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"matou" en breton, cas particuliers

MessagePosté: Lun 27 Mar, 2006 18:55
de gérard
"matou" en breton, des cas particuliers avec finale en T:

1er isolat:
K + T
Bothoa (en St-Nicolas-du-Pélem, Côtes-d'Armor, 22, Haute Cornouaille, à 10 km à l'Ouest de la limite linguistique de 1886 dite "ligne Sébillot): farko:d) (= matou) (Humphreys, Phonologie et morphosyntaxe du parler breton de Bothoa, 1995, p. 77).
Saint-Gilles-Pligeaux (à 7 km au nord est de Bothoa): far'kâ:t (NALBB, carte 254 "matou", point 67).
Plussulien (à 9 km au sud est de Bothoa): maxko:t (NALBB, point 72).

Autre forme en T:
Sainte-Brigitte (à 19 km au sud de Bothoa): ma'ro-out (ou = [u]) (NALBB, point 156).

2e isolat:
K + T
Naizin (NALBB, pt 160, à 45 km au sud sud est de Bothoa): mar'ko-out.
Pluméliau (NALBB, pt 161, à 11 km à l'ouest de Naizin): tar'ka-out.

Dans toutes les formes précédentes, c'est en particulier le T qui pose problème. Apparition récente? Archaïsme? Influence du roman? Comme il y a deux isolats bien distincts, on peut penser plutôt à un archaïsme.
Les points concernés sont à l'intérieur des terres et pas très loin de l'actuelle limite linguistique avec le roman.

Les formes usuelles notées par le NALBB quasiment partout ailleurs sont : "targazh" (taureau-chat), et "marcow" sur la frange est du haut vannetais.

La carte 255 du NALBB donne les formes au pluriel "des matous".
Il conviendrait de consulter aussi la carte 825 de l'ALF pour les parlers romans.

Je ne sais si on est en droit de remonter au gaulois "cattos" (avec première partie "far-", "mar-") ou s'il y a une explication plus simple (emprunt au roman?, maintien du T du latin cattus?).


Lire aussi le fil "Gros minet" dans le forum "la foire à tout".

A+
Bichik pyañn (= petit minet)

MessagePosté: Lun 27 Mar, 2006 23:41
de Marc'heg an Avel
Salut,

Pour ma part, en Trégor, je ne me souviens que de : Targaz(h)

Désigne effectivement un matou géniteur ! Un vrai, un dur, un tatoué !

Pas un castré !

Utilisé aussi pour les hommes spécialistes en chasse de la gente féminine;

en trégorrois : Heman 'zo eun targaz : Celui-ci est un matou.

en unifié : Heman a zo un targazh.

JCE :94:

MessagePosté: Mar 28 Mar, 2006 8:40
de ISENGAR
Bonjour à tous. :)

Je ne sais si on est en droit de remonter au gaulois "cattos"


Il existe un mot gaulois pour désigner le chat ?
J'avais lu dans divers ouvrages que le mot latin cattus était assez tardif et qu'il dérivait d'une langue africaine antique.
Quelqu'un a-t-il des informations plus précises sur l'origine de ce cattos gaulois ?

I.

MessagePosté: Mar 28 Mar, 2006 10:05
de gérard
Il semble que c'est le chat domestiqué (qui n'est pas une espèce, il n'y a qu'une espèce de chat) qui soit récent (les gaulois paraît-il préférait domestiquer les genettes comme animal de compagnie). Le chat sauvage existait en Europe. Selon Delamarre, on a "cattos" en gaulois, comme thème fréquent de nom de personne. Vieil irlandais: catt, vieil haut allemand kazza, vieux norrois kottr, lituanien kate.
Delamarre écrit que le chat "a pu apporter son nom par des voies autres que le latin".


gg

MessagePosté: Mar 28 Mar, 2006 10:28
de Pierre
ISENGAR a écrit:Quelqu'un a-t-il des informations plus précises sur l'origine de ce cattos gaulois ?


