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MessagePosté: Lun 08 Déc, 2008 11:22
de André-Yves Bourgès
Sedullos a écrit:Il ne s'agit pas de symbolisme mais de combat.


Merci Jean-Paul, de ce rappel.

De même, il n'y a pas de symbolisme pour le cavalier qui prend appui sur sa jambe gauche pour monter à cheval (cf. l'hypothèse que la pierre de saint Mélar ait été un "perron").

AYB

MessagePosté: Lun 08 Déc, 2008 12:23
de Sedullos
Salut AYB,

Il faut aussi prendre en considération l'utilisation ou non d'étriers, courants à partir du VIIIème siècle, et l'épée est portée généralement à gauche par le cavalier médiéval.

MessagePosté: Mer 10 Déc, 2008 2:25
de anne dudant
Salut Sed et André-Yves,

Il est pas mal le pied de saint Mélar. Un peu grand pour un ado bien qu'aujourd'hui ils chaussent du 45 à 15 ans. L'emploi du mot "sabot" peut renvoyer à un rite d'accès à la souveraineté donnée par une jument blanche (voir le témoignage de Giraud de Cambrie sur la confirmation d'un roitelet d'Ulster ou la rencontre de la femme-jument Rhiannon dans le Mabinogi).

Mais l'accès à la souveraineté peut se passer de cheval. François Delpech, dans l'article déjà cité, note que le motif de la sandale unique apparaît dans plusieurs récits légendaires ou descriptifs relatifs à l'accession d'un héros de chefferie tribale. Il décrit plusieurs rituels en Biscaye. L'installation contractuelle du nouveau seigneur repose sur la domination d'un omphalos (chêne ou pierre dressé) ou d'un perron (non un marchepied mais un symbole de justice). Cet omphalos recèle, en tant que trône ou centre symbolique le principe de souveraineté territoriale. Cette investiture implique naturellement des épreuves qualificatoires préalables. Notamment en Carinthie (Autriche) une triple circumequitatio autour de la pierre dressée montée sur un cheval indompté. C'est sans doute un rituel semblable qui avait lieu auprès des pas-Bayard d'Ardenne et de France (voir photo du pas-Bayard de Stoumont). Le trou a sans doute été creusé de main d'homme; l'eau qui y stagne passe pour guérir des affections de la vue.

C'est naturellement Lug qui présidait à ce type d'intronisation.

De nombreux podomorphes ont également été étudiés par Marco Garcia Quintela en Espagne. Je n'ai sur le sujet qu'une ancienne publication en espagnol de 2000 (voir plutôt MSBEL, 17, Bruxelles). Il insiste sur l'importance du rite qui consiste à placer précisément son pied sur une pierre, dans un emplacement déterminé. ici aussi cela resort du domaine de Lug. Certains des podomorphes qu'on retrouve près des castros de Galice daterait de l'âge du fer. L'un d'eux rappelle le long bras de Lug.

Loth (1925) L'omphalos chez les Celtes, revue des histoires anciennes, XXVII-XXVIII:265, note qu'au XVIIIe siècle, se pratiquait une intronisation curieuse chez les maires de Brest: le candidat en guise d'investiture posait ses pieds sur une pierre. C'est une pose équivalente qu'adopte Lleu en tant que pseudo-porte-pied et la présence de la pierre dans un rite royal se retrouve également en Irlande où, pour recevoir l'investiture, le roi de Tara doit monter sur la pierre de Fàl. A cette occasion, dans le Leinster, il reçevait plusieurs objets dont une chaussure pleine d'argent. En Ardenne, s'il n'était plus digne de régner, il recevait une botte pleine de poix.

Notons quand même que Mélar est boiteux, manchot mais pas borgne. Apparemment ces prothèses le rendent à nouveau apte à régner. Les noix indiquent qu'il a acquis la "connaissance" nécessaire pour accomplir cette tâche.

