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MessagePosté: Lun 19 Nov, 2007 10:06
de Thierry
Bonjour, je ne connais pas le livre de Brunaux mais il est vrai que les influences et interdépendances avec le mode méditerranéen notamment sur le plan des idées me semblent évidentes....

Je rapproche l'idée qui nous est présentée ici pour Brunaux d'une très forte influence héllénique au V° siècle, d'une analyse de Buchsenschutz.

Le V° siècle av JC est précisément le siècle de la fin de Halsttat pour le monde celtique, fin caractérisée par la chute des très riches principautés celtiques, et donc d'un pouvoir royal unique et centralisé.

Cette chute des potentats celtes est très nettement caractérisée par une plus large diffusion des richesses et des objet précieux, une plus grande dilution et un certain appauvrissement aussi de la production d'objet d'élite.

D'après Buchsenschutz, le passage archéologique entre Halsttat et La Tène est le signe d'un changement politique menant à une plus large répartition des richesses....

Par suite, des découvertes archéologiques commes celles de Fesques laissent à penser qu'au III° siècle il existe des assemblées politiques d'hommes en arme en Gaule exactement comme il existe des Comices Centuriates à Rome. Il est permis de considérer que très tôt des peuples gaulois ont eu le fonctionnement politique de républiques aristocratiques.

Comme par hasard, le V° siècle, c'est aussi l'époque de l'émergence de la République romaine et le siècle d'or de la démocratie athénienne. C'est le siècle, en Gréce et à Rome de l'émergence de la législation....

Je ne veux évidemment pas dire qu'il y a partout une forme d'uniformisation, bien évidemment, mais qu'il existe des influences non unilatérales, oui cent fois oui....Je ne vois pas pourquoi d'ailleurs l'histoire des idées ferait exception....

Ce qui me semble curieux, c'est que le fait que des penseurs grecs puissent avoir un rayonnement jusqu'en Gaule - ce qui me paraît presqu'évident - ne signifie pas que leur pensée ait pu donner naissance, en soi, à la formation d'une élite "intellectuelle". Je n'ai pas lu le livre de Brunaux mais, à priori, il m'aurait semblé plus logique de considérer l'appropriation d'idées nouvelles par une caste préexistente.

En ce qui concerne le terme de l'influence druidique, comme pour l'apparition, je ne crois pas aux phénomènes historiques "ex nihilo".

Des éléments comme le calendrier de Coligny, la place même de l'évêque dans les premiers temps de la chrétienté gauloise me semblent même au contraire militer pour une très grande persistance, certes peu officiellemet estampillée "druide celte" mais très réelle - un peu comme les 99 % des maisons "gallo-romaines" qui restent des maisons de bois et de torchis.

MessagePosté: Lun 19 Nov, 2007 11:49
de Alexandre
Sedullos a écrit:Justement, il me semble bien que J.L. Brunaux considère que c'est une exagération de considérer que les druides sont de retour au Ier siècle comme par exemple lors de la révolte de Florus et Sacrovir en 21 apr. J.-C. Pour lui ce sont des charlatans et des imposteurs qui usurpent le nom des druides. Ce qui est très curieux, c'est que Le Roux et Guyonvarc'h ont à peu de choses près le même point de vue. Ce qui inclut le fait que ces révoltes n'ont pas en vue un retour vers l'indépendance mais témoignent de l'exaspération devant la lourdeur des prélévements fiscaux.

C'est effectivement curieux si Brunaux s'en est tenu à des données archéologiques... car le caractère de druide ou de charlatant d'un chef de révolte ne laisse aucune trace en archéologie.

MessagePosté: Lun 19 Nov, 2007 11:55
de Alexandre
Thierry a écrit:Le V° siècle av JC est précisément le siècle de la fin de Halsttat pour le monde celtique, fin caractérisée par la chute des très riches principautés celtiques, et donc d'un pouvoir royal unique et centralisé.

(...)

