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MessagePosté: Dim 30 Sep, 2007 23:50
de Sedullos
Alexandre a écrit:La première chose que l'on enseigne sur les mythes, c'est qu'ils constituent un langage. C'est comme ça que je conçois ce que devait être le druidisme : un ensemble de conventions composant un langage pour décrire les dieux, le sacré, les hommes, les relations qui lient tout cela, et tout ce à quoi peut se référer une religion.
De même qu'il est vain de déterminer un individu ou un groupe d'individus qui auraient en un lieu et en un temps donné fixé un langage une fois pour toute, de même est-il tout aussi vain de vouloir réduire ni même faire découler le druidisme ou tout autre religion traditionnelle "des créations humaines à partir d'un message originel venu d'un individu ou d'un groupe d'individus".


Alexandre, je partage ton point de vue : l'aspect "anonyme" et presque intemporel des traditions authentiques est très irritant pour la curiosité moderne et cela même du point de vue scientifique.

Yogan, ta quête d'une spiritualité laïque rassurante, j'exagère à peine, est assez amusante. Beaucoup de gens ont du mal à accepter l'idée que les druides aient pu être à la fois des prêtres et des philosophes, des savants pratiquant des sacrifices, dont les victimes ont pu être parfois des humains. Cela semble être une telle contradiction pour notre mentalité.

Les Romains ne s'y sont pas trompés d'ailleurs.

Cicéron arguera de la cruauté des Gaulois pour faire acquitter Fonteius, gouverneur prévaricateur, accusé par des Gaulois, en soutenant que des gens comme ça ne peuvent pas dire la vérité. Cela ne l'empêcha de recevoir le druide éduen Diviciacos et de disserter avec lui.

MessagePosté: Lun 01 Oct, 2007 10:16
de Sedullos
Salut,

Brunaux et Goudineau ont expliqué à plusieurs reprises que les faits reprochés aux Gaulois et aux druides, à savoir les sacrifices humains, remontaient à une période bien antérieure à celle de César et de Cicéron, donc une période révolue au moment de la guerre des Gaules. Mais qu'à cela ne tienne, cela faisait un prétexte de plus pour montrer le caractère dangereux de ces peuples tout en laissant une porte ouverte pour l'assimilation...

S'il apparaît assez périlleux de vouloir dater avec trop de précision l'apparition du druidisme, il nous reste les datations beaucoup plus fiables des grands sanctuaires du Nord, Gournay-sur-Aronde chez les Bellovaques, Ribemont-sur-Ancre chez les Ambiens et depuis peu des sanctuaires du Centre comme Corent chez les Arvernes ou Tintignac chez les Lémovices, cette liste étant non exhaustive.

MessagePosté: Lun 01 Oct, 2007 11:38
de Patrice
Salut,

S'il apparaît assez périlleux de vouloir dater avec trop de précision l'apparition du druidisme, il nous reste les datations beaucoup plus fiables des grands sanctuaires du Nord, Gournay-sur-Aronde chez les Bellovaques, Ribemont-sur-Ancre chez les Ambiens et depuis peu des sanctuaires du Centre comme Corent chez les Arvernes ou Tintignac chez les Lémovices, cette liste étant non exhaustive.


La date de sanctuaire ne permet en rien de dater un "mouvement" religieux ou une doctrine.

A+

Patrice

MessagePosté: Lun 01 Oct, 2007 14:10
de Sedullos
Salut, Patrice,

Je suis bien d'accord, je me suis sans doute mal exprimé.

J'aurais dû écrire : "à défaut de pouvoir déterminer la date de l'apparition du druidisme, on peut au moins dater les sanctuaires gaulois, sans que ce dernier point n'éclaire beaucoup le premier."

A noter que Ribemont semble être une création celtique à part entière.

MessagePosté: Lun 01 Oct, 2007 17:41
de Muskull
En attendant de savoir quand est né le 1° druide :wink:
Car effectivement, un sanctuaire celtique n'implique pas nécessairement un druide à moins que l'on implique dans cette désignation tous les "sacerdotes" des celtes ; ce qui est loin d'être évident...
Alexandre a écrit:La première chose que l'on enseigne sur les mythes, c'est qu'ils constituent un langage. C'est comme ça que je conçois ce que devait être le druidisme : un ensemble de conventions composant un langage pour décrire les dieux, le sacré, les hommes, les relations qui lient tout cela, et tout ce à quoi peut se référer une religion.

C'est très juste mais comparer ce langage à une langue est pour le moins osé. Les gens qui utilise une langue ont une image précise de ce que le mot "contient" ; on dit chat et ils voient un chat vivant. Le langage symbolique est différent, il fluctue suivant les cultures et le temps et s'il est très souvent utilisé de façon inconsciente, peu en connaissent les "contenus" et l'histoire de leur évolution dans les représentations collectives. Ce à quoi se sont appliqués le jungiens entre autres mais ce sont les plus connus en occident.

