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MessagePosté: Mar 17 Juin, 2008 17:37
de Sedullos
Bon, j'aurais dû préciser que dans les textes traditionnels irlandais christianisés, l'accent est mis sur la magie, prise tantôt en mauvaise part, tantôt en bonne ; l'essentiel étant que tout ce qui concernait le sacrifice et la liturgie a été évacué, oublié (volontairement ?) ou perdu avec la christianisation.

Le Roux et Guyonvarc'h ont longuement insisté sur ce point.

L'évhémérisation de la mythologie, les dieux sont présentés comme des humains aux pouvoirs magiques extraordinaires certes mais sont soumis comme les humains à la mort, sinon tous, au moins certains d'entre eux cf Cian, Miach et quelques autres...

La dernière phase a été le rétrécissement au sens littéral opéré par le folklore où les Tuatha Dé Danann, repliés dans les îles et le monde souterrain deviennent les Aes Sidhe et vont se confondre avec le petit peuple des Luchorpan.

Cela, c'est pour l'Irlande ; pour les Gaules, il nous reste les grands sanctuaires de Ribemont et Gournay, Corent et depuis peu Tintignac.

Dans trois de ces quatre sites, la coloration militaire me semble dominer, avec pour Tintignac la présence d'une collection d'objets rituels ou de talismans qui nous évoquent à tort ou à raison le défilé militaire du bassin de Gundestrup.

Concernant l'Italie du Nord, à quoi ressemblaient les simulacra des Insubres et des Boïens que l'on sortait des santuaires avant les batailles et que l'on parait peut-être de torques géants ? Auraient-ils provoqué le rire de Brennus ?

MessagePosté: Mar 17 Juin, 2008 17:43
de Sedullos
Muskull, les vautours qui dévorent les corps des guerriers morts et emportent leurs âmes au ciel des dieux et des héros participent de cette verticalité.

MessagePosté: Mar 17 Juin, 2008 18:05
de Muskull
Sedullos a écrit:Muskull, les vautours qui dévorent les corps des guerriers morts et emportent leurs âmes au ciel des dieux et des héros participent de cette verticalité.

Oui, tout à fait, les racines de cette "croyance" sont intéressantes, pourquoi eux et pas les autres ?
On peut y voir la main-mise des guerriers sur l'idéologie et cela est daté par Jean Guilaine bien avant le développement de la "civilisation celtique".
Cela évoque aussi bien sûr la "révolte des guerriers" qui en toutes traditions se conjugue en préservation du territoire ancestral mis à mal par la démographie des peuples voisins. Nous en sommes encore là. :cry:

MessagePosté: Mar 17 Juin, 2008 18:06
de Sedullos
Je poursuis à propos des différences de religion, j'allais dire de niveaux de religion.

Si on considère la notion de religion populaire qui est faite de dévotions et de beaucoup de superstitions, tout au mois c'est comme ça qu'on la présente, ce serait une erreur de penser que tous les gens du peuple se limitaient à ce niveau-là de la religion en tant que perception du sacré.

Il suffit de songer aux fameux fourreaux d'épée, évoqués jusqu'à plus soif sur un fil avec mon ami Leukirix.

Pour l'artisan, forgeron ou bronzier, graver ces symboles devait représenter un acte religieux au sens où les images renvoient à une représentation sacrée du monde avec ses guerriers promis à une destinée céleste ; l'artisan participe de ce fait à cette sacralité qui est bien éloignée des préoccupations du paysan, attentif à la fécondité du bétail et des champs.

La question que je me pose est de savoir qui a établi les codes transmis par le métal, qui les a transmis d'un bout à l'autre de l'Europe ?

MessagePosté: Mer 18 Juin, 2008 10:22
de Sedullos
Muskull a écrit:
Sedullos a écrit:Muskull, les vautours qui dévorent les corps des guerriers morts et emportent leurs âmes au ciel des dieux et des héros participent de cette verticalité.

