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MessagePosté: Sam 24 Nov, 2007 19:06
de DT
Salut à tous,

Pour compléter l’analyse de M. Detienne que j’ai cité plus haut, voici les trois tableaux manquants :

Image

Plutôt que de faire une référence à un soma, ou tout autre produit hallucinogène (gui…), possibles mais non démontrés dans les textes anciens, à moins de partager l’opinion de M. Eliade :wink: :wink: :wink: , voici peut-être une problématique sur l’hydromel. Le ver et la mouche pourpre en question peuvent être l’abeille et le miel, pourquoi pas la bière, surtout après fermentation (« l’agitation du « ver » »).


Ch.J. Guyonvarc’h : Textes mythologiques irlandais I, La courtise d’Etain, 1980, pp.244-245 :

"demander Etain qu'il était venu. «Elle ne te sera pas donnée», dit Ailill, «car je ne tirerai aucun profit de toi, à cause de la noblesse de ta famille, de l'étendue de tes pouvoirs et des pouvoirs de ton père. Si tu causes quelque honte à la jeune fille on ne pourra rien obtenir de toi». «Il n'en sera pas ainsi», dit le Mac Oc, «mais je vais te l'acheter tout de suite». «Cela, tu l'auras», dit Ailill. «Fais ta demande», dit le Mac Oc. «Ce n'est pas difficile», dit Ailill, «tu défricheras pour moi dans les terres douze plaines qui sont en déserts et en forêts, pour qu'elles soient à tout jamais des pâturages à bestiaux, qu'elles aient des habitations humaines, qu'elles puissent servir de terrain de jeu et d'assemblée, de conseil et de forteresse».
§ 13. «Cela sera fait», dit le Mac Oc. Il retourna chez lui et il se plaignit de son ennui au Dagda. Il fit en sorte que douze plaines fussent défrichées en une nuit dans la terre d'Ailill. Voici quels sont les noms de ces plaines : Mag Macha, Mag Lemna, Mag nltha, Mag Tochair, Mag nDula, MagTecht, Mag Li, Mag Line, Mag Murthemne. Quand il eut accompli ce travail, le Mac Oc alla chez Ailill pour lui demander Etain. «Tu ne l'auras», dit Ailill, «que si tu transformes en douze rivières sortant de ce pays pour aller vers la mer, tout ce qu'il y a de sources, de tourbières et de marais, afin qu'elles fournissent des produits de la mer aux tribus et aux familles, et qu'elles drainent le pays et la terre».
§ 14. Il alla à nouveau trouver le Dagda et il se plaignit de son ennui. Il fit en sorte en une seule nuit que douze grandes eaux courussent vers la mer. On ne les avait jamais vues avant que cela ne se produisit. Voici quels sont les noms des eaux : Find et Modornn, Slena, Amnas, Oichen, Or, Banda, Samair et Loche. Quand il eut terminé ces travaux, le Mac Oc alla s'entretenir avec Ailill pour lui demander Etain. «Tu ne l'auras pas avant de l'avoir achetée, car je n'aurai plus rien de bon de la fille après que tu l'auras emmenée, en plus de ce que j'ai eu tout de suite». «Que demandes-tu de moi maintenant ?», dit le Mac Oc. «Je demande», dit Ailill, «l'équivalent du poids de la jeune fille pour moi, en or et en argent, car telle est ma part de son prix. Tout ce que tu as fait jusqu'à présent profitera à ses enfants et à sa famille». «Cela sera fait», dit le Mac Oc. On l'installa sur le sol de la maison d'Ailill et on apporta son poids d'or et d'argent. On laissa cette richesse à Ailill et le Mac Oc emmena Etain chez lui.
§ 15. Midir souhaita la bienvenue à cette compagnie. Etain coucha avec Midir cette nuit-là. Et on lui donna (à Midir) le lendemain matin le manteau qui lui convenait et un char. Il fut content de son fils adoptif. Il resta alors une année entière dans le Brug avec Aengus. Puis le même jour, un an après, Midir partit pour son pays, Brig Leith, et il emmena Etain. Le jour où il le quitta, le Mac Oc, dit à Midir : «Fais attention à la femme que tu emmènes à cause de la femme redoutable et experte qui t'attend, avec tout le savoir, la connaissance et le pouvoir qui appartiennent à sa race», dit Aengus. «Elle a en plus ma parole et ma protection devant les Túatha Dé Dánann». C'était Fuamnach, femme de Midir, des enfants de Beothach, fils de lardanel. Elle était sage, prudente et avisée dans la science et les pouvoirs des Túatha Dé Dánann, car c'était le druide Bresal qui l'avait élevée avant qu'elle ne fût mariée à Midir.
§ 16. Elle souhaita la bienvenue à son mari, c'est-à-dire à Midir, et la femme leur parla beaucoup de ...?... «Viens, ô Midir», dit Fuamnach, «que je te montre ta maison et les étendues de terre, et que la fille du roi voie tes richesses». Midir fit avec Fuamnach le tour complet de son domaine et elle le lui montra, à lui et à Etain. Puis il emmena à nouveau Êtain devant Fuamnach. Fuamnach alla devant eux dans la chambre à coucher dans laquelle elle dormait, et elle dit à Etain : «C'est dans la couche d'une femme noble que tu es venue». Quand Etain s'assit sur la chaise au milieu de la maison, Fuamnach la frappa avec une baguette de coudrier pourpre, et elle en fit une flaque d'eau au milieu de la maison. Fuamnach retourna chez son tuteur, Bresal, et Midir abandonna la maison à l'eau en laquelle avait été transformée Etain. Midir fut sans femme après cela.
§ 17. La chaleur du feu et de l'air, le bouillonnement du sol firent leur effet sur l'eau si bien que la flaque du milieu de la maison fut transformée en un ver. Et ce ver devint ensuite une mouche pourpre. Elle était de la taille de la tête d'un homme, et c'était la plus belle qui fût au monde. Le son de sa voix, le bourdonnement de ses ailes étaient plus doux que les cornemuses, que les harpes et les cornes. Ses yeux brillaient comme des pierres précieuses dans l'obscurité. Son odeur et son parfum faisaient passer la soif et la faim à quiconque autour de qui elle venait. Les gouttelettes qu'elle lançait de ses ailes guérissaient tout mal, toute maladie et toute peste chez celui autour de qui elle venait. Elle accompagnait et entourait Midir par toute sa terre, partout où il allait. Cela aurait nourri des armées dans les conseils et les assemblées de camps que de l'écouter et de la regarder. Midir savait que c'était Etain qui était sous cette forme. Il ne prit pas de femme tant que cette mouche s'occupa de lui et cela le nourrissait que de la regarder. Il s'endormait à son bourdonnement et elle le réveillait quand il venait vers lui quelqu'un qui ne l'aimait pas.
§ 18. Fuamnach vint à nouveau rendre visite à Midir après un certain temps. Les trois dieux de Dana allèrent avec elle en garantie, à savoir Lug, Dagda et Ogma. Midir fit de grands reproches à Fuamnach. Il lui dit qu'elle ne se serait pas en allée si ce n'avait été la force des trois garants qui l'avaient amenée. Fuamnach dit qu'elle n'avait pas de regret de l'action qu'elle avait faite; qu'elle préférait se faire du bien à elle-même plutôt qu'à quelqu'un d'autre et que, quel que soit l'endroit d'Irlande où elle serait, elle ne ferait que du mal à Etain, quelle que soit la forme sous laquelle elle serait. Elle dit de grandes incantations et les enseignements de Bresal le druide pour repousser et rejeter Etain loin de Midir, car elle savait que la mouche pourpre qui faisait le plaisir de Midir était Etain. Midir n'aima pas d'autre femme tant qu'il vit la mouche pourpre. Il n'avait de plaisir, ni à la musique, ni à la boisson, ni à la nourriture quand il ne la voyait pas et quand il n'entendait pas sa musique et son bourdonnement. Fuamnach fit souffler un vent d'agression et de druidisme, et Etain fut rejetée de Bri Leith si bien qu'elle ne pût trouver d'endroit, ni cime d'arbre, ni colline, ni hauteur où se poser pendant sept ans, excepté les rochers de la mer et les vagues de l'océan. Elle flotta dans l'air pendant sept ans devant la poitrine du Mac Oc sur la colline du Brug.
§ 19. Voici ce que dit le Mac Oc : «Bienvenue à Etain, dans sa promenade pleine de soucis. Tu as couru de grands dangers à cause de l'art de Fuamnach. Elle n'a pas encore trouvé de joie à mon côté devant Midir...
§ 20. Le Mac Oc souhaita la bienvenue à la jeune fille, c'est-à-dire à la mouche pourpre. Il l'envelop¬pa dans un pli de son manteau sur sa poitrine. Il la porta chez lui dans une pièce aux fenêtres brillantes pour entrer et sortir. On mit sur elle un manteau pourpre et, partout où il allait, le Mac Oc emportait cette pièce avec lui. Il dormait chaque nuit à côté d'elle, veillait à la réconforter jusqu'à ce que sa joie et ses couleurs lui revinssent. Et cette pièce était remplie d'herbes odorantes et merveilleuses. Elle dépassait l'odeur et le parfum de ces herbes excellentes et précieuses.
§ 21. Fuamnach entendit parler de l'amour et de l'honneur dans lesquels elle était chez le Mac Oc. Fuamnach dit à Midir : «Fais appeler ton fils adoptif pour que je fasse la paix entre vous deux, et j'irai à la recherche d'Etain». Un messager vint chez le Mac Oc de la part de Midir et il alla pour s'en¬tretenir avec lui. Fuamnach vint en faisant un détour jusqu'au Brug et elle envoya sur Etain le même souffle qui la chassa de la pièce et l'envoya dans le même voI qu'elle avait fait auparavant pendant sept ans à travers l'Irlande. Le souffle du vent la poussa dans sa misère et dans sa faiblesse jusqu'à ce qu'elle se posât sur le toit d'une maison dans laquelle les Ulates étaient à boire. Elle tomba dans la coupe d'or qui était dans la main de la femme d'Etair, le champion d'Inber Cichmaine, de la province de Conchobar. Elle l'avala avec le liquide qui était dans la coupe. Elle fut conçue ensuite dans son sein et elle fut sa fille. On lui donna le nom d'Etain, fille d'Etar. Il y eut mille douze ans depuis la première conception d'Etain par Ailill jusqu'à la dernière conception par Etar.
§ 22. Etain fut alors élevée à Inber Cichmaine par Etar, entourée de cinquante jeunes filles de princes. Il les nourrissait et les habillait seulement pour veiller constamment sur Etain. Il arriva qu'un jour toutes les jeunes filles se baignaient dans l'estuaire quand elles virent un cavalier sortir de l'eau et venir vers elles dans la plaine. Il était sur un cheval brun, faisant des sauts, fort, large, à la crinière et à la queue frisées. Il avait un manteau magique vert replié autour de lui, une chemise avec des broderies rouges, une broche d'or à son manteau qui venait jusqu'à son épaule de chaque côté. Il avait un bouclier d'argent avec une bordure d'or. Il avait une lance à cinq pointes avec des cercles d'or depuis le sommet jusqu'au fût, dans la main. Il avait une chevelure blonde et un bandeau sur le front pour que sa chevelure ne lui vint pas sur le visage. Il s'arrêta un moment à cet endroit, regar¬dant les jeunes filles, et toutes les jeunes filles l'aimèrent. Il fut alors le chant suivant :
C'est Etain qui est ici aujourd'hui, au Sid de Ban Find, à l'ouest d'Ailbe. Elle est parmi de petits garçons sur le rivage d'Inber Cichmaine.
C'est elle qui a guéri l'œil du roi
à la fontaine de Loch Da Lig.
C'est elle qui a été avalée dans une boisson
par la femme d'Etar dans une coupe."

