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Le langage de la déesse

MessagePosté: Ven 14 Sep, 2007 18:32
de Muskull
Un livre extraordinaire (et je pèse mes mots) :
Le langage de la déesse de Marija Gimbutas aux éditions "Des Femmes", préfacé par Jean Guilaine.
ISBN:2-7210-0520-0
Des centaines de très belles illustrations qui retracent la continuité de sens
du symbolisme abstrait depuis le paléolithique supérieur jusqu'aux temps historiques, certains vivants encore dans le folklore contemporain.
Une lecture qui éclaire des tas de symboles intrigants dans le domaine celtique dont le trinaire. Impossible de résumer, il faut apprendre la langage de la déesse-oiseau au travers des millénaires. :wink:

Fergus, si tu passes par là, c'est un livre pour toi ! 8)

MessagePosté: Sam 15 Sep, 2007 18:29
de Muskull
Un exemple :
Selon les interprétations de M. Gimbutas ces fameuses cupules creusés, parfois cerclés, dans de grandes roches au néolithique et plus tard représentaient en fait, sur une pierre dédiée à la déesse-oiseau, ses yeux.
La pluie, un autre de ses dons fécondants, y trouvait un caractère médicinal. Fait corroboré par de multiples folklores actuels.
Selon elle, les cercles rayonnants de ces époques considérés comme symboles solaires sont en fait des yeux de la déesse à l'origine, parfois des yeux de chouette, nocturne donc...

MessagePosté: Lun 17 Sep, 2007 16:58
de Muskull
Comme je vois que cela passionne j'en rajoute une couche :lol:
La déesse de la "vieille Europe" était trifonctionnelle :
- Celle qui donne toute chose
- Celle qui contrôle la mort
- La régénératrice
(je vous passe les représentations correspondantes mais c'est très clair dans le livre)
ça vous rappelle rien ? Paraît que c'est I.E... :roll:

MessagePosté: Lun 17 Sep, 2007 19:59
de Alexandre
Attention : Pour une divinité, être trifonctionnelle, c'est être "non fonctionnelle". Entends par là que la tripartition fonctionnelle ne constitue pas une grille de lecture pertinente pour la caractériser.
Ainsi, si l'Aurore (illustrée par Brigantia ou Athéna) est un théogène trifonctionnel, cela signifie que cette divinité ne doit pas être rangée, ou tout au moins limitativement rangée, dans une des trois catégories.

Dans le cas de la grande déesse de Gimbutas, cette "trifonctionnalité", en fait une "non-fonctionnalité", est l'illustration de ce qu'elle n'a pas une origine indo-européenne - ce que ne m'aurait pas démenti Gimbutas elle-même. Il faut bien plus vraisemblablement y voir un débordement sur l'Europe du modèle de déesse-mère illustré par l'anatolienne Kubaba à la même époque.

MessagePosté: Mar 18 Sep, 2007 15:29
de Muskull
Etant donné que Gimbutas trouve dès le néolithique supérieur des représentations de ces 3 fonctions de la déesse unique, il ne s'agit pas d'une "importation" anatolienne. De plus le concept de déesse mère ne représente que la première fonction : "celle qui donne toute chose"; qu'elle classifie ainsi:
- Celle qui donne la vie
- Celle qui donne l'eau de vie et la santé
- Celle qui annonce le printemps et prédit l'avenir
- Celle qui fait croître (ou diminuer) les biens matériels et le bonheur
- Personnification de l'énergie de vie, guérit et régénère, protège le foyer
- Protectrice de la jeune vie
Mais les 2 autres fonctions n'étaient pas moins importantes.

C'est vrai que la culture I.E. a revendiqué pour ses dieux mâles bien de ces aspects et a minoré la déesse mais il faut penser que cette culture est plus tardive que celle du néolithique, étant en quelque sorte enfanté par elle (Renfrew) et qu'elle n'a gagné sa puissance que tardivement, lorsqu'elle a pensé à monter sur le cheval au lieu de l'utiliser comme animal de bât.
Leur idéologie particulière est donc née sur le substrat millénaire du culte de la déesse et leur idéologie tripartite pourrait (je dis bien pourrait) être issue de spéculations sur les 3 aspects de la déesse.

Une "religion" qui a duré près de 10 000 ans laisse des traces, même jusqu'à l'époque actuelle et d'ailleurs Gimbutas les relève dans son ouvrage. :131:

MessagePosté: Mar 18 Sep, 2007 15:44
de Alexandre
Muskull a écrit:- Celle qui donne la vie
- Celle qui donne l'eau de vie et la santé
- Celle qui annonce le printemps et prédit l'avenir
- Celle qui fait croître (ou diminuer) les biens matériels et le bonheur
- Personnification de l'énergie de vie, guérit et régénère, protège le foyer
- Protectrice de la jeune vie

A part la mantique, ce sont là des caractérisations de 3e fonction.

En ce qui concerne la suite, je te renvoie à ce que j'ai déjà dit de la thèse de Renfrew, et ses bien curieux agriculteurs qui ne connaissent rien des céréales mais dont tous les dieux sont armés.

