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MessagePosté: Sam 15 Déc, 2007 18:40
de Alexandre
Sedullos a écrit:Attention, d'une part, cet épisode qui suit la Seconde bataille de Moytura n'est pas le seul où la triade Lug, Dagda, Ogme se réunissent en secret avec deux ou quatre autres dieux pour préparer la guerre contre les Fomore.

Certainement. Pour autant, dans l'Iliade, un Ajax fils d'Oilée assiste à toutes les réunions des chefs Achéens. Pourtant, c'est un personnage inexistant, produit d'un contresens sur le duel Αιακτε que les Anciens comprenaient "les deux Ajax", mais qui signifiait en réalité "(Teukros) avec Ajax (fils de Telamon)". Seule une étude attentive du texte permettrait de savoir si Dagda n'est pas, ici ou ailleurs, un épithète de Lug repris derrière son nom, originellement pour des raisons métriques, qui aurait pris son "autonomie" et serait devenu un nouveau dieu, mais avec les mêmes attributs de souveraineté que Lug.
J'en demande peut-être beaucoup ? :oops:

MessagePosté: Sam 15 Déc, 2007 18:50
de Sedullos
Non, pour moi, il s'agit bien de deux dieux bien distincts.

Qu'ils aient des points communs certes : ils sont rois, ont une relation avec le cheval.

Lug est un cavalier accompagné de la cavalcade féérique ; Dagda porte des braies en cuir de cheval, détail curieux pour un dieu représentant l'aspect Mitra, le taureau.

Lug est un grand et beau jeune homme aux armes étincelantes, celles de Mananan et plutôt chaste. Ses attributs sont la lance et la coupe et le navire de Manannan, le "Peigne des Vagues".

Dagda est une homme d'âge mur, un géant débonnaire et glouton, ityphallique qui séduit sa belle soeur Boann et la Morrigane...

Ses attributs sont la massue, le chaudron, et la harpe.

MessagePosté: Sam 15 Déc, 2007 18:52
de DT
Salut à tous,

A Alexandre, non tu n'en demandes pas beaucoup !
Jupiter avait deux divinités annexes qui étaient Juventas et Terminus.

A+

MessagePosté: Sam 15 Déc, 2007 18:54
de Muskull
Sedullos a écrit:Pour la relation entre Ogmios et l'ankou, je vous rapelle qu'il y a eu une discussion (un peu chaude) à propos de l'objet que tient l'ankou, une faux à la mode médiévale ou renaissance ou un javelot que n'auraient pas renié les Gésates de l'Antiquité.

Hi, hi ! Ou la flèche de Cupidon. :shock:
Quand on est amoureux, le monde meurt, il ne reste plus que le visage de l'aimée ou de l'aimé. :55:
Chaque rappel du monde et de ses vicissitudes est alors si pénible. :lol:

MessagePosté: Sam 15 Déc, 2007 19:04
de Muskull
Muskull a écrit:
DT a écrit:Salut à tous,

Salut Muskull,

Hercule ne me semble pas avoir réellement fait partie du "monde sauvage" ; il est mieux un explorateur des marges, qu'elles soient sauvages, animales, soit divines. Il est plus le représentant de la prégnance humaine, et mieux des communautés civiques ou humaines, qui arrivent peu à peu à maîtriser l'incontrôlable, soit vers le bas (sauvagerie), soit vers le haut (hostilités divines); cf. l'ensemble de ces travaux et tout autre texte le concernant.
Il est aussi la fonction guerrière non contrôlable, mais nécessaire à une société antique.
Qu'un druide présente de mêmes caractéristiques ne me semble pas contradictoire : cf. Diviciacus, druide et guerrier.

A+

Oui, c'est vrai, les "marges". Marge figurée par le gué dans nombre de récits archaîques. Mais le gué n'est pas obligatoirement le passage vers l'autre monde, vers la mort ; mais aussi un passage vers la connaissance qui, si l'on suit les grands textes mystiques, induit l'existence de ces deux mondes comme en "surimpression" et c'est ce que dit W. Kruta à propos de l'art celtique: une surimpression du cyclique et du permanent. Ce qui rend les choses un peu "floues" pour des cartésiens.
Ce que tu signales par "incontrôlable", je le nomme aléatoire, un forme de conscience de la théorie du chaos qui était combattue par les rites dans les volontés humaines d'équilibre. Etait-elle pragmatique ? Je le crois... :wink:


On vient de changer de page, je ne voudrais pas que ce post soit "loupé" :wink:

MessagePosté: Sam 15 Déc, 2007 19:32
de DT
Salut à tous,

Ch.J. Guyonvarc'h, Textes Mythologiques Irlandais, I, 1980 : La seconde bataille de Mag Tured ( Cath Maige Turedh), pp. 53-54.

§ 88. Lug envoya le Dagda pour observer les Fomoire et les retarder jusqu'à ce que les hommes d'Irlande vinssent à la bataille.