Oui, tout à fait, les racines de cette "croyance" sont intéressantes, pourquoi eux et pas les autres ?
On peut y voir la main-mise des guerriers sur l'idéologie et cela est daté par Jean Guilaine bien avant le développement de la "civilisation celtique".
Cela évoque aussi bien sûr la "révolte des guerriers" qui en toutes traditions se conjugue en préservation du territoire ancestral mis à mal par la démographie des peuples voisins. Nous en sommes encore là. :cry:


Salut à tous,

Muskull, le thème de la révolte des guerriers, des Kshattriyas en mode indien, est finalement peu représenté dans le mythe celtique si l'on excepte la chasse au sanglier maléfique du récit gallois arthurien de Kullwch et Olwen ; ce que Françoise le Roux avait expliqué dans Ogam, il y a longtemps, prenant le contre-pied d'un épigone de Guénon.

L'omniprésence du sanglier sur les enseignes plaide d'ailleurs en ce sens.

Une des questions que l'on peut se poser est celle du vocabulaire : le mot religion que Brunaux met au pluriel tout en rejetant la qualité de prêtres des druides doit-il être remplacé par celui de tradition avec un grand T comme Le Roux et Guyonvarc'h l'on fait avec un arrière plan qui ne relève plus de la science universitaire mais de la méthode traditionnelle d'interprétation.

L'existence supposée, mais impossible à prouver, d'une série de 4 initiations fonctionnelles, prêtres, rois, guerriers, artisans s'oppose à l'absence d'initiation chez les paysans, les rites de passage se situant à un autre niveau.

Sur le papier, cela fonctionne plutôt bien mais que dire si l'on considère que, au moment de la guerre des Gaules, les paysans sont enrôlés massivement dans l'armée et que ce processus n'est pas nouveau puisque Franck Mathieu me fait remarquer qu'on a des exemples chez les Boïens d'Italie du Nord au IIIe siècle av. J.-C.

MessagePosté: Mer 18 Juin, 2008 10:31
de Sedullos
A l'intérieur de la classe sacerdotale celtique, on peut distinguer les druides, les bardes et les devins, les uates sans o ; à cela il faut rajouter la mention de sacerdotes et d'antistes.

Si l'on suit Diogène Laerte, les druides sont les homologues des Mages de l'Iran et des Gymnosophistes de l'Inde, ie les Brahmanes. Tous sont considérés par cet auteur tardif mais sérieux comme des philosophes.

Les brahmanes sont loin d'être tous prêtres : le chapelain du roi, le purohita, lui, peut être considéré comme un prêtre.

Ce qui réunit tous ces gens là c'est l'appartenance à une classe sacerdotale savante et organisée, détentrice d'une sagesse que l'on peut nommer une philosophie.

MessagePosté: Mer 18 Juin, 2008 16:08
de Muskull
Sedullos a écrit:Si l'on suit Diogène Laerte, les druides sont les homologues des Mages de l'Iran et des Gymnosophistes de l'Inde, ie les Brahmanes. Tous sont considérés par cet auteur tardif mais sérieux comme des philosophes.

Bonjour Sed,
Rentrer dans les détails historiques de la main-mise des guerriers sur l'idéologie en Europe serait trop long mais en gros cela date du bronze ancien là où l'essor démographique des populations posait des problèmes territoriaux....
M'est avis que les gymnosophistes n'étaient pas des brahmanes mais appartenaient à un courant mystique bien plus ancien dont sont issus (entre autres) les Jaïns. Bouddha a étudié leurs techniques ascétique de l'extase (sous son arbre :wink: )

MessagePosté: Mer 18 Juin, 2008 16:36
de Alexandre
Comparaison n'est pas raison... Mais ne serait-il pas possible d'établir des comparaisons entre le rôle social que pouvaient avoir les druides et celui des moines dans les pays bouddhistes de petit véhicule (Birmanie notamment) ?
A la fois enseignants - en même temps dépositaire du savoir et passage obligé dans l'accession au statut d'adulte - et poids politique de facto, quand ce n'est pas de jure.

MessagePosté: Mer 18 Juin, 2008 17:16
de Sedullos
Muskull a écrit:
Sedullos a écrit:Si l'on suit Diogène Laerte, les druides sont les homologues des Mages de l'Iran et des Gymnosophistes de l'Inde, ie les Brahmanes. Tous sont considérés par cet auteur tardif mais sérieux comme des philosophes.

Bonjour Sed,
Rentrer dans les détails historiques de la main-mise des guerriers sur l'idéologie en Europe serait trop long mais en gros cela date du bronze ancien là où l'essor démographique des populations posait des problèmes territoriaux....
M'est avis que les gymnosophistes n'étaient pas des brahmanes mais appartenaient à un courant mystique bien plus ancien dont sont issus (entre autres) les Jaïns. Bouddha a étudié leurs techniques ascétique de l'extase (sous son arbre :wink: )


L'Age du Bronze coïncide avec l'utilisation du cheval, du char de guerre et des épées, le temps des héros de l'Illiade et des guerriers impies :twisted:

Le terme de Gymnosophistes a pu aussi englober des ascètes shivaïstes...

MessagePosté: Mer 18 Juin, 2008 17:36
de Muskull
Sedullos a écrit:Le terme de Gymnosophistes a pu aussi englober des ascètes shivaïstes...

J'aime bien te le voir écrire. :wink:
Mais sans entrer dans l'historiographie du shivaïsme dans l'idéologie indienne il est bon de noter que l'une des "réincarnations de Shiva" (pour les indiens) à l'époque moderne est Ramana Maharshi qui est, était, un humain délicieux à mon sens, l'un de mes guides. :wink:

MessagePosté: Mer 18 Juin, 2008 17:50
de Sedullos
Je n'ai pas lu que René Guénon, il y a eu aussi Ananda Kentish Coomaraswamy et un peu Alain Danielou, c'est ce dernier qui attiré mon attention sur le shivaïsme.

A la question "Dois-je avoir un maître spirituel ? " Ramana Maharshi répondait à peu près : "Si tu as posé cette question, tu connais déjà la réponse !"

En faisant cela, il exprimait la formidable liberté que recèle la condition humaine, là où nous ne voyons généralement que des limitations... :wink:

MessagePosté: Mer 18 Juin, 2008 18:10
de Muskull
Ami Sed :)
Il disait aussi et surtout:
"demande toi en toi même qui pose cette question, ce qui est essentiel en toi n'a pas de question, il sait le vrai de l'instant" et l'instant est un présent dans tous les sens du terme c'est à dire aussi un don. Négocions ce don de tous nos instants vis à vis de notre essentiel. :105:

MessagePosté: Mer 18 Juin, 2008 21:39
de DT
Salut à tous
Ma réflexion pourra paraître absurde et non étayée, mais je me demande s'il n'y avait pas une conception proche du Ragnarök ? Sans être un nostalgique de quelque chose de malsain.
Cela peut expliquer certains rituels et comportements !
A+

MessagePosté: Mer 18 Juin, 2008 22:16
de Elanis
Agréable à lire, ce fil :wink:

"une conception proche du Ragnarök" : deux ou trois choses permettent de l'envisager...
Une monnaie unelle représentant un loup, des astres... une scène mythologique très évocatrice...
L'assertion bien connue "les âmes sont immortelles mais un jour seuls règneront le feu et l'eau"...
A compléter sans doute ? Mais malgré la proximité des civilisations - germanique et celtique - on ne peut pas non plus faire un copier-coller...

MessagePosté: Jeu 19 Juin, 2008 9:36
de Sedullos
Salut à tous,

A DT et Elanis, justement dans un message précédent, j'évoquais la mort des dieux en Irlande en tant que conséquence de l'évhémérisation. Dans le même temps , je me suis dit que les choses n'étaient pas aussi simples et j'ai pensé à la fois à la mort de Balder et au Ragnarök, le Crépuscule des dieux ou des puissances, qui est une eschatologie, ce qui traite des fins dernières. La mort accidentelle de Balder de la main de son frère Hödr, à l'instigation de Loki, met en scène le thème de la mort aveugle qui existe aussi en Inde.

Sur la proximité et les différences entre les fins du monde celtiques et germaniques, il y a un article très intéressant de Claude Sterckx qu'Anne Dudant a eu la gentillesse de me communiquer...

Les eschatologies des Celtes et des Germains (Ollodagos, XXI: 31 - 74)

Quant au thème de la mort aveugle, il y a longtemps déjà, Françoise Le Roux avait publié un article dans Ogam, traitant de cette question.
Je n'arrive pas à me souvenir qui étaient les personnages épiques irlandais comparables à Balder et Hödr.