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la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Sam 23 Mai, 2009 14:45
de feu de l'eau
Bonjour, je suis lecteur de ce forum depuis un moment, et je me permet d'ajouter ce sujet parce que je n'ai rien trouvé encore ici au sujet de la chanson d'Aiquin.
Cette chanson a été copié par un copiste du 15ème siècle à partir d'un texte rédigé au 12ème siècle à Dol de Bretagne. Mais celui qui a écrit cette chanson au 12ème s'est profondément inspiré d'un récit qui a très probablement une origine antique.
C'est un article de Marc Déceneux dans ArMen qui m'a fait découvrir les enjeux que soulèvent cette chanson. Marc Déceneux qui est décédé récemment.
Dans cet article, Déceneux montre que l'auteur disposait de renseignements qui proviennent forcément de l'antiquité. Notamment sur des constructions qui avait disparues depuis bien longtemps au 12ème mais qui ont existé pendant l'antiquité.
Ce texte raconte la reconquête de la Bretagne par les bretons avec l'aide de Charlemagne et son armée. Cette histoire n'a aucun lien avec des faits historiques mais elle présente de grandes ressemblances avec le mythe irlandais de la bataille de mag tured, la trame de l'histoire et aussi des détails troublants.

De nombreux arguments qui laissent penser qu'il existait dans cette partie de la Gaule, chez les coriosolites, un mythe très proche de celui de la bataille de mag tured. Il aurait été mis par écrit par des moines bretons de la même manière qu'en Irlande.
Que pensez-vous de cette hypothèse?

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Sam 23 Mai, 2009 17:30
de Muskull
Bonjour et bienvenue,
L'idéal serait de proposer ce texte en lecture ou du moins de nous donner les références de son édition.
Le premier terme serait préférable, il doit être quelque part numérisé à la B.N. non ? :wink:

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Sam 23 Mai, 2009 23:37
de Séléné.C
A défaut, l'article dont tu parles, ou tout au moins un ou des extrait(s) serait déjà une base de départ... :D

Edit = trouvé ça...
C'est pas très informatif, mais pour ceux qui cherchent des références, ça pouttait être ça
http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=15683430

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Dim 24 Mai, 2009 0:07
de Taliesin
Bonsoir à tous !

Ce texte a été édité au 19ème siècle par Jouan des Longrais, édition disponible et téléchargeable sur Gallica :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k81586s

autres éditions plus récentes consultables et empruntables en bibliothèque :

La chanson d’Aiquin. Texte traduit, présenté et annoté par Maud Ovazza et Jean-Claude Lozac'hmeur. Paris : Picollec, 1985.

Aiquin ou la conquête de la Bretagne par le roi Charlemagne. Edition de Jacques Francis, Aix-en-Provence, Paris : CUERMA, Champion, 1979.

Ces deux éditions sont complémentaires car celle de Francis Jacques ne comporte pas de traduction.

Enfin, la plus importante étude jamais réalisée sur la chanson d'Aiquin vient de paraître cette année. Il s'agit de la publication chez Champion de la thèse de Nicolas Lenoir : Etude sur la Chanson d’Aiquin ou la Conquête de la Bretagne par le roi Charlemagne.
Dispo au CRBC quand je l'aurais rendue...

Concernant l'hypothèse de Marc Deceneux, je suis assez dubitatif. La Chanson d'Aiquin a nettement plus de rapport avec les autres chansons de geste, comme la Chanson d'Aspremont,....etc, qu'avec l'épopée irlandaise.
Quant à la station de pompage d'eau douce, elle n'a pas disparue, puisque Loïc Langouet l'a retrouvée dans les années 70, mais elle a été abandonnée vers le milieu du 4ème siècle et noyée après percement du cordon littoral. (voir Langouet, Loïc, 1988. Les Coriosolites : un peuple armoricain de la période gauloise à l'époque gallo-romaine. Saint-Malo : CeRAA, p. 158-163.) Etant donné que l'installation est restée en place et en bon état de conservation, il est possible qu'elle était connue des marins depuis le début du Moyen-Âge jusqu'au 12ème siècle. Il se peut même que l'installation ait été en partie à découvert à marée basse. Donc, nul besoin, à mon avis, de supposer l'existence d'un texte, transmis depuis l'Antiquité et mentionnant cette station que tous les habitants du Saint-Malo médiéval devaient connaître.