Voir aussi Nantosvelta et sa curieuse petite construction au sommet d’un hampe, s’agit-il d’une ruche ?

A+

MessagePosté: Sam 24 Nov, 2007 19:59
de Muskull
Grand merci DT pour ces documents ! :)
Pour moi Etain est très clairement une épiphanie de la déesse en tant que femme de l'autre monde.
Midir n'aima pas d'autre femme tant qu'il vit la mouche pourpre. Il n'avait de plaisir, ni à la musique, ni à la boisson, ni à la nourriture quand il ne la voyait pas et quand il n'entendait pas sa musique et son bourdonnement.

Cela est à rapprocher des ivresses des héros que je cite plus haut et elle aussi est rejetée (rendue muette) par une druidesse.
Fuamnach dit qu'elle n'avait pas de regret de l'action qu'elle avait faite; qu'elle préférait se faire du bien à elle-même plutôt qu'à quelqu'un d'autre et que, quel que soit l'endroit d'Irlande où elle serait, elle ne ferait que du mal à Etain, quelle que soit la forme sous laquelle elle serait.

Je pourrais commenter bien des parties du texte mais revenons à l'essentiel. Etain représente l'enseignement "intérieur", celui du coeur :
Midir savait que c'était Etain qui était sous cette forme. Il ne prit pas de femme tant que cette mouche s'occupa de lui et cela le nourrissait que de la regarder. Il s'endormait à son bourdonnement et elle le réveillait quand il venait vers lui quelqu'un qui ne l'aimait pas.

Et ce qui est le plus important par rapport au fil, c'est qu'elle devienne breuvage et que de fait "l'enseignement" resurgisse dans le rite du partage et renaît en un autre temps.
Jung dirait que l'Anima peut prendre bien des formes pour instruire mais ici le lien est pertinent. La "mouche rouge" qui rejetée par l'humain se réfugie auprès du divin, reprend force et revient, et revient encore est l'image du sacrifice, du soma oriental.
J'en ai assez dit. :wink:

justement au féminin...

MessagePosté: Lun 26 Nov, 2007 15:01
de matthaeus
Ce basculement vers le féminin va pouvoir nous permettre de parler du rôle de Nantosuelta du Soma Celtique.

Nantosuelta, dont le nom en protoceltique donnerait *nanto-swel-ta "qui [se] tourne [dans la] vallée" ou "vallée retournée", est la parèdre de Sucellos.