§ 89. Le Dagda alla au campement des Fomoire et il leur demanda une convention pour la bataille. Il lui fut accordé ce qu'il demandait. Les Fomoire lui firent aussi de la bouillie : c'était pour se moquer de lui car son amour de la bouillie était grand. Ils remplirent pour lui le chaudron du roi à la hauteur de cinq poings : il y alla quatre fois vingt setiers de lait frais et la même quantité de farine et de graisse. On y jeta des chèvres, des moutons, des porcs et on les fit cuire avec la bouillie. On les lui versa dans un trou en terre et Indech lui dit qu'il serait mis à mort s'il ne mangeait pas tout, afin qu'il ne se plaignît pas de Fomoire et qu'il eût à suffisance.

§ 90. Il prit alors sa cuiller. Elle était assez grande pour qu'un couple pût s'y coucher au fond. Voici quelles étaient les bouchées qui étaient dedans : des moitiés de cchon salé et des quartiers de lard.

§ 91. Le Dagda dit : "C'est une bonne nourriture si la viande en est ce qu'en est le goût. Quand il portait cependant la cuiller à ses lèvres, c'est alors qu'il disait : "Son... ? ...ne le gâte pas, dit le vieux".

§ 92. Il mit son doigt courbe au fond du trou parmi la terre et le gravier. Le sommeil lui vint après qu'il eut mangé sa bouillie. Son ventre était plus grand que le chaudron d'une maison et les Fomoire se moquèrent de lui.

§ 93. Il les quitta pour la grève d'Eba. Mais il n'était pas facile au héros de se déplacer à cause de la dimension de son ventre. Sa tenue était indécente : une tunique brune lui tombait jusqu'au renflement des fesses. Il avait le membre viril haut et long. Il portait deux braies en peau de cheval avec le poil à l'extérieur. Il avait derrière lui une fourche branchue réclamant, pour être portée, l'effort de huit hommes et dont la trace suffisait comme frontière de province ; on l'appelle la trace du bâton du Dagda..........



A+

MessagePosté: Sam 15 Déc, 2007 20:12
de Sedullos
Merci, DT,

Lug ne s'envoie pas lui même en mission, donc Dagda et Lug sont deux personnes distinctes et c'est bien Lug qui commande.

J'en profite pour corriger une erreur, ce sont les braies qui sont en peau de cheval et pas les sandales.

La scène du repas forcé chez les Fomore est digne de maître François Rabelais.
Derrière le personnage un peu grotesque se cache le dieu-druide, maître du temps, de la sagesse et de la connaissance...

Les anciens Celtes d'Irlande avaient une conception de la théologie, à la limite de la parodie, qui faisait bon ménage avec l'humour.

Ce qui est venu après est beaucoup moins drôle.

MessagePosté: Sam 15 Déc, 2007 20:28
de Alexandre
Effectivement, le Dagda est clairement trop différent de Lug pour être un redoublement.

MessagePosté: Dim 16 Déc, 2007 12:13
de DT
Salut à tous,

Ne peut-on, simple hypothèse, imaginer que dans le monde celtique la souveraineté sur le plan varunien (druidique) ait présentée trois aspects complémentaires (la triplicité étant récurrente) :
- Le Dagda (Sucellus, Dispater ?) en tant que premier homme et premier mort, maître des Sidhes, initiateur des frontières ou définisseur des marges, origine du comput du temps (la nuit précédent le jour), équivalent du Yama indien, ainsi que le pense Sedullos.
Il a aussi un rapport avec le Mac Oc.
- Lug (Mercure), le Samildanach, qui reste ainsi le principe fondamental de la souveraineté, à qui Nuada au bras d'argent porte allégeance.
- Ogma (Ogmios), symbole d'une certaine force (le Champion) ou définition de la souveraineté (il porte un défi à Lug :
Ch.J. Guyonvarc'h, Textes Mythologiques Irlandais, I, 1980 : La seconde bataille de Mag Tured ( Cath Maige Turedh), p. 52.
§ 72. La grande pierre pour laquelle il fallait les efforts de quatre- vingts jougs, Ogme la traîna à travers la maison, si bien qu'elle fut devant Tara, à l'extérieur. Il portait ainsi un défi à Lug. Lug la jeta en arrière et elle fut sur le sol de la maison royale. Il jeta le morceau qu'Ogme avait placé devant elle à l'extérieur, à côté de la maison royale, si bien que ce morceau fut entier
( pierre de Fal ?).
Il est encore l'inventeur en Irlande de l'écriture, maître de l'éloquence.
En Gaules romaines, qu'il prenne l'aspect d'Héraklès-Hercule peut faire aussi référence aux traditions qui font d'Hercule le géniteur de la "race Galate".

Auprès de ces entités figurent Nantosvelta, Etain ;en rapport avec l'hydromel ?

Comme je l'ai signalé plus haut, Jupiter avait lui aussi deux divinités annexes : Juventas (la Jeunesse) et Terminus (symbole des bornes).