Autre chose : si on remplace "Sarrasins" par "Normands" on n'a peut-être pas des éléments historiques précis, mais un fond d'histoire bretonne du 9ème-10ème siècle, encore bien présent dans les esprits au 12ème.

Sinon, ne désespérons pas, on peut tout de même trouver de la mythologie celtique dans la littérature bretonne continentale, dans les Vies de saints par exemple : Melar, Judicaël, Hervé,....


Noz vat d'an holl !

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Dim 24 Mai, 2009 9:48
de André-Yves Bourgès
Bonjour,

Cette épopée en vers sous-titrée « la conquête de la Bretagne par le roi Charlemagne », nous montre ce dernier aux prises avec le roi Aiquin, « de Nort pays », qu’il convient sans doute d’identifier avec un chef scandinave nommé Incon, dont Flodoard nous apprend qu’il demeurait de façon permanente sur la Loire : après le massacre en 931 d’un autre chef viking, Félécan, par les populations bretonnes que ce dernier tenait sous son joug, Incon avait pénétré en Bretagne et écrasé la révolte . Même si l’auteur de la Chanson d’Aiquin désigne les adversaires de Charlemagne comme des « Sarrazins », disciples de Mahomet, son récit pourrait ainsi refléter le souvenir que la campagne menée par Incon avait laissé en divers lieux de Bretagne et, à ce titre, l’ouvrage présente un incontestable intérêt historique .

La critique actuelle tient pour acquis que la Chanson d’Aiquin a été composée vers la fin du XIIe siècle ; pour ma part, je suis enclin à abaisser cette datation au premier tiers du siècle suivant et un élément de critique interne du texte permet de conforter cette datation basse. Il faut situer entre 1205 et 1230 le « règne » du seul membre de la dynastie vicomtale de Léon a avoir porté le nom de Conan ; or, l’auteur de la Chanson d’Aiquin fait une allusion très précise à ce personnage aux vers 741-742 de son poème : Et Dom Conayn de Leon le sené/Qui en son escu porte un leon doré. Conan fut en butte, et son fils Guyomarc’h après lui, aux attaques de Pierre Mauclerc qui s’est toujours efforcé de réduire la puissance des vicomtes de Léon . Nous connaissons également le rôle important joué par Conan de Léon dans le Goëllo, après 1212, en sa qualité de tuteur de l’héritier de la dynastie du lieu, dont il s'agissait de défendre les intérêts contre les empiètements de Pierre de Dreux. En tout état de cause, le texte que nous connaissons aujourd’hui, au travers d’une copie partielle et fallacieuse du milieu du XVe siècle , retrouvée après 1693 dans les ruines du couvent franciscain de l’île de Cézembre, en face de Saint-Malo , correspond à une réfection de l’ouvrage original dont ce dernier est sorti très altéré. Le remaniement étant nécessairement postérieur à la construction, vers 1380, de la célèbre tour Solidor, dont une description très précise figure dans le texte , son terminus a quo peut donc être abaissé, sans difficulté, jusqu’à l’époque du manuscrit.
Tout indique que l’arrangement de la Chanson d’Aiquin est l’œuvre d’un clerc, bon connaisseur du passé d’Alet et familier des lieux, probablement pour en être originaire ; sa discrétion à l’endroit de saint Samson pourrait ainsi s’expliquer par la vive et persistante concurrence que le siège épiscopal de Saint-Malo entretenait avec celui de Dol. La localisation du manuscrit au couvent de Cézembre, établissement fondé dans le dernier tiers du XVe siècle , suggère que cet écrivain était peut-être l’un des ermites qui avaient précédé sur place les franciscains : tel fut le cas de Raoul Boisserel, prêtre de Saint-Malo, installé en 1420 dans l’île, où il bâtit une chapelle sous l’invocation de saint Brandan , ce qui témoigne d’un intérêt certain pour l’hagiographie locale .