Des saints fondateurs mérovingiens tel Remacle, Lambert et Hubert ont laissé également des "empreintes" de leurs pas. Si les pas de Remacle sont encore des marques de souveraineté sur des territoires acquis ou évangélisés par lui, les pas des deux autres faisaient fonctions de mesure, de "pieds" pour la construction d'édifices en pierre.

anne

MessagePosté: Mer 10 Déc, 2008 11:46
de Sedullos
Salut à tous,

De la part d'Anne Dudant

MessagePosté: Mer 10 Déc, 2008 13:28
de Muskull
Bonjour,
Une petite collecte:

Pas de saint Martin et Siège de saint Martin
http://www.saintmartindetours.eu/touris ... cinais.php
La Pierre de S'-Hubert à Appilly
http://voyageautretombe.over-blog.com/a ... -2007.html
L'empreinte de St Dizier et celle du diable
http://www.lieux-insolites.fr/belfort/fou/fou.htm
Les empreintes de Sainte Orse
http://jambertie.blog4ever.com/blog/lir ... 24191.html
Le Grès St Lucien
http://www.cchvo.fr/tourisme/pageLibre00010744.html
La Pierre du Pas de l'Ane
http://www.archigny.net/spip.php?article=97

MessagePosté: Mer 10 Déc, 2008 14:48
de Taliesin
Bonjour toud 'n dud !

très intéressant ce que vous dites, Anne !

de quoi faire jaillir quelques associations d'idées du puits de Nechtan :

sur le pas-Bayard, lié au cheval et à la guérison des affections de la vue : Nodons de Lydney Park, Neptune/Poseidon Hippios, Apollon Atepomaros

sur le bras de Lug : et pourquoi pas celui de Nuada ?

Je note la chaussure pleine d'argent et le pied d'argent de Mélar, qui n'est pas borgne, mais le serviteur traître Kerialtan est aveuglé. Ordalie ?
Nuada non plus n'est pas borgne, mais sa femme la Boann est aveuglée par l'eau jaillit du puits de Nechtan.

Le perron, symbole de justice : le coudrier est aussi en rapport avec la justice : voir les commentaires d'André-Yves dans son édition de la Vie de Mélar, au sujet du toponyme Gorbroidus et de l'aula Colroit, Liscolroet, où Salomon rendait la justice au 9ème siècle.

MessagePosté: Mer 10 Déc, 2008 18:31
de Muskull
Bonjour,
Juste un petit mot en passant.
M. Gimbutas parle de ces cupules néolithiques creusées dans des rochers remarquables, dédiés à la déesse, servant à recueillir l'eau du ciel qui en devient guérisseuses.
Les cupules lunées ou cerclées représentant ses yeux et les non cerclées sa bouche. L'on pourrait ainsi penser au folklore subsistant qui dit que certaines pierres guérissent les yeux et d'autres le dents. La pertinence de "recouvrement" chrétien vis à vis de saints dédiés à tel ou tel "médecine" peut être envisagée.

Alors moi je me dis, iconoclaste que je suis, que deux cupules reliées par un creusement pour recueillir plus d'eau "bénite" ; ceci plus tardivement et lié au succès médicinal de la pierre, l'avidité humaine n'est ce pas ?
Ces deux cupules reliées ainsi font une empreinte de pas.

Ceci n'empêche en rien un usage plus tardif de pierres de fondation, d'élection et de la trace construite et commémorée du premier héros sur l'omphalos de cette portion de territoire ainsi que le signale Ann et André-Yves.

La première empreinte extra-terrestre :wink:
Image

Lire aussi "La Gradiva" de Freud sur le fétichisme du pied.

MessagePosté: Mer 10 Déc, 2008 20:36
de André-Yves Bourgès
Bonsoir à tous et plus particulièrement à Anne, Sedullos, Muskull et Taliesin,

L'éclairage apporté par Anne est effectivement bien intéressant : la taille de l'empreinte de saint Mélar correspond effectivement à une pointure 45 fort (je suis retourné la mesurer dimanche dernier) ! Plus sérieusement, je vois avec intérêt l'hypothèse du perron se préciser, même s'il ne s'agit plus d'un montoir pour cavalier mais d'un symbole de justice : ces deux aspects, fonctionnel et opérationnel, sont-ils irréductibles l'un à l'autre, ou peut on imaginer une relation directe (justice/pouvoir exercés par la classe des puissants/cavaliers) ? Quant aux prothèses miraculeuses elles sont à l'évidence "requalifiantes" et Mélar est incontestablement investi comme étant le souverain légitime de la Cornouaille, les noix, marque de cette investiture, faisant l'objet à cette occasion d'une sorte de "geste magique" de la part du jeune prince :