Par suite, des découvertes archéologiques commes celles de Fesques laissent à penser qu'au III° siècle il existe des assemblées politiques d'hommes en arme en Gaule exactement comme il existe des Comices Centuriates à Rome. Il est permis de considérer que très tôt des peuples gaulois ont eu le fonctionnement politique de républiques aristocratiques.

Relisez l'Illiade... elle nous décrit une société avec un petit nombre de chefs très opulents, et en même temps un gouvernement qui ressemble déjà à une assemblée d'hommes en armes.
Idéologiquement, le chef unique et centralisateur est un idéal moyen-oriental, pas européen. Pourquoi en aurait-il été ainsi dans les plus vieilles sociétés celtiques ?

MessagePosté: Lun 19 Nov, 2007 12:36
de Sedullos
Salut, Alexandre,

Pour que ce soit plus clair, Brunaux ne dit pas pas que les chefs de révolte sont des druides ou des charlatans. Il constate que les prophètes se multiplient et que cela coincide plus ou moins avec des mouvements de révolte. L'incendie de Rome et du Capitole est interprété comme un signe de la colère des dieux et des prophètes prédisent la chute de Rome et le transfert de l'empire aux Transalpins, il y a un texte qui en parle. Pour le reste Brunaux utilise l'histoire, les textes, l'archéologie et d'autres discipines.

MessagePosté: Lun 19 Nov, 2007 12:39
de Sedullos
Thierry a écrit:Ce qui me semble curieux, c'est que le fait que des penseurs grecs puissent avoir un rayonnement jusqu'en Gaule - ce qui me paraît presqu'évident - ne signifie pas que leur pensée ait pu donner naissance, en soi, à la formation d'une élite "intellectuelle". Je n'ai pas lu le livre de Brunaux mais, à priori, il m'aurait semblé plus logique de considérer l'appropriation d'idées nouvelles par une caste préexistente.


Oui à moi aussi :D

MessagePosté: Lun 19 Nov, 2007 12:53
de Sedullos
Thierry a écrit:Par suite, des découvertes archéologiques commes celles de Fesques laissent à penser qu'au III° siècle il existe des assemblées politiques d'hommes en arme en Gaule exactement comme il existe des Comices Centuriates à Rome. Il est permis de considérer que très tôt des peuples gaulois ont eu le fonctionnement politique de républiques aristocratiques.


Oui, cela d'ailleurs s'accorde assez bien avec un type de formation guerrière, adoptée des Grecs et adaptée, la phalange rassemblant des porteurs de lances et de boucliers

Pierre Vidal Naquet établissait un lien entre les lignes des hoplites et l'institution de la démocratie chez les Grecs avec cette idée que l'égalité des citoyens se manifeste sur le champ de bataille à travers lesguerriers combattant épaule contre épaule. [Cela n'exclut pas la royauté pour autant, cf le roi Léonidas qui meurt avec ses hommes aux Thermopyles.]

La démocratie est à la fois directe et relative. Claude Mossé donnait des chiffres la semaine dernière sur France Inter ou Culture. Athènes au Ve siècle av. J.-C., 30000/35 000 citoyens pour 9000 places à l'assemblée, 100 000 esclaves et 10000 Métèques (= les Etrangers).

En pleine guerre des Gaules, les Nerviens semblent perpétuer cette tradition des lanciers puisqu'ils combattent exclusivement à pied alors que les Eduens et les Arvernes disposent d'une nombreuse cavalerie aristocratique

MessagePosté: Lun 19 Nov, 2007 19:57
de Muskull
Sedullos a écrit:
Thierry a écrit:Ce qui me semble curieux, c'est que le fait que des penseurs grecs puissent avoir un rayonnement jusqu'en Gaule - ce qui me paraît presqu'évident - ne signifie pas que leur pensée ait pu donner naissance, en soi, à la formation d'une élite "intellectuelle". Je n'ai pas lu le livre de Brunaux mais, à priori, il m'aurait semblé plus logique de considérer l'appropriation d'idées nouvelles par une caste préexistente.

