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MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 14:20
de Alexandre
Muskull a écrit:J'aimerais savoir qui est ce "on" qui n'en sait rien et pour qui J. T. Hooker, ainsi que J.-P. Olivier ont fait des analyses sans le moindre intérêt. :?

Je n'ai pas dit sans intérêt... Mais quand ils constatent que l'écriture linéaire B servaient sûrement au moins autant à écrire sur papyrus que sur pierre, c'est vrai aussi du linéaire A.
Quant à l'argument selon quoi le linéaire B étant plus "cursif" que le linéaire A, il correspondrait à une adaptation au paryrus et au cuir, je ferais remarquer qu'en ce qui concerne l'alphabet grec - bien plus tard - le Σ est une invention tardive. Pendant longtemps, la sifflante majuscule de l'alphabet grec se notait C - usage qui s'est conservé dans les colonies grecques de la Mer Noire, d'où son choix pour l'alphabet cyrillique. En conséquence de quoi, l'argument comme quoi le caractère "rond" d'une écriture est forcément tardif et traduit nécessairement une adaptation à un support de type papyrus ou cuir ne me paraît pas fiable à 100%.

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 14:39
de Muskull
OK, c'est mieux quand tu expliques ton point de vue de façon moins lapidaire.
Bien sûr, en ce domaine rien ne peut être fiable à 100%. :wink:
Le point important par rapport au sujet du fil est que nous n'avons que (ou quasi) des écrits comptables parce que ceux-ci ont été conservés accidentellement (incendie).
On peut aussi postuler qu'il y ait eu des écrits druidiques (correspondances, pense-bêtes, shémas explicatifs,etc...) mais que ceux-ci aient disparus naturellement. Car même si la doctrine n'était pas écrite, cela n'empêche pas des éléments périphériques.

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 14:46
de Jacques
Muskull a écrit:On peut aussi postuler qu'il y ait eu des écrits druidiques (correspondances, pense-bêtes, shémas explicatifs,etc...) mais que ceux-ci aient disparus naturellement. Car même si la doctrine n'était pas écrite, cela n'empêche pas des éléments périphériques.
... des calendriers, par exemple, comme celui de Coligny, dont il a pu exister des exemplaires au temps de l'indépendance, peut-être sur des supports périssables. Le calendrier de Coligny n'a pas pu surgir ex nihilo sous prétexte de fixer un savoir qui disparaissait, il a dû être copié d'après d'autres documents.

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 14:57
de Alexandre
Sedullos et moi en avons parlé il n'y a pas longtemps...

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 15:34
de Muskull
Fragment d'une interview de J.L. Bruneaux au Point à ce propos:
Vous-même, n'avez-vous pas tendance à faire des druides des « philosophes » à la grecque égarés chez les Barbares ?

Non. Comme celle des présocratiques, la philosophie druidique est un savoir universel incluant la métaphysique, les mathématiques, l'astronomie, la botanique, la géographie, la géologie... Loin d'être des magiciens répandant la superstition, ces intellectuels cherchent les causes premières des choses, sous forme d'une pensée qui commence à revendiquer sa rationalité.

Vraiment ?

Quand on voit le calendrier trouvé à Coligny, dans l'Ain, datant du Ier siècle, héritage de leur savoir astronomique, ou des créations artistiques comme certaines phalères au décor géométrique d'une complexité inouïe, on n'est plus dans le domaine des tâtonnements, mais bien de travaux fondés sur des calculs, des mesures, des expériences.

Mais pourquoi, alors, rejetaient-ils l'écriture ?

Cette histoire est un malentendu résultant d'une mauvaise interprétation du texte de César. Les druides prohibaient l'écriture pour les autres, mais afin de s'en réserver l'usage exclusif ! Malheureusement, leurs textes, consignés sur des tablettes d'argile, de bois ou des papyrus, ne sont pas parvenus jusqu'à nous. Le monopole de l'écrit leur permettait de garder la haute main sur les calendriers, les archives, les contrats, les Constitutions politiques. Car leur entreprise de moralisation de la société gauloise passait par un contrôle du savoir.

Bruneaux semble donc privilégier l'argument politique plutôt que celui de Socrate qui par contre était retenu par Dumezil :
Aux deux raisons un peu courtes alléguées par César : souci d'ésotérisme corporatif et danger d'affaiblissement de la mémoire chez les élèves, Dumézil, mis en éveil par un texte de Plutarque (Numa, 22, 2), en a substitué une troisième, plus profonde et d'où découlent les deux autres : sans la parole vivifiante du maître, ce savoir était voué à la sclérose, il devenait seulement formulaire, et donc, comme dit Plutarque, apsukhon. C'était, en somme, le moyen de concilier tradition et actualité. Cl. Sterckx fait remarquer à ce propos que les inscriptions celtiques ou même gallo-romaines s'en tiennent à des messages immuables (épitaphes, ex-voto, exécrations... ) jusqu'à l'époque chrétienne. Il est vrai que la Gaule conquise par César, qui ne manquait pas d'écoles, n'a donné aucun écrivain latin avant le Bas-Empire : inconscient ou non, serait-ce là un effet du vieil interdit druidique ?