Bonjour Isengar,


Voir: http://www.arbre-celtique.com/encyclope ... e-2305.htm


@+Pierre

MessagePosté: Mar 28 Mar, 2006 11:00
de ISENGAR
Je vous remercie pour votre aimable et féline promptitude à éclaircir le sujet :wink:

I.

MessagePosté: Mar 28 Mar, 2006 13:19
de gérard
L'avis de J. Vendryes dans le "Lexique étymologique de l'irlandais ancien, lettre C", 1987, p. C-50 (sur catt, cath, kazh, cattos), (ajouter vieux slave: kotuka):
"On l'a supposé emprunté du latin (Pedersen). Il est plus vraisemblable qu'il s'est étendu à tout le Nord-Ouest de l'Europe en même temps que l'animal, et que sous la forme commune, *katto- ou katta-, il est de provenance africaine."

L'avis de Dauzat (dict. étymologique de 1938):
"chat, du bas-latin cattus (5e siècle, Palladius), qui a remplacé feles, substitution qui paraît correspondre à l'introduction du chat domestique à Rome. L'origine gauloise du mot, généralement admise, a été contestée (Pedersen). On a allégué une origine africaine (Sofer, Walde), le chat ayant d'abord été domestiqué en Egypte."

Pour ma part, je ne crois pas à l'origine égyptienne: l'animal existait en Europe depuis longtemps à l'état sauvage et il fallait bien qu'il porte un nom!

Compléter l'encyclopédie avec ces éléments, peut-être?

gg

MessagePosté: Mar 28 Mar, 2006 15:49
de ISENGAR
gérard a écrit:Pour ma part, je ne crois pas à l'origine égyptienne: l'animal existait en Europe depuis longtemps à l'état sauvage et il fallait bien qu'il porte un nom!


Oui, il fallait bien qu'il porte un nom.
Mais n'étais-ce pas un nom de forme onomathopéique qui s'est perdu après que "cattos/cattus" se soit imposé dans le langage courant (cf le recul du mot latin "felis" ) ?

Dans les parlers locaux, des noms onomathopéiques comme mite/mitou/matou/mistigri ont subsisté via les langues romanes. Même chose pour le "maraud" de Picardie et de Normandie. Peut-être ont-il une origine plus lointaine que "cattos" ?

En ce qui me concerne, l'idée du voyage du mot "chat" depuis l'Afrique antique me semble assez séduisant :)

cordialement

I.

MessagePosté: Mar 28 Mar, 2006 17:44
de gérard
On dit "maraud" en Normandie et Picardie? Pour chat ou chat mâle? Intéressant.
Dans ce cas, ce serait probablement le même mot qu'à Ste-Brigitte en Bretagne "bretonnante" (voir le 1er message du fil).

Par ailleurs,
le préfixe "mar-", "mal-" mériterait une étude fouillée (en breton au moins): idée de "mâle", et/ou peut-être grand. (cf. maros, grand en gaulois?).

A+
gg

PS Lire le fil "Gros Minet" dans "la foire à tout", il y a des compléments d'informations.

MessagePosté: Mer 29 Mar, 2006 18:19
de gérard
Je continue ma petite enquête sur les divers noms du "matou".

Pour le préfixe mar-, je rapprocherai avec le nom du corbeau (mâle?) en breton.
On a en moyen breton "marchbran" (= cheval mâle-corbeau), mais je ne sais dans quel texte. Maunoir donne "corbeau: bran, marbran", Grégoire de Rostrenen donne "malfran", L'A. (dictionnaire vannetais) donne "marh-bran".
Maraud (= matou) est donné comme mot dialectal de l'ouest et du centre par le TLFi. Pour ma part, j'ai entendu mon grand-père (pays de la Mée) dire "markwaw".
"marcos" = cheval est bien attesté en gaulois.

Au vu de ce qui a été relevé dans le NALBB, il est probable que "marcou" et "maraud" ne sont que deux formes issues du même étymon gaulois *mark-kattos (= cheval mâle-chat).
Le mot breton plus connu "targazh" (= matou) peut être traduit, je le rappelle, "taureau-chat".

