans le ciel.

Image
Sicilia

e.

MessagePosté: Ven 27 Juil, 2007 14:02
de Jacques
On peut en déduire que les Latins, au moins les élites, utilisaient les cartes, et que ces cartes n'étaient pas trop mal faites ; c'est sûrement vrai pour la Sicile, terre familière aux Grecs et au Latins, mais c'est plus étonnant pour la (Grande-) Bretagne, ainsi décrite par César, De bello gallico, V, 13 :
Insula natura triquetra... Cette île est de forme triangulaire; l'un des côtés regarde la Gaule. Des deux angles de ce côté, l'un est au levant, vers le pays de Cantium, où abordent presque tous les vaisseaux gaulois; l'autre, plus bas, est au midi. La longueur de ce côté est d'environ cinq cent mille pas. L'autre côté du triangle regarde l'Espagne et le couchant: dans cette direction est l'Hibernie, qui passe pour moitié moins grande que la Bretagne, et en est séparée par une distance égale à celle de la Bretagne à la Gaule: dans l'espace intermédiaire est l'île de Mona. L'on croit qu'il y en a plusieurs autres de moindre grandeur, dont quelques écrivains ont dit qu'elles étaient, vers la saison de l'hiver, privées de la lumière du soleil pendant trente jours continus. Nos recherches ne nous ont rien appris sur ce point: nous observâmes seulement, au moyen de certaines horloges d'eau, que les nuits étaient plus courtes que sur le continent. La longueur de ce côté de l'île est, selon l'opinion de ces écrivains, de sept cent mille pas. Le troisième côté est au nord et n'a en regard aucune terre, si ce n'est la Germanie à l'un de ses angles. Sa longueur est estimée à huit cent mille pas. Ainsi le circuit de toute l'île est de vingt fois cent mille pas.
Qui connaît la longueur du pas latin ?
On ne sait pas si les Gaulois pratiquaient la cartographie, mais ils savaient mesurer les distances en lieues (leuca, ou leuga) et ils devaient se servir de mesures liées au corps humain (pied, bras, pas = cengmen dans Holder, etc.) ; ils calculaient les surfaces (arepennis = arpent). Je crois savoir qu'ils s'orientaient en tournant le dos au soleil couchant.

MessagePosté: Ven 27 Juil, 2007 14:57
de Jacques
Je confirme, pour l'orientation. Voici d'ailleurs ce qu'en disent Le Roux et Guyonvarc'h (La civilisation celtique) :
L'orientation est basée sur des conceptions nordiques identiques à celles des fêtes et du calendrier en général : les mêmes mots irlandais désignent le bas et le nord (ichtar) et, par opposition conjointe, le haut et le sud (túas).
Le Nord est donc à gauche et le Sud à droite :
le soleil allant de l'est à l'ouest reste au sud toute la journée et c'est la moitié claire du monde : celle des vivants et des dieux lumineux ;
le soleil allant de l'ouest à l'est pendant la nuit est au nord et c'est la partie réservée au síd, aux morts, aux dieux mystérieux et sombres.

MessagePosté: Ven 27 Juil, 2007 17:14
de Pierre
Jacques a écrit:
... les mêmes mots irlandais désignent le bas et le nord (ichtar) et, par opposition conjointe, le haut et le sud (túas).


Je me demande s'il n'y a pas une inversion chez CJG :shock:
Le vieil-irlandais tuath semble désigner le "nord".

Voir dans le delamarre : *tuto- / *touto-

@+Pierre

MessagePosté: Ven 27 Juil, 2007 17:24
de Sedullos
*tuto, c'est encore autre chose, non ? :94: :oops:

MessagePosté: Ven 27 Juil, 2007 17:51
de Jacques
Pierre a écrit:Je me demande s'il n'y a pas une inversion chez CJG :shock:
Le vieil-irlandais tuath semble désigner le "nord".
exact : on a, en irlandais moderne, le préfixe tuath-, qui signifie de gauche (sans allusion politique) et tuathal = direction opposée au soleil, mauvaise direction.

MessagePosté: Ven 27 Juil, 2007 17:52
de Jacques
Sedullos a écrit:*tuto, c'est encore autre chose, non ? :94: :oops:
Oui, et pour faire dans le style de Matrix, c'est *tuto tre chose :wink:

MessagePosté: Ven 27 Juil, 2007 18:14
de Pierre
Sedullos a écrit:*tuto, c'est encore autre chose, non ?


Fichtre, je n'en sais rien :oops:

Mais c'est quand même étrange. Deux termes antonymiques, se ressemblant autant...

@+Pierre



PS : Tu peux souhaiter un bon annif, de ma part, à Tigern Eporenos :wink:
:biere: :92:

MessagePosté: Ven 27 Juil, 2007 22:00
de Jacques
Pour prolonger ce que je mentionnais sur l'orientation chez les Celtes : deas, en irlandais moderne, c'est à droite, et c'est aussi le sud. Favereau signale, dans son dictionnaire et à l'article Nord, ar mor kleiz au nord de Sein (la mer de gauche), et ar mor dehou au sud (la mer de droite) ; mais c'est peut-être dû à la façon des Îliens de se repérer par rapport au continent.

MessagePosté: Ven 27 Juil, 2007 22:14
de Pierre
Bonsoir Jacques,

Effectivement, voir : *dexsivo- dans le Delamarre :wink:

@+Pierre

MessagePosté: Sam 28 Juil, 2007 11:07
de Jacques
On a, chez Holder, une forme *dessos ou *dexos certainement restituée d'après l'irlandais deis, la droite. dexsiuo- doit être un mot composé.

MessagePosté: Sam 28 Juil, 2007 11:20
de Alexandre
*deksyós est la forme indo-européenne pour "à droite" et "au sud". Pensez au grec δεξιóς, au latin dexter, et aussi à la région de l'Inde appelée Dekkan.
J'ajouterai que dexsivos est plus probablement un dérivé qu'un mot composé.