http://bcs.fltr.ucl.ac.be/fe/01/Druides.html

Le texte de Plutarque :
On ne brûla pas son corps (celui de Numa), parce qu’il l’avait défendu; mais on fit deux cercueils de pierre, qu’on enterra au pied du Janicule: l’un renfermait son corps, et l’autre les livres sacrés qu’il avait écrits lui-même, comme les législateurs grecs écrivaient leurs tables. Pendant sa vie, il avait instruit les prêtres de tout ce que ces livres contenaient et en avait fixé dans leur mémoire tout le contenu et la doctrine; il avait ordonné de les enterrer avec lui, parce qu’il ne jugeait pas convenable de confier à des lettres mortes la garde de ses enseignements secrets. (3) C’est, à ce qu’on dit, par le même motif que les Pythagoriciens n’écrivent pas non plus leurs doctrines et qu’ils les enseignent seulement de vive voix à ceux qu’ils en jugent dignes. (4) Ils racontent eux-mêmes qu’ayant un jour communiqué à un homme qui en était indigne quelques-unes des questions les plus subtiles et les moins connues de la géométrie, les dieux firent connaître qu’ils puniraient, par quelque grande calamité publique, cette profanation et cette impiété. (5) Il ne faut donc pas condamner avec sévérité ceux qui, se fondant sur tous ces rapprochements, soutiennent que Pythagore et Numa se sont rencontrés. (6) Antias rapporte qu’on avait mis dans le cercueil douze livres sur les rituels pontificaux, et douze autres écrits en grec sur des sujets philosophiques. (7) Environ quatre cents ans après, sous le consulat de P. Cornélius et de M. Baebius, des pluies abondantes ayant fait s'entrouvrir la terre, les cercueils restèrent à découvert. On les ouvrit. (8) On trouva l’un d'eux entièrement vide, sans aucun reste de corps; dans l’autre, les livres sacrés s’étaient conservés. Le préteur Pétilius, après les avoir lus, fit son rapport au sénat, et jura qu’il n’était ni pieux ni juste de les rendre publics. En conséquence, ils furent porté dans le Comitium et brûlés.

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 16:12
de Alexandre
Muskull a écrit:Cette histoire est un malentendu résultant d'une mauvaise interprétation du texte de César. Les druides prohibaient l'écriture pour les autres, mais afin de s'en réserver l'usage exclusif !

Donc, s'il ne nous est parvenu du gaulois que des textes profanes, c'est parce les druides proscrivaient l'écriture pour les profanes et la réservaient aux textes sacrés :?:

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 16:45
de Muskull
Alexandre a écrit:
Muskull a écrit:Cette histoire est un malentendu résultant d'une mauvaise interprétation du texte de César. Les druides prohibaient l'écriture pour les autres, mais afin de s'en réserver l'usage exclusif !

Donc, s'il ne nous est parvenu du gaulois que des textes profanes, c'est parce les druides proscrivaient l'écriture pour les profanes et la réservaient aux textes sacrés :?:

C'est Bruneaux qui dit Alexandre, pas moi. :wink:
De quels textes profanes gaulois parles-tu ?
Mais tu relèves une contradiction de Bruneaux. Si effectivement les druides étaient plus philosophes que sacerdotes, l'option de Dumezil (et de Socrate) serait à privilégier. S'ils étaient d'une caste sociale jalouse de son pouvoir son option est juste.
Moi je penche du côté philosophes, du moins jusqu'au II° siècle, et ce que dit Plutarque élargit alors fortement la problématique, non seulement parce que l'influence de la philosophie grecque devient évidente (au moins depuis Thales) mais aussi parce que cette philosophie a interagit en Europe de l'ouest avec des "chercheurs de vérité" qui se transmettaient un enseignement savant depuis au moins l'âge de bronze. (voir Stonehenge et le disque de Nebra entre autres...)

