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MessagePosté: Ven 17 Aoû, 2007 20:52
de Fergus
Merci pour cet échange de haute tenue.

Pour vous rejoindre, je pense que la démarche du mythologue et du linguiste ne devient an-historique que lorsqu'elle est sa propre caricature. Une saine histoire des religions prend évidemment en compte les évolutions temporelles, et les différences régionales.

Il n'en demeure pas moins qu'il existe des permanences symboliques, non dans les formes, mais dans les contenus signifiés, des complexes mythiques qui, tout en évoluant d'un siècle à l'autre, renvoient à des dynamiques mythiques, théologiques ou symboliques. C'est le travail du "mythologue" ou de l'historien des religions de repérer les permanences sous les dissemblances, les schèmes mythiques inhérents à la pensée humaine sous les myriades de formes artistiques, textuelles ou littéraires. La psychologie des profondeurs, après C.G. Jung, a commencé d'explorer ces domaines encore assez jeunes pour la science moderne.

MessagePosté: Sam 18 Aoû, 2007 0:53
de yapadaxan
Le comparatisme a permis d'appréhender le fait indo-européen, d'en dégager la trifonctionnalité et de mettre en valeur l'unité mythique et linguistique à l'échelle du continent eurasiatique. De l'Atlantique jusqu'à l'Indus.

Il se trouve que mettre en "comparaison" des oeuvres mythologiques, d'une part, et médiévales, d'autre part, constitue, en effet, une folle entreprise. L'argument selon lequel la mythologie nous viendrait exclusivement d'Irlande, d'Ecosse, du Pays de Galles ne tient plus si l'on établit fermement que les mythologies européennes ne sont, quant au fond, qu'une seule et même mythologie, se déployant différemment d'un peuple à un autre. Quant à l'étude des textes médiévaux, elle tend à vouloir chercher, et trouver, l'origine mythique (ou mythologique) déformée par la romanisation et, surtout, la christianisation.

Sergent, lui, tente d'établir le lien entre les mythologies. Mais c'est en lisant Philippe Walter que j'ai modestement trouvé qu'il n'avait pas tort de situer certaines oeuvres médiévales sur le terrain de l'indo-européanité. Je songe, tout particulièrement, au Bel Inconnu de Renaud de Beaujeu. Alors que les médiévistes faisaient chou blanc, allant jusqu'à dire et écrire que l'oeuvre s'avérait étonnante et déroutante, Walter a proposé une élucidation en s'appuyant sur l'onomastique et la structure indo-européennes dans la fiction du récit. Notons, au passage, l'incontournable intervention de personnages "merveilleux" tant vouivres que fées...
Cette même critique médiéviste trouvait une porte de sortie avec l'amour courtois, mais s'exaspérait toujours des rencontres de personnages étrangers à l'univers "normal" de la société médiévale. Chrétien de Troyes a subi ce même traitement : une imagination fertile, une mode de l'époque, un jeu littéraire, un mouvement esthétique...

Et, en effet, qui sont ces personnages venus d'ailleurs?

Même la chanson de geste n'a pas été épargnée. Avec Gargantua et Mélusine, on aborde un autre rivage : la toponymie, cette écriture de l'espace et des lieux. Voilà qu'avec elle on saute des périodes de l'histoire : les fameux monts Gargan, etc.

Et c'est bien cette toponymie qui nous renvoie à la mythologie et aux oeuvres médiévales. Tout ça, d'un seul coup. Je m'intéresse au Lot et au Quercy. Le nom, le dernier, vient de catu urci, les sangliers combattants.
Or, il y a une légende, celle du Pont Valentré, qui met en scène le premier évêque de Cahors. Il s'appelle Ursinus.
De fait, nous voilà confrontés à une distorsion du temps historique et propulsés dans le temps mythique. Nous sommes, tout à la fois, avant et après l'avènement du christianisme. Dès lors, je n'ai plus le choix : 2 temps de l'histoire se rencontrent et se combinent entre temps du mythe, temps de l'histoire (la notion d'évêque et le pont Valentré "m'" inscrivent dans l'histoire et le temps du récit. Ce n'est plus quelque chose d'an historique, mais une interrogation saturée, d'elle-même, de temporalités.