Sur le terrain hagiographique justement, l’histoire de saint Servan se signale comme une interpolation manifeste , d’autant plus que le saint honoré à Alet aux années 1185-1218 était en réalité saint Servais , dont le culte, déjà attesté localement au XIe siècle , avait probablement été introduit en Bretagne à l’époque carolingienne . Il en va probablement de même en ce qui concerne le passage relatif à saint Malo, pour lequel l’interpolateur a indiqué sa source (« Cela se trouve à Saint-Malo, dans le livre qui contient la légende du saint, ami de Dieu ; là le récit de ce miracle, et beaucoup d’autres aussi, très anciens, y est revêtu d’un sceau ») : « dans une longue incise, bien inutile à la progression du récit, appelée par l’explication du nom de Châtel-Malo, le trouvère résume à partir de quelque légendier local la vie et les actes du bienheureux sous les traits d’un pauvre ermite fort estimé des … Sarrazins, dont il aurait ressuscité l’un deux ! » (J.C. Cassard) . En revanche, l’anecdote relative à saint Corentin faisait partie intégrante du récit primitif, dont elle constituait manifestement un temps fort.
Le résumé de la vie de saint Servan indique que ce dernier était le cousin du Christ, précision généalogique empruntée à la légende de saint Servais ; il est également fait allusion à cette parenté lors de l’épisode où l’on voit Charlemagne faire don d’une croix-reliquaire pour orner la chapelle dédiée au saint . Pour le reste, alors que l’influence de la tradition hagiographique de saint Servais est manifeste sur la vita de saint Servan [BHL 7609] et pourrait bien d’ailleurs s’être exercée à partir d’Alet , le personnage dont l’histoire est sommairement racontée dans la Chanson d’Aiquin est très largement distinct des deux saints concernés : les principaux épisodes de sa vie — emprisonné par un émir d’Egypte ; sustenté miraculeusement dans sa geôle, dont la porte finit par se briser, miraculeusement là encore, permettant ainsi son évasion ; traversant la mer sans recourir à une embarcation ; échappant à Rome aux persécutions du roi Adace, renouvelant sa traversée prodigieuse pour se rendre cette fois en Palestine où il est finalement décapité sur l’ordre du roi Hérode, qui fait porter la tête du saint à Rome — ont été empruntés à différents ouvrages hagiographiques, parmi lesquels figurent les légendes de saint Pierre et de saint Jacques. L’histoire du saint Servan malouin paraît avoir été forgée de toutes pièces lors de la réfection de la Chanson d’Aiquin ; en tout état de cause, elle n’a pas laissé d’autres traces.

L’auteur du poème original quant à lui cherchait peut-être, en adaptant des traditions anciennes, à rendre compte de la complexité des affaires bretonnes de son époque . Les rapides allusions au culte rendu à saint Samson, à saint Malo et à saint *Servais étaient simplement destinées à renforcer l’« effet de réel » de l’épopée, pour toute la partie de l’action qui se déroulait dans la région concernée. Le poète était incontestablement un partisan de la primauté doloise, telle qu’elle s’incarne dans le personnage de l’archevêque Ysoré ; mais, s’il est vraisemblable qu’il a composé son ouvrage à la cour épiscopale du lieu, il n’est nullement avéré qu’il fût lui-même originaire de Dol. En tout état de cause, cet auteur, au contraire de ce qui a pu être dit parfois, me paraît avoir été remarquablement informé en ce qui concerne la géographie physique, politique et humaine de la Basse-Bretagne à son époque. On peut le constater par exemple avec le toponyme Men[é], cité au vers 2977, qui paraît désigner la Montagne de Locronan, en breton Menez-Lokorn, « la Montagne de Locronan » ; c’est là que, fuyant Carhaix pris par les Francs, Aiquin se serait réfugié dans « un château très puissamment bâti » . Charlemagne, l’ayant poursuivi jusqu’à Nyvet, avait entrepris le siège de cette forteresse : sans doute peut-on l’identifier avec le lieu-dit la Motte, en breton ar Vouden, situé au sommet du Menez-Lokorn, mais sur le territoire de Plogonnec , et qui était au XIIIe siècle la résidence des seigneurs de Névet ; d’ailleurs Pierre Le Baud à la fin du XVe siècle continuait de donner à la Montagne de Locronan le nom de Menetnemet, « la montagne de Névet » . Le poète nous apprend de plus que l’ermitage de saint Corentin était situé sur le chemin qui allait de ce château à la mer : sans doute l’itinéraire correspond-il au diverticule routier qui, abandonnant la ligne de crête des Montagnes Noires, descend vers le bourg de Locronan puis se dirige vers l’anse du Ris en passant par Kerlaz .
Il faut souligner que le rôle dévolu à Corentin dans le poème prend la forme d’une intervention directe du saint ; celui-ci est présenté comme un véritable acteur des événements auxquels il est mêlé : on le voit ainsi échapper miraculeusement aux « Sarrazins » et transmettre aux chevaliers de l’armée franque des renseignements qui faciliteront leur offensive contre Aiquin. La tradition hagiographique relative à Corentin, telle qu’elle nous a été conservée par les deux ouvrages qui lui sont consacrés, ne fait pas mention de cet épisode. Que le saint ait pu, comme le suggère avec finesse J.-C. Cassard, être substitué en l’occurrence à l’ermite Ronan n’emporte nullement que le poète ignorait tout de la Cornouaille et des enjeux locaux ; en effet, cette substitution se trouve déjà dans la vita de saint Corentin et s’inscrit dans une perspective assez nette : donner de l’importance au rôle joué par le premier évêque de Quimper dans l’histoire politico-religieuse de la région. Le profil de Corentin tel qu’il est décrit dans l’épopée est d’ailleurs sensiblement le même que celui esquissé par l’hagiographe : ermite et dévot de saint Martin ; en outre, il lui arrive souvent, souligne l’auteur de la Chanson d’Aiquin, d’être environné de « Sarrazins », situation qui suscite dans un premier temps la méfiance des Francs et qui, là encore, renvoie peut-être à la réalité d’un établissement permanent des vikings dans la région. Cependant, les deux écrivains divergent assez largement dans le jugement porté sur Corentin. Le poète, malgré la sympathie qu’il lui témoigne, ne cache pas qu’il tient le saint pour une sorte de « marginal », dont il occulte le statut épiscopal. De son côté, l’hagiographe sait donner à ce profil les prolongements que la stature du personnage lui paraissait mériter : Corentin, établi aux dires de l’hagiographe dans la paroisse de Plomodiern, se voit attribuer un pouvoir thaumaturgique dont il use au profit du fameux roi Gradlon, et bénéficie en retour d’une donation de biens fonciers en la même paroisse ; le dévot de saint Martin se voit reconnaître par ce dernier, agissant en tant que métropolitain, une véritable prééminence que vient sanctionner son élévation à l’épiscopat. Nulle allusion chez l’hagiographe au fait que Corentin vivait au milieu d’un environnement sinon hostile, du moins païen ; mais il est possible que le texte actuel de la vita ne soit pas complet, particulièrement en ce qui concerne la première partie de la biographie du saint.

