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MessagePosté: Sam 05 Avr, 2008 12:19
de Alexandre
On est plus près du doppelgänger que du jumeau.

C'est une légende très répandue dans de nombreuses civilisations : chaque individu aurait un double surnaturel et maléfique, mais qui vivrait très loin, sauf à titre exceptionnel où il pourrait être amené à croiser notre route, avec toutes les conséquences désastreuses que cela pourrait apporter.

MessagePosté: Lun 07 Avr, 2008 12:53
de ejds
Merlin ou le thème de la folie.

On erre dans les remarquables textes suivants dans les raisons du coup de folie de Merlin, sa « descente en enfer », le choc brutal et nerveux, abattu par la douleur morale. Syndromes de maladie mentale, névrose dépressive lourde, phobie sociale, agoraphobie…, dirait-on de nos jours, qui fait que certains d’entre nous se retrouvent un jour ou l’autre (et parfois pour des motifs bien plus futiles) comme terrassés, sonnés, assommés direction Sainte-Anne, ivre-morts à la rue, à la cloche, à vau-l’eau, clochards des villes ou vagabonds des bois…

Rien de bien transcendant, d’allégorique, de surnaturel ou d’extraordinaire pour un personnage de légende tel que Merlin. Un pauvre homme en somme ! Ni gueux, ni mendiant, mais ermite misanthrope contemplatif, craintif, fugitif divagant et survivant caché dans les fourrés, épiant tout ce qui vit dans la forêt.

Puis, hurlant à l’égal d’un vieux loup, l’hiver, la faim…, le font s’interroger sur sa condition.

Les textes et commentaires suivants de Léon Fleuriot sont particulièrement exempts d’ésotérisme sur un personnage imaginaire de roman, mais probablement inspiré sur des faits réels : :?

Récits et poèmes celtiques a écrit:Merlin


Poèmes gallois
---et bretons



--- Bien que sa personnalité demeure entouré de mystères et de controverses, le personnage de Merlin a joué un rôle très important dans la légende arthurienne. Il semble qu’il faille chercher son origine du côté du héros brittonique Myrddin auquel beaucoup de poèmes sont attribués, notamment ceux dont on retrouvera des extraits dans les pages qui suivent. C’est précisément après avoir eu contact avec des traditions de ce type que Geoffrey de Monmouth se sentit obligé, vers 1150, de composer sa Vita Merlini. Il y modifiait sensiblement le personnage qu’il avait mis en scène dans l’Historia… alors qu’il le connaissait peu vers 1135.


--- Parmi les poèmes attribués à Merlin, voici un passage du célèbre poème sur le pommier, un des poèmes les plus connus du Livre de Taliesin, mais en même temps un de ceux dont le sens profond nous échappe.


Pommier doux qui pousse dans une clairière,
ton pouvoir naturel te cache aux chefs de Rhydderch.
Il y a presse près de ton tronc et des grands 1 autour de toi. […]

Pommier doux, au milieu des fleurs,
qui pousse caché dans les pays près des bois, […]

Pommier doux qui pousse sur la rive d’un fleuve. […]

Tant que mon esprit fut calme, j’obtenais, près de ton tronc,
une fille blanche et rieuse, mince, et d’aspect princier.
Pendant cinquante ans, dans la misère du hors-la-loi,
j’ai erré la folie et les vagabonds ;
Après le temps des biens appréciés et l’amusement des ménestrels,
maintenant j’éprouve la disette, l’égarement et la compagnie des vagabonds.
Maintenant je ne dors plus ; je crains mon seigneur,
mon seigneur Gwenddoleu et mes compatriotes.
Après avoir éprouvé la maladie et l’affliction autour de la forêt de Celyddon,
que j’obtienne le séjour béni des Armées.

I. Maon est parfois traduit par les « grands », parfois par « troupe, foule ».

--- (Dans ce poème Merlin errant et devenu à demi-fou s’adresse au pommier avec affection. Est-ce uniquement parce qu’il lui donne nourriture ? Ou bien y a-t-il ici des traces d’un culte des arbres que les conciles du haut Moyen Age ont, en Gaule, souvent dénoncé ?)
--------------------------------------------------------------------------- L. F.