Mais bon, j'ai très certainement dévié et je finis par me parler tout seul. Toutes mes excuses...

MessagePosté: Sam 18 Aoû, 2007 9:04
de Sedullos
Thierry a écrit:Euh ? Brunaux est archéologue et a, avant de publier les druides, essentiellement travaillé sur plusieurs sites majeurs du nord de la Gaule qui concernent des Gaulois des troisièmes et deuxièmes siècles avant Jésus Christ. Son travail a tout simplement révolutionné nos connaissances du monde des Gaulois, tout simplement parce qu'il a révélé des éléments matériels dont nous ne soupçonnions pas l'existence jusque là.

Il s'agit évidemment précisément de protohistoire - du second âge du fer précisément, ce qui est évidemment de l'histoire, concernant des périodes et des peuples qui n'écrivaient pas ou très peu.

On peut lui reprocher une tendant à la "surinterprétation" de ce qu'il a découvert. Moi, je ne lui reproche pas, au moins depuis qu'il est là, on parle d'archéologie de l'âge du fer - et si on peut mettre en doute certaines de cse hypothèses, il a au moins le mérite de tenter de "faire parler" ce qu'il découvre.

Quant à Bernard Sergent, son objet d'étude et ses matières de prédilection, sont tout simplement complétement différents, donc il ne sert à rien de les opposer.

Tout au plus et à priori, peut on relever d'emblée que le mythologue et le linguiste font toujours abstraction voir négation de l'espace et du temps, ce qui fait qu'il ne peut évidemment jamais se mettre d'accord, voir rencontrer l'historien.


Salut à tous,
Prenons un mythologue et un linguiste comme Dumézil : peut-on parler d'abstraction de l'espace et du temps ?

Combien d'entre-nous auraient seulement entendu parler des Ossètes du Caucase descendants des Scythes ? Qui a démontré que l'histoire romaine de Tite Live était du mythe historisé et réactualisé ?

Pour Usher :

Sergent a écrit une erreur sur Luernos et Vercingétorix. La belle affaire ! Il a écrit aussi Les Indo-Européens, un grand livre et rien que pour ça, il a mon estime.

Pour Thierry :

Sous-entendre que, avant Jean-Louis Brunaux, (sans e pour Yapadaxan)
), on ne parlait pas d'archéologie de l'âge du fer est un peu réducteur. Et Rapin, Lambot, Buchsenchutz, Guillaumet, Kruta,... ?

Brunaux s'intéresse aux relations entre les Pythagoriciens et les druides, il a bien raison mais il n'est pas le seul. Et le prestige de l'antiquité de Marseille, première ville de Gaule risque bien, dans les années à venir, de fléchir un peu, lorsque certaines fouilles vont révéler l'ancienneté réelle d'une ville mentionnée dans la Guerre des Gaules et celle de son peuple gouverné par le mythique Ambigatus et ses deux neveux.

Lesquels ont justement été étudiés par certains mythologues et linguistes qui n'ont pas fait que se cantonner à l'étude des textes irlandais.

MessagePosté: Sam 18 Aoû, 2007 9:50
de Sedullos
Thierry a écrit:Oui, tu as raison et on en convient tous assez régulièrement sur ce forum (souvent après une bonne dispute - très régulière). En disant que le mythologue/linguiste fait abstraction de l'espace et du temps, j'exagère et je caricature sans doute, mais il faut avouer que la démarche comparatiste qui rapproche textes médiévaux et situations antiques parfois très éloignées dans l'espace, s'inscrit souvent d'elle même dans un démarche an-historique qu'elle revendique d'ailleurs parfois....

Il ne faut donc pas s'étonner que çà puisse gratouiller quiconque fait de l'histoire et à fortiori de l'archéologie ou la datation est fondamentale.