Le nom de Nantosuelta rappelle celui des autres rivières divinisées qui portent des noms comme Diva, Divona "la divine", Sirona "l'étoilée" (femme de Apollo Grannus). Son nom, comme celui des mêmes rivières, renvoie au rôle tout aussi céleste de la déesse (vallée retournée = ciel).

je vois, Muskull, que tu n'aimes pas qu'on fasse appel à des cultures aussi lointaines que les cultures avestiques et védiques mais c'est elles qui font preuve du plus grand conservatisme religieux. Cela permet de palier au manque d'informations concernant les religions et les rites dont a perdu le sens. Pour preuve, elles n'ont développées qu'une seule déesse principale qui peut se relever importante pour nous.

En Perse, c'est Ardvi Sura Anahita "humide puissante immaculée", qui est vénérée dans l'Aban Yasht, Ve hymne de l'Avesta. Comme Nantosuelta est la compagne de Sucellos, Anahita est considérée comme l'épouse de Mithra. Anahita y est décrite comme la source des eaux et des plantes; comme une rivière qui purifie la semence du sexe masculin, l'utérus des femmes et le lait des seins. Pour libation, elle doit recevoir du haoma et de la viande. Dans cet hymne, c'est à elle que Yima présente la taureau qu'il va sacrifier à Mazda, c'est aussi à elle que se présente Azi Dahaka le voleur de Haoma, et c'est finalement à elle que se présente Thraetona le tueur du serpent.

En Inde, c'est Sarasvatî, aspect de la Déesse et rivière mythique dont on n'a retrouvé aucune trace archéologique. Dans le Rg Veda, elle est considérée comme le plus puissant des courants, riche en butin, jamais avare en pensée. Ses vagues sont louées, ainsi que sa poitrine nourricière. Par contre, aucun lien explicite n'apparaît entre Sarasvatî avec le Soma, elle doit juste en être consommatrice comme tous les dieux. Le Nom de Sarasvatî a pour équivalent, en Perse, Haraxvaitî, nom d'une région au sud de l'Iran, l'Arachosie dont la capitale est Kandâhâr.

A Rome, bien qu'il y ait une multitude de déesse, le rôle de la déesse protectrice du vin est jouée par Vénus. Elle est impliquée dans les rites des Vinalia et des Vénéralia (d'après Ovide, Festus, Plutarque). Lors des Vinalia Urbana, du 23 avril, Vénus se voit offrir du vin destiné à Jupiter. Lors des Vinalia Rustica, du 19 août, les femmes du peuple sont surveillées et on leur donnait pas ou peu d'alcool. Les femmes étaient protégées, je pense, en prévision du 23 avril prochain. Le 19 août est surtout le jour de Jupiter donc des hommes, alors les femmes sont gardées. Lors des vénéralia, on verse une très grande quantité de vin dans le temple de Vénus, de plus les femmes soignent la statue de la déesse (bijoux, miel, lait) et que l'on honore la fortune virile.

Nantosuelta est donc une déesse-rivière mère de la fécondité mais aussi de la fortune. Si elle est couplé avec Sucellos, aspect accompli d'Esus tauroctone, c'est qu'elle est la gardienne du chaudron, qui apporte longue vie et santé. Ses pendants romains et avestiques vont dans ce sens. Cela me rappelle aussi l'aphrodite ouranique des scythes, Argimpasa (page internet de Sergei V. Rjabchikov) dont le nom Arg-im-pasa de *Wargon-homa-patya signifie "maîtresse des vainqueurs du haoma (sous sa forme Vrtra)". Wargon- se retrouve dans le héros scythe Woergon, l'avestique Verethragna (dérivés le parsi Bahran et l'arménien Warhan) et dans le védique Indra Vrtrahan.

Nantosuelta et d'autres déesses rivières sont l'incarnation de ce qu'elle garde, c'est à dire le Soma celtique, qui est le gui guérisseur, le taureau immolé et les eaux serpentueuses coulant dans les vallées. Elle est la parèdre du dieu druide créateur du breuvage et est liée au maître réel du Soma qui est le dieu qui lutte contre le serpent, en l'occurence Lugos Smertrios.

J'ai trouvé un pendant irlandais à ce que j'avance dans le mythe irlandais de Boand, dont le nom s'expliquerait par *bo-vinda "la vache blanche". tous les savants sont d'accord sur le fait que Boand n'est qu'un aspect de Brigit. Boand, femme d'Elcmar (habitant du Brug na Boyne, l'autre monde, a des relations sexuelles avec le Dagda (le dieu druide). De cette union naîtra le Mac Oc (Bélénos irlandais). Pour réparer son adultère, elle va baignée dans la rivière Segais, dont la source, entourée de 9 noisetiers apportant la connaissance, est gardée par le dieu Nechtan (qui passe aussi pour l'époux de l'héroine) et ses 3 prêtres. L'eau attaque Boand et l'ampute d'une jambe, d'un bras et d'un oeil. L'eau emporte Boand jusqu'à l'océan et la Segais devient la Boyne.
Dans ce mythe, la déesse trompe le roi de l'autre monde avec le dieu druide (ce qui enfante le dieu sauveur). Elle va ensuite se purifier dans une rivière, le Soma, possession de son mari, qui se venge avec une triple amputation de magie guerrière. Elle entre donc en relation avec une eau vengeresse, comme le serpent Vrtra des Védas.

Cela peut expliquer le rapport entre les premiers blocs du pilier des nautes : le dieu druide trouve un taureau dans l'autre monde et en fait un breuvage d'immortalité. Le dieu druide séduit la femme du roi de l'autre monde, gardienne du taureau. Celui-ci se venge en transformant le breuvage en ennemi des dieux, en serpent à cornes, qu'occit le jeune dieu -roi.
Le dieu Nechtan, roi des sources, est relié au romain Neptune et au indo-iranien Apam Napat. Je pense qu'il est un aspect de Manannan mac Lir, lui-même étant un aspect de Lugh. Manannan mac Lir est le roi des océans et des îles, ce qui en fait un roi de l'autre-monde, un pendant de Cernunnos. Dans la mort tragique des enfants de Tuireann, Lugh se vêt des armures de Manannan et donne le cheval de Manannan aux enfants de Tuireann afin de ne pas paraître trop sévère.
Chez les Gallois, la distinction est encore plus floue: Manawyddan ab Llyr n'a plus aucun lien avec l'océan mais est un artisan expert comme l'est Lugh Samildanach en Irlande et comme le fait entendre le nom de Llew Llaw Gyffes. Il est un roi maudit fuyant de Dyved avec Pwyll, héros d'un autre mabinogi. Ils sont encore un avatar du dieu souverain double.

Dans l'hindouisme tardif, Varuna, dieu védique important, n'est plus que le dikpala de l'ouest, il tient dans ses mains supérieur le serpent et le noeud coulant. Il est le maître des eaux. Dans l'Avesta, Ahura Mazda est l'époux des eaux. Dans l'Edda, Aegir est l'époux de la mer, dont les 9 filles sont les mères du dieu Heimdall, père de l'ordre social.