Texte M, § 1 d :
Cum beatissimus Melorus digne Deo laudabiliter serviens in ipsis puerilibus annis a nutritore suo Cerialtano nomine nutriretur, fecit per eum omnipotens Deus mirabile miraculum quod silentio praeteriri indignum videtur. Quodam enim aestivali tempore, sicut naturale est arboribus frugiferis quaeque poma producere et maturescere, die quadam solemni meridianis horis collegit se familia nutritoris beati Melori et, exiens in silva per commoda loca, detulit secum multiplices nuces edulio habiles et fecit unusquisque massam suam de nucibus et praesentavit eas innocenti puerulo quasi domino suo ; qui laetissimo et hilari vultu suscipiens nuces sibi deportatas, cepit eas colligens argentea manu et, mirum in modum, coepit manus illa argentea quasi reflexus habere carneos ; et (mirabile dictu) coepit manum extendere et recludere quasi nativam ex ossibus, nervis, venis, sanguine atque compactam pelle. Tunc vero, sicut relatum a veteranis comperimus, accipiens non modicam partem de sibi delatis nucibus, jactavit eas per apertum terebri foramen in ostii repagulum ; quod multi videntes, quidam ridere eum fere dixerunt, quorum mens erat insana, plurimi vero convenientes et exultantes prae gaudio immodica non cessaverunt domino Jesu referre praeconia, qui tam mirabiliter operari videbatur in suo puerulo subrogando postmodum sibi martire pretioso

Traduction :
"Comme le bienheureux Melar servant dignement Dieu, était honorablement élevé durant ses années d'enfance par son 'nourricier' nommé Kerialtan, Dieu tout puissant fit par lui un admirable miracle sur lequel il est indigne de garder le silence. En effet, en été où il est naturel que les arbres fruitiers produisent et fassent mûrir leurs fruits, un certain jour de fête à l'heure de midi s'assembla la 'maisonnée' du 'nourricier' du bienheureux Melar et, se promenant en forêt par des lieux propices, cueillit quantité de noix propres à être mangées ; et chacun se fit un tas de noix qu'il présenta à l'innocent enfant comme à son seigneur. Celui-ci, l'air joyeux et heureux en recevant les noix à lui apportées, s'en saisit et les rassembla de sa main d'argent ; et, de manière surprenante, cette main d'argent commença de se replier comme si elle était de chair ; et — chose étonnante à dire — il commença de l'ouvrir et de la refermer telle une main naturelle d'os, de nerfs, de veines, de sang et recouverte de peau. Alors, ainsi que nous l'avons appris des anciens, saisissant une bonne part des noix qu'on lui avait apportées, il les jeta par 'le trou ouvert de la tarière dans la barre de la porte'. Ce que beaucoup voyant, plusieurs dirent presque qu'il plaisantait, eux dont l'esprit était malade ; mais le plus grand nombre, se rassemblant et exultant de joie, ne cessait pas de rendre grâces sans mesure au Seigneur Jésus qui était apparu agissant de façon miraculeuse au travers de Son enfant choisi, par la suite Son martyr précieux".

J'avais oublié le toponyme Gobroidus, *Corlroidus et je remercie Patrice, décidément lecteur attentif de mes travaux, de rappeler la suggestion d'un rapprochement entre le coudrier et l'exercice de la justice, comme il se voyait notamment chez les Francs : quid chez les Bretons ?

La prothèse du pied gauche de Mélar est en airain, pas en argent : cette différenciation des métaux me paraît finalement assez pertinente pour aider à renforcer l'hypothèse d'une origine spécifiquement lanmeurienne, liée au pétrosomatoglyphe attribué localement à Mélar.

Les différents liens et photos vont venir nourrir le dossier que je viens de créer sur ces questions : merci.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Jeu 19 Fév, 2009 22:46
de Séléné.C
:roll:
Je suis fascinnée par la discussion...

MessagePosté: Ven 20 Fév, 2009 0:57
de André-Yves Bourgès
Séléné.C a écrit::roll:
Je suis fascinnée par la discussion...


Mais elle est, pour l'instant, interrompue : merci d'avoir contribué à la raviver...

AYB

MessagePosté: Ven 20 Fév, 2009 1:03
de Séléné.C
L'histoire de la prothèse de Nuada m'intéresse beaucoup...

Mais je ne connaissais que l'histoire de la main, pas celle de la jambe. Je manque de textes ! J'ai surtout, chez moi, des dico celtes et des ouvrages se référant à. Ma bibliothèque est en cours d'expansion, mais doucement (manque de place)

C'est très instructif, tout ça...

Impressionant, la taille de cette empreinte.
On est sûr que la taille orrespnd à celle d'un pied ? On peut mettre le pied dans un trou plus grand que ledit pied...