Thierry, justement, si la datation est fondamentale, elle est parfois problématique. L'épée à poignée anthropoïde de Saint-André-de-Lidon (17) est datée de la seconde moitié du IIIe siècle ou de la première moitié du IIe siècle. Celle de Saint simon (16) a été datée de la période de Hallstatt, puis La Tène D avant que André Rapin ne la date de la Tène A.
On peut les voir actuellement à Chauvigny.

Je termine sur une anecdote. Le 2 ou 3 août, j'étais aux Bouchauds à côté de Rouillac (16) pour une animation des Nuits archéologiques du Conseil général de la Charente.

Une jeune femme, qui a peu étudié l'archéologie, regarde mon équipement, je portais l'épée d'Eporenos, et me dit à peu près : "Bien mais votre épée ne va pas ! Il manque la chaîne (gourmette)."

Je lui ai expliqué qu'il s'agissait d'une épée du premier siècle av J.-C. et que à cette époque, la chaîne gourmette de suspension, utilisée par des fantassins avait disparu, remplacée par un ceinturon de cuir avec trois anneaux de fer et un fermoir. Jean-Paul Gillaumet avait examiné cette épée en mai à Chauvigny et l'avait trouvé plus que correcte...

MessagePosté: Sam 18 Aoû, 2007 10:02
de Thierry
Sed, le fait que la datation soit un exercice difficile et qu'il faille accepter certaines remises en cause d'un ordonnancement du fait de certaines découvertes démontrent bien que l'archéologie est une science et ne démentent pas le fait que la datation soit essentielle....

MessagePosté: Sam 18 Aoû, 2007 10:11
de Sedullos
Je poursuis la datation est essentielle en archéologie surtout du fait qu'elle est possible !

Comment dater avec précision l'ancienneté d'un mythème ou d'un ensemble de phonèmes ? Cela va plus relever de la géologie que de l'histoire évenementielle...

MessagePosté: Sam 18 Aoû, 2007 10:37
de Thierry
Oh bien sûr la technique et le résultat ne peuvent être les mêmes - Hors de question d'indiquer l'emplacement exact et la naissance d'un mythe - Par contre, s'abstraire de tout contexte et évoquer par exemple - la nature celte d'un thème - en expliquant qu'il s'agirait d'une sorte de donnée immuable - sans la situer dans deux mille ans d'histoire....c'est légérement non historique.

Ce que je veux dire, c'est qu'il n'est pas interdit à l'historien des religions de se servir des données historiques et archéologiques pour éclairer et préciser son discours - par exemple faire la part entre ce qui peut ressortir de croyances remontant aux premiers agriculteurs au néolithique et ce qui pourrait s'attacher à l'apparition et à la prééminence de la métallurgie ( on sortirait d'ailleurs alors de l'étude à partir de noms de peuples très incertains pour avoir une vision bien plus temporelle), or, il ne le fait pas ou alors du bout des lèvres et ça n'a alors guère d'intérêt pour l'historien tout court.

En fait, il s'agit plus du problème général de la spécialisation en histoire...

Je connais plus le problème avec l'historien du droit - qui lui, est loin de s'abstraire de toute datation et de référence événementielle, bien au contraire - mais qui s'abstrait de tout contexte sociologique, économique, ethnologique et archéologique - et qui se référant, aux seuls écrits, a une perception de l'histoire pré-modélisée, par le droit qu'il étudie....

Je me rends compte, au bout du compte, qu'il ne peut y avoir de raisonnements corrects concernant les choses du passé qu'à condition de tenter d'avoir la perception la plus globale possible, ce qui devrait conduire à l'historien des idées immatérielles à s'intéresser de très près aux données les plus matérielles.

L'archéologue, en tant que spécialiste, a d'ailleurs exactement les mêmes problèmes, il va te dater un objet de façon ultra précise mais ne se risquera à aucune interprétation...et du coup n'aura aucune lecture historique de sa découverte.

MessagePosté: Sam 18 Aoû, 2007 10:51
de Usher
Quand je cite l'erreur sur la filiation entre Luernos et Vercingétorix, c'est parce qu'elle est patente. Toutefois, ne réduisez pas mon discours : je relève aussi des constructions spécieuses dans le raisonnement de Sergent, et ce sont ces deux facteurs qui me font douter.