Alexandre a écrit: De même qu'il est vain de déterminer un individu ou un groupe d'individus qui auraient en un lieu et en un temps donné fixé un langage une fois pour toute, de même est-il tout aussi vain de vouloir réduire ni même faire découler le druidisme ou tout autre religion traditionnelle "des créations humaines à partir d'un message originel venu d'un individu ou d'un groupe d'individus".

Combien de fois vas-tu me traiter encore de "vain" et de "réducteur" ?
Il ne s'agit pas de fixer "une fois pour toute" des commentaires philosophiques et des explications de textes mais d'utiliser ses connaissances pour se concilier les pouvoirs temporels ce qui est une infâmie pour les philosophes mais est le principe de nombre de religions.
Je présume que toi aussi tu aurais condamné Socrate ou Hallaj mais c'est ton problème, pas le mien. Ton arrogance m'insupporte.

MessagePosté: Lun 01 Oct, 2007 18:11
de Jacques
Muskull a écrit:Je présume que toi aussi tu aurais condamné Socrate ou Hallaj mais c'est ton problème, pas le mien. Ton arrogance m'insupporte.
:132:

MessagePosté: Lun 01 Oct, 2007 19:01
de Alexandre
Muskull a écrit:C'est très juste mais comparer ce langage à une langue est pour le moins osé. Les gens qui utilise une langue ont une image précise de ce que le mot "contient" ; on dit chat et ils voient un chat vivant.

Certes, mais c'est probablement plus pertinent que tu le crois, car lorsqu'on dit "chat", tout le monde ne voit pas la même chose. Mon professeur de linguistique à la Sorbonne avait un exemple remarquable à ce sujet, en reprenant un passage d'Hernani :

"Tu es mon lion, superbe et généreux."

Vois-tu un lion ?
Dois-tu voir un lion ?
A quoi te fait penser un lion ?

C'est valable aussi pour le chat. Mon chat dort sur mon lit. Certaines personnes sont allergiques aux poils de chat. Nous n'associons assurément pas les mêmes idées au mot "chat".
Tu crois que "les gens qui utilisent une langue ont une image précise de ce que le mot contient". Ce n'est vrai qu'en première approximation, exactement comme pour les images que les mythes contiennent.

MessagePosté: Lun 01 Oct, 2007 21:30
de Patrice
Salut,

C'est très juste mais comparer ce langage à une langue est pour le moins osé.


C'est pourtant ce que font de grands chercheurs comme Algirdas-Julien Greimas (voir Des Dieux et des hommes, 1985, PUF) ou Vyatcheslav V. Ivanov (là je ne donnerais pas de référence parce que c'est en russe). Mais leurs travaux montrent bien que les récits, leur ordonnancement, leurs détails constituent un langage (méta-langage? j'ai peur des gros mots) à part entière, au dessus des langues elles-mêmes. Quelque part on rejoint là le principe des grandes typologies des contes, comme celle de Aarne et Thompson, qui sont internationales.

A+

Patrice

MessagePosté: Mar 02 Oct, 2007 10:42
de Thierry
Pour Sed, Ciceron fait triompher sa cause en jouant sur les préjugés de son époque. Dans le cadre de sa profession, c'est encore une technique utilisée parfois aujourd'hui....C'est gros mais ça marche :roll:

Plus sérieusement, je crois comme toi, que la date d'apparition des sanctuaires n'est pas anodine...

Enfin concernant les sacrifices humains, il ne faut pas se laisser abuser par César ou Lucain, comme je l'ai déjà exprimé il est extrêmement difficile de faire la part des choses entre condamnation au nom des dieux (de Dieu) et dévotion, l'exemple de Fesques est parlant à cet égard et l'interprétation de Brunaux (Tribunal - sanctuaire et lieu d'exécution) est très intéressante...

Quant aux Romains :roll: .....Ce n'est pas Crassus, par exemple, qui fit élever des milliers de croix de Capoue à Rome afin d'exposer les milliers d'esclaves suppliciés par suite de la révolte de Spartacus ? Histoire de montrer au peuple la puissance divine de Rome et la colère des dieux....

MessagePosté: Mar 02 Oct, 2007 15:07
de Auetos
Muskull a écrit:Certains ont certainement pensé à cette époque que "se fondre" était profitable pour le maintien de leurs privilèges. D'autres ont maintenu les anciens rites à l'écart des nouvelles villes. C'est peut-être d'où viennet ces images de druides sylvicoles transmises par le premiers chrétiens. Une tradition perdue survivant chez les "ilotes"...


Je profite de cette fissure pour m’y glisser.
Ne peut-on pas imaginer que ces druides sylvicoles qui ont maintenu les anciens rites à l’écart des villes, et peut-être même à l’écart tout cours, aient pu transmettre leur tradition de maître à élève via certaines confréries forestières, les herboristes et autres « sorciers » ?