Oui à moi aussi :D

Je partage votre avis car il y a tout de même cet interdit de l'écrit qui n'est pas grec du tout et qui dénote une philosophie plus théiste voire plus théurgique et beaucoup moins "polymorphe" que celle des grecs. W. Kruta dans ses analyses de l'art du IV°/III° siècle suggère une forme de monothéisme.
J'oserais même pousser le bouchon plus loin car la propagation de cet art dans ses objets les plus prestigieux a été porté par les expansions guerrières du III° siècle. Kruta note que des artisans "très savants" suivaient les armées de conquête. De là à penser que le moteur des "peuples qui se mettent en marche" était une forme de "croisade" druidique, c'est osé mais pourquoi pas car je n'ai lu aucune explication climatique à ce propos ; l'explication coutumière étant l'expansion démographique.

Ce que l'on peut par contre relever de l'inspiration grecque est peut-être l'adoption d'un nouveau mode d'enseignement plus étendu aux "cités" et des pensées progressives nouvelles comme la démocratie, mais... :?
Sedullos évoque les spartiates, j'ai toujours pensé qu'il y avait "quelque chose" dans cette culture de proche de certaines cultures celtiques du nord de l'Europe.

MessagePosté: Lun 19 Nov, 2007 21:00
de Pierre
Alexandre a écrit:C'est effectivement curieux si Brunaux s'en est tenu à des données archéologiques...


Absolument pas, Mr Brunaux dans cet ouvrage ne s'appuie pas directement sur des données archéologiques, mais plutôt sur les textes antiques...

La conclusion ne m'a pas convaincu. Mais l'étude est intéressante, et a au moins l'avantage de secouer un cocotier qui en a bien besoin...

A lire (tout comme le dernier Buchsenschutz) :wink:


@+Pierre

MessagePosté: Lun 19 Nov, 2007 22:27
de Alexandre
Muskull a écrit:Je partage votre avis car il y a tout de même cet interdit de l'écrit qui n'est pas grec du tout

Ce n'est pas vrai du tout : (re)lis Platon. Ce n'est pas par hasard si Socrate n'a rien écrit. L'écriture des textes sacrés est un fait athénien, et seulement à partir de la seconde moitié du Ve siècle.

Le première loi du code légal de Sparte stipulait que la loi de Sparte ne devait pas être posée par écrit.

MessagePosté: Mar 20 Nov, 2007 0:13
de Sedullos
Pierre a écrit:
Alexandre a écrit:C'est effectivement curieux si Brunaux s'en est tenu à des données archéologiques...


Absolument pas, Mr Brunaux dans cet ouvrage ne s'appuie pas directement sur des données archéologiques, mais plutôt sur les textes antiques...

La conclusion ne m'a pas convaincu. Mais l'étude est intéressante, et a au moins l'avantage de secouer un cocotier qui en a bien besoin...

A lire (tout comme le dernier Buchsenschutz) :wink:


@+Pierre


Les Celtes de Buchsenschutz, je l'ai seulement parcouru jusqu'ici.

C'est le prochain sur ma liste et après ce sera L'âge du vin de Matthieu Poux, un énorme pavé de plus de 600 pages :roll:

Au fait, Pierre, Jean-Louis Brunaux évoque en quelques lignes le banquet de Luern et ça n'a rien d'un restaurant :lol:. C'est un banquet politique et électoral.

Un banquet politique où les clients de Luern sont invités et même convoqués, la date a été fixée à l'avance comme le souligne Matthieu Poux dans L'âge du vin .

Il y a obligation de s'y rendre, d'où les soucis du barde qui arrive en retard et rattrape le coup en célébrant la générosité de son hôte. Matthieu Poux envisage même que des sanctions pouvaient frapper les retardataires ce qui explique la scène du barde courant au devant du char de Luern. Celui-ci remet au barde une bourse ce qui rappelle la distribution de pièces d'or et d'argent au début de ce récit d'Athénée.

MessagePosté: Mar 20 Nov, 2007 9:51
de Thierry
Alexandre a écrit:Relisez l'Illiade... elle nous décrit une société avec un petit nombre de chefs très opulents, et en même temps un gouvernement qui ressemble déjà à une assemblée d'hommes en armes.
Idéologiquement, le chef unique et centralisateur est un idéal moyen-oriental, pas européen. Pourquoi en aurait-il été ainsi dans les plus vieilles sociétés celtiques ?


Il faudrait déjà pouvoir situer l'Illiade historiquement (souvenir lointain de l'âge mycénien ou moyen âge grec) mais de toutes façons cela n'a rien à voir avec les Comices romains, assemblées électives et législatives très structurées.

Idéologiquement, tu l'as dit, c'est ton discours qui est idéologique....Européen donc pas de chef unique, ah bon ? c'est pourtant l'histoire européenne qui a fourni les plus "beaux" exemples de dictature et de totalitarisme... Et pour en revenir aux temps qui nous intéressent, les Carthaginois d'origine Phéniciennes et Africaines sont républicains et ont un Sénat, la dictature est juridiquement un concept purement romain, et l'empire romain est le plus bel exemple qui soit de pouvoir centralisé autocratique et personnalisé....un dévoiement lié à l'influence orientale sans doute ? ah j'oubliais, c'était tellement mieux quand les Romains étaient des paysans soldats rudes et d'une probité à toute épreuve tel Cincinatus abandonné sa charrue pour l'imperium... :roll:

D'ailleurs à cette époque rude et prude les romains fantasmés étaient quasiment comme les celtes, non ? et bien non, les princes celtiques accumulaient des richesses et déployaient un luxe inoui digne de pharaon, pour un seul homme....certes ils ne régnaient que sur de petites principautés mais celles-ci avaient une influence commerciale considérable. Ce n'étaient pas de grands chefs de guerre mais leurs tombeaux que l'on connaît bien et leurs palais que l'on commence à connaître témoignent d'une centralisation des richesses à un profit unique qui ne colle pas avec une idée vertueuse et guerrière européano-fantasmatique.

MessagePosté: Mar 20 Nov, 2007 10:38
de Patrice
Salut,

Je ne dirais rien ici: tout le monde sait ce que je pense de ce bouquin...

A+

Patrice

MessagePosté: Mar 20 Nov, 2007 11:35
de Alexandre
Thierry a écrit:c'était tellement mieux quand les Romains étaient des paysans soldats rudes et d'une probité à toute épreuve tel Cincinatus abandonné sa charrue pour l'imperium... :roll:

Comme tu le dis toi-même, je me suis placé du strict point de vue de l'idéologie en vigueur en Europe à l'époque. Le récit de Cincinatus ou celui de Miltiade s'inscrivent dans cette logique, même si la pratique ne colle pas toujours avec la théorie. Ironiser dessus n'y changera rien.
Tu devrais plutôt lire l'Epopée de Gilgamesh. Tu y découvriras comment le Moyen-Orient concevait le pouvoir. Là encore, il pouvait y avoir des nuances entre la théorie et la pratique, mais ça te fera dire moins de...

Pardon Pan !

MessagePosté: Mar 20 Nov, 2007 15:43
de Thierry
Alexandre, je te parle d'histoire et d'archéologie et non pas d'une vision statique triphasée qui nie les découvertes et les connaissances archéologiques.

Maintenant ça fait la deuxième fois que tu m'insultes, je pense que tu devrais t'excuser ou DEGAGER.

MessagePosté: Mar 20 Nov, 2007 16:19
de Sedullos
Revenons aux druides, aux banquets avant que Pierre ne taille des pans de manteaux.

Thierry faisait allusion à Carthage, sa république, son sénat.

J'ai lu récemment qu'Aristote considérait la constitution de Carthage comme la meilleure qui soit, mais je ne sais plus dans quel livre.