A+

MessagePosté: Dim 16 Déc, 2007 12:48
de Sedullos
Salut à tous,

DT, ce que tu viens d'écrire est très intéressant, notamment cette notion de triplicité.

Je vois les choses un peu différemment.

D'abord, ça me gêne un peu d'associer trop étroitement les adjectifs druidique et varunien, d'autant que l'aspect royal a autant sinon plus d'affinités avec l'aspect varunien.

Ensuite si Dispater est à la fois le Premier Homme et probablement le premier mort équivalent de Yama, cela ne me semble pas coller avec la figure du Dagda. Qu'il soit le maître de royaumes souterrains ne fait pas du Dagda, le strict équivalent de Dispater/ Pluton.

Il y a certes la massue qui tue dans ce monde et ressuscite dans l'autre-monde mais cela renvoie au maillet de Sucellos plus qu'à Dispater.

D'autres personnages mythiques comme Donn et sa maison-porte de l'au-delà ou même Fintan, le druide primordial conviendraient mieux à mon sens.

En revanche, Lug a un aspect varunien très accusé, ses liens avec le cheval, la mer, son attitude impitoyable, cf Les enfants de Tuireann.

MessagePosté: Dim 16 Déc, 2007 13:09
de Alexandre
Le caractère impitoyable n'est pas une spécificité des dieux varuniens. Pense à Apollon.

MessagePosté: Dim 16 Déc, 2007 13:18
de Sedullos
A noter que Bernard Sergent a établi un rapprochement entre Heraklès et Brian des enfants de Tuireann, meurtriers du père de Lug ce qui fera de Lug leur ennemi mortel.

MessagePosté: Dim 16 Déc, 2007 13:48
de DT
Salut à tous,

Salut Sedullos, le rapport avec Dispater me paraît effectivement un peu problématique, mais Sucellus semble le plus proche de la définition donnée par César dans sa description des dieux gaulois, et le Dagda semble être le plus proche de ce qu'est Sucellus.
Quant à la royauté dans les civilisations celtiques, elle me semble plus proche du côté mitrien, avec un décalage vers la fonction guerrière, avec soumission au druide, avec nécessité de se lier avec la fécondité du monde : cf. la rivalité / accommodement entre Nuada et Bres, puis lutte contre le chaos représenté par les Fomoire (du même genre que Ases et Vanes contre ...).
Pour Lug, ce qu'il représente est si complexe que je n'ai pas d'hypothèses, mais il est bien, me semble-t-il, l'expression absolue de la souveraineté.

A+

MessagePosté: Dim 16 Déc, 2007 19:36
de Muskull
Bonjour,
Je pense qu'il ne faut pas prendre les textes irlandais pour des "évangiles" de la mythologie, philosophie, doctrine ésotérique druidique. Tout est dilué, l'enseignement perdu depuis longtemps et bien des aspects rendus comiques ou graves par des conteurs qui n'avait plus le fil directeur.
Je pense aussi que de vouloir calquer certains concepts sur le panthéon védique peut faire "loucher" et voir des choses là où elles ne sont pas. C'est d'autant plus probant quand l'on voit les difficultés avec le comparatisme grec ou romain.
Dans ce genre de recherche il faut remonter à la "source locale" en intégrant pas à pas les influences périphériques dans le temps et l'espace et vérifier les concordances. J'ai jeté quelques bribes d'analyse sur le fil "La paix celtique".
Je pense également qu'il ne faut pas voir des "dieux" distincts partout, beaucoup de représentations sont des attributs d'une "énergie" considérée comme divine par les anciens. En cela je rejoint DT qui parle de "triplicité" où il ne faut pas chercher à chaque fois la "trifonctionnalité".
La triplicité étant naturelle, fonctionnelle, organique, et la trifonctionnalité une analyse conventionnelle de ce "réél".

Dans cette idée et je l'avais déjà proposé, à mon analyse, Lug n'est pas un dieu mais la représentation de "l'homme parfait", somme toute un avatar du Dis Pater ; son fils de la même manière que les chrétiens ont "inventé" que Jésus était le fils de Dieu et l'ont déifié.
Il est héros et guerrier parce que les temps exaltaient ces aspects particuliers, il était "à la voix d'or" ou de miel :wink: en des temps plus paisibles. Il serait en quelque sorte "le jeune fils du soleil" porteur de lance en des temps (vers la 2° moitié du IV° siècle) où l'idéologie guerrière gouvernait les populations "celtiques".

Ce ne sont que des propositions, pas des affirmations. :wink:

MessagePosté: Dim 16 Déc, 2007 19:37
de Sedullos
Re, entièrement d'accord avec ton dernier message, DT.

J'ai pas le temps ce soir mais je reviens mercredi pour évoquer certains dieux et héros comme Celtchar, Elcmar etc, ... ainsi qu'une idée de Mme Simone Deyts à propos de 5 dieux donnés par César.