Pour "Mark-wulf" (cf. Saint-Marcouf), j'en suis à me demander si on n'a pas tout simplement "cheval mâle-loup" (= loup mâle) plutôt que le bizarre "loup de la Marche, de la frontière".

A-galon = cordialement,

gg

MessagePosté: Mer 29 Mar, 2006 21:59
de Jacques
Bonjour à tous,

J'ai sous les yeux la carte du chat mâle dans l'ALF, telle qu'elle est reproduite dans « Patois et dialectes français » de Pierre Guiraud (coll. Que sais-je ?)
marcou est la forme dominante sur les 2/3 nord de la France, suivi de près par maro, mais en position à la fois excentrique et isolée, ce qui fait supposer à l'auteur que la forme maro est antérieure. Quant à matou, c'est un mot méridional remonté par les vallées de la Saône et de la Seine.
D'autre part, il existe un mot maraud, homme brutal et grossier, et un mot marot qui désigne le bélier. Leur répartition correspond à des zones où le chat mâle n'est pas nommé maro.
La parenté formelle (mar) et la parenté sémantique (mâle) font dire à l'auteur que l'étymon serait le latin mas = mâle (marem à l'accusatif).
Voilà, je vous livre en résumé ce qu'a écrit Pierre Guiraud.

MessagePosté: Mer 29 Mar, 2006 22:58
de gérard
Merci pour m'avoir rappelé le Que sais je de P. Guiraud, qui dort dans mes piles de bouquins. Je me penche sur les 2 cartes.
A+

gg

MessagePosté: Jeu 30 Mar, 2006 8:33
de Patrice
Salut,

Intéressant, ça:

Au vu de ce qui a été relevé dans le NALBB, il est probable que "marcou" et "maraud" ne sont que deux formes issues du même étymon gaulois *mark-kattos (= cheval mâle-chat).


Un rapport possible avec le Chapalu?

A+

Patrice

MessagePosté: Jeu 30 Mar, 2006 18:35
de gérard
Salut Patrice et Jacques,

J'ai relu le texte de Pierre Guiraud et examiné les 2 cartes qu'il donne dans son "Patois et dialectes français".
On pourrait concéder à la limite qu'il a peut-être raison sur l'origine latine des formes maro.
Mais il n'explique pas les formes en mark.
Ces formes sont en effet périphériques du domaine d'oïl:
- nord du Limousin (margaud)
- haute Bretagne, Maine, Anjou, Touraine
- est de la Normandie, nord ouest de la Picardie
- frange en Belgique au contact du germanique
- Meuse, Haute-Marne (à peu près)
- Lorraine du sud et Jura du nord
- Nièvre, partie sud de la Côte-d'or, partie nord ouest de la Saône-et-Loire (à peu près, dont le Morvan)
Ce qui laisse supposer plutôt archaïsmes qu'innovations (surtout pour le Morvan, le Limousin, le Jura).

- je rapprocherai les formes ka-ou du nord de marka-ou.
- très intéressantes sont les deux formes marpo, au contact des formes markou, maro et matou: cf. celte en q et celte en p.
- ne peut-il y avoir eu évolution interne markou, marpo, maro plus ou moins rapide selon les régions (sous influence du latin)? Cf. évolution en breton k, x, h , rien.
- le TLFi, pour "maraud" (l'homme) penche plutôt pour un mot issu de l'instrument agricole appelé "marre".

Au vu de ces éléments, je penche pour une origine celtique de "markou" et "marpo" très fortement, et un peu "moindrement" pour "maro".

Qui disposerait du Thesaurus Linguae Gallicae et de son Atlas, de Pierre-henry Billy? Je ne sais si l'auteur y a examiné le cas du "matou".

Cordialement,
gg

MessagePosté: Jeu 30 Mar, 2006 18:54
de gérard
J'ai oublié pour Patrice 2 lignes sur le Chapalu:

Un rapport linguistique avec gaulois caballos? J'en doute (à cause du p). Histoire de mythe? Je suis ignare.

gg