Un autre exemple (toujours sur Celtchar et Képhalos, désolé, mais j'ai préféré enchaîner sur Les Celtes d'O. Buchsenschutz).
Sergent relève les points communs entre l'histoire de Celtchar, tirée du Livre de leinster compilé au XII° siècle de notre ère, et les fragments du mythe de Képhalos, dont les traces les plus anciennes remontent à la Théogonie d'Hésiode, composée au VIII° siècle av. JC. Soit 2000 ans d'écart entre les sources grecques et les sources celtiques. Or, en conclusion, Sergent note que ce sont des "Proto-Celtes, déjà Celtes et rien d'autre" qui "ont transmis à des Proto-Grecs, pleinement Hellènes assurément, un mythe de métaphysique solaire." (J'attire déjà votre attention sur les modalisateurs "et rien d'autre" ou "pleinement… assurément" qui sont là pour masquer bien maladroitement le défaut argumentatif.)

Sacré paradoxe : c'est la culture qui nous lègue la source la plus récente qui aurait fécondé la culture qui nous lègue la source plus ancienne de 2000 ans !! Ca se tient peut-être sur le plan indo-européanisant, mais sur un plan strictement historique, c'est bien difficilement soutenable - surtout quand on sait que le clergé irlandais est pétri de culture classique !

Examinons le raisonnement qui amène Sergent à cette conclusion.
1. Il rapporte le mythe de Celtchar, ne l'élucide pas.
2. Il rapporte les variantes fragmentaires du mythe de Képhalos, et il en propose une interprétation solaire.
3. Dans la mesure où il a relevé des similitudes entre les deux récits, il projette ensuite l'interprétation du mythe de Képhalos sur celui de Celtchar. (Un très bel exemple de syllogisme, c'est-à-dire d'exercice sophistique. C'est grâce à ce syllogisme qu'il vient à faire d'un prédateur nocturne un animal solaire !)
4. Il observe que les composantes solaires du mythe de Képhalos étant étrangères à la mythologie grecque classique, elles doivent venir d'ailleurs, et il en déduit que ce sont les "Proto-Celtes" qui les ont transmises aux "Proto-Grecs".

Plusieurs éléments clochent dans ce raisonnement. Un, je n'y reviendrai pas, il est fondé sur un syllogisme. Deux, ce raisonnement comparatiste est asymétrique : il y a bien observation des deux textes, mais le travail interprétatif n'est fourni que sur Képhalos, et ses conclusions sont ensuite plaquées sur Celtchar. Dans mon domaine, en littérature comparée, c'est une analyse irrecevable : on interprète les deux textes comparés avant d'établir une comparaison. Trois, comme Sergent a bien conscience du déséquilibre de sa démonstration, il justifie sa démarche en arguant que le caractère énigmatique de l'histoire de Celtchar provient de la perte de la tradition druidique, qui en rend les clefs celtiques introuvables, sauf en passant par le détour grec. C'est un cache-misère.

Ce que je trouve vraiment très fort, en plus, c'est que Sergent s'appuie sur le mythe de Képhalos pour nous dire que Képhalos/Celtchar sont des variantes d'un être solaire, avant de préciser que ce mythe est étranger à la mythologie grecque et d'en déduire qu'il est d'origine celtique !!

Soyons sérieux : ça ne tient pas la route.

Usher

PS : Ce qui est très marrant, c'est que je retrouve dans le Buschsenschutz de prudentes réserves sur le travail de Sergent :

Mais peut-on avoir une idée de l'histoire des Indiens à partir d'une observation archéologique juxtaposée à un extrait de western et à une cérémonie folklorique actuelle ? B. Sergent n'hésite pas à relier un épisode de la mythologie grecque, une monnaie gauloise, une épopée irlandaise et un saint breton autour du culte d'une même divinité. Mais peut-on dire encore qu'on reconstitue une histoire, ne s'agit-il pas plutôt d'un modèle général de psychologie humaine ?