MessagePosté: Mar 18 Sep, 2007 15:50
de Alexandre
Plus généralement, les travaux sur la "grande déesse" de Gimbutas portent essentiellement sur la basse vallée du Danube et peut-être sur sa Lituanie natale, c'est à dire des zones qu'elle a elle-même exclues comme foyer d'origine des Indo-européens. Ils portent explicitement sur une civilisation aux marges du domaine indo-européen, aryanisée et non pas indo-européenne au départ. Et donc l'idéologie qu'elle postule in fine autour de cette grande déesse est une idéologie syncrétique, où les concepts indo-européens sont venus se superposer à des conceptions agraires plus anciennement implantées.
A aucun moment elle n'affirme que sa grande déesse est un théogène indo-européen à proprement parler : il s'agit d'un apport.

MessagePosté: Mar 18 Sep, 2007 15:57
de Muskull
Alexandre a écrit:En ce qui concerne la suite, je te renvoie à ce que j'ai déjà dit de la thèse de Renfrew, et ses bien curieux agriculteurs qui ne connaissent rien des céréales mais dont tous les dieux sont armés.

Pour être clair il ne s'agit pas de sa thèse mais d'un épisode historique qu'il utilise comme soutien. Les éleveurs nomades, issu, puis s'éloignant, puis se différenciant de la culture néolithique ont eu bien plus de mille ans pour développer un vocabulaire différencié avant leur expansion.
Voilà ce que c'est de ne plus écouter sa mère, on passe son temps à se bagarrer. :lol:
Voir aussi Jean Guilaine pour la naissance du culte du héros en Europe avant les influences I.E.
Je pense que la chronologie des évènements idéologiques suivant l'espace géographique est très important, sinon on parle de façon abstraite.

En éditant je viens de vois que nous nous sommes croisés :
Plus généralement, les travaux sur la "grande déesse" de Gimbutas portent essentiellement sur la basse vallée du Danube et peut-être sur sa Lituanie natale, c'est à dire des zones qu'elle a elle-même exclues comme foyer d'origine des Indo-européens. Ils portent explicitement sur une civilisation aux marges du domaine indo-européen, aryanisée et non pas indo-européenne au départ. Et donc l'idéologie qu'elle postule in fine autour de cette grande déesse est une idéologie syncrétique, où les concepts indo-européens sont venus se superposer à des conceptions agraires plus anciennement implantées.
A aucun moment elle n'affirme que sa grande déesse est un théogène indo-européen à proprement parler : il s'agit d'un apport.

Dans l'ouvrage que j'ai cité elle induit le domaine atlantique, la Crète, etc... Effectivement sans rapport avec les I.E. et il y a un chapitre sur "l'effet" I.E. sur la vieille "religion".
Toujours cette impression que tu lis trop en diagonale ce que j'écris. :?

MessagePosté: Mar 18 Sep, 2007 15:59
de Alexandre
Muskull a écrit:Pour être clair il ne s'agit pas de sa thèse mais d'un épisode historique qu'il utilise comme soutien.
il ?

MessagePosté: Mar 18 Sep, 2007 16:08
de Muskull
Alexandre a écrit:
Muskull a écrit:Pour être clair il ne s'agit pas de sa thèse mais d'un épisode historique qu'il utilise comme soutien.
il ?

RENFREW !!! :shock: :roll:

MessagePosté: Mar 18 Sep, 2007 17:11
de Muskull
J'aurais du commencer avec ça :
Présentation de l'éditeur
" Cet ouvrage a pour objet de présenter l'" écriture " picturale de la religion liée à la Grande Déesse de la vieille Europe, écriture composée de signes, de symboles et d'images des divinités. Telles sont nos sources fondamentales pour reconstruire cette scène préhistorique ; elles sont essentielles à une véritable compréhension de la religion et de la mythologie occidentales. [...] L'étonnante répétition des associations symboliques au cours du temps et dans toute l'Europe sur les poteries, les figurines et autres objets de culte m'a convaincue que nous sommes là devant autre chose que de simples " motifs géométriques " : ces signes appartiennent à un alphabet métaphysique. " Dans Le langage de la déesse, son ouvrage le plus important, elle questionne près de deux mille objets de la période néolithique européenne et en décrypte les symboles. Elle montre qu'il y a là une véritable écriture picturale qu'elle déchiffre pour mettre au jour les contenus cultuels et idéologiques de la " vieille Europe ". On a pu comparer ce glossaire fondamental des motifs picturaux, clés de la mythologie de cette période, au glossaire des signes de hiéroglyphes établi par Champollion à partir de la pierre de Rosette. D'autres ont salué l'invention d'une nouvelle méthode, l'" archéomythologie ", qui relie l'archéologie, la mythologie et l'anthropologie, et marque une rupture dans l'étude de l'Europe néolithique.

Image

MessagePosté: Mer 19 Sep, 2007 13:57
de Muskull
J'ai repris un tableau de l'ouvrage pour le mémoriser en le "wordisant".
Vous verrez que de nombreuses représentations se retrouve dans l'art et les mythes celtiques et ce tableau peut être utilisé comme grille de lecture de certains symboles mystérieux.