Nechtan, Boand, Manannan mac Lir, Manawyddan ab Llyr, Pwyll (et Rhiannon), Smertrios, Cernunnos, Sucellos-Esus et Nantosuelta font partie d'un même ensemble mythique.

La déesse celtique est l'épouse de tous les dieux. Elle est épouse du dieu roi en tant que gardienne du soma celtique et elle est l'épouse du dieu druide en tant que donatrice de l'immortalité aux dieux. C'est l'un de ses aspects principaux, avec celui de Brigit et celui d'Etain.

MessagePosté: Lun 26 Nov, 2007 15:16
de matthaeus
Le dieu Bormo ou Borvo (que l'on traduit généralement par "eau bouillante"), que les romains ont identifié à Apollon, a pour parèdre Damona "grande vache", ou Bormona. La gardienne est couplé avec le Soma divinisé ou avec son gardien, Lugos Smertrios, en tant que pourvoyeur du Soma. La déesse est couplée avec Sucellos en tant que Nantosuelta, et à Belenos en tant que Belisama.

MessagePosté: Lun 26 Nov, 2007 15:36
de DT
Salut à tous,
Salut mattheus,

Cela est très bien d'avoir une interprétation personnelle de la mythologie celtique, mais l'histoire et l'histoire des religions restent très posistivistes dans leur démarche; il faut avoir une pensée démonstrative, pouvoir démontrer que untel est ceci ou cela; il faut démontrer la similitude des textes; sinon cela reste au niveau du discours péremptoire dont toi seul connais la clé.

A+

MessagePosté: Lun 26 Nov, 2007 16:32
de Muskull
Bonjour,
Le personnage de Smertrios est assez flou au niveau des interprétations. Parfois dieux de la guerre parce qu'il existe une dédicace à Mars Smertrius et parfois assimilé à l'Hercule gaulois et donc d'une certaine façon à Ogmios.
Smertrios le "pourvoyeur", le "faciliitateur" ? Celui qui ouvre (les voies) ?
Il ne faut pas oublier que le pilier était dédié à Jupiter est sans doute surmonté de sa statue.
L'image du serpent aux cornes de bélier est très particulière car solarisée, ce n'est pas un simple serpent.
Voici une courte analyse de Thierry Jolif :
http://www.religioperennis.org/document ... ltisme.pdf
Extrait:
Le serpent criocéphale
trouverait, en fait, sa place dans un mythe cosmogonique comparable à celui de l’Embryon
d’or védique, (Hiranyagarbha)10. La signification symbolique de cette représentation est loin
d’être parfaitement élucidée mais les éléments fournis par les travaux précédents nous
permettent de cerner l’importance qu’il convient de lui attribuer. Son association courante
avec le dieu à cornes ne doit pas nous faire oublier toutes les autres. Le serpent criocéphale
est un symbole primordial lié à un mythe de création, qui dépasse donc la conception même
des dieux. D’un point de vue ésotérique le serpent est ambivalent et complexe, car si
certaines traditions, d’un point de vue exotérique ne voient en lui qu’une manifestation du
mal, il ne peut être question de l’aborder uniquement sous cet angle pour peu que l’on
souhaite pénétrer plus avant la compréhension réelle des mythes traditionnels. « …l’Etre
primordial à partir de qui furent manifestées toutes choses au commencement, est
typiquement ophidien, ce qui concerne aussi bien les aspects masculin que féminin de la biunité
divine. »11 L’image du serpent appartient bien à un mythe d’origine, il est de ce fait, une
représentation du créateur dans son aspect de Sacrifice, le serpent devant être mis à mort,
car, bien souvent il représente le principe qui bloque les « flots » ou qui garde un fabuleux
trésor, symboles de la manifestation du monde.

MessagePosté: Lun 26 Nov, 2007 16:51
de Muskull
P.S. On connaît une danse des grues grecque venue à Delos par Thésée (selon Plutarque) qui était exécutée sur un labyrinthe autour d'un autel cornu. (Graves 72).
Y'a presque tout là, les grues et le cornu, la toison d'or (du bélier) et la danse serpentine et spiralée comme les danses bretonnes. :D

MessagePosté: Lun 26 Nov, 2007 17:54
de Muskull
Je reporte ici une analyse de notre ami Lopi sur les divinités gauloises sur ce même forum.
Moralité: Quand on cherche on trouve. ;)
Petit aperçu partiel. La mythologie celtique irlandaise étant d'une richesse extraordinaire.
Ce point de vue est un point de vue classique. Les choses bougent...

De nombreux articles et ouvrages traitent des Dieux de la Gaule (E.Thévenot préfère cette formulation plutôt que celle « les Dieux des Gaulois », avant-propos), mais les tentatives de synthèse sont souvent limitées et contradictoires.
En effet, plusieurs difficultés s’opposent à une systématisation (définitive).

L’une des difficultés majeures est très certainement la multitude des théonymes gaulois – environ 400 théonymes différents (Il est problable qu’il existait d’autres théonymes, justifiant la préférence de Thévenot), et l’absence totale d’écrits gaulois situant ces dieux. Certains ont pensé, en raison de ce grand nombre de dénominations divines, à des cultes naturistes, d'autres, à une religion mal structurée, topique, en relation directe avec le lieu où elle était pratiquée...
Une autre difficulté vient du fait que nous connaissons les théonymes gaulois à une époque tardive de l’évolution historique de la Gaule. Ceux-ci sont connus par deux sources principales :
- les sources littéraires : des auteurs latins et grecs postérieurs à la conquête, tels Lucain et Lucien de Samosate.
- les sources archéologiques épigraphiques : des inscriptions sur des sculptures, des frontons ou des stèles gallo-romaines. En effet, les Gaulois de l'indépendance ne nous ont laissé ni les représentations, ni le nom de leurs dieux. Ce sont les Gaulois de la période gallo-romaine qui nous ont fourni ces éléments ; il fallut attendre que les Romains introduisent en Gaule l'épigraphie.
L’approche des théonymes gaulois peut donc principalement s’opérer à partir de la religion gallo-romaine, dans ce que l’on qualifie de religion syncrétique gallo-romaine, et ceci constitue une autre difficulté d’analyse.
Cette religion gallo-romaine relève d’un compromis entre les divinités celtiques, honorées durant l'indépendance, et les divinités latines, permettant de rendre le culte accessible à tous. Car, si la défaite d'Alésia marqua la fin de l'indépendance gauloise, elle ne fut pas synonyme de déculturation immédiate et totale. Les Gaulois continuèrent à croire en leurs dieux, et à pratiquer, au moins en partie, leurs offices divins ; P.-M Duval parle même d’un « renforcement de la religion celtique par le polythéïsme latin » (p.45).
Cette religion s’articule sur une composition des deux parties, s’opérant de plusieurs façon : assimilation, interprétation, fusion, juxtaposition, identification, parallélisme.(voir à ce sujet l’article de P.-M. Duval, p.56).
Cette composition s’observe dans la personnification des divinités. Ainsi, très souvent, on observe, sur les inscriptions gallo-romaines, le théonyme latin précédant ou suivi d'un théonyme gaulois. Ce dernier correspond au nom de la divinité gauloise la plus proche de la divinité latine. Car les dieux des Gaulois ne correspondent pas tout à fait aux dieux latins ; dans chaque cas précis d'une inscription, les Gaulois spécifiaient, par rapprochement de certains caractères et attributs, l'aspect divin qu'ils souhaitaient honorer.
Il y a donc deux shémas d’interprétation possibles :
- L’interprétation romaine
Procédant par analogie avec le panthéon latin, César fut le premier conceptualisateur de cette interprétation ; il considère, au livre VI de ses Commentaires, un « panthéon » gaulois regroupant cinq entités divines : « Le dieu qu'ils (les Gaulois) honorent le plus est Mercure... Après lui Appollon, Mars, Jupiter et Minerve » (VI, 17), et il cite brièvement, pour chaque dieu, les fonctions qui leurs sont attribuées par les Gaulois.
Cette interpretatio romana fut, et est encore critiquée, car lacunaire, César passe sous silence les déesse mères, pour ne citer que cet exemple.
Toutefois, pour G. Dumézil (Naissance de Rome, Paris, 1944, pp. 22-33), César a voulu traduire les principales fonctions divines observées en Gaule. De plus, cette attitude d’assimilation, entrevue et consignée lors de la conquète, sera observable durant toute la période gallo-romaine.
- L’interprétation gauloise
Les Gaulois étaient aussi les acteurs de ce syncrétisme. « L’interprétation gauloise », pour reprendre la formulation d’A. Grenier, est tout aussi importante. Après la conquête, les Gaulois ont « pris connaissance des noms et des images du panthéon gréco-romain, ils ont cru reconnaître en tel ou tel dieu classique, dont l’image et le nom leur étaient simultanémént proposés, leurs divinités longtemps abstraites, impersonnelles ou faiblement personalisées » Thévenot p.12.
Les nécessités de pérennisation d’un culte accesible à tous ont facilité cette composition.
D’ailleurs, « les divinités qui ont reçu un nom latin ont manifestement bénéficié de condition incomparable de diffusion et de permanence » (p. 96 Clavel), et ce à une époque où les Gaulois optent pour des noms latins (J-J. Hatt, la tombe gallo-romaine, Paris, 1951, pp. 23-62 ; voir aussi M.Le Glay) et où les divinités latines ont grand succés.