Les Celtes Armand Colin, p. 20

MessagePosté: Sam 18 Aoû, 2007 11:28
de Alexandre
Mais peut-on avoir une idée de l'histoire des Indiens à partir d'une observation archéologique juxtaposée à un extrait de western et à une cérémonie folklorique actuelle ? B. Sergent n'hésite pas à relier un épisode de la mythologie grecque, une monnaie gauloise, une épopée irlandaise et un saint breton autour du culte d'une même divinité. Mais peut-on dire encore qu'on reconstitue une histoire, ne s'agit-il pas plutôt d'un modèle général de psychologie humaine ?

A cela il est possible de répondre : le plus important ici, et c'est évidemment important de le reporter plus haut, c'est que dès l'instant où une telle comparaison n'est plus possible hors du domaine indo-européen, on ne traite plus de psychologie humaine, mais bien de spécificités indo-européennes.
Notez que les deux types de travaux existent.

MessagePosté: Sam 18 Aoû, 2007 12:46
de Sedullos
Usher,

(Et au passage, je suis moi-même un comparatiste, en littérature… Et l'un des premiers principes qu'on applique en littérature comparée, c'est précisément de ne comparer que ce qui est comparable. Sous peine de partir dans les délires interprétatifs les plus insensés…)



Il se trouve que je suis titulaire d'une maîtrise de littérature comparée soutenue en 1984 à l'Université de Limoges, traitant de l'utilisation de la légende de la ville d'Is au XXe siècle en littérature et en bande dessinée.
Le Roux et Guyonvarc'h m'ont cité dans leur livre sur la ville d'Ys et ont même repris certains éléments de mon mémoire notamment sur les fonctions des personnages, le roi, la prostituée, le saint et l'étranger. Joël Hascoët a pu lire ce travail qui date un peu.

Cette parenthèse personelle mise à part, j'en viens à la littérature comparée. Visiblement les choses ont bien changé depuis les années 80, car, à l'époque, c'était plutôt le règne du délire entre Gilbert Durand et le structuralisme mis à toutes les sauces. Je me souviens de Guyonvarc'h me disant poliment à propos d'une revue que je lui avais offerte, "c'est très différent de ma façon de travailler".

Muskull a rappelé le fait que Dumézil et d'autres ont parfois renié certains écrits de jeunesse, d'autres le feront. Patrice a insisté sur la comparaison entre Achille et Cúchulainn qui tient la route. Je souscris à leur point de vue. Sergent a parfois la tentation de donner le coup de pouce dont parlait Dumézil, dans un entretien, de forcer la comparaison.

Ce qui me gêne le plus, mais Sergent n'est pas le seul à employer ces termes, c'est cette histoire de Proto-Celtes et de Proto-Grecs. Des Celtes ou des Grecs me semble plus clair puisqu'avant tout on part d'une notion, d'une appartenance linguistique. A quelle heure un Proto-Celte parle-t-il le celtique ?

MessagePosté: Sam 18 Aoû, 2007 14:04
de Patrice
Salut Usher,

Encore une fois, tes arguments se tiennent, concernant cet essai de Bernard Sergent sur Keltchar et Kephalos. Moi aussi je trouve que c'est un des plus faibles qu'il a pu produire. Inutile donc d'insister sur cet essai seul.

Maintenant, concernant ceci:

Sacré paradoxe : c'est la culture qui nous lègue la source la plus récente qui aurait fécondé la culture qui nous lègue la source plus ancienne de 2000 ans !! Ca se tient peut-être sur le plan indo-européanisant, mais sur un plan strictement historique, c'est bien difficilement soutenable - surtout quand on sait que le clergé irlandais est pétri de culture classique !


En mythologie, et c'est justement quelque chose qui déroute complétement les historiens souvent incapables de sortir de leurs méthodes, l'attestation la plus ancienne n'est pas nécessairement la plus fiable. Tout dépend des conditions de notation, de la volonté de l'auteur, etc.