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 17:12
de gérard
Un peu de pub:
JL Brunaux sera à Nantes, à 18h15, salle Bretagne, rue Villebois Mareuil,
demain lundi soir 26 novembre 2007, invité par l'association Nantes Histoire,
pour une conférence: "Quelle est la réalité historique des druides?"
(une h de cours magistral + une demie heure de réponse aux questions posées par le public)

Gens de l'Arbre celtique de la région, ne loupez pas ce rendez-vous!

gg

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 17:19
de Muskull
Pour une meilleure compréhension des visiteurs et lecteurs du forum je joins des fragments du Phèdre de Platon complétés grâce à Elanis. :wink:
- Très ingénieux Theuth, tel homme est capable de créer les arts, et tel autre est à même de juger quel lot d'utilité ou de nocivité ils conféreront à ceux qui en feront usage. Et c'est ainsi que toi, père de l'écriture (patêr ôn grammatôn), tu lui attribues, par bienveillance, tout le contraire de ce qu'elle peut apporter.
Elle ne peut produire dans les âmes, en effet, que l'oubli de ce qu'elles savent en leur faisant négliger la mémoire. Parce qu'ils auront foi dans l'écriture, c'est par le dehors, par des empreintes étrangères, et non plus du dedans et du fond d'eux-mêmes, que les hommes chercheront à se ressouvenir. Tu as trouvé le remède (pharmakon), non point pour enrichir la mémoire, mais pour conserver les souvenirs qu'elle a. Tu donnes à tes disciples la présomption qu'ils ont la science, non la science elle-même. Quand ils auront, en effet, beaucoup appris sans maître, ils s'imagineront devenus très savants, et ils ne seront pour la plupart que des ignorants de commerce incommode, des savants imaginaires (doxosophoi) au lieu de vrais savants.
SOCRATE : - Ainsi celui qui croit avoir consigné son savoir par écrit tout autant que celui qui le recueille en croyant que de l'écrit naîtront évidence et certitude, sont l'un et l'autre tout pleins de naïveté dans la mesure où ils croient trouver dans les textes écrits autre chose qu'un moyen permettant à celui qui sait de se ressouvenir des choses dont traitent les écrits.
PHÈDRE : - C'est très juste.
SOCRATE : - Car ce qu'il y a de redoutable dans l'écriture, c'est qu'elle ressemble vraiment à la peinture : les créations de celle-ci font figure d'êtres vivants, mais qu'on leur pose quelque question, pleines de dignité, elles gardent le silence. Ainsi des textes : on croirait qu'ils s'expriment comme des êtres pensants, mais questionne-t-on, dans l'intention de comprendre, l'un de leurs dires, ils n'indiquent qu'une chose, toujours la même. Une fois écrit, tout discours circule partout, allant indifféremment de gens compétents à d'autres dont il n'est nullement l'affaire, sans savoir à qui il doit s'adresser. Est-il négligé ou maltraité injustement ? il ne peut se passer du secours de son père, car il est incapable de se défendre ni de se secourir lui-même. "

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 17:24
de Alexandre
Muskull a écrit:C'est Bruneaux qui dit Alexandre, pas moi. :wink:

Mea culpa, désolé. :oops:

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 17:25
de Alexandre
Muskull a écrit:De quels textes profanes gaulois parles-tu ?

Je parle simplement des ex-voto et autres textes qui font le lieu commun des découvertes d'inscriptions gauloises.

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 17:43
de Muskull
Alexandre a écrit:
Muskull a écrit:De quels textes profanes gaulois parles-tu ?

Je parle simplement des ex-voto et autres textes qui font le lieu commun des découvertes d'inscriptions gauloises.

Ils ne sont pas particulièrement profanes car ils restent dans un domaine cultuel. Les textes "d'exécration" comme les plombs retrouvés restent aussi cultuels bien que la "magie noire" appartienne à la phase corrompue de la science traditionnelle.
Style je connais 10 trucs et je prends le pouvoir parce que les autres n'en connaissent qu'un. Ce n'est plus la science mais du commerce. :wink:

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 17:56
de Alexandre
Ils sont profanes en ce qu'ils ne sont pas vecteurs de doctrine, même si effectivement ils correspondent à une forme altérée de religiosité.

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 18:55
de Muskull
Alexandre a écrit:Ils sont profanes en ce qu'ils ne sont pas vecteurs de doctrine, même si effectivement ils correspondent à une forme altérée de religiosité.

Mais ils sont sacrés en tant que retraduisant en négatif la doctrine ou la science. Par exemple la croyance du pouvoir des mots tracés par un(e) "initié" dans le cas des exécrations.
Autres exemples en "magie orientale", des formules magiques tracées par des marabouts déviants qui sont en fait quelques mots du Coran.
Dans toutes ces pratiques magiques il y a une source réelle de connaissance qui est dénaturée par une pratique "marchande".
C'est pour cela que je dis "en négatif", et le négatif est lisible à l'endroit. :wink:

MessagePosté: Dim 25 Nov, 2007 20:14
de Alexandre
A mon sens, le caractère spécifiquement "marchant" de la chose relève pour une bonne part de la surinterprétation. Certes, les pratiques religieuses et para-religieuses sont monnayées. Mais réduire les pratiques superstitieuses à un commerce est aussi réducteur que de réduire la religion à un commerce ou à un rapport de pouvoir. C'est à la fois nier toute possibilité de sincérité de la part de l'officiant et occulter complètement la place du fidèle.