Si l’on considère ce syncrétisme, on se doit de constater qu’il n’y a pas de recouvrement précis, un dieu indigène pouvant être assimilé à deux théonymes latins différents : le dieu Cocidius, par exemple, est associé à Mars (GB, VII, 286, 886, ..) mais aussi à Sylvain (Housesteads, VII, 642).
Toutefois, nous ne pouvons pas parler d’indifférenciation fonctionnelle des dieux (M.-L. Sjoestedt Dieux et héros des Celtes), en opposition aux dieux spécialisés du monde romain L’abscence de texte explicatif permettant de rattacher un théonyme gaulois à une fonction précise - les Gaulois de l’indépendance n’ont rien écrit sur leurs dieux – limite, certes, les vélléités d’intégration et d’identification, mais, n’exclue pas une spécificité fonctionnelle. L’étude linguistique des théonymes sera alors indispensable pour pénétrer l’essence d’une divinité. Cette analyse linguistique, confrontée à la composition du syncrétisme, permet de percevoir la nature et l’importance de la divinité indigène.

Les dieux s’intègrent dans un riche environnement mythologique, propre à chaque civilisation, même si des influences réciproques ont marquées à la fois la religion gauloise et la religion romaine (Barruol, p. 33), les dieux ne sont que le reflet palpable de cet environnement. Les activités des dieux ne sont donc pas les mêmes d’une civilisation à l’autre, on peut seulement faire des rapprochements. Une attitude exclusive d’interprétation, dans quelque sens que se soit, nous expose donc à de nombreux écueils.
De plus, « il apparaît que les deux religions ne sont pas superposables et qu’à côté des cultes officiels de Rome, survécut dans les provinces les moins romanisées, jusqu’à l’époque chrétienne, la vieille religion indigène tournée vers la croyance mystique dans l’Au-Delà, dont la Passion de Saint Julien de Brioude, nous a transmit le témoignage » (F.benoit, p. 355)

L’attitude ici adoptée sera celle de la différenciation et intégration opérée par César : pour chaque dieux assimilé au nom latin, nous donnerons les caractéristiques gauloises.
A la condition d'admettre ce syncrétisme, on remarque que, loin d'être la nébuleuse si souvent évoquée, la religion des Gaulois témoigne d'un ensemble, certes complexe, mais cohérent. La notion de guérison trouve naturellement sa place dans cet ensemble.

Cette classification, souvent considérée comme simple interpretatio romana, donc réductrice ou faussée, s'accorde en fait avec les dieux de la mythologie irlandaise






1 Mercure
Pour César, Mercure est le plus grand des dieux gaulois (Des toponymes comme Mercoeur (Haute-Loire), Mercurey (Saône-et-Loire), Montmartre (Paris)… pérennise le souvenir du culte.); les Gaulois « le regardent comme l'inventeur de tous les arts, le guide des voyageurs et le protecteur des marchands (VI, 17).
On retrouve ces fonctions dans les épithètes donnés à Mercure :
- Clavariates
- Perigrinorum
- Negotiator Mercalis (mais cette spécificité est partagée avec le monde gréco-romain (le Mercure romain est identifié à l’Hermès grec)
- Cissonius (Est de la Gaule : Besançon, Trèves, Cologne…Cissium est un terme gaulois signifiant voiture (Dottin, p. 246)
Mais la dévotion dépassait le cadre de ces simples dénominations. Tertullien le soulignait en nous apprenant que les Gaulois immolaient des victimes à Mercure. La façon dont les Arvernes le percevait témoigne aussi de cette importance ; en effet, selon Pline (HN 34, 45), le sculpteur grec Zénodore (à l’époque de Néron), à qui les Arvernes demandèrent de leur réaliser un Mercure, mit dix ans pour exécuter la statue colossale.
Importance également accréditée par d’autres surnoms :
- Des surnoms de majesté (Magnus…) et topiques
- Defensor
- Visucius (Est de la Gaule : Phalsbourg (CIL XIII, 5991)… et Bordeaux (CIL XIII, 577) Racine visu-, signifiant science
- Adsmerius (Poitiers, CIL XIII, 1125)

Le correspondant irlandais de Mercure est le dieu Lug Samildanach (Lug « polytechnicien »), qui possède toutes les capacités des autres dieux (La société celtique, p. 108). L'un de ses théonymes gaulois serait Lugus, que l'on peut retrouver dans une quinzaine de toponymes théophores, Lugdunum, littéralement, ville de Lugus (Lyon, Louvain, Loudun...)(répertoires des toponymes en Lugdunum Celticum, 6, pp 368-376).
Ce dieu réunit à lui seul, tous les autres, il a de multiples facettes, ce qui peut expliquer le pluriel Lugoves, retrouvé sur une inscription gallo-romaine à Avenches (Suisse) (CIL XIII, 5078).
Dieu solaire, sa riche personnalité n’exclut pas des aspects sombres, qui s’expriment dans les récits épiques irlandais : la mère du Lug irlandais, est Eriu, autre nom de l'Irlande ; elle appartient à la race mythique des Fomoire (peuple de démons ayant précédé les dieux sur le sol irlandais). Lug commet également un meutre, puisqu’il tue d'une pierre son grand-père, Balor, à la fin de la Bataille de Mag Tured. Ainsi on distingue, d'une part son appartenance au monde infernal, d'autre part son aspect guerrier.