Les éléments de datation permettent de conclure à une composition presque contemporaine de la vita de saint Corentin et de la Chanson d’Aiquin. Cependant, il me semble que l’hagiographe a exercé une importante influence sur la composition du poème ; en tout état de cause, cette hypothèse sort renforcée de l’examen du dossier hagiographique du fondateur de l’évêché de Quimper, examen auquel j'ai procédé dans un article intitulé « A propos de la vita de saint Corentin », paru dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère , t. 127 (1998), p. 291-303, et accessible en ligne ici.

La citation de J.-C. Cassard est extraite de son article, « Propositions pour une lecture historique croisée du Roman d’Aiquin », dans Cahiers de civilisation médiévale Xe-XIIe siècles, 45, 2002, p. 111-127. Ce chercheur interprète le poème (p. 111) comme « un palimpseste de l’histoire bretonne qui donne le beau rôle à l’archevêque de Dol et au duc Naimes, dans lequel on propose de reconnaître le figure déformée de Nominoë, un dynaste du IXe siècle confronté aux Francs » : cette hypothèse n’est pas en contradiction avec celle rapportée plus haut. Par contre, je m'éloigne de J.-C. Cassard quand il écrit (p. 115) que le poète était « bien peu et bien mal renseigné sur les contrées bretonnantes qui occupent l’extrémité occidentale de la péninsule, dont la langue et la topographie lui demeurent également inconnues ».

Cordialement,

André-Yves Bourgès
http://www.hagio-historiographie-medievale.fr

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Dim 24 Mai, 2009 15:22
de feu de l'eau
Merci à vous pour vos réponses.

Je vais revenir plus en détail sur les arguments de Déceneux que j'ai trouvé dans son article de la revue ArMen n°138 (janvier/février 2004).
Mais le fait qu'il puisse y avoir des références à une histoire réelle de la domination des Vikings sur la bretagne par exemple n'exclue pas que cette chanson soit une adaptation d'un mythe ancien (ou plusieurs)

En ce qui concerne les construction antiques citées dans la chanson, en plus du "système sophistiqué d'approvisionnement en eau douce de la cité de Quidalet", Déceneux prétend que le "Chateau Serein" du texte "n'est pas une invention: il s'agit d'un retranchement gaulois de l'époque de la Tène, dominant de soixante-et-un mètres la baie de la Fresnais, comprenant prés de deux hectares et protégé de talus hauts de deux mètres cinquante et d'un fossé frontal. Le site n'ayant été ni fortifié ni même occupé durant le moyen âge, il fallait bien que le poète, pour en avoir connaissance disposât de renseignements venus de l'antiquité.".C'est l'autre principal argument archéologique, mais il ne précise pas pourquoi c'est forcément ce site dont il s'agit. Il y a aussi la voie romaine de Carhaix et autres petits détails

Mais les arguments les plus troublants ne sont pas du domaine historique et archéologique mais dans les détails narratifs, dans la trame et la structure du récit.

Le but du poète est de faire l'éloge de l'archévêque de Dol dans le contexte de l'époque du conflit avec l'Archévêché de Tour.
" La composition du texte relevait donc d'un montage pseudo-historique, réalisé dans une perspective de politique religieuse territoriale. Mais encore fallait-il qu'il apparût comme vraisemblable. Pour ce faire, le poète eut l'habileté de nourrir son oeuvre de vielles traditions légendaires locales. Le roman, ainsi, pouvait se couler naturellement dans le moule de la mémoire culturelle collective."
Il y a en effet de nombreux élément importants dans le récit tels que:
-Le vol d'une coupe d'or qui prend une grande importance dans l'histoire.
-Une cité engloutie
- l'utilisation à deux reprises d'un brouillard pour échapper aux ravisseurs
-" L'impératrice", femme d'Aiquin qui incarne incontestablement la souveraineté
- le jet de javelot sur les émissaires de Charlemagne, "le géant démoniaque Yspaddaden pencwar agit de façon identique lorqu'il reçoit les envoyés du roi Arthur" dans Culwuch et Olwen.

Mais surtout la trame du récit et la structure concordent étonnamment avec celles de la bataille de Mag Tured, la seconde.
-Les bretons sont gouvernés et dominés par les démons dirigés par Aiquin pendant 30ans, c'est très explicite dans le texte, comme pour le récit Irlandais.
-A la fin Aiquin est poursuivi d'un bout à l'autre de la bretagne, comme Balor par Lug
-Le siège de Quidalet dure 7ans comme les préparatifs de l'affrontement ultime de Mag Tured.
- Et puis "deux dates calendaires seulement sont indiquées explicitement. (...) la première est la Pentecôte, (...) la Pentecôte est une fête mobile; (...) mais le poète a pris soin de préciser "c'est le jour de la pentecôte en été" ce qui oblige à situer l'action (...)le 14 juin." la seconde date est le 11 novembre ( saint martin) dans l'épisode final. Or dans le texte Irlandais, la première bataille se déroule Le 15 juin, et la seconde à Samain, dates qui sont loin d'être anodines...
Il y a d'autres dates qui "sont suggérées par les fêtes des saints à qui sont consacrées les églises" "ces dates se succèdent en ordre chronologique dans un cycle annuel presque complet. Elle semble d'autre part s'organiser dans une construction savante", le nombre 17 relie les dates entres-elles. Cette construction complexe est liée au calendrier lunaire. D'après Déceneux, le "chiffre" 17 "semble avoir une valeur récurrente dans la tradition celtique"

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Mar 26 Mai, 2009 23:53
de André-Yves Bourgès
Bonsoir,

J'ai relu avec attention l'article de M. Deceneux, bien écrit et attractif, surtout pour un public cultivé mais non spécialiste ; cet article comporte cependant de nombreux "biais", destinés à étayer l'hypothèse selon laquelle l'auteur du poème aurait composé son oeuvre à partir d'un texte mythologique très ancien. Un seul exemple, qui se rapporte à la frontière entre la Bretagne et la Normandie : M. Deceneux écrit que, "à deux reprises (vers 45 et 493), la Sélune est indiquée comme marquant la frontière orientale du pays, alors que celle-ci était fixée sur le Couesnon dès l'époque mérovingienne ; la rivière a effectivement un rôle de bornage, mais entre les peuples gaulois des Riedones et des Abrincates, c'est-à-dire au tout début de notre ère".

Or, tout au contraire le nom du Couesnon figure expressément dans le texte, avec celui de la Sélune, comme étant ceux des « deux rivières qui portent les donjons séparant les Normands des Bretons » (« Et passerent Seüne et sesirent Coaynon/ Ce sont doux aeves qui portent le dongeon/ Entre ly Normens et ly Breton » : Le roman d'Aquin ou La conquête de la Bretaigne par le Roy Charlemaigne : chanson de geste du XIIe siècle publiée par F. Jouon Des Longrais, Nantes, 1880, p. 4, v. 45-47. L’éditeur suggère de reconnaître dans ces donjons les fameuses Tours Brettes dont fait mention B. D’Argentré dans son Histoire de Bretagne).

Si nous quittons maintenant le terrain historique, pour le terrain mythologique, le long siège de Quidalet, que M. Deceneux associe à la durée des préparatifs de la bataille de Mag Tured, renvoie à un véritable topos littéraire, car les sièges historico-légendaires d’une durée de sept ans sont très nombreux : celui de Pérouse par Totila, roi des Ostrogoths ou celui de Castelfort, soutenu par Ogier le Danois, ou encore celui de Tolède par Alphonse VI, sans parler de ceux de Césarée, de Narbonne, etc.

Comme je l'ai dit dans mon précédent message, il faudrait plutôt chercher à savoir comme une oeuvre de propagande doloise du premier tiers du XIIIe siècle (l' escript, le conte , l'ystoire, dont il est question dans le texte aux v. 63, 83, 210, 1666) a pu être recyclée au profit de saint-Malo au XIVe, sionon même au XVe siècle.

Cordialement,

André-Yves Bourgès

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Mer 27 Mai, 2009 20:14
de feu de l'eau
C'est vrai que les argument de Déceneux sont parfois un peu bancales, j'avais aussi noté que le Couesnon était bien mentionné dans la chanson.
C'est vrai qu'il y a des éléments qui laissent penser à un texte basé une histoire réelle. Ce récit rappelle en effet la domination des Scandinaves sur la Bretagne et l'établissement d'une principauté à partir de Nantes au début du 10ème siècle.

Mais, quand même... ce récit est très imprégné de caractéristiques celtique, je les ai cités dans précédent message,ville engloutie, coupe d'or, brouillard druidique..etc et cette impératrice qui est vraiment digne d'intérêt elle fait penser à une reine Medb. L'auteur s'est sûrement appuyé sur des légendes locales encore vivantes il y a peu de temps (parait-il), elles devaient avoir un fort écho à l'époque.
Ce ne sera pas la première fois que légendes, intérêts politiques et histoire se mélangent, c'est même inévitable à toute les époques, je crois...

C'est cette structure savante du texte basée sur un calendrier lunaire et sur le 17 qui m'intrigue...
Déceneux l'a-t-il tiré par les cheveux et sortie de son chapeau magique? est-ce qu'il existe de pareilles constructions ailleurs? les concordances de dates sont quand-même troublantes....
Qu'en est-il de ce 17? est-il si important dans les traditions celtiques connues?

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Mer 27 Mai, 2009 21:42
de Séléné.C
Je ne connais pas bien (et c'est peu dire) les significations des chiffres dans les textes celtes, mais le 17 est un nombre premier.
Je serais surprise que les celtes, qui, parait-il, connaissaient l'algèbre, ne s'en soient pas rendu compte.
Ca peut suffire à lui donner une place particulière.

Les nombres carrés, cubiques, premiers ou obtenus par addition de nombres eux-mêmes réputés magiques, ont souvent eu des signification quasiment (ou plus) magiques.

(attention, ça n'est pas forcément le cas ici! Je signale juste le particularisme de ce nombre... Je le répète, ma connaissance des croyances accordées aux nombres est superficielle et ne s'attache pas spécialement à la période celte)

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Mer 27 Mai, 2009 23:30
de Taliesin
feu de l'eau a écrit:
Mais, quand même... ce récit est très imprégné de caractéristiques celtique, je les ai cités dans précédent message,ville engloutie, coupe d'or, brouillard druidique..etc