Par exemple, dans le monde germanique, on connaît bien le mythe de Ragnarök. Problème: il n'est attesté réellement qu'à partir du Xe siècle, et surtout au XIIIe siècle grace à Snorri.
Nouveau problème: on connaît un fragment de poème épique écrit dans un dialecte bavarois et datant du IXe siècle. Ce poème s'appelle Muspilli ("Fin du monde") et donne dans les grandes lignes le même contenu que le Ragnarök. Mais le Muspilli est chrétien, d'influence orientale et décrit la lutte finale entre saint Elie et l'antéchrist.
Doit-on, selon une logique hypercritique comme la tienne, en déduire que le Ragnarök n'est qu'un rhabillage païen poétique d'un mythe chrétien apocalyptique? Doit-on penser qu'il n'existe pas de mythe de fin du monde scandinave?
Ca me paraît délicat.

En mythologie, ça n'est pas la date de l'information qui compte, mais son contenu, et les comparaisons que l'on peut faire ensuite.

A+

Patrice

MessagePosté: Sam 18 Aoû, 2007 15:43
de Alexandre
Patrice a écrit:Doit-on, selon une logique hypercritique comme la tienne, en déduire que le Ragnarök n'est qu'un rhabillage païen poétique d'un mythe chrétien apocalyptique ? Doit-on penser qu'il n'existe pas de mythe de fin du monde scandinave ?

On se doit de rappeler qu'en vérité, c'était là à peu près ce qu'on enseignait au sujet du Ragnarök jusqu'aux travaux de Darmesteter dans les années 40-50. C'est pour ça que pendant longtemps, on a soutenu que la toute fin du Ragnarök était une interpolation.

MessagePosté: Dim 19 Aoû, 2007 16:52
de Muskull
Débat savant s'il en est.
Je crois que la remarque de Fergus évoquant plus haut les travaux de Jung et de ses "continuateurs" dont M. L. Von Franz ne sont pas sans intérêt.
Dans la tradition orale les mythes étaient dits par des conteurs, des "bardes", qui étaient aussi des thérapeutes et qui insistaient sur certains points, quite à passer rapidement sur d'autres qui leur paraissaient "acquis" pour reéquilibrer une situation. Ils "habillaient" aussi certains mythèmes conformément à la culture particulière des auditeurs.
Lorsque des "rénovateurs de religion" intervenaient, ils utilisaient le corpus mythique de leur culture comme base de revivification du rite. (j'en ai déjà parlé sur un autre fil récent)
Il est donc tout à fait normal que des mythèmes se retrouvent "habillé différemment" dans des cultures parfois très éloignées et des différenciations parfois énormes intervenir du fait de la nature de cette culture particulière qu'il s'agit "d'impacter" de manière efficace. Il est donc tout à fait possible qu'un thème nocturne se trouve "solarisé" par besoin.
Ce qui est important de noter est que les cultes lunaires sont essentiellement agraires dans la période qui nous concerne et les cultes solaires du fait des cultures des éleveurs nomades. Il y a un combat patent entre les deux que l'on retrouve dans les Mabinogion entre autres.

De fait la problématique principale réside dans le fait d'intégrer ce que peut être une population traditionnelle profondément croyante où l'alléatoire du désordre et de l'ordre est un fait religieux équilibré par le rite et la "bonne pratique", un art de vivre en somme.
La grande majorité des chercheurs "scientifiques" minimisent ou ignorent cette réalité, pesant à leur encan plus ou moins matérialiste, à leur "logique" les faits avérés historiquement des populations anciennes.

MessagePosté: Lun 20 Aoû, 2007 0:24
de Sedullos
Salut, Muskull,

intéressant tout ça !
Peux-tu préciser à quel(s) récit (s) des Mabinogion tu fais allusion ?

MessagePosté: Lun 20 Aoû, 2007 11:40
de Alexandre
Muskull a écrit:Ce qui est important de noter est que les cultes lunaires sont essentiellement agraires dans la période qui nous concerne et les cultes solaires du fait des cultures des éleveurs nomades.

Tu es sûr que ce n'est plutôt l'inverse ? Le soleil est bien plus important pour l'agriculteur que pour le chasseur, qui au contraire est conditionné par la lune dans ses activités.
C'est important dans la mesure où ton idée d'un "habillage" solaire d'un thème différent mérite d'être examinée.