2 Apollon
Pour César : « Apollon chasse les maladies ».
Sa correspondance insulaire est double : dans la fonction de médecin : il correspond à Diancecht et ses trois enfants : deux fils, Miach et Ormiachl, et une fille Airmed..
Guyonvarc’h. C-J., Notes d’etymologie et de lexicographie gauloises et celtiques XXI, Ogam XX, pp.351-352.
Arzel Even, Les enfants de Diancecht, étude de mythologie irlandaise, Ogam 1/3, n°3, 1948.
L’étymologie des noms de Diancecht et de ses enfants est ici interressante à signaler. En effet, Diancecht signifie littéralement « Prise rapide », nom témoignant d’une certaine efficacité de ce médecin. Airmed signifie « mesure » ; Miach, « boisseau » ; Oirmiach constitue une simple variante morphologique et sémantique de Miach.
Ainsi, on retrouve et la comparaison indo-européenne établit que tout le vocabulaire de base de la médecine est apparenté au thème signifiant « mesurer ».
Meditor fréquentatif « s’exercer, s’appliquer à, réfléchir, étudier, méditer, répéter un rôle »

Théoriquement, la médecine, en tant que technique, est une attribution de la troisième fonction. mais le médecin est un druide, et la médecine s'étage ou se répartit, dans ses principes, ses techniques ou ses procédés, sur les trois fonctions :
- incantatoire (première fonction)
- sanglante (deuxième fonction)
- végétale (troisième fonction)
La répartition des niveaux fonctionnels de la médecine se fait entre Dianceht lui-même (incantation), ses deux fils, Miach et Octriuil, dont l'un est un doublet de l'autre (chirurgie), et sa fille Airmed, qui régit les plantes médicinales.
Diancecht est aussi, dans les généalogies mythiques, le grand-père du dieu suprême Lug.
L'Apollon celtique, d'après les textes irlandais, est une partie de l'aspect solaire de Lug, mais il n'est pas exclusivement solaire.
Eumène, panégyriste d’Autun (panegyr.Constant, d.21) rapporte que certains Apollon pouvaient infliger aux parjures un chatiment terrible, graces aux eaux brûlantes.
E.Thévenot nous rapporte à ce sujet une légende du pays de l’Auxois en Côte-d’Or. Au lieu-dit Bellenot, il existe une source qui passait au Moyen-Âge pour pte à confondre les sorciers. On plongeait les suspects dans la fontaine de Bellenot : les innocents surnageaient, tandis que les criminels s’en révèlaient incapables et étaient aussitôt convaincus de sorcellerie. P 114-115
Divinités et sanctuaires de la Gaule Fayart Paris, 1968
- en qualité de dieu de la jeunesse :
C'est Oengus (« Choix unique ») ou Mac Oc (« Fils jeune ») engendré et né en un seul jour.
Oengus naquit, selon la légende, dans le Brug na Boinne, c'est-à-dire dans le tumulus de New Grange (143), des amours "adultères" du Dagda et de Boand, femme d'Elcmar, autre nom de la divinité sombre Ogme, frère du Dagda. Le Dagda, maître du temps, fit oublier ce temps à son frère, si bien que neuf mois ne lui parurent qu'un seul jour... (119).

3 Mars
Selon César : « Mars gouverne la guerre » (VI, 17).
De nombreux surnoms vont dans ce sens Caturix
Mais ses fonctions ne se limitent pas à la guerre. En Irlande, il existe deux correspondants :
- Nuada : il exerce son pouvoir divin au niveau royal.
Il représente l'aspect régulateur et distributeur de la fonction guerrière, mais aussi, de toute la société, y compris la troisième fonction.
A ce titre, il est aussi protecteur Camulus Barhill VII, 1103 ; Arlon XIII, 3980 ; Rindern XIII, 8701 Camulo- Dottin, p. 240 rapproche ce terme de l’expression « gouverné par un roi ».
-Ogme : c'est un demi-dieu, un « champion » à la manière irlandaise, souvent comparé à Hercule. Il correspond à un aspect sombre de la divinité. L'Irlande lui attribue également, d'une part, l'invention de l'écriture magique, et d'autre part, la maîtrise de l'éloquence. Lucien de Samosate définit l'homologue gaulois d'Ogme : Ogmios. Il le décrit comme un vieillard entraînant les hommes par des chaînettes, unissant leurs oreilles à sa langue (Discours, 1-7). Voir Guyonvarc’h, Magie.. pp. 43-8



C’est à l’aspect sombre-guerrier, sous le nom de Mars Mullo (Mars « tas de butin »)(par exemple à Rennes CIL XIII, 3148-3151 voir aussi J.Bousquet inscription de Rennes Gallia 1971, I, pp ; à Nantes CIL XIII, 3101-3102, à Allones, que les Gaulois vouaient les armes de leurs ennemis vaincus. Ceci est un exemple de la spécificité de l'épithète gauloise.