dans d'autres chansons de geste, un cerf blanc traverse une rivière devant Charlemagne. Au tournant des 12ème-13ème siècle - donc à l'époque de la chanson d'Aiquin -, on voit le merveilleux arthurien investir l'épopée carolingienne, comme dans la Bataille Loquifer ou Huon de Bordeaux.
Sans parler du cycle des Narbonnais, dont la structure mythologique indo-européenne a été montrée par Joël Grisward. Pour le coup, on a là un des principaux protagonistes de la bataille de Mag Tured en la personne de Rainouard au Tinel dans le rôle du Dagda.
Il y a assez de boued en matière de merveilleux "druidique" dans les chansons de geste et encore plus dans les romans de Chrétien de Troyes ou les lais de Marie de France pour que l'auteur d'Aiquin n'ai eu qu'à se servir. Comme légende locale, Il y aurait bien Ahès et son chemin, mais le thème est attesté ailleurs (Brunehaut, etc), ce n'est pas forcément celtique, et puis les voies romaines ont servi au moins jusqu'au Moyen Âge, alors, pas besoin d'imaginer un texte ancien pour expliquer la formation d'une légende à partir du réseau routier gallo-romain.


Sinon, le 17 est effectivement très important dans la tradition celtique, car le 17 mars, c'est la Saint Patrick (sorry, it's a joke)

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Mer 27 Mai, 2009 23:44
de Séléné.C
:mrgreen: Un rien printanier, ce bon St Patrick...
(it's à peine a joke, mais un chouya pas le sujet ! (scusez!))

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Jeu 28 Mai, 2009 0:05
de André-Yves Bourgès
feu de l'eau a écrit:C'est vrai qu'il y a des éléments qui laissent penser à un texte basé une histoire réelle. Ce récit rappelle en effet la domination des Scandinaves sur la Bretagne et l'établissement d'une principauté à partir de Nantes au début du 10ème siècle.


Attention : un texte qui contient des éléments empruntés à l'histoire n'est pas nécessairement "basé sur une histoire réelle". Taliesin a rappelé la parenté manifeste de la Chanson d'Aiquin avec les autres chansons de geste.

Mais, quand même... ce récit est très imprégné de caractéristiques celtique, je les ai cités dans précédent message,ville engloutie, coupe d'or, brouillard druidique..etc et cette impératrice qui est vraiment digne d'intérêt elle fait penser à une reine Medb.

La Bible, Strabon, Pline, etc., etc., évoquent des villes englouties ; le vol de vases sacrés se retrouve dans la plupart des épisodes guerriers au Moyen Âge, tandis que le brouillard est très souvent l'allié des combattants, favorisant les mouvements de troupes (dans l'attaque ou dans la fuite) ; le personnage de la femme d'Aiquin fait tout autant penser à une impératrice de Byzance qu'à la reine Medb.

L'auteur s'est sûrement appuyé sur des légendes locales encore vivantes il y a peu de temps (parait-il), elles devaient avoir un fort écho à l'époque.

Hypothèse qu'il conviendrait d'étayer : vous parlez de l'auteur de la Chanson d'Aiquin ? lequel ? ou de M. Deceneux ?

Ce ne sera pas la première fois que légendes, intérêts politiques et histoire se mélangent, c'est même inévitable à toute les époques, je crois...

Bien vu.

C'est cette structure savante du texte basée sur un calendrier lunaire et sur le 17 qui m'intrigue...
Déceneux l'a-t-il tiré par les cheveux et sortie de son chapeau magique? est-ce qu'il existe de pareilles constructions ailleurs? les concordances de dates sont quand-même troublantes....
Qu'en est-il de ce 17? est-il si important dans les traditions celtiques connues?

La symbolique des chiffres et des nombres est un domaine où, si j'ai bien compris, le pire côtoie le meilleur : je propose ici un lien, pour lequel mon incompétence m'empêche de juger si son contenu appartient à l'une ou à l'autre de ces catégories !

Cordialement,

André-Yves Bourgès

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Ven 29 Mai, 2009 1:26
de feu de l'eau
taliesin à écrit:
Il y a assez de boued en matière de merveilleux "druidique" dans les chansons de geste et encore plus dans les romans de Chrétien de Troyes ou les lais de Marie de France pour que l'auteur d'Aiquin n'ai eu qu'à se servir.


La chanson d'Aiquin a des liens de parenté avec les autres chansons de geste, forcément c'est la même époque, la même démarche. L'influence des traditions celtiques a pu se faire sentir de la même manière sur les autres chansons, pourquoi ne pas envisager le même processus pour ces différentes chansons plutôt que de voir dans cette chanson une copie des autres.

Nombreux sont ceux qui considèrent, je crois, et notamment Lozac'hmeur et Ovazza (les traducteurs en Français contemporain), que ce texte est antérieur aux écrits de Chrétiens de troyes.