Les 3 fonctions de la déesse

1."Celle qui donne toute chose"
-a. Celle qui donne la vie
--Donne naissance sous un aspect anthropomorphe
--Mère primitive sous l’aspect d’une ourse, d’une biche ou de l’élan femelle.
-b. Celle qui donne l'eau de vie et la santé
--pierre levée, épiphanie de la déesse gardienne de l’eau de vie
--Récipient anthropomorphe ou en forme d’oiseau. Images aquatiques.
- c. Celle qui annonce le printemps et prédit l'avenir
--Déesse juvénile de type Artémis.
--Oiseaux de printemps, coucou, loriot, hirondelle, alouette, colombe.
- d. Celle qui fait croître (ou diminuer) les biens matériels et le bonheur
--Hybride oiseau aquatique femme.
--Epiphanies : canard, grue, oie, cygne, cigogne, serpent.
--Animal sacré, le bélier.
-e. Personnification de l'énergie de vie, guérit et régénère, protège le foyer.
-Femme serpent.
--Serpent couronné ou à corne.
--Génies ou pénates du foyer, humains ou animaux sous l’aspect de serpents ou d’hommes phalliques.
-f. Protectrice de la jeune vie.
--Nourrice portant un petit sac, figurines bossues.
--Madone portant un bébé à la fois anthropomorphe et zoomorphe, oiseau, serpent, ours.

2. Celle qui contrôle la mort.
-a. Présage de mort et tueuse.
--Femme vautour-chouette-serpent.
--Epiphanies : chouette, corbeau, corneille, autres oiseaux de proie ; ours, chien blanc, serpent
venimeux.
-b. Déesse de la mort.
--Os, phalange avec ou sans yeux de chouette.
--Nu raide anthropomorphe, dame blanche avec parfois des traits d’oiseau de proie ou de serpent.
--Masque effrayant avec des traits de serpent venimeux, ancêtre de la tête de Méduse.

3. La régénératrice.
-a. En tant que vulve régénératrice.
--Ovale ou forme de graine
--Triangle
--Hache
-b. Sous un aspect anthropomorphe.
--Triangle doté de seins.
--En forme de sablier avec des pattes de vautour/chouette pour mains.
-c. En tant qu’utérus régénérateur.
-- Sous une apparence zoomorphe, bucrane, poisson, grenouille, crapaud, hérisson, tortue, lézard, lièvre.
-d. Transformée en :
--Abeille, papillon ou phalène généralement représentés surgissant de la tête ou entre les corne d’un taureau.
--Abeille, papillon ou autres insectes anthropomorphes.
-d. En tant que colonne de vie.
--Sous l’aspect d’une colonne aquatique (lignes ondulantes, arcs concentriques), serpents s’élevant à la verticale, phallus ou arbre, associés à ou entourés de symboles du devenir (utérus, cornes, spirales, croissants, cycles lunaire, chiens, boucs, hommes ithyphalliques.

MessagePosté: Mer 19 Sep, 2007 19:01
de Muskull
Pour note :
Il faut aussi penser que les couleurs de la mort sont blanche et jaune pour les néolithiques, ce sont les I.E. qui ont introduit le noir comme couleur mortuaire.
J'ai sous les yeux le Cernunos du chaudron de G. à main gauche un serpent cornu (bélier), à main droite un torque qui est aussi une représentation de l'utérus. Il est sur un fond de lys d'eau et les pointillés circonscrit représentent le domaine aquatique. Il est entouré d'animaux chthoniens (sangliers) à gauche et d'un cerf à main droite.
Dans cette représentation, si l'on suit la "grille Gimbutas" il est clairement un passeur comme Charon mais aussi "résurecteur".
Et le tarvus trigaranos hein ? Les trois grues qui sortent du bucrane...

MessagePosté: Mer 19 Sep, 2007 20:55
de Alexandre
C'est très difficile et dangereux de dresser des archétypes sans aucun texte, uniquement à partir de figurations plus ou moins privées de contexte. Le risque de surinterprêtation est énorme. Gimbutas ne s'est d'ailleurs manifestement pas privée de se jeter sur un certain nombre de mythes grecs sans connexion indo-européenne ou sémitique connue - la gorgone, mais aussi les nombreux oiseaux femelles dont certains voient ou ont cru voir la présence codée dans l'Odyssée.

MessagePosté: Jeu 20 Sep, 2007 9:58
de Sedullos
Muskull a écrit:Pour note :
...
J'ai sous les yeux le Cernunos du chaudron de G. à main gauche un serpent cornu (bélier), à main droite un torque qui est aussi une représentation de l'utérus.


Muskull, salut,

Souvent lors de sorties de reconstitution, un membre du public, avisant mon torque, me dit d'un air goguenard : "Hé ça c'est le baladeur :?: :!: "

En général, je réponds : "Tout à fait, ça sert à écouter les dieux :idea: "

Mais j'avoue que le torque en tant que représentation de l'uterus est pour le moins inattendu :? :lol: :lol: :lol: