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MessagePosté: Ven 18 Avr, 2008 17:28
de Alexandre
Muskull a écrit:Cela supposerait que des lieux de culte sylvestres existaient en parallèle des lieux dans ou hors la cité ; le bosquet sacré en étant le rappel.

C'était la situation des Lituaniens au Moyen-âge. C'est encore la situation de certaines populations non christianisées ou superficiellement christianisées en Europe de l'Est (Est de la Pologne, contreforts occidentaux de l'Oural).

MessagePosté: Ven 18 Avr, 2008 19:46
de Pan
Muskull a écrit:Peut-on au vu de la quasi absence d'animaux sauvages dans les sacrifices et dans l'alimentation déduire que "le sauvage" est le domaine des dieux et que l'on ne leur sacrifie pas ce qui leur appartient ?


Le sauvage est du domaine ô combien polysémique du "FERTILE", et à ce titre, les animaux issus d'un retrempage sont "bons à penser". Il faut fréquenter nos amis à poils et à plumes si l'on veut comprendre nos Anciens et leur mythologie. L'observation participante n'est pas qu'une manière de dire ou une méthodologie de bureauCRATES, c'est l'essence même de l'anthropologie...

J'en connais qui passe une bonne partie de leur temps à les observer :wink:

A quand les ânes cher Muskull ?

MessagePosté: Mer 07 Mai, 2008 11:36
de ejds
Didier Érasme (v. 1469–1536 ap. J.-C.), suivant l’usage des savants de son temps et pour s’en former un nom littéraire, associa au latin desiderius (désiré), au grec erasmos (aimé), et Roterodamus (Rotterdam) sa ville de naissance.

Le latin médiévale était devenu un jargon qui servait aux théologiens à se battre entre excités sur les quiddités et mille autres subtilités paradoxales. Érudit pénétré de l’étude des moralistes de l’Antiquité et de l’Évangile, il voulait revenir au vrai latin et au grec ancien, ceux des grands textes, des orateurs et des poètes anciens tel que Lucien. Il composa et recomposa, à mesure qu’il lut et sut davantage, le livre des Adages, ce manuel de la sagesse antique, pour répandre les « enchantements de l’Antiquité », et pour indiquer, dès le départ, dans quel esprit on devait travailler.

Mais il est bien connu qu’il faut exercer à puiser la sagesse dans… la folie des autres. Son livre, Encomium Moriae ou Éloge de la folie, dans ses dits et contredits, en est le contre-poil à gratter. Les théologiens, les religieux, les philosophes, les savants, les astronomes, les médecins, les écrivailleurs et autres grammairiens, car j'en oublie, tout le monde en prend un coup en passant et subissent sa critique.

Extraits choisis. Nul doute que certains d'entre nous se reconnaîtrons : :roll:

Image

[....]DÉCLAMATION D’ÉRASME


---------------------------C’EST LA FOLIE QUI PARLE

-------------------------------------------- ____

[....]Moi qui vous parle, la Folie, j’ai plus d’un détracteur ici-bas, même parmi les plus fous. Mais on peut les laisser dire sans danger, car ils ne pourront jamais faire que je ne jouisse d’une puissance à nulle autre pareille pour mettre en gaîté les dieux et les hommes. En voulez-vous une preuve ? — Tout à l’heure j’entre dans cette nombreuse assemblée pour y prendre la parole ; je n’avais pas encore ouvert la bouche que déjà vos visages marquaient une hilarité peu commune, et que des rires joyeux et sympathiques saluaient mon apparition.

[....]Maintenant, j’ai autour de moi des dieux d’Homère, ivres de nectar et de népenthès ; auparavant, vous aviez l’air de gens qui sortaient de l’antre de Trophonius. Lorsque le soleil se montre radieux à la terre, ou lorsque le printemps, après un rigoureux hiver ramène les zéphirs, tout change d’aspect, et la nature rajeunie revêt les plus riches couleurs ; à l’instant ma présence vient d’opérer la même métamorphose sur vos physionomies. Les plus habiles des orateurs n’arrivent qu’à grand’peine, avec de longs discours longuement étudiés, à chasser les soucis du front de leurs auditeurs ; moi, je n’ai eu qu’à me montrer, et la chose était faite !

[....]Or, voulez-vous savoir pourquoi je parais aujourd’hui devant vous avec tant de solennité ? — Je vais vous le dire, s’il vous en coûte pas trop de me prêter vos oreilles, non pas la paire dont vous servez pour écouter les prédicateurs sacrés ; mais la bonne, celle-là que vous dressez en l’honneur des charlatans, des farceurs et des bouffons ; la même qu’autrefois notre bien-aimé Midas ouvrait aux accords de Pan.

[....][...] Le discours que vous allez entendre est une improvisation qui, pour n’être pas étudiée, n’en contiendra que moins de mensonges. Je ne vous dis pas cela, croyez-m’en sur parole, pour me faire valoir, comme il n’arrive que trop souvent aux orateurs vulgaires. Ces gens-là, vous le savez, après avoir élaboré trente ans un discours, dont ils ont pillé la moitié, vous le donnent ensuite comme un ouvrage qu’ils ont écrit en trois jours tout en s’amusant ou même qu’ils ont dicté au pied levé. Quand à moi, personne n’en doute plus, de tout temps j’ai dit sans préparation ce qui me venait sur le bout de la langue.

[....][...] Vous savez maintenant mon origine, mon éducation et mon entourage. Mais pour éviter qu’on m’accuse d’usurper le titre de déesse, je vais vous dire les bienfaits innombrables dont je gratifie les dieux et les hommes, et vous montrer jusqu’où s’étend mon empire. Attention dressez bien les oreilles.



[....][...] Mais je passe les bornes et il faut en finir. Si vous trouvez que j’ai déraisonné ou trop causé, rappelez-vous que je suis la Folie, et Femme qui pis est. Souvenez-vous aussi du proverbe grec :

[..............] Un fou quelquefois parle avec sens et raison.

A moins que vous ne pensiez que ce dicton puisse s’appliquer à mon sexe.

[....]Vous vous attendez à une conclusion, je le vois bien. Triples fous que vous-êtes ! Croyez-vous donc que je me souviens d’un seul mot du pot-pourri que je viens de vous débiter ? Les anciens disaient : « Je hais un convive qui a trop bonne mémoire. » Et moi, je vous dis : Je hais un auditeur qui se souvient de tout. Adieu donc, applaudissez, vivez en joie, et buvez sec, illustres adeptes de la Folie !

--------------------------------------FIN


Éloge de la Folie, par G. Lejeal, Librairie de la Bibliothèque Nationale, 1907, 160 pages, pp. 15-16, 18, 23 et 148.

e.

MessagePosté: Mer 07 Mai, 2008 12:49
de André-Yves Bourgès
ejds a écrit:
Le latin médiévale était devenu un jargon qui servait aux théologiens à se battre entre excités sur les quiddités et mille autres subtilités paradoxales.


Le latin médiéval... mais le Moyen Âge couvre plus de dix siècles et il est difficile de comparer la langue maniée par les écrivains de l'Antiquité tardive, premiers "médiévaux", à celle des sorbonnards et des prédicateurs du XVe siècle !

Cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Lun 07 Juil, 2008 23:10
de ejds
M'étant fourvoyé par mégarde, et à mon plus grand désarroi, sur le fil Chartres "celtique", où Dieu constatant, à son grand regret, d'avoir fait l'homme (« le fou ou aliéné divin ? ») à son image, promptement fit la femme !

Mais débobinons le fil : :?

De la manie à la marotte

On dit de quelqu'un qu'il a une drôle d'habitude ou passion bizarre, souvent saugrenue, à laquelle il est particulièrement attachée, qu'il a une manie ou marotte (par exemple la manie répétitive des mêmes calembours ou des citations).

A l'extrême, en psychiatrie, la manie est un désordre mental à évolution cyclique et qui se caractérise par des troubles du comportement (agitation, excitation, exaltation, suractivité, instabilité, euphorie, troubles de l'attention, sautes rapides du coq à l'âne... ). Le maniaque a besoin de se mettre en avant, de se valoriser et d'être rassuré, parler de tout et de rien, de ce qu'il sait et surtout de ce qu'il ne sait pas. Irritable, d'une susceptibilité à fleur de peau, un soupçon de défiance ou de contrariété peut mener à une avoinée, une prise de becs et volée dans les plumes envers autrui. :(

Antique gourdin ou massue, mais à l'imitation de celui de leurs maîtres rois ou grands seigneurs, le spectre de fantaisie, ou marotte, est surmonté d'une tête coiffée d'un capuchon bigarré et souvent garni de grelots. L'attribut des bouffons, il était aussi celui allégorique de la folie ou du dérangement de la raison associé à un comportement étrange. Ce mot n'appartient plus de nos jours au vocabulaire médical.

Ci-dessous, ce fou ricanant, au rictus figé et au bonnet aux oreilles d'âne, est pitre du pire et d'en rire. Il tient en sa main son double et confident, comme pour mieux se défendre ou frapper. Sa main (du latin manus) devient le prolongement et l'exécutante de ses humeurs et humours de son esprit, la manie de sa marotte.



En parlant d'âne, il en est un qui fait son coq, asne à la lyre ou asne qui vielle, haut perché en saillie sur la cathédrale de Chartes (cliquer sur le lien cathédrale) : :D


Les commentaires de l'auteur du site ramènent dans le contexte d'une époque médiévale du XIIème siècle où les commanditaires religieux et leurs exécutants manuels artisans, ne connaissaient que les textes ou fables des auteurs anciens, tels Ésope, Phèdre ou Boèce (bien antérieures à Jean de La Fontaine). Ils n'avaient surtout que les histoires extraites de la Bible pour s'inspirer et agrémenter dans la pierre les édifices religieux.

Érasme(v. 1469-1536 ap. J.-C.), échappant aux carcans habituels de son époque, avait été séduit et aussi repris maintes fois dans ces écrits ce thème imagé de l'âne qui joue de la lyre pour mieux se moquer, plus particulièrement de la vantardise et des inaptitudes flagrantes de quelques uns de ses contemporains.

e.

MessagePosté: Lun 07 Juil, 2008 23:14
de sule
Bonsoir ejds :) ,
l'erreur n'était-ce pas plutôt la femme ?... à la nature ô combien compliquée... je sais de quoi je parle... :lol:

..................


Plaisanterie stupide... :lol:

MessagePosté: Jeu 10 Juil, 2008 18:00
de Muskull
sule a écrit:Bonsoir ejds :) ,
l'erreur n'était-ce pas plutôt la femme ?... à la nature ô combien compliquée... je sais de quoi je parle... :lol:

Pas plus compliquée que celle de l'homme et très semblable en fait si ce n'est dans le rôle "final" de génération. Mais aussi de ce que la femme a accepté de la culture virile dominante depuis (trop ?) longtemps. Mais lui aussi en est victime.
La femme offre beaucoup de choses à qui sait écouter et/ mais entre autres ce désir charnel qu'elle partage: force naturelle commune à tout le monde vivant (même les plantes) et qui prévoit la durée des espèces, leur évolution vers la complexité et vers l'infini mystère de la vie et de l'être.
C'est ce désir qu'ils disent "animal" qui tend les esprits soumis à une religion perverse (elle peut être instituelle) à classer la femme dans le domaine du "démon". Stupidité totale et négation du vivant et ce, sous toutes les latitudes où la perversion de "l'idée" principielle à court.
L'idée principielle étant que l'équilibre entre "mâle" et "femelle" soit parfait, cyclique, pour regénérer sans cesse cette création parfaite du domaine du "vivant" dans la chair mais aussi dans l'esprit, "l'autre choisi" étant le miroir choisi et ce, que ce soit de façon instinctuelle ou raisonnée. :wink:

MessagePosté: Lun 02 Fév, 2009 13:23
de ejds
Pour réagir ici aux réponses apportées au Bonjour de Damianus! :?

Le thème de la folie et de la violence sont deux sujets omniprésents dans l’histoire de l’humanité, sans qu’on sache vraiment le besoin impérieux de se taper dessus et sans qu’on ne finisse souvent à savoir pourquoi.

J. Chevalier et A. Gheerbrant a écrit:CASQUE

Le casque est un symbole d’invincibilité, d’invulnérabilité, de puissance.

1. Le casque d’Hadès, souvent représenté comme un bonnet phrygien, rendait invisible, même aux dieux, qui s’en trouvait coiffé. (Iliade, 5, 841 ; République 10, 612 b). selon l’ancienne interprétation grecque, Hadès signifie l’invisible. Ce sont les Cyclopes qui lui donnèrent ce casque, pour participer à la lutte victorieuse contre les Titans. D’autres dieux et héros en furent également coiffés, lors de leurs combats. Athéna, par exemple, quand elle vient aider Diomède à combattre Arès, porte selon l’Iliade, ce casque précieux. Comme le bonnet pointu des nains* ou le capuchon* des magiciens, le casque protège en rendant invisible.

2. Même, quand il ne confère pas ce privilège extrême, du moins manifeste-il la puissance. Tel, par exemple, le casque d’Agamemnon décrit dans l’Iliade (11, 42-43) : Sur son front, il pose un casque à deux cimiers, à quatre bossettes, à crins de cheval, dont le panache en l’air oscille, effrayant. Tel n’est-il pas encore le casque des cuirassiers avec sa longue queue de cheval, qui se soulève en nuages noirs menaçants quand ils galopent ?

3. Le symbolisme du casque est à rapprocher de celui de la tête, qu’il recouvre directement. On peut dire à cet égard qu’il protège les pensées, mais aussi qu’il les cache : symbole d’élévation, qui peut se pervertir en dissimilation, surtout quand la visière est baissée. Son cimier, plus ou moins décoré, trahit l’imagination et les ambitions du chef qui le porte.

4. Mais le fait que le casque soit un attribut d’Hadès, roi des Enfers qui veille jalousement sur les morts, peut suggérer beaucoup d’autres interprétations. Le désir d’échapper aux regards d’autrui, si profond chez l’homme, à l’exception d exhibitionnistes, ne pourrait-il se satisfaire que dans la mort ? Ou bien le casque d’Hadès ne signifie-t-il pas la mort invisible qui rode sans cesse autour de nous ? Ou bien, comme pour Gygès avec son anneau*, le désir et le rêve du casque ne décèleraient-ils pas l'ambition du pouvoir suprême ou de la situation des dieux qui voient tout sans être vus ? Ou encore selon Paul Diel (DIES, 147) — et aucune de ces hypothèses ne s’exclut — ce casque qui rend invisible, qui coiffe le dieu des tourments infernaux, n’est-il pas un symbole du subconscient ? Il pourrait indiquer que nous cherchons à nous cacher quelque chose à nous-mêmes, à nous cacher nous-mêmes, et le signe de ce symbole de la puissance se retournerait pour ne plus exprimer que l’impuissance d’un être à s’exprimer intégralement lui-même. L’invincibilité ne servirait plus qu’à fuir le combat spirituel avec soi-même.


Dictionnaire des Symboles, Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Éditions Seghers, 1973, tome I, 398 pages, pp. 280-1.


Desiderius Erasmus ou Érasme, adepte de la discussion, apôtre de la non violence, de la paix et de la liberté, parmi ses Adages qu'il a rassemblés en un parfait manuel de la sagesse antique, il en est un qui ressort plus particulièrement : " La guerre n'est douce qu'à ceux qui la voient de loin ".

Dans sa quête de spiritualité et de vérité, il malmène cette engeance, gens de Dieu et gens d’armes, et avoue que si le capuchon ne fait pas toujours le moine, le casque ne fait pas non plus le soldat.

Le dialogue suivant de son Colloquia XXX (Fransiscani), écrit vers 1518, met en scène deux riches mendiants franciscains (Conradus et Bernardinus) qui, après avoir été refusés le gîte et le couvert auprès d’un pasteur, s’en vont solliciter un aubergiste :

— Conradus : Si un bourgeois s'habillait en soldat, avec le panache et les autres insignes de la folie de Thrason ?

— L'Aubergiste : On sa moquerait de lui.

— [...] Ne serait-ce pas l'exposer à la risée plus que si on lui mettait la casaque d'un fou avec de longues oreilles et des grelots ? Cependant les soldats se parent volontairement de la sorte, et lis en sont fiers ; et il se trouve des gens a qui cela paraît beau, quoiqu'on ne puisse rien voir de plus insensé !

— L'Aubergiste : Bien plus, il ne manque pas d'honnêtes bourgeois qui s'efforcent de les imiter.

e.

MessagePosté: Lun 02 Fév, 2009 15:02
de Kambonemos
Bonjour,

Sur la folie de la guerre : ce passage de la mythologie grecque, où pendant la guerre contre les Géants, Arès se voit enfermer par ses cousins, les Aloades, dans un chaudron de bronze ; c'est Hermès qui, longtemps après, viendra le délivrer. Le symbolisme est très parlant...

Quant au casque, c'est pour le guerrier souvent un gros investissement ; pour un Franc par exemple qui se portait acquéreur d'un casque NF (normes franques), il devait parfois débourser le prix d'un boeuf ou d'un cheval.

Cordialement.

@+

MessagePosté: Sam 07 Fév, 2009 10:59
de ejds
Kambonemos a écrit: Sur la folie de la guerre : ce passage de la mythologie grecque, où pendant la guerre contre les Géants, Arès se voit enfermer par ses cousins, les Aloades, dans un chaudron de bronze ; c'est Hermès qui, longtemps après, viendra le délivrer. Le symbolisme est très parlant...

Effectivement, il existe des variantes à cette singulière histoire de ces deux Aloïdes, plus sots l'un que l'autre, aux corps démesurés, qui, de leurs mains, avaient entrepris de forcer le ciel immense, le monde des Dieux.

Dans la mort, ils furent condamnés à écouter sans fin le cri de la sagesse : :shock:

É. Hamilton a écrit:OTOS ET EPHIALTES

----------On trouve une allusion à cette légende dans l'Odyssée et dans l'Enéide,
----------mais seul Apollodore la raconte en entier.
----------Il est probable qu'il écrivait au Ie ou IIe siècle de notre ère.
----------C'est un auteur assez ennuyeux, bien qu'il le soit moins que d’habitude dans ce conte.


-----Ces deux frères jumeaux étaient des Géants mais ils ne ressemblaient pas aux monstres des temps anciens. Ils avaient le corps droit et leur visage était noble. Homère nous dit qu'ils étaient :

Les plus grands que la terre féconde ait nourris de son pain
Et les plus beaux aussi, après l’incomparable Orion.


-----Virgile parle surtout de leur ambition insensée :

Jumeaux gigantesques qui de leurs mains tentèrent de détruire la voûte céleste
Et de renverser Jupiter de son trône surnaturel.


-----Selon les uns, ils seraient les fils d'Iphimédéia et selon les autres de Canace. Mais quelle que fût leur mère, leur père était certainement Poséidon, bien qu'on les appelât d'ordinaire les Aloades, les fils d'Alous, du nom du mari de leur mère.

-----Tout jeunes encore, ils décidèrent de prouver leur supériorité sur les dieux. Ils capturèrent Arès, le chargèrent de chaînes d'airain et l’emprisonnèrent. Les Olympiens répugnaient à le libérer au moyen de la force. Ils déléguèrent l'astucieux Hermès à son aide et celui-ci, sous le couvert de la nuit, réussit à le faire sortir furtivement de sa geôle. Alors les jeunes arrogants osèrent davantage encore. Ils menacèrent d'entasser le Mont Pélion sur le Mont Ossa et d'escalader le ciel, comme dans le temps jadis les Géants avaient entassé l'Ossa sur le Pélion. Ceci était plus que la patience des immortels n'en pouvait supporter et Zeus se prépara à les frapper de son foudre ; mais avant qu'il ait eu le temps de le lancer, Poséidon vint l'implorer d'épargner ses fils et lui promit de les soumettre désormais à une vigoureuse discipline. Zeus se laissa fléchir et Poséidon tint parole. Les jumeaux renoncèrent à guerroyer contre les cieux et Poséidon se félicita. En fait, Otos et Ephialtès s'étaient tournés vers des activités plus intéressantes.

-----Otos, en effet, pensait qu'enlever Héra serait une excellente aventure ; quant à Ephialtès, il était épris d'Artémis ou croyait l'être. En réalité, les deux frères n'avaient d'affection pour personne sinon l'un pour l'autre ; ils s'aimaient tendrement. Pour décider lequel se saisirait le premier de sa dame, ils tirèrent au sort et la fortune favorisa Ephialtès. Aussitôt, par les collines et par les bois, partout ils cherchèrent Artémis, et quand enfin ils l'aperçurent, elle était sur la grève et se dirigeait droit vers la mer. Elle n'ignorait rien de leur vil dessein et elle savait aussi comment elle les châtierait. Ils s'élancèrent à sa poursuite mais elle continua sa course au-dessus des flots. Or, tous les fils de Poséidon avaient le même pouvoir : ils couraient à pied sec sur la mer comme sur la terre ferme ; sans aucune difficulté, ces deux-ci suivirent donc la déesse. Elle les conduisit vers l'île boisée de Naxos et là, comme ils étaient sur le point de la rejoindre, elle disparut. A sa place, ils virent une biche ravissante, blanche comme neige, qui d'un bond sauta dans la forêt. Ils oublièrent la déesse pour se lancer sur les traces de la charmante créature.

L'épaisseur des bois la leur fit bientôt perdre de vue et pour doubler leurs chances de la retrouver, ils se séparèrent. Ils l'aperçurent en même temps, dans une clairière, immobile et les oreilles dressées ; mais ni l'un ni l'autre ne vit que derrière elle, dans les arbres, se tenait son frère. Ils jetèrent leurs javelots et la biche disparut. Les armes volèrent à travers la clairière vide jusqu'au bois, et là, elles trouvèrent leur cible. Les corps gigantesques des jeunes chasseurs s'écrasèrent sur le sol, chacun transpercé par le fer de l'autre, chacun à la fois victime et meurtrier de l'unique être qu'il aimât.

-----Et ce fut ainsi qu'Artémis se vengea.


La mythologie, Édith Hamilton, Éditions Marabout, 1988, 416 pages, pp. 163-5.


Il est dit que dans la mort, un châtiment exemplaire les attendit aux Enfers. Des serpents leurs servirent de liens à une colonne d'où voletait une chouette, et qui, sans cesse, hululait lugubrement.

Érasme dans un des ses Adages résume ce parcours sans fin dans l'histoire de l'humanité, la bêtise des hommes à vouloir se surpasser, puis finalement devenir sage : :?

Érasme a écrit:31. Le sot devient sage après le malheur

Cela a été dit un peu autrement par Hésiode, mais c’est la même pensée, dans un ouvrage intitulé Les Travaux et les Jours :

---------- « Justice se saisit du coupable
-----en venant à la fin et le sot devient sage après le malheur
1. »

C’est à cette pensée que semble faire allusion Homère au XXIIIe chant de l’Iliade : « afin que tu instruises par l’épreuve 2. » Platon dans le Banquet : « Ce que je te dis Agathon, c’est : ne te laisse pas tromper par celui-ci, mais instruis-toi par ma propre expérience, méfie-toi, et ne fais pas ce que dit le proverbe : devenir sage après le malheur, comme un sot 3. » C’est à cela encore qu’il faut rapporter ce passage de Plaute dans Le Marchand : « Heureuse sagesse que la sagesse acquise par l’expérience d’autrui 4. » Dans le même sens Tibulle, Élégies, livre III :

---------- Heureux celui à qui la souffrance
----- d’autrui apprend à s’en éviter à lui-même 5.

A cela font allusion les paroles de ceux qui sont sages trop tard : « Maintenant je sais ce qu’est l’amour 6. » « Maintenant je comprends qu’elle est scélérate et moi malheureux 7. » « Ah, c’est à peine enfin si j’ai compris, idiot que je suis 8. » Il semble que l’adage provienne de la très ancienne fable des deux frères Prométhée et Épiméthée 9, rapportée par Hésiode à peu près de cette façon : « Jupiter, irrité contre Prométhée à cause du feu dérobé furtivement au ciel et donné aux hommes, et désireux de lui rendre la pareille, charge Vulcain de modeler dans de l’argile, le plus artistiquement possible, la statue d’une jeune fille. Une fois la chose faite, il demande à chacun des dieux et à chacun des déesses de faire un don particulier à la statue. Il est manifeste que de là vient le nom de Pandore donné à la jeune fille. Donc quand elle eut reçu tous les dons de la beauté, de l’élégance, de l’esprit, de la parole, Jupiter l’envoie à Prométhée avec une boîte extrêmement belle, mais contenant secrètement toutes les sortes de calamités. Prométhée refuse le cadeau et prévient son frère de n’accepter aucun cadeau qui serait envoyé en son absence. Pandore revient, persuade Épiméthée et lui donne la boîte. Dès qu’il l’eut ouverte, les maladies s’envolèrent et il comprit le cadeau empoisonné de Jupiter, commençant mais trop tard à être sage. Ici Hésiode, faisant évidemment allusion à l’adage, dit :

----- « il accepta et quand le malheur l’atteignit il comprit 10 ». Même pensée dans la Théogonie ; c’est elle, dit-il, qui enfanta : « Prométhée à l’esprit souple et subtil et Épiméthée qui comprend après coup 11. »

--- C’est pourquoi Pindare dans les Pythiques l’appelle le « sage trop tard 12 ». C’est ce que signifient d’ailleurs leurs noms. Car Prométhée en grec veut dire « celui qui réfléchit avant d’agir » et Épiméthée « celui qui se met à réfléchir une fois la chose faite ». Le verbe prometheuesthai signifie réfléchir avant d’affronter les maux menaçants. Lucien dans un Dialogue cite ce vers d’un Comique contre Cléon parce qu’il était sage trop tard, après coup :

----- Cléon : Prométhée quand tout est fini 13.

A la fin du même dialogue : « Car réfléchir après l’action c’est d’Épiméthée, non de Prométhée ! » Le proverbe se trouve aussi sous cette forme : « Plus prudent après l’épreuve. »

Encore ainsi : « Des épreuves font preuve ! 14 » ce que je rends selon le sens plutôt que mot à mot. Mais il est beaucoup plus avisé de devenir plus prudent en voyant les malheurs d’autrui, selon la pensée grecque :

--- En regardant les malheurs des autres je me suis instruit.

On répète aussi beaucoup dans le peuple chez moi : « Les mortels s’instruisent par leurs hontes et leurs pertes. »

_________________________

1. Vers 217-218. 2. V. 487. 3. 222b. 4. V. 893 des anciennes éditions, apocryphe. 5. Tib. 3, 6, 43-44. 6. Virg. Ecl. 8, 43. 7. Ter. Eun. 71. 8. Ter. Andr. 470. 9. Voir plus loin le sens de ces noms. 10. Hes. Travaux 89. 11. Hes. Theog. 510-1. 12. Pyth. 5, 27. 13. Ad eum qui dixerat : Prometheus es in verbis, 2. 14. Les jeux de sonorités sont en grec : « Ex ôn épathès émathès » ; et latin : « Quae nocent, docent » ; mot à mot respectivement : « De ce que tu as subi, tu as appris » et « Ce qui nuit instruit ».


Œuvres choisies, Érasme, Librairie Générale Française, 1991, 1056 pages, 330-2.

e.

Re: Lailoken, Suibhne, Merlin, les "fous" divins...

MessagePosté: Dim 26 Sep, 2010 13:33
de giraudet
http://penser.over-blog.org/ext/http://web.me.com/aniuszka/SIAM/Accueil.html

Bonjour à toutes et à tous,

Je viens de m 'inscrire sur le site magnifique " L ' Arbre Celtique" , je suis heureux qu'il existe un site d'une telle qualité consacré à la riche et complexe culture celtique . C 'est Jean Markale (Certes auteur controversé !) qui m' a donné l'envie de mieux connaitre cette étonnante et belle culture de nos lointains ancêtres . J'ai lu aussi le "Iseult et Tristan" de Yann Brekilien , très beau livre ! Mais il est vrai que la figure de Merlin est une des plus attachante du monde celtique . J'ai mis plus haut le lien de la société internationale des amis de Merlin . Je connais encore assez mal cet être étonnant , j'ai notamment le "Merlin" de Jean Markale encore à lire .. Il semble bien que cet homme a existé mais il est encore difficile de bien cerner ce personnage historique . Il a une parenté évidente avec le monde druidique . Il symbolise un mélange subtil et beau de connaissance,de sagesse et de poésie . C 'est aussi pour cela que ma première intervention se fait sous le signe du bon Merlin .

Bien amicalement,
Dominique Giraudet

________________________________________________________________________________

Quand il aura pris tout son saoul de paysages,



Passé peut-ètre l' age



De voguer vers d'autres sillages,



Il reviendra las.



Je ne souhaite pas l 'enfermer



Ni le tenir prisonnier .



Il mettra sa tète entre mes cuisses



Afin que je puisse ,



Comme au temps de sa mère ,



Dire : tout est chimère



Voyage beaucoup au dehors



Mais rentre au port .



Tu le vois bien



Il n' y a rien



Surtout pas d' or .



Contre mon sein déjà tu dors.







Chant de Viviane à Merlin





__________________________________________________________







Extrait de la première page du livre " Secrets et mystères de la vie de Merlin " - Préface de Anne Berthelot - Auteur du livre : Marie Tanneux - Editions : OUEST-FRANCE . Image

Re: Lailoken, Suibhne, Merlin, les "fous" divins...

MessagePosté: Lun 27 Sep, 2010 15:58
de Sedullos
Salut à tous,

Dominique Giraudet a écrit:Je connais encore assez mal cet être étonnant , j'ai notamment le "Merlin" de Jean Markale encore à lire .. Il semble bien que cet homme a existé mais il est encore difficile de bien cerner ce personnage historique . Il a une parenté évidente avec le monde druidique .


Je confirme :) Jean Markale a bien existé ! :wink:

Plus sérieusement, il semble difficile d'affirmer (ou d'infirmer) l'existence historique du personnage de Merlin plus encore que celle d'Arthur.

Merlin apparaît comme une figure du druide, sous l'espèce du devin, auprès du roi celtique, il incarne l'autorité spirituelle conseillant le pouvoir temporel.
Mais Merlin, Myrddhin et ses multiples avatars incarnent aussi la figure de l'ermite, du magicien, du prophète et du fou des bois.
Toutes choses qui mêlent des référents bibliques, des souvenirs païens et le christianisme en pleine expansion.

Au final, les mauvais mages (magi) de Vortigern dans l'Historia Britonium de Nennius seraient plus proches du druide en ce sens qu'ils sont intégrés socialement en tant que conseillers du roi et maîtres du sacrifice. Il sont punis parce qu'ils n'ont pas su "deviner" la présence des deux vers ou dragons qui font écrouler la tour de Vortigern et non pas parce qu'ils ont décidé de sacrifier un enfant sans père. :mrgreen:

Re: Lailoken, Suibhne, Merlin, les "fous" divins...

MessagePosté: Lun 27 Sep, 2010 18:00
de Muskull
Bonjour,
Je souscrit totalement à l'analyse de Sedulos (une fois n'est pas coutume :wink: ).
De plus ces "fous divins" existent copieusement dans la Bible et très souvent finissent mal du fait du pouvoir religieux ou politique du moment.
Ces "fous divins" existent dans toutes les traditions, certaines les acceptent, d'autres les rejettent. Comme Zoroastre a finalement été rejeté et que le commerce d'influence des mages a pu reprendre assez rapidement après sa mort.
De mélanger le mythème de Merlin au druidisme n'est qu'un rêve des néo-druides pour vendre des livres et construire une fantasmagorie autour d'une connaissance plus précise et historique concernant des religieux de naissance aristocratique, à la fois politiques et pseudo spirituels servant les intérêts de leur famille et de leur clan.
Nous avons la chance dans la tradition celtique d'avoir conservé quelques uns de ces "chants de mort de voyants" bannis et nous avons aussi le "chant du cygne" du divin Socrate.