Récits et poèmes celtiques, Léon Fleuriot, Jean-Claude Lozac’hmeur et Louis Prat, Éditions Stock, 1981, 256 pages, pp. 215-219.


Un autre texte à l’intensité tout aussi édifiante sur les causes qui font que Merlin devienne un homme des bois: :shock:

Récits et poèmes celtiques a écrit: Geoffroy de Monmouth :
---Vie de Merlin (extraits)


--- La vie de Merlin nous est connue par un seul manuscrit complet, le Cotton Vespasian E 14 conservé à Londres au British Museum. L’ouvrage est attribué généralement — mais non unanimement — à Geoffroy de Monmouth, l’auteur des Prophéties de Merlin et de l’Histoire des Rois de Bretagne. Il a été composé, sans doute après 1148, date à laquelle Robert de Chesney, à qui le poème est dédié, fut nommé évêque de Lincoln. Les sources de l’histoire sont probablement panceltiques, puisqu’on en retrouve, presque dans le détail, la plupart des épisodes dans trois œuvres gaéliques, l’une en irlandais, le roman de Buile Suibne, les deux autres en latin, le conte de Lailoken et Kentigern et celui de Lailoken et Meldred. Mais c’est du côté brittonique qu’on trouve, en plus du thème de la folie, le nom même de Merlin sous sa forme originelle et galloise de Myrddin.


---Le breton Merlin, qui avait vu, au cours des ans, se succéder bien des souverains, était tenu pour un homme célèbre dans le monde entier. Roi lui-même et prophète, il disait le droit aux peuples farouches des Demetæ et prédisait l’avenir aux chefs de la noblesse. Il arriva un jour que quelques grands du royaume, qui avait une querelle à vider, entreprit de dévaster dans une guerre féroce les peuples innocents des villes : Peredur, le roi de Vénédotie 1, partait en guerre contre Guennolous qui dirigeait le royaume de Scotie. Déjà était arrivé le jour fixé pour le combat décisif et les ducs se retrouvaient sur le champ de bataille. Les unités se battaient, se ruaient les unes contres les autres, provoquant un massacre tout autant pitoyable des deux parties. Merlin était venu à la guerre avec Peredur et de Rodarc, roi de Cumbrie. Aussi terribles l’un que l’autre, ils taillaient en pièces de leurs terribles épées les ennemis qui s’opposaient à eux. Trois frères du prince qui l’avaient suivi à la guerre massacraient sans relâche ceux qui résistaient et anéantissaient des bataillons entiers ; or, tandis qu’ils se ruaient énergiquement à travers les escadrons ennemis en leur distribuant de tels présents, ils s’effondrèrent soudain, morts à leur tour. Ce que voyant, Merlin, tu mènes grand deuil ; tu y mêles tes lamentations funèbres en parcourant les rangs et tu lances aussi ces mots :

« Un sort importun a-t-il pu ainsi me nuire au point de m’arracher de si bons et si estimables compagnons que naguère craignaient tant de rois et tant de royaumes lointains ? Ô que le sort des hommes est incertain ! Et la mort toute proche ! Elle les serre toujours de près, elle les pique de son aiguillon caché et elle chasse de leur corps leur misérable vie ! Ô beauté de la jeunesse ! Qui, maintenant, se tiendra en armes à mes côtés, qui repoussera avec moi les princes qui viennent avec des intentions hostiles et leurs bataillons qui s’abattent sur moi ? Audacieux jeunes gens ! Votre témérité vous a ravi votre douce vie et votre douce jeunesse. Vous qui, naguère, courriez en armes de tous côtés, de troupe en troupe, et qui terrassiez partout les hommes qui se dressaient face à vous, maintenant vous frappez la terre de vos talons et vous le rougissez de votre sang vermeil ! » Ainsi se lamentait-il parmi ses escadrons, des larmes pleins les yeux, et il pleurait ses hommes. Les combats cependant ne cessaient pas : les bataillons se jetaient les uns contre les autres, les ennemis abattaient les ennemis ; le sang coulait de toutes parts et bien des soldats mouraient dans les deux camps. A la fin, les Bretons rameutant leurs escadrons, se reformèrent puis, se ruant en ordre à travers les lignes adverses, ils assaillirent les Scots et les terrassèrent en les accablant de coups. Ils n’eurent de cesse que les escadrons ennemis se tournent le dos et s’enfuient vers des endroits écartés.

---La bataille terminée, Merlin rassemble ses compagnons et leur enjoint d’aller ensevelir leurs frères dans une chapelle richement décorée. Il pleure ses hommes et ne cesse de verser des larmes. Il répand de la cendre sur ses cheveux et lacère ses vêtements, puis prostré sur le sol, son corps roule maintenant d’un côté et de l’autre. Peredur tente de l’apaiser. Ainsi font également les grands et les ducs. Mais il ne veut pas qu’on le réconforte, il ne supporte pas que les supplications. Il pleura ainsi trois jours entiers, repoussant toute nourriture, tant étant grande la douleur qui le brûlait. Alors, après avoir rempli l’air de plaintes si nombreuses et si fortes, il est pris de nouvelles folies et s’éloigne secrètement. Il s’enfuit en direction des forêts, cachant sa fuite. Il pénètre dans un bois et se plaît à rester caché sous les frênes. Il voit avec émerveillement les bêtes farouches paître les herbes des pâturages. Tantôt il les suit, tantôt il les précède dans sa course. Pour se nourrir, il déterre les racines des plantes, il coupe les herbes, il cueille les fruits des arbres et les mûres des buissons. A partir de ce moment il devient un homme des bois, il vit comme s’il était un fils de la forêt. Pendant tout l’été, il ne rencontre personne. Oublieux de lui-même, et abandonné de ses parents, il demeure caché, dissimulé par la forêt, à la façon d’une bête farouche. Mais quand vient l’hiver, quand les frimas emportent les herbes ainsi que tous les fruits des arbres, quand il n’a plus rien pour se sustenter, il se répand alors en lamentations d’une voix misérable :

--- « Christ, Dieu du ciel, que dois-je-faire ? En quel endroit du monde pourrais-je demeurer, quand je ne vois rien dont je puisse me nourrir, ni herbe sur le sol, ni gland sur les arbres ? Ici, en nombre infini, se trouvaient portant leurs fruits, des pommiers inépuisables. Maintenant il n’y en a plus. Oui, qui donc me les a dérobés ? Où sont-ils disparus ? Tantôt je les vois, tantôt je ne les vois pas. C’est ainsi que les destins s’opposent, c’est ainsi qu’ils s’accordent aussi, quand ils me permettent de les voir comme quand ils m’en empêchent. Tantôt les fruits me manquent, tantôt tout le reste. La forêt n’a plus de feuilles, n’a plus de fruit. Je suis puni de deux façons, quand je ne puis ni me couvrir de feuillages ni me nourrir de fruits. L’hiver a tout emporté, tout comme le vent du sud accompagné de la chute des pluies. Si par hasard je trouve des bulbes enfouis sous la terre, les porcs avides et les sangliers voraces accourent pour m’arracher ceux que je viens de retirer du sol.

---« Ô loup, cher compagnon ! Toi qui as coutume de parcourir comme moi les endroits écartés des forêts et des pacages, tu as peine à ne pas toucher aux cultures des hommes ; et pourtant la dure faim nous contraint, toi et moi, à languir. Toi le premier, tu as fréquenté ces bois et ton âge t’a donné ce poil cendré ; tu n’as, ni ne sais que dévorer et je m’en étonne puisque les pacages abondent de tant de chevreuils et d’autres bêtes farouches dont tu ne pourrais te saisir. Ton abominable vieillesse t’a peut-être ôté toute vigueur et t’a refusé la force de courir. La seule chose qui te reste, c’est d’emplir les airs de tes hurlements ; et, prostré sur le sol, tu laisses retomber tes membres épuisés. »

I. Il s’agit d’un personnage historique, mentionné par des documents gallois. Il semble avoir vécu au VIe siècle. (Voir R. Bremwich, Trioedd Ynys Prydein, p. 492.)

-----------------------------------------------------------------Vita Merlini, vers 19-112.


Récits et poèmes celtiques, Léon Fleuriot, Jean-Claude Lozac’hmeur et Louis Prat, Éditions Stock, 1981, 256 pages, pp. 225-229.

e.

MessagePosté: Mer 09 Avr, 2008 15:06
de Muskull
ejds a écrit:Rien de bien transcendant, d’allégorique, de surnaturel ou d’extraordinaire pour un personnage de légende tel que Merlin. Un pauvre homme en somme ! Ni gueux, ni mendiant, mais ermite misanthrope contemplatif, craintif, fugitif divagant et survivant caché dans les fourrés, épiant tout ce qui vit dans la forêt.

Ne banalisons pas trop ce mythe car il pourrait être à l'origine du grand succès de l'érémitisme dans les chrétientés celtiques ; les forêts étant les "déserts" occidentaux.
Il y a aussi sans conteste le souvenir du sacrifice, effectif ou symbolique, des rois archaïques qui avaient "failli": défaites des armes, épidémies, disettes, etc... Sacrifice par le métal ou le bois, le feu, l'eau (où tout retourne à la fin).

Le rapport avec la mort de Lleu est aussi intéressant car dans ce mabinogion le mythe semble plus complet...

MessagePosté: Mer 09 Avr, 2008 22:58
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:Ne banalisons pas trop ce mythe car il pourrait être à l'origine du grand succès de l'érémitisme dans les chrétientés celtiques ; les forêts étant les "déserts" occidentaux.


Très honnêtement ami Muskull, je ne crois pas que les phénomènes érémitiques dans les "chrétientés celtiques" (là aussi je suis dubitatif sur la pertinence de cette désignation) trouvent leur origine dans le mythe du Fou sylvestre. D'accord en revanche pour dire que les forêts et/ou les confins (et beaucoup de confins étaient d'ailleurs couverts de forêts) ont joué un rôle analogue à celui du "désert" que l'on retrouve chez ceux que l'on appelle justement les Pères du désert.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Jeu 10 Avr, 2008 10:38
de ejds
La folie de Merlin ne représente pas vraiment à une crise profonde de mysticisme, de mortification, d’isolement de l'ermite ou anachorète, ascète qui a fait vœu de vivre seul, retiré du monde et qui a fait le choix d'une vie spirituelle dans la solitude et le recueillement. A défaut de désert et se retirer dans la forêt pour se consacrer à la prière et à des exercices de pénitence extêmes, il aurait pu le faire aussi dans les îles très prisées à l’époque.

Sa folie, fuite ou période d’isolement, représente plutôt les conséquences reconnues et le déclenchement qu'on appelle de nos jours "symptômes de stress post-traumatique", et qui font suite à des événements particulièrement prolongés, répétitifs et choquants sur le plan psychologique (guerre, exposition à des scènes de violence, de personnes mortes et bien-aimées…).

Mais connaît-on vraiment la durée du séjour de Merlin dans la forêt, quelques mois ou bien 70 ans... ? :?

e.

MessagePosté: Jeu 10 Avr, 2008 11:10
de Alexandre
Je crois qu'on s'égare ici...
Merlin est un archétype. Certes, les archétypes sont toujours actualisés en fonction des observations immédiates, mais il serait stupide et surtout totalement contraire aux observations ethnographiques de croire que les sorciers sont des guerriers traumatisés. Ce sont des catégorisations appliquées aux hommes et aux dieux, dont on peut voir certaines manifestations chez certains individus réels, mais analyser comme le fait ejds, c'est croire que les sirènes sont une espèce de poisson disparue à l'époque romaine.

MessagePosté: Jeu 10 Avr, 2008 11:43
de ejds
Alexandre a écrit:Je crois qu'on s'égare ici...
Merlin est un archétype. Certes, les archétypes sont toujours actualisés en fonction des observations immédiates, mais il serait stupide et surtout totalement contraire aux observations ethnographiques de croire que les sorciers sont des guerriers traumatisés. Ce sont des catégorisations appliquées aux hommes et aux dieux, dont on peut voir certaines manifestations chez certains individus réels, mais analyser comme le fait ejds, c'est croire que les sirènes sont une espèce de poisson disparue à l'époque romaine.

Alexandre, au lieu de te livrer à des invectives déplaisantes et remarques désobligeantes et non constructives, peux-tu, s’il te plaît, prendre le temps de relire et d'analyser le texte suivant et donner tes impressions sur le personnage de roman qu'est Merlin, et les raisons probables de sa période de folie ? :(

e.

MessagePosté: Jeu 10 Avr, 2008 14:36
de Alexandre
Merlin est l'archétype du sorcier. Il est fou parce que :
- la sorcellerie consiste à plier les lois de la nature aux intérêts de la communauté,
- que cela suppose de ne pas y être soi-même soumis - d'où la fréquence des meurtres et des incestes chez les personnages de sorciers (Médée) -,
- donc d'être vecteur de désordre - la folie -, et corrairement de devoir vivre en marge (la forêt).

Voici quelques illustrations de la principale incarnation grecque du même archétype. Tu y retrouveras absolument tout :
- la folie, que Dionysos tour à tour subit et inflige
- la marginalité, illustrée par une longue errance hors de Grèce, parallèle à celle mentionnée dans ton texte
- et même le cerf, animal de la forêt s'il en est, très lié à Merlin (cf. les textes évoqués il y a une ou deux semaines sur ce même forum) et dont Dionysos prend l'apparence pour échapper à Hera.

http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=4&ida=6037
http://discor-dianique.over-blog.com/article-16822200.html
http://www.univ-paris3.fr/recherche/sites/edea/iris/Communications/Lejri-Dionysos.html

et pourtant nulle part Dionysos n'est figuré comme le survivant traumatisé d'une guerre.

MessagePosté: Jeu 10 Avr, 2008 17:50
de Muskull
André-Yves Bourgès a écrit:
Muskull a écrit:Ne banalisons pas trop ce mythe car il pourrait être à l'origine du grand succès de l'érémitisme dans les chrétientés celtiques ; les forêts étant les "déserts" occidentaux.


Très honnêtement ami Muskull, je ne crois pas que les phénomènes érémitiques dans les "chrétientés celtiques" (là aussi je suis dubitatif sur la pertinence de cette désignation) trouvent leur origine dans le mythe du Fou sylvestre. D'accord en revanche pour dire que les forêts et/ou les confins (et beaucoup de confins étaient d'ailleurs couverts de forêts) ont joué un rôle analogue à celui du "désert" que l'on retrouve chez ceux que l'on appelle justement les Pères du désert.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

Bonjour André-Yves,
Je te suis bien mais il y a quand même une bonne "teinture" de prodiges et de "miracles" chez les ermites insulaires et armoricains qui rejoint les mythes celtiques. Certains saints deviennent ainsi assez proches des archaïques divinités forestières.
J'utilise "chrétienté celtique" à peu près dans le même sens que Georges Bertin.

MessagePosté: Jeu 10 Avr, 2008 18:20
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:Je te suis bien mais il y a quand même une bonne "teinture" de prodiges et de "miracles" chez les ermites insulaires et armoricains qui rejoint les mythes celtiques. Certains saints deviennent ainsi assez proches des archaïques divinités forestières.


Les miracles chez les saints de Bretagne continentale, racontés par leurs "biographes" tardifs, sont assez peu originaux ; comme dans le reste de l'hagiographie occidentale médiévale, ils reprennent à l'infini les mêmes poncifs et lieux-communs, dont les prototypes sont le plus souvent les miracles du Christ ou ceux des premiers saints (notamment les Pères du désert dont nous avons parlé, mais aussi en Gaule l'hyper-modèle de saint Martin) ; même certains de ces miracles qu'on pourrait croire a priori marqués au coin de la culture "celtique" ne le sont pas : la guérison des louveteaux aveugles par saint Cunwal dans une vita trégoroise du XIe siècle, par exemple, est en fait un emprunt à une vita éthiopienne de saint Macaire...

J'utilise "chrétienté celtique" à peu près dans le même sens que Georges Bertin.

Au niveau de l'histoire des chrétientés dans les pays "celtiques", je ne suis pas sûr que G. Bertin constitue une référence.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Ven 11 Avr, 2008 6:27
de Muskull
Hummm...
Bernard Sergent est moins "systématique":
http://www.mythofrancaise.asso.fr/2_myt ... eltiq.html

MessagePosté: Ven 11 Avr, 2008 9:00
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:Hummm...
Bernard Sergent est moins "systématique":
http://www.mythofrancaise.asso.fr/2_myt ... eltiq.html


Je n'ai pas dit que l'apport des "mythologues" n'était pas intéressant dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire (et non transdisciplinaire) du matériau hagiographique. Je suis farouchement partisan de la pluridisciplinarité ; mais je crains le pire d'un fourre-tout transdisdiplinaire.

Par ailleurs j'observe que prudemment B. Sergent parle avant tout de l'Irlande tandis que mes observations portent quant à elles sur le "miraculaire" des saints de Bretagne continentale. L'influence irlandaise est patente dans l'hagiographie bretonne continentale, notamment au travers de ce que B. Merdrignac a appelé la "filière trégoroise" : ce qui veut dire que des mythèmes ont pu être introduits jusque tardivement dans la "matière première" utilisée par les hagiographes de Bretagne continentale. Je pense même que l'Irlande a joué un rôle important dans la transmission d'éléments venus d'Afrique, du Proche-Orient ou du Moyen Orient (peut-être, par exemple, l'anecdote de la guérison des louveteaux aveugles dont j'ai parlé plus haut, à vérifier cependant dans ce qui est connu du dossier hagiographique de saint Macaire). Mais cela du coup pose le problème de la "celticité" de certains de ces mythèmes, de même que celle de la quête des origines du mythe. J'ai déjà eu cette discussion avec Taliesin sur un autre fil...

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Ven 11 Avr, 2008 17:17
de DT
Salut à tous,
Merci à André-Yves Bourgès remettant un peu de "méthode historique", équilibrant ainsi des échanges très instructifs.
A+

MessagePosté: Ven 11 Avr, 2008 17:53
de André-Yves Bourgès
DT a écrit:Salut à tous,
Merci à André-Yves Bourgès remettant un peu de "méthode historique", équilibrant ainsi des échanges très instructifs.
A+


Je partage l'avis de DT sur le caractère très instructif de nos échanges : à l'occasion de nos mini-colloques annuels du CIRDoMoC qui se tiennent depuis vingt ans déjà et qui traditionnellement donnent plutôt la parole aux historiens, nous avons reçu à plusieurs reprises des "mythologues" (ce terme est sans doute inadéquat, mais je n'en trouve pas d'autre pour désigner les spécialistes de cette discipline), notamment C. Sterckx, B. Robreau, B. Sergent,... pour des interventions dans leur(s) domaine(s) ; interventions qui ont en général suscité intérêt sur les problématiques abordées et débat sur les aspects méthodologiques.

"Ce n'est qu'un débat, continuons le combut !"

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Ven 18 Avr, 2008 16:59
de Muskull
Bonjour,
Un peu plus haut Alexandre évoque Dionysos et des comparaisons évocatrices avec le devin / sage / fou du domaine sauvage celtique.
Je pense que l'on peut aussi évoquer Pan (pas le "notre", celui des grecs :wink: ) dont les représentations mêlant humain, animal et végétal sont (bien que figuratives) très proches de celles, abstraites, de la divinité celtique (Kruta).
Peut-on au vu de la quasi absence d'animaux sauvages dans les sacrifices et dans l'alimentation déduire que "le sauvage" est le domaine des dieux et que l'on ne leur sacrifie pas ce qui leur appartient ?
Cela supposerait que des lieux de culte sylvestres existaient en parallèle des lieux dans ou hors la cité ; le bosquet sacré en étant le rappel. Lieux où les cultes auraient duré plus longtemps et dont parlent les auteurs classiques...