4 Jupiter
Pour César, « Jupiter exerce son emprise sur les hôtes des cieux ».
C’est donc le dieu de l’éternité.
Son correspondant irlandais est le Dagda, ou « bon dieu », ou dieu druide .
« Il y avait un roi célèbre sur l’Irlande du nom d’Eochaid Ollathir. Il avait pour autre nom le Dagda, car c’était lui qui leur faisait des miracles et qui mesurait les tempêtes et les récoltes… Il y avait une femme chez Elcmar (Grand jaloux ou Grand méchant, le frère du Dagda) de Brug, Eithne était son nom…. Dagda désira pour lui son amitié charnelle. La femme airait cédé au Dagda si elle n’avait pas eu peur d’Elcmar tant son pouvoir était grand. Le Dagda envoya alors Elcmar en voyage chez Bres, fils d’Elatha, à Mag Inis. Le Dagda mit de grands charmes sur Elcmar qui s’éloignait pour qu’il ne revînt pas à temps, c’est-à-dire tôt. Il l’éloigna de l’obscurité de la nuit et le garda de la faim et de la soif. Il mit sur lui de longues erances si bien que neuf mois furent comme un jour. Car il avait dit qu’il reviendrait entre le jour et la nuit. Le Dagda alla pendant ce temps à la femme d’Elcmar et elle lui engendra un fils, du nom d’Aengus. La femme était guérie de ses souffrances quand Elcmar revint. Il ne remarqua pas sa faute en elle, c’est-à-dire qu’elle avait couché avec le Dagda » (Premier paragraphe de la « Courtise d’Etain », Textes mythologiques irlandais, I, p. 242).
De cette union est né Mac Oc.
Dans ce texte, Dagda montre ses capacités à maitriser le temps, relation éternité et temps.
Ses attributs du Dagda sont :
- le chaudron d'abondance : (c'est le prototype pré-chrétien du Graal médiéval)
Quiconque s'y présente y trouve sa nourriture à satiété. Le chaudron est aussi un instrument de résurrection dans lequel on jette les morts et d'où ils ressortent vivants.
C'est probablement l'explication d'une des scènes représentées sur le chaudron de Gündestrüp.
- la massue : arme terrible qui tue les hommes (dans ce monde) par un bout, et qui les ressuscitent (dans l'Autre-Monde) par l'autre bout.
C'est probablement cet aspect de la divinité que l'on retrouve dans le dieu gaulois Sucellos (théonyme construit sur la racine su : bon le lien entre Jupiter et Sucellos est clairement établi dans CIL XIII, 6730 « à Jupiter Optimus Maximus Sucaelus… ») ou dieu au maillet et qui s'est perpétué dans la tradition bretonne du mell beniguet (boule bénite). De Vries pense qu'il s'agit du dieu « qui frappe de bons coups ». A noter que dans les attributs classiques de Sucellos, on retrouve aussi la coupe ou le vase, substitut du chaudron du Dagda.
- la harpe : elle contient toutes les mélodies de tous les instruments possibles, et le Dagda en tire les trois airs classiques : l'air du sommeil, l'air du rire et l'air de la tristesse.
- la roue : que détient le druide aveugle Mog Ruith (« serviteur de la roue »), qui est un aspect du Dagda. C'est la roue cosmique de l'apocalypse irlandaise : Sourd, celui qui l'entendra,
Aveugle, celui qui regardera,
Et mort, celui sur qui elle tombera.
De nombreuses figurations de la période gallo-romaine associent le nom de Jupiter et la représentation de la roue (voir J-J. Hatt, pp. 183-189).
Jupiter est le dieu de la science, mais aussi le dieu de l'amitié, et surtout le dieu maître du temps chronologique et atmosphérique, et à ce titre, maître des éléments : air, terre, feu et eau.
5 Minerve
Pour César, « Minerve enseigne les éléments des travaux et des métiers ».
Sa correspondance irlandaise est Brigit, mère des arts et des artistes (en fait, de tous les détenteurs d'un savoir manuel ou intellectuel). Elle est dite « mère des poètes, des forgerons et des médecins ».
Des connaissances fragmentaires que nous possédons sur Brigit, on peut tirer quelques éléments :
- son nom est attesté sur le continent par les noms en brig- (Brigantia...).
Elle porte aussi le surnoms de Belisama (« la très brillante »), de Sulis (de sul-, soleil), et au pluriel, Sulevia.
- cette divinité féminine est unique par rapport aux quatre divinités masculines.
Brigit est à la fois, selon les textes mythologiques, la fille du dieu druide Dagda, la mère de tous les dieux primordiaux ( y compris le Dagda ), leur épouse et leur soeur.
- on retrouve Brigit, en Irlande sous divers noms : Boand (femme de l'aspect sombre de la divinité), Tailtiu (« la Terre »), Eriu, Banba, Fotla (divers noms servant à désigner l'Irlande), Morrigan ("Grande reine", déesse de la guerre, épouse du Dagda)...
- la déesse Brigit fut rapidement christianisée ; et Sainte Brigitte fut, en Irlande, presque assimilée à la Vierge Marie. Son folklore, le premier février, était très important.
En conclusion, on peut dire que Brigit, avec sa correspondante gauloise Minerve, regroupe plusieurs aspects d'une même divinité. A ces divers aspects, et en fonction des peuples gaulois, correspondent divers surnoms. C'est la divinité et la représentation symbolique de la féminité et de l'initiation, dans tous ses aspects, sombres et solaires.
Sans doute, fait-il lui assimiler les mères.

6- Complexité du "panthéon" gaulois
Ce « panthéon » à cinq dieux, s'orientant suivant un système de trifonctionnalité, est cependant complexe, et les tentatives de synthèse sont difficiles. En effet, César ne cite aucun théonyme indigène, pourtant, ils sont très nombreux, et il est fort probable que nous n'en connaissions aujourd'hui qu'une infime partie.

Quoiqu'il en soit, certains auteurs pensent que ce n'est pas au théonyme qu'il faut prêter attention, mais à la fonction, dans laquelle s'intègrerait, pour chaque entité divine gauloise attestée, plusieurs dizaines de surnoms, fonctionnels, locaux ou topiques.

Afin de souligner la complexité du "panthéon" gaulois, nous prendrons l'exemple des théonymes gaulois cités par Lucain dans La Pharsale : "Ils (les Gaulois) apaisent par un sang horrible le féroce Teutates, le hideux Esus et, dans de sauvages sanctuaires, Taranis..." . Certains ont pensé que le poète latin n'avait cité ces théonymes qu'en vertu des exigences du mètre poétique. Mais deux scholies, appelées Commenta Bernensia, complètent les vers de Lucain, témoignant ainsi de l'importance de ces théonymes - que l'on retrouve de plus dans l'épigraphie.
La première scholie de Berne nous dit que : "Mercure, en langue gauloise se dit Teutates... Voici comment l'apaisent les Gaulois : dans un bassin plein d'eau, on plonge la tête de la victime jusqu'à ce que l'étouffement s'ensuive. Pour apaiser Mars, qui est Esus, la victime est suspendue à un arbre et on l'écartèle. En l'honneur de Taranis, on brûle des hommes dans un mannequin de bois " .
La seconde scholie donne des renseignements qui semblent contradictoires : "Mars est Teutates... Mercure est pour eux Esus, c'est du moins sous ce nom que l'honorent les commerçants. Le maître des guerres et le plus grand des dieux célestes est Taranis-Jupiter ; on lui offrait jadis des sacrifices humains ; il se contente aujourd'hui d'animaux ".
L'étude linguistique de ces théonymes nous apporte de précieux renseignements. En effet, Esus correspondrait au terme "Dieu".
Le théonyme Taranis est construit sur un thème se rapprochant du breton et du gallois taran ainsi que de l'irlandais torann "foudre, tonnerre" . (on retrouve taranis dans l’épigraphie CIL XII, 820, à Orgon ( Bouches-du-Rhône)
Le théonyme Teutates est construit sur la racine touta que Dottin rapproche de l'irlandais tuath "peuple", du gallois tud "terre" et du breton tud "gens". C.J.Guyonvac'h synthétise ce théonyme par "chef du peuple".
- Faut-il voir dans ces théonymes, trois aspects d'une même divinité? F.Le Roux et C.J.Guyonvac'h pensent ainsi à trois aspects de Jupiter, distribuant Esus "optimus" à l'aspect sacerdotal, Taranis à l'aspect guerrier et Teutates (chef du peuple) à la troisième fonction.
Ceci témoigne, soulignent les auteurs, de l'unité de la trifonctionnalité aussi bien divine qu'humaine .
- Faut-il y voir trois divinités individualisées, partiellement syncrétiques? J.J.Hatt (101) suggère ainsi les équations suivantes :
- Esus = Mercure ou Mars
- Taranis = Jupiter + Mars + Dis Pater
- Teutates = Mars ou Mercure
Taranis se placerait ainsi comme une divinité régissant la destinée humaine. Selon J.J.Hatt, Taranis serait associé, sur un plan symbolique, au cheval.
Faut-il encore y voir trois divinités syncrétiques, d'où se détacheraient les cinq divinités du "panthéon"?