C’est un peu tirer par les cheveux, je sais, mais est-ce possible ou tout du moins pensable ?

MessagePosté: Mar 02 Oct, 2007 15:24
de Sedullos
Thierry a écrit:Enfin concernant les sacrifices humains, il ne faut pas se laisser abuser par César ou Lucain, comme je l'ai déjà exprimé il est extrêmement difficile de faire la part des choses entre condamnation au nom des dieux (de Dieu) et dévotion, l'exemple de Fesques est parlant à cet égard et l'interprétation de Brunaux (Tribunal - sanctuaire et lieu d'exécution) est très intéressante...



Salut, Thierry,

Je suis d'accord avec toi concernant l'hypothèse de Brunaux, sur le lien tribunal, sanctuaire, lieu d'exécution. On peut déjà le pressentir quand César parle du sacrifice des criminels et ajoute perfidement que lorsque les Gaulois n'ont pas de criminels sous la main, ils n'hésitent pas à sacrifier des innocents...

MessagePosté: Mar 02 Oct, 2007 15:39
de Sedullos
Thierry a écrit:Quant aux Romains :roll: .....Ce n'est pas Crassus, par exemple, qui fit élever des milliers de croix de Capoue à Rome afin d'exposer les milliers d'esclaves suppliciés par suite de la révolte de Spartacus ? Histoire de montrer au peuple la puissance divine de Rome et la colère des dieux....


Oui, pour Crassus, mais je ne partage pas complètement ton interprétation. Il a montré la puissance de Rome tout court et en creux la peur ressentie par les Romains, surtout les plus riches, face à cette révolte. L'aspect religieux passe après l'aspect politique et judiciaire.

Tout esclave fugitif ou révolté risquait la croix mais ce qui frappe ici c'est l'accumulation.

Il faut se représenter une route où on aurait, à la place de nos lampadaires, un crucifié. Le message est clair.

Pendant les guerres puniques, on avait armé des esclaves pour combattre Hannibal au grand scandale des Romains les plus conservateurs.

Pendant la révolte de Spartacus, les révoltés, gladiateurs et esclaves, ont vaincu des armées romaines ce qui est une honte pour Rome.

C'est la trahison des pirates qui a empêché Spartacus et ses troupes de s'échapper en Sicile.

MessagePosté: Mar 02 Oct, 2007 20:27
de Muskull
Alexandre a écrit:
Muskull a écrit:C'est très juste mais comparer ce langage à une langue est pour le moins osé. Les gens qui utilise une langue ont une image précise de ce que le mot "contient" ; on dit chat et ils voient un chat vivant.

Certes, mais c'est probablement plus pertinent que tu le crois, car lorsqu'on dit "chat", tout le monde ne voit pas la même chose. Mon professeur de linguistique à la Sorbonne avait un exemple remarquable à ce sujet, en reprenant un passage d'Hernani :

"Tu es mon lion, superbe et généreux."

Vois-tu un lion ?
Dois-tu voir un lion ?
A quoi te fait penser un lion ?

C'est valable aussi pour le chat. Mon chat dort sur mon lit. Certaines personnes sont allergiques aux poils de chat. Nous n'associons assurément pas les mêmes idées au mot "chat".
Tu crois que "les gens qui utilisent une langue ont une image précise de ce que le mot contient". Ce n'est vrai qu'en première approximation, exactement comme pour les images que les mythes contiennent.

C'est très bien, Alexandre est un grand garçon qui a bien appris ses leçons. :lol:
C'est vraiment le B.A. BA de la psycho.
Bien sûr Patrice que le langage symbolique est un langage, la "langue des oiseaux" disaient les philosophes médiévaux, mais il est réservé et peut être interprété et enseigné à tort, on ne peut le ranger dans les langues sociales pour l'analyser.

MessagePosté: Mar 02 Oct, 2007 20:49
de Alexandre
Muskull a écrit:Bien sûr Patrice que le langage symbolique est un langage, la "langue des oiseaux" disaient les philosophes médiévaux, mais il est réservé et peut être interprété et enseigné à tort, on ne peut le ranger dans les langues sociales pour l'analyser.

On peut aussi mal enseigner un langage au sens strict. Un langage est toujours une convention, à ce titre, on peut toujours se tromper quand on le transmet. Il n'y a pas de lien contingent entre un signifiant et son signifié - sinon, il n'y aurait qu'une seule langue possible.
Je crois m'être déjà étendu sur le sujet sur un autre fil, et je crois même me souvenir que je ne suis pas le seul.

MessagePosté: Mar 02 Oct, 2007 20:52
de Alexandre
Muskull a écrit:C'est très bien, Alexandre est un grand garçon qui a bien appris ses leçons. :lol:

Toi aussi, tu devrais essayer... On ne sait jamais ! :lol: