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Cultes isiaques : "ouchtabi" de Plougonven

MessagePosté: Lun 11 Aoû, 2008 10:52
de ejds
Le mercenariat et, ou, l'envoi de corps auxiliaires gallo-celtiques au Moyen-Orient, plus particulièrement sous Cléopâtre, puis Hérode Ier le Grand, a déjà été abordé dans le forum : Galates en Egypte.

En retour, ce fil s'interroge sur la relative intrusion et influence des cultes dits « isiaques ». Ainsi que la découverte d'objets funéraires égyptiens dans des sépultures, dans le monde gréco-latin tout entier et particulièrement là où la présence romaine a été forte (Gaule, île de Bretagne, Germanie... ), et, pour des raisons qui seront évoquées un peu plus tard, particulièrement en Armorique romaine.


Les ouchtabi de Plougonven

Non datée, des petits serviteurs dans l’au-delà de modèles différents ont été découverts vers 1840 non loin de Morlaix dans le Finistère, dans une tombe à Plougonven. Elles sont exposées au Musée Départemental Breton de Quimper.

Doit-on y voir de simples pratiques étrangères au pays ramenées par un natif égyptien, ou bien des menus objets de curiosités, quelques souvenirs de voyage ou des amulettes d'un séjour effectué en Égypte par quelque gens isiaca, soldat ou commerçant, et déposés par les relatifs lors de l'inhumation ?

En premières recherches, ce qui est dit : :shock:

Musée Quimper a écrit:Image (clichés : e.)

----Image

3. FIGURINES EGYPTIENNES (OUCHTABI)
----Découverts dans un tombeau en Plougonven.
----Pâte de Silice.

----Témoignages intéressants sur la pénétration des
----cultes orientaux en Armorique.
----Les ouchtabi sont en effet associés aux tombeaux des
----adorateurs d’Isis et d’Osiris.


----Inv. R. 874. 1. 2. et 3.


Musée Départemental Breton, 1, rue du roi Gradlon, 29000 Quimper.

Louis Pape a écrit:---- Plougonven a fourni un tombeau romain (ou un tumulus réutilisé par les gallo-romains) contenant cinq figurines égyptiennes, des shaouabtis en terre cuite vernissée (111), ce sont les seuls renseignements que nous possédons sur cette découverte ; on peut se demander s'il s'agit d'une sépulture à incinération (112) ou à inhumation, cette tombe mal connue est exceptionnelle à plus d'un titre car les sépultures osismes n'ont pas fourni beaucoup de figurines (on en signale quelques-unes sous les ateliers Keraluc dans la nécropole de Quimper).

(111) Cf. Répertoire, p. A-144-145.
(112) Le cas s'est déjà vu, ainsi à Vaison (Vaucluse) où une statuette de même genre a été trouvée dans une urne en verre de forme Morin-Jean 3 Cf. MORIN-JEAN, La Verrerie en Gaule sous l'Empire Romain, Paris, 1913, p. 50.


A-144 A-145.

PLOUGONVEN ------------------------------------------- PLOUIGNEAU

----? : en 1840, on a trouvé dans un tombeau romain 5 figurines égyptiennes dont 3 sont déposées au Musée de Quimper, elles sont en pâte d'une nature siliceuse colorée en bleu ou vert, elles représentent 3 momies d'hommes, les mains croisées sur la poitrine, la main droite tient une pioche, la gauche un hoyau, derrière sur l'épaule droite, on a figuré un sac destiné à contenir du grain. Inscription hiéroglyphique gravée soit devant soit derrière. Elles ont 0.108 m de hauteur (1, 2, 3, 4).

----(1) A. SERRET, Catalogue du Musée archéologique, Quimper, 1885, p. 45-46.
----(2) P. DU CHATELLIER, Inventaire, 1907, p. 93.
----(3) L. LE GUENNEC, Notes archéologiques de l'arrondissement de Morlaix, Archives départementales Quimper, 34 J, p. 34.
----(4) L. RICHARD, Recherches récentes sur le culte d'Isis en Bretagne dans Revue d'Histoire des Religions, 1969, n° 2, p. 145, avec bibliographie.


La civitas des Osismes à l'époque gallo-romaine, Louis Pape, Librairie C. Klincksieck, 1978, p. 169 et A-144 et A-145.


Association Landévennec a écrit:Image

20. “Ouchtabi”.
Trois statuettes d'hommes en faïence, pour d'eux d'entre-elles
vertes et vernissées.
H : 0,077 x 0,023 x 0,015 m.
H : 0,095 x 0,024 x 0,015 m (verte et vernissée).
H : 0,092 x 0,022 x 0,010 m (verte et vernissée).
Coll. Musée Départemental Breton.
Inv. R. 874. 1. 1. à 3.


Ces trois figurines égyptiennes auraient été trouvées dans un
“tombeau” sur la commune de Plougonven (Léon, Finistère).

Ces statuettes, d'époque romaine, sont un témoignage de la
pénétration des cultes orientaux en Armorique (peut-être par
l'intermédiaire des maures, soldats d'Afrique enrôlés dans l'ar-
mée romaine, selon une hypothèse émise à la fin du siècle der-
nier).


Landévennec : aux origines de la Bretagne, XVe centenaire de la fondation de l'abbaye, Association Landévennec 485-1985, 120 pages, p. 22.


Patrick Galliou a écrit:L'ARMORIQUE ROMAINE

Image
Fig. 80 : Ouchtabi de faïence découvert
----------------à Plougonven (F.)
(cliché : Musée départemental breton, Quimper)

LE MONDE DU SACRÉ

Les cultes orientaux

----Les cultes d'origine orientale, qui pénètrent en Gaule à la suite des soldats et des marchands, ne s'y confondirent jamais avec les cultes indigènes. Chacun d'eux, en effet, constituaient un système, une religion établie fondée sur une doctrine morale et des vues consolantes de l'au-delà, dont les épreuves d'initiation assuraient la sélection des fidèles.

[...] Le nombre relativement élevé de statuettes associées à des cultes d'origine égyptienne (Osiris, Isis, Harpocatre, Ouchtabi) paraît dénoter une certaine diffusion de ces croyances dans l'Ouest gaulois. On remarquera néanmoins que ces statuettes proviennent, dans leur très grande majorité, de milieux urbains.

[...] Bien que certains cultes aient, au cours du Haut-Empire, pénétré l'ouest de la Gaule, on doit bien avouer que leur influence ne doit jamais dépasser certains milieux urbanisés, plus ouverts sans doute aux idées étrangères, et que leur influence sur les coutumes funéraires locales fut pratiquement nulle. On ne saurait guère, en effet, leur contribuer que les cinq ouchtabi découverts dans une sépulture à Plougonven (Finistère) et le graffiti SOL LVNARIS que porte un pichet mis au jour dans la nécropole de Carhaix.


L'Armorique romaine, Patrick Galliou, Éditions Ameline, 2005, 418 pages, pp. 265-6 et 293.

Les ouchtabi ou dans les variantes phonétiques et écrites oushebti, ouchebti, chaouabti... , du verbe ousheb, répondre, sont des statuettes funéraires représentant et ou accompagnant le défunt sous la forme d'une momie à taille réduite. Généralement en céramique ou « faïence égyptienne », pâte siliceuse recouverte d'une glaçure teintée aux oxydes métalliques (fer, cobalt... ) et vitrifiée en surface. L'ajout de minerai de cuivre leur donne un ton uni ou inégal vert ou bleu turquoise intense très brillant. On les trouve aussi sculptées dans la terre cuite, la pierre, la stéatite, le bois... Chacune portant un objet ou outil de travail qui lui est propre (une ou deux houes, hoyau, sac de grains, panier contenant des semences...), elles passent pour libérer le défunt des soucis des tâches agricoles (irrigation des terres, culture des champs... ) et assurer les corvées domestiques quotidiennes qui lui seraient imposées dans l'autre-monde des morts. Leurs fonctions sont exprimées par les inscriptions gravées dans le corps, et sont consignées dans le chapitre VI du Livre des Morts (recueil de formules, de transformations et d'incantations magiques) du type : — ... « Me voici diras-tu ; pour faire croître les champs, irriguer les berges et transporter le sable de l'Orient vers l'Occident et vice-versa. Me voici, diras-tu. »...

Façonnées en séries, elles étaient déposées par dizaines, voire par centaines dans quelques tombes riches. Le nombre pouvait atteindre 401, soit un pour chaque jour de l'année, plus 16 contremaîtres encadrant chacun un groupe de 10. Les défunts emportaient également dans la tombe un exemplaire du Livre des Morts, recueil des formules destinées à se garantir des dangers de l'au-delà. Ces serviteurs, dans la mort et pour le mort, apparaissent au Moyen-Empire (vers le début du 2ème millénaire av. J.-C.). Elles restent en usage jusqu'à la période romaine où l'on assiste alors à une dégradation progressive de la qualité et de l'apparence de ces statuettes au cours du IVe siècle.


Existe-t-il des compléments d'informations concernant particulièrement cette découverte archéologique de Plougonven et dont quelques informations très précises ont été apportées par les auteurs ci-dessus ? Et surtout sur ces insignifiants modèles d'ouchtabi, travailleurs de l'autre-monde. Et dont la fabrication de qualité inférieure présente des variantes inégales de couleur bleue virant au gris verdâtre ?

e. :?

MessagePosté: Sam 23 Aoû, 2008 10:30
de ejds
Patrick Galliou a écrit:[...] Le nombre relativement élevé de statuettes associées à des cultes d'origine égyptienne (Osiris, Isis, Harpocatre, Ouchtabi) paraît dénoter une certaine diffusion de ces croyances dans l'Ouest gaulois. On remarquera néanmoins que ces statuettes proviennent, dans leur très grande majorité, de milieux urbains.

[...] Bien que certains cultes aient, au cours du Haut-Empire, pénétré l'ouest de la Gaule, on doit bien avouer que leur influence ne doit jamais dépasser certains milieux urbanisés, plus ouverts sans doute aux idées étrangères, et que leur influence sur les coutumes funéraires locales fut pratiquement nulle. On ne saurait guère, en effet, leur contribuer que les cinq ouchtabi découverts dans une sépulture à Plougonven (Finistère) et le graffiti SOL LVNARIS que porte un pichet mis au jour dans la nécropole de Carhaix.

Image
Musée du Louvre. (Cliché : e.)

Harpocrate : Hor-pa-khered, Har-pa-khrat (en grec Harpo-kratês)... , qui signifie « Horus l'enfant », est une création du clergé thébain de la XXIè dynastie, contemporain de Khonson l'enfant. Son iconographie se fige sous la XXIIè dynastie (Xè siècle av. J.-C.) sous les traits d'un garçonnet, l'index à la bouche et coiffé de la mèche de cheveux retombant sur le côté propre à la petite enfance. Ce doigt sur les lèvres fermées qui impose le silence ou la confidence, mais aussi de ne pas répéter, d'éviter de parler à tort et à travers et de choisir de se taire si l'on n'a rien d'autre d'intéressant à dire. Se méprenant sur ce geste, les Grecs, puis les Romains, auraient adopté Harpocrate comme le dieu du Silence et du Secret.

Sous la XXVè dynastie, Harpocrate prêtre ses traits au bambin tétant le sein de sa mère dans l'un des premiers groupes statuaires illustrant le thème de l'Isis lactans et inspirera l'image de la Vierge Marie allaitant l'enfant Jésus.

Image
La déesse Isis allaite le
jeune Horus

trouvé au Sérapéum de Saqquara
bronze
Elle porte sur la tête un scorpion. N 5022

Musée du Louvre. (Cliché : e.)

e.

MessagePosté: Sam 23 Aoû, 2008 10:55
de ejds
Association Landévennec a écrit:Ces statuettes, d'époque romaine, sont un témoignage de la pénétration des cultes orientaux en Armorique (peut-être par l'intermédiaire des maures, soldats d'Afrique enrôlés dans l'armée romaine, selon une hypothèse émise à la fin du siècle dernier).

Association Landévennec a écrit:Image

19.“Notitia Dignitatum”.

— Planche des troupes du ˝Tractus armoricani et nervicani˝.
Copie du XVe siècle.
Ms lat. Misc - 378.
Brodelian Library. Oxford.
Photo couleur.

On peut remarquer le caractère celtique du bouclier des troupes cantonnées à ˝Brest˝ (Osismi).

La ˝Notifia Dignitatum˝, probablement élaborée au cours du IVe siècle, ou au début du siècle suivant, énumère les divers contingents stationnés en Armorique (vraisemblablement plusieurs milliers d'hommes) : Martenses à Alet, Mauri osismiaci à Brest, Mauri Veneti à Vannes, Superventores luniores à Nantes...


Landévennec : aux origines de la Bretagne, XVe centenaire de la fondation de l'abbaye, Association Landévennec 485-1985, 120 pages, p. 20-1.

La Notitia Dignitatum Imperii romani ("Notice des Dignités de l'Empire romain") aurait été rédigée aux environs des années 395-430 ap. J.-C., lors de la division définitive de l'Empire romain par Théodose Ier à ses deux fils Flavius Honorius, premier empereur d’Occident (384-423), et Flavius Arcadius, premier empereur d'Orient (395-408).

Cet "état des lieux" de la Notitia omnium Dignitatum et administrationum tam civilium quam militarum in partibus occidentis et orientis décrit le monde romain, tant civil que militaire, occidental et oriental. Les copies qui ont été faites, remontent au codex Spirensis ou manuscrit de Spire (vers le IXe siècle). Elles présentent des lacunes tant dans la mosaïque des coloris originaux et symboles (généralement solaires et lunaires), enjolivant les boucliers et l'attribution des noms des contingents militaires étrangers. Plus précisément la durée de leurs présences, et le ou lieux probables de leurs cantonnements dans chaque région. Ainsi la symbolique affrontée du soleil et de la lune (sol lunaris et que l'on retrouve en graffiti sur le pichet de Carhaix ou Vorgium, l'ancienne cité romaine administrative du territoire des Osismes) attribuée aux troupes nord africaines ou Mauri Oscismiaci basé dit-on à Brest (Gesocribate ?) et celui des Armigeri (les porteurs d'armes). Un comparatif de lecture est à effectuer particulièrement d'après les annotations sur les sites de Robert Vermaat et de Giovanni Monastra : :?

----Image --Image --
Image -- Image

vortigernstudies.org.uk a écrit:Notitia Dignitatum
(ca AD 395-430)

Robert Vermaat

http://www.vortigernstudies.org.uk/artsou/notitia.htm

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estovest.net a écrit:Le symbole du "Yin-yang" sur les enseignes de l'empire romain?

par Giovanni Monastra

http://www.estovest.net/tradizione/yinyang_fr.html

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--------- Image

La liste des tractus Armoricani et Nervicani qui indique : Praefectus militum Maurorum Osismiacorum, Osismis dans les provinces la Gaule, la cité des Ossismi, (civitas ossismorum), correspondrait à Ossimor et ses variantes phonétiques et écrites : Occismor, Osismorum, Oxismorum, Oximorum... Mare occidens, " mer de l'Occident ", en latino-armoricain : mer en latin mare, en breton mor ; latin occidens = occident, ouest, couchant.

Pour rappel, le territoire du Léon (anciennement Legionenses ou territoire d'une légion romaine) comporte une analogie au pays de Galles pour l'ancienne ville de Caerleon, Caër-Léon... , en latin Urbs legionum.

En vrai ou en faux (et dans la tradition de l'emplacement hypothétique des cités gauloises ou gallo-romaines), plusieurs villes revendiquent et se disputent dans les textes le titre d'Ossimor, Ossismor... : Saint-Pol-de-Léon situé sur la côte nord, Plounéventer... Et plus particulièrement Brest qui, au Bas-Empire, et selon les circonstances était plus particulièrement susceptible d'accueillir un poste de commandement militaire maritime comprenant une escadrille de galères de combat destinées à stopper les invasions par mer qui ne manquaient pas à l'époque, et renforcée par des unités d'interventions rapides terrestres (troupes d'infanterie appuyées de cavalerie) réparties sur le territoire qui lui étaient affectées. Surtout la ville située dans une rade naturelle protégée des tempêtes, son mouillage en eau profonde était capable d'accueillir en permanence de lourds bateaux de marchandises, des aires de réparation, de stockage...

Les raisons de la présence de nombreuses troupes disparates étrangères au pays, étonnant et important dispositif militaire coûteux à entretenir, étaient destinés à contenir les invasions. Elles expliquent aussi en partie le soulèvement des peuples bretons et armoricains vers 409 selon Zozisme, dans son Historia Nova, V et VI : :?

Zozisme a écrit:Les peuples d'au delà du Rhin, commettant alors toutes sortes de ravages, réduisirent les habitants de l'île de Bretagne, aussi bien que quelques nations gauloises, à se détacher de l'empire... Les habitants de l'ile de Bretagne ayant pris les armes et bravant tous les dangers, délivrèrent leurs cités des invasions des Barbares ; tout le pays du commandement armorique et les autres provinces gauloises, ayant imité l'exemple des Bretons, se délivrèrent de la même manière des ravages des Barbares, et ayant chassé les magistrats romains, se donnèrent un gouvernement à leur gré. Cette défection de la Bretagne et des nations gauloises arriva dans le temps de l'usurpation de Constantin.

e.

MessagePosté: Sam 13 Sep, 2008 11:30
de ejds
Association Landévennec a écrit:Ces statuettes, d'époque romaine, sont un témoignage de la pénétration des cultes orientaux en Armorique (peut-être par l'intermédiaire des maures, soldats d'Afrique enrôlés dans l'armée romaine, selon une hypothèse émise à la fin du siècle dernier).

Cette hypothèse des cultes occidentaux venus d'Afrique du nord est des plus intéressante à explorer et amène à rencontrer quelques coïncidences marquantes. Les liens de l'Égypte avec l'Afrique septentrionale sont clairement indiqués. Martial, au premier siècle de notre ère, dans son Epigrammaton, livre X, dépeint dans un style cru et vivace les mœurs des Romains :
Quando eques et picti tunica Nilotide Mauri Ibitis, et populi vox erit una 'Venit' ?
— Et vous, quand vous verra-t-on à la suite des chevaliers, escadrons maures vêtus de la tunique égyptienne ?

Milza-Berstein a écrit:Image


Image

Le monde romain vers 120 av. J.-C. et à la mort d'Auguste.

Histoire, Collection Milza-Berstein, Éditions Fernand Nathan, 1970,
209 pages, p. 167.

L'histoire mouvementée des Maures et de l'ancienne Mauritanie, dont le territoire s'étendra sur la Numidie, des actuels Maroc et Algérie jusqu'aux frontières de la Tunisie, et fut graduellement divisé en provinces romaines, a été racontée entre autre par Salluste dans son De bello Jugurthino. Trahi et capturé dans une embuscade par son beau-père Bocchus, roi de Mauritanie, le roi numide Iugurtha ou Jugurtha (v. 60-104) subira le sort que Rome réservait à ses ennemis vaincus. Devant le char doré de Marius, le triomphateur, marchait le renard du désert et ses deux fils, revêtus de leurs insignes royaux, parés de boucles d'oreilles en or massif. Une fois le parcours triomphal terminé, les vaincus furent séparés et Jugurtha jeté dans le sinistre cachot du Tullanium : :(

Mounir Bouchenaki, sur le site Remacle a écrit:Jugurtha, un roi berbère et sa guerre contre Rome

http://users.skynet.be/remacle/Marius/0 ... Florus.htm

C'est Plutarque qui nous a transmis un récit détaillé de l'exécution de Jugurtha qui eut lieu, le 1er janvier 104, pendant le triomphe de Marius :

« Revenu d'Afrique avec son armée, il (Marius) célébra en même temps son triomphe et offrit aux Romains un spectacle incroyable : Jugurtha prisonnier ! Jamais aucun ennemi de ce prince n'aurait jadis espéré le prendre vivant, tant il était fertile en ressources pour ruser avec le malheur et tant de scélératesse se mêlait à courage !... Après le triomphe, il fut jeté en prison. Parmi ses gardiens, les uns déchirèrent violemment sa chemise, les autres, pressés de lui ôter brutalement ses boucles d'oreilles d'or, lui arrachèrent en même temps les deux lobes des oreilles. Quand il fut tout nu, on le poussa et on le fit tomber dans le cachot souterrain... Il lutta pendant six jours contre la faim et, suspendu jusqu'à sa dernière heure au désir de vivre... », il aurait été étranglé, selon Eutrope, par ordre de Marius [41].

C'est dans la prison du Tullianum, sur le Forum romain, que l'illustre condamné subit ces ultimes supplices. Ses deux fils, qui avaient précédé le char du triomphe, furent envoyés à Venusia, où ils passèrent leur vie dans la captivité.

En second, le premier triumvirat, permettra à César d'être consul en 59, puis proconsul en Cisalpine et en Narbonnaise, d'où il partira faire la conquête de la Gaule (58-52). Mais son éloignement et les difficultés rencontrés avaient porté une atteinte considérable à son prestige. A Rome, Pompée devint l'homme fort du Sénat, le favori du peuple sur lequel on comptait pour assurer l'ordre et la sécurité de la République. Une lutte de pouvoir s'engagea. Défense était faite à un gouverneur de franchir la limite de sa province avec ses troupes. César, après avoir franchi le Rubicon, la rivière limitant son gouvernement de la Gaule cisalpine au nord l'Italie péninsulaire, portera de violents combats contre Pompée. Cette guerre civile s'étendra successivement dans toutes les parties du monde romain. Elle se poursuivra en 48 à Pharsale (Nord-Est de l'actuelle Grèce) puis sur les terres nord-africaines. Elle opposera entre elles troupes locales, romaines et auxiliaires.

Juba Ier (v. 85-46 av. J.-C.), dernier roi de la Numidie orientale, partisan de Pompée contre César, avait sous ses ordres quatre légions entraînées et armées à la romaine. Elles étaient appuyées d'éléments disparates et archaïques, dont des éléphants et d'une multitude d'infanterie légère. Un grand nombre de troupes étrangères provenait de la débandade de Pharsale (germaines, gauloises, ibères... ).

Commandement à la voix et à la baguette, les cavaliers numides chevauchaient des chevaux rapides et vigoureux, à cru, c'est-à-dire sans selle, sans éperons, sans frein (sans mors), avec pour certains seulement une bride de corde passée à l'encolure. Les terrains accidentés favorisaient l'embuscade. Une redoutable technique nouvelle était faite d'escarmouches, harcèlements par attaques de cavalerie avec lancements de traits mais sans prises de contact.

César raconte dans ses Commentarii de bello civili livre I à III, puis dans de bello Africo. Il s'étonnait des troupes gauloises qui lui étaient restés fidèles après la guerre des Gaules, dont celles d'Aquitaine et celles dans les montagnes qui touchent à la province narbonnaise, et qui traînaient à leur suite, selon l'usage de la Gaule, quantités de chariots et de bagages. Quelques milliers de cavaliers gaulois furent organisés en corps de cavalerie, alae, ou aile de l'armée romaine. Ces auxiliares cohortes, allaient constituer la Legio V Alaudae, la redoutée légion des Alouettes, et que César avait promené à sa suite en Italie, Espagne, Grèce, Égypte, Afrique du nord... Il vantait l'histoire à peine croyable d'une trentaine de cavaliers gaulois qui mirent en déroutent quelque deux mille cavaliers maures. Mais il avait aussi à déplorer leur peu de loyauté et inconstance sur les champs de batailles lorsqu'ils se battaient entre eux. Ainsi, les deux frères Allobroges et qui désertèrent et furent incorporés dans l'armée ennemie. Avec eux leur brillant équipage, leur suite nombreuse, et quantité de chevaux.

Pompée s'enfuira et rencontrera sa fin en Égypte. Juba I sera défait et trouvera la mort du côté de sa ville Zama ou Jama, à 200 kilomètres au sud-ouest de Carthage, près de la frontière séparant aujourd'hui la Tunisie de l'Algérie. Elle fut le théâtre d'une bataille décisive entre les troupes et éléphants d'Hannibal et Scipion l'Africain en 202 av. J.-C., et où participèrent aussi des troupes de mercenaires gaulois.

Son fils, Juba II, alors âgé de 5 ans à peine fut envoyé en otage à Rome. Il figura en 46, au triomphe de César sur la Via Sacra, à la suite d'Arsinoé, sœur de la grande Cléopâtre et de Vercingétorix qui, dit-on, aurait suivi César comme prisonnier dans ses campagnes militaires, fut lui aussi jeté dans le cachot du Tullanium. Plus tard encore, deux grands apôtres de la nouvelle religion, Paul et Pierre, y furent aussi enfermés.

Image--Image

Dehors, en sortant de la prison, du pied du Capitole, on peut apercevoir parmi les ruines du forum romain, l'Ara di Cesari, l'autel ou mausolée de César. Il est étonnamment situé tout proche en contrebas à gauche de la Curie ou Sénat. Ou du moins ce qu'il en reste. Une pauvre structure chapeautée de plaques de métal. A l'intérieur, un insignifiant amas de terre de de pierraille, auquel des fervents admirateurs rendent encore hommage et fleurissent.

ImageImage
------------------------------------(Clichés : e.)Image

e.

MessagePosté: Sam 13 Sep, 2008 11:37
de ejds
---Image
Cliché : romancoins.info
Pièce de monnaie datée de -19 à +6.

Sur l'avers, buste du roi Juba, en latin REXIUBA.
Au revers, un astre, étoile ou soleil, à six rayons veille un croissant de lune. L'indication en grec de la reine Cléopâtre, ΒΑΣΙΛΙΣΣΑ ΚΛΕΟΠΑΤΡΑ, Basilissa Kleopatra.

Auguste mariera Juba II avec Cléopâtre VIII, (Cléopâtre Séléné II (v. -40 à -5 av. J.-C.) et la sacrera reine de Numidie et de Mauritanie. Fille de la dernière grande reine d'Égypte Cléopâtra VII et de Marc Antoine, elle est sœur de Ptolémée Philadelphe et, jumelle d'Alexandre Helios (soleil), fut surnommée ainsi Selena (lune).

Sa mort aurait coïncidé avec une éclipse lunaire d’un soir. Crinagoras, un habitué de la cour de Cléopâtre puis de celle de Rome, dans son Anthologia Palatina, Epigrammata XVIII, exprime sa tristesse en poétique métaphore :

----- La lune elle-même en se levant un soir, au coucher du soleil, s'est assombrit,
-----Recouvrant sa douleur et son deuil dans la nuit,
-----Lorsqu'elle vit la gracieuse Séléné, au même nom qu'elle,
-----Descendre sans vie dans la sombre demeure d'Hadès,
-----Comme elle, elle avait la beauté de la lumière,
-----Et voulut unir ses propres ténèbres à sa mort.


Une éclipse solaire se produit lorsque la lune passe entre le soleil et la terre. Au contraire, il y a une éclipse lunaire parfaite, lorsque la terre passe et s'aligne en un axe entre la lumière du soleil et porte ombrage sur la blanche pleine lune. Surtout après quoi, selon les événements, ces phénomènes étaient perçus comme un signe de mauvais présage pour certains peuples, tels les Galates qui furent stoppés dans leurs conquêtes contre Attale par l'apparition d'une éclipse lunaire.
-----Image Cette projection de l'ombre de la terre sur la lune, ou éclipse lunaire, amènerait-elle à expliquer quelques siècles plus tard, le symbolisme du soleil et de la lune sur le bouclier rond des troupes auxiliaires Mauri Occismiaci ? Le bouclier étant l'arme la plus distinguée d'une troupe, différentes figures ou symboles l'ornaient et indiquaient leurs qualités personnelles, ou qui se rapprochaient à l'ancienneté et aux valeurs de leur origine, aux faits et événements marquants de personnages grandement appréciés et remémorés par leurs peuples.

Adoptés par l'armée romaine, les boucliers ronds, parma ou clipeus, de différents modèles et tailles, au contraire des lourds et encombrants, mais plus efficaces en protection, scutum oblongs ou rectangulaires et curvés, étaient plus particulièrement adaptés, par leur maniabilité et légèreté, à l'infanterie et à la cavalerie légère.

Aujourd'hui Cherchell en Algérie, Iol, l'ancienne capitale de la Mauritanie, fut rebaptisée en Caesarea Mauretaniae à la gloire du divin César. A la mode de l'Empire, elle attirera une populace cosmopolite, élite intellectuelle, entrepreneuriale, commerciale ou simple main d'œuvre. Tous les cultes rendus aux dieux indigènes rencontreront et se mêleront avec ceux de la Méditerranée (égyptiens, gréco-romains, puniques... ).

Au point culminant du Sahel, à 261 mètres au-desus de la mer, se dresse le colossal monument appelé Le Mausolée royal de Maurétanie. Mystérieux tombeau maure ou numide en structure conique, visible surtout de la mer où marins et pêcheurs l'utilisaient comme points de repère. A ce jour aucun chambre secrète funéraire n'a été découverte : :?

A ce sujet, Mounir Bouchenaki, en 1979 a écrit:------ImageImage

----------------PATRIMOINE ARCHEOLOGIQUE DE L'ALGERIE

----------------LE MAUSOLEE ROYALE DE MAURETANIE
(1)

1.- Situation.

------Il peut paraître assez paradoxal de revenir sur la description d'un monument qui semble connu du public. Pourtant, nombreux sont les visiteurs qui se posent encore des questions sur ce fameux mausolée, appelé à tort « Tombeau de la chrétienne », ou encore récemment dénommé « Tombeau de Cléopâtre Séléné épouse de Juba II ». De nombreux travaux effectués à proximité et à l'intérieur du monument n'ont cependant apporté aucune réponse nouvelle aux questions que se posent archéologues et historiens, depuis de nombreuses années.

(1) Nouvelle appellation appliquée au Tombeau dit de la Chrétienne autrement appelé Tombeau de Cléopâtre Séléné épouse de Juba II.

e.

MessagePosté: Mar 23 Déc, 2008 11:29
de ejds
L. Pape a écrit:----(1) A. SERRET, Catalogue du Musée archéologique, Quimper, 1885, p. 45-46.
----(2) P. DU CHATELLIER, Inventaire, 1907, p. 93.
----(3) L. LE GUENNEC, Notes archéologiques de l'arrondissement de Morlaix, Archives départementales Quimper, 34 J, p. 34.
----(4) L. RICHARD, Recherches récentes sur le culte d'Isis en Bretagne dans Revue d'Histoire des Religions, 1969, n° 2, p. 145, avec bibliographie.


La civitas des Osismes à l'époque gallo-romaine, Louis Pape, Librairie C. Klincksieck, 1978, p. 169 et A-144 et A-145.

Alors que les notes relatives aux figurines égyptiennes de Plougonven par Paul Du Chatellier (2), Les époques préhistoriques et gauloises dans le Finistère (Inventaire par arrondissement puis canton, des monuments et découvertes archéologiques de la fin du XIXe siècle), Imp. Leprince, Plihon & Hommay, 1907, p. 93, sont très laconiques et se bornent à reporter en deux lignes la découverte : — « […] Cinq statuettes égyptiennes trouvées dans une sépulture, dont trois sont au Musée de Quimper.
Dans la commune se trouve un village portant le nom de Kerromen (Lieu des Romains)
».

Louis Le Guennec (3) dans ses notes manuscrites se hazarde à préciser : — « […] dans un tombeau romain [...] ».

Arthur Serret (1) est plus expansif et apporte quelques éléments d'informations (documentation Musée départemental breton de Quimper) : :?

A. Serret a écrit:VITRINE E

PROVENANCES DIVERSES

(Étiquettes oranges)


5. — TROIS STATUETTES ÉGYPTIENNES (il y en avait cinq) trouvées dans un tombeau, dans la commune de Plougonven, près Morlaix. H. 0 m 108.
----------------------------------------------------(Don de M. DE PLŒSQUELLEC.)

---Ces statuettes égyptiennes on été quelquefois trouvées dans des sépultures en Bretagne. Le musée de Rennes en possède une trouvée à Corseul (Côtes-du-Nord.) La présence de ces statuettes en Bretagne s’explique par cette phrase citée dans la Notice des dignités de l'Empire : « Prefectus militum Maurorum Osismiacorum Osismiis. » Ces Maures étaient des soldats d’Afrique enrôlés dans l’armée romaine, qui probablement auront été inhumés selon le rite de leur religion.

---On trouve presque toujours ces statuettes votives placées près de la momie, comme compensation des oublis et des négligences qui auraient pu se produire pendant les cérémonies, prières et offrandes pour le mort. Ces figurines sont faites en pâte d’une nature siliceuse colorée en bleu ou vert, par un oxyde de cuivre avec un silicate alcalin comme principe fusible.

---Ces trois figurines, dont le détail a été peu altéré par leur séjour en terre, représentent trois momies d’hommes. Les mains sont croisées sur la poitrine, la main droite tient une pioche, la gauche un hoyau. Derrière, sur l’épaule droite, on a figuré un sac destiné à contenir du grain.

---C’est avec ces instruments qu’il doit cultiver le blé mystique de la science divine, dans les Champs-Élysées, avant d’arriver à la justification.

---Une prière hiéroglyphique où le défunt invoque l’assistance des dieux, suivant le rituel funéraire, est gravée soit devant soit derrière.

---DE CAYLUS. Rech. d’ant. I, pl. VI. — Descrip. Egypt. V. pl. 62 et 65.


Catalogue du Musée archéologique, A. SERRET, Quimper, 1885, p. 45-46.

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