Le "panthéon" gaulois est ainsi difficile à circonscrire, et souvent, seule l'analyse linguistique de ces théonymes nous permet d'entrevoir leur fonction.
Cependant, à la condition de concevoir un dieu, non pas par un seul théonyme latin réducteur, mais par la fonction que le théonyme gaulois mis en épithète représente, on peut entrevoir une religion, certes complexe, mais structurée, et dans laquelle se dessine très nettement l'aspect médical.

7 - Problème lié à des divinités particulières non intégrées dans le panthéon gréco-romain
Cernunnos « le cornu » Cernunnos : origin and transformation of a celtic divinities Phyllis Fray Bober American Journal of Archaeology 1951,, n°45, pp 13-51), ce dieu doté de ramures de cerf et qui détient une place privilégiée sur le chaudron de Gündestrup
Epona
Problème de l’évolution historique La mieux conservée a pu être assilée à Vénus au sanctuaire de Colombières-sur-Orb, Clavel. M, Béziers et son territoire dans l’Antiquité, p. 564, Paris, 1970.
Ce n’est pas seulement, la déesse protectrice des écuries, comme le suggérait Apulée (Metam, II, 27), c’est aussi une déesse du salut caractère funéraire (F . Benoit, Epona funéraire, Ogam, XVII, 1965, pp. 333-336, protectrice du voyage dans l’au-delà (Duval)

8 - Répartition tripartite
Il semble qu'il y ait eu, chez les Celtes, plusieurs niveaux de compréhension des dieux. Au premier niveau, celui des peuples, pour qui les divinités sont très nombreuses, topiques. Le deuxième niveau est celui de l'aristocratie guerrière ; comme nous l'a montré César, le "panthéon" se résume à cinq divinités principales, cinq hypostases, les autres n'étant que des variantes locales. Enfin, pour les initiés, c'est-à-dire pour les druides, ces dieux eux-mêmes relèvent d'un principe unique. Les dieux sont chacun les divers aspects d'une grande divinité suprême. La religion celtique, et Saint Augustin Wink l'avait déjà signalé, tend ainsi au monothéisme.

Voici un petit tour rapide d'horizon.
A+
Lopi

MessagePosté: Lun 26 Nov, 2007 19:06
de Pan
Muskull a écrit:P.S. On connaît une danse des grues grecque venue à Delos par Thésée (selon Plutarque) qui était exécutée sur un labyrinthe autour d'un autel cornu. (Graves 72).
Y'a presque tout là, les grues et le cornu, la toison d'or (du bélier) et la danse serpentine et spiralée comme les danses bretonnes. :D


Tiens j'ai vu mon ami Lopi connecté, Hi Hannnnnnnnnnnnnn :wink: .

allez Muskull, ajoute un peu de Levi-Strauss et de structuralisme (merci Détienne et DT) et tu te mettras à boiter :wink: . Les grues, perdrix et autres volatiles sur une patte sont légions. Pourquoi donc les Indiens (Am. N) dansent à cloche-pied autour du feu, et à quelle date ? Et le Roi-péteur, notre bon Roitelet chassé pendant les 12 petits jours, qui tourne tout seul quand on l'embroche. A l'ischion de mon cher Jacob.

Je sais je suis un âne, je devance :lol:

:roll:

MessagePosté: Lun 26 Nov, 2007 19:18
de Muskull
Les amis de mes amis sont mes amis cher Pan. :wink:
Quant à boîter certes je le fais et sur un pied, un bras, un oeil, et essaye de traverser ce monde sans moins de dommages car je préfère l'Autre où je serais entier si le Grand Mystère le veut bien.

MessagePosté: Mer 28 Nov, 2007 19:59
de Muskull
Vous saviez que les grues nidifient au nord de l'Europe et viennent hiverner dans le sud ?
Et quand arrivent les premières grues ? A Samain.
Je pensais qu'elles venaient du sud comme les cigognes, ben non, font comme les cygnes. :oops:
Du coup le tarvos trigaranos prend une connotation de début de la période sombre.
Toujours est-il que l'arbre derrière lequel il se trouve à cette époque sur le pilier des nautes est "l'arbre toujours vert", l'arbre de vie.
Est-ce le même arbre que détruit Esus ? En tant qu'il soit "assimilé" à Mars, c'est possible car avant tout les nautes parisii étaient des commerçants et les "troubles sociaux" ne sont pas propices au commerce.

MessagePosté: Mer 28 Nov, 2007 21:54
de Alexandre
Muskull a écrit:Et quand arrivent les premières grues ? A Samain.

Ça, c'est peut-être vrai en théorie actuelle, mais j'attends qu'on me dise que c'était vrai en pratique à l'époque... :)

MessagePosté: Jeu 29 Nov, 2007 11:04
de Muskull
Il suffit de demander à Hésiode :wink:
Observez le moment où vous entendrez le cri que la
grue, tous les ans, fait entendre du haut des nuages ;
elle apporte le signal des semailles et l'annonce de la
saison de l'hiver pluvieux ;

http://ugo.bratelli.free.fr/Hesiode/Hesiode.pdf
C'est à dire vers fin Octobre. Aristote et Hérodote écrivent aussi qu'elles quittent les plaines de scythie pour l'Egypte pour fuir l'hiver pluvieux.

C'est aussi le temps du coucher héliaque des pléiades qui pour Hésiode marque le début de l'hiver.

MessagePosté: Jeu 29 Nov, 2007 11:34
de Alexandre
Muskull a écrit:Il suffit de demander à Hésiode :wink:
Observez le moment où vous entendrez le cri que la
grue, tous les ans, fait entendre du haut des nuages ;
elle apporte le signal des semailles et l'annonce de la
saison de l'hiver pluvieux ;

http://ugo.bratelli.free.fr/Hesiode/Hesiode.pdf
C'est à dire vers fin Octobre. Aristote et Hérodote écrivent aussi qu'elles quittent les plaines de scythie pour l'Egypte pour fuir l'hiver pluvieux.

D'accord pour la Grèce... mais pour les Celtes ?
Note que ça n'enlèvera rien à ton côté "saison sombre".

MessagePosté: Jeu 29 Nov, 2007 14:01
de Kambonemos
Bonjour,

Alexandre a écrit :

Note que ça n'enlèvera rien à ton côté "saison sombre".


Et c'est vrai. Mais la phrase :
Et quand arrivent les premières grues ? A Samain.
pose problème : ne doit-on pas lire : "et quand partent les premières grues ?".

La palme (sans jeu de mot) de la régularité revient aux oies qui s'en retournent vers le sud quoi qu'il advient fin octobre / début novembre ; c'est aussi un oiseau sacré chez les Celtes. Les grues qui survolent l'endroit où je demeure, sont moins précises : j'en ai observé dans les brouillards givrants de décembre...

A+