" L'auteur s'est sûrement appuyé sur des légendes locales encore vivantes il y a peu de temps (parait-il), elles devaient avoir un fort écho à l'époque."


Hypothèse qu'il conviendrait d'étayer : vous parlez de l'auteur de la Chanson d'Aiquin ? lequel ? ou de M. Deceneux ?


Oui, l'auteur de la chanson d'aiquin, du 12ème siècle (début 13ème selon vous) c'est probablement inspiré de légendes locales (et aussi de mémoires locales concernant l'invasion des vikings). Je suis nouveau dans la région de Dol mais Déceneux lui la connaissait très bien je crois, et on ne peut le lui enlever. Il donne des références de légendes qui ont repris des passages de cette chanson, une collectée par Robidou, une par Jouon des Longrais. Il précise que Armand Dagnet avait collecté deux légendes de citée englouties à saint Suliac, site de Gardaine, qui semblent bien être précurseurs de l'épisode de la chanson. Tout cela montre comment les traditions orales et ce texte s'imbriquent et sont proches.

La Bible, Strabon, Pline, etc., etc., évoquent des villes englouties ; le vol de vases sacrés se retrouve dans la plupart des épisodes guerriers au Moyen Âge, tandis que le brouillard est très souvent l'allié des combattants, favorisant les mouvements de troupes (dans l'attaque ou dans la fuite) ; le personnage de la femme d'Aiquin fait tout autant penser à une impératrice de Byzance qu'à la reine Medb.


Biensûr mais c'est sur le rôle narratif des ces éléments dont je voulais aussi parler. Pour la ville engloutie, il semblerait que ce serait lié à une légende locale. Le rôle important des brouillards et de la coupe d'or m'avais marqué, pour la coupe d'or j'ignorais que c'était fréquent dans les textes médiévaux, pour le brouillard, quand même le rôle qu'ils ont dans la narration, il s'agit d'un parade soudaine et magique d'un individu, ça me rappelle vraiment les récits irlandais, à chacun de juger. Pour l'Impératrice" c'est vraiment le rôle qu'elle joue qu'il faut noter , elle est la souveraineté qui est temporairement prise par les démons et qui doit être reconquise par les dieux. Et puis elle incite à la guerre, telle la morrigane... enfin bon c'est mon ressentiment.

J'espère que ce fil et vos renseignements éclairés inciterons d'autres à se pencher sur ce texte.


Pour le 17, Déceneux explique que tous les 33 mois, il se passe 34 lunaisons. Ces chiffres permettent de relier calendrier lunaires et solaires. Le 17 (clé du cycle annuel en filigrane dans la chanson) est la clé du calendrier Lunaire (17x2). Quand on sait l'importance du découpage du cycle du temps en passages de moitié sombre en moitié claires. Prise du monde par les démons et reconquête par les dieux...

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Ven 29 Mai, 2009 8:01
de Muskull
feu de l'eau a écrit:Pour le 17, Déceneux explique que tous les 33 mois, il se passe 34 lunaisons. Ces chiffres permettent de relier calendrier lunaires et solaires. Le 17 (clé du cycle annuel en filigrane dans la chanson) est la clé du calendrier Lunaire (17x2). Quand on sait l'importance du découpage du cycle du temps en passages de moitié sombre en moitié claires. Prise du monde par les démons et reconquête par les dieux...

Bonjour,
Tous les 19 ans les cycles lunaires et solaires coïncident. Le mois lunaire dure 28 jours, les mois solaires très variables suivant les calendriers, je ne comprends pas d'où vient ce 17. :?

Sur le lien proposé plus haut par André-Yves cette note semble la plus intéressante quand à notre affaire:
"Les Italiens craignent les 17, car 17 s'écrit XVII en chiffres romains, qui est l'anagramme de VIXI, qui veut dire "j'ai vécu", i.e. "je suis mort".

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Ven 29 Mai, 2009 10:13
de feu de l'eau
Bonjour,
Oui bon, alors cette théorie calendaire est peut-être un peu à revoir... :cry: :? ou à bien regarder de plus près :?

Il reste ces lieux dédiés aux saints cités au fil de la chanson dans l'ordre chronologique par rapport à la date où l'ont fête ces saints, qui laissent penser à un cycle annuel.

Je reviendrais plus en détail exposer cela à vos regards critiques et éclairés

Merci à tous