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Re: Tolkien : 4 inédits en 2006

MessagePosté: Jeu 02 Jan, 2014 11:24
de AMADIS
Tolkien n'était ni raciste ni antisémite (il y a des gens qui voient du racisme et de l'antisémitisme partout, c'est très à la mode...) mais il était par contre terriblement anglais, et nationaliste ! Il détestait la France, en particulier (sauf, parait-il, les vins français...) et n'aimait guère que l'on parle d'influences celtiques dans son oeuvre : pour lui, son inspiration était anglo-saxonne, germanique :s127:, scandinave, tout sauf celte...

Re: Tolkien : 4 inédits en 2006

MessagePosté: Jeu 02 Jan, 2014 13:28
de Sedullos
Bonjour,

Patriote oui, nationaliste, non, l'empire britannique lui importait peu. Il a risqué sa vie sur la Somme en 1916.

Il détestait la vulgarité des Français (des Parisiens en particulier) et déplorait la destruction de la culture saxonne par les Normands suite à Hastings.

Quant au rejet des influences celtiques ? Le gallois a influencé ses langues elfiques, les Ents viennent presque directement (via Macbeth) du Cat Goddeu gallois, ses mages doivent quelque peu aux druides tels qu'on l'on voyait au début du XXe. Tout comme Valinor et les Eldar rappellent un peu Tir na Nog et les Tuatha De Danann.

Meilleurs vœux à tous :biere:

Re: Tolkien : 4 inédits en 2006

MessagePosté: Sam 18 Jan, 2014 2:28
de ISENGAR
Sedullos a complètement raison. J'ajouterais l'influence du motif du voyage transatlantique de St Brendan qui est visible au travers de l'histoire d'Aelfwine le marin ou du poème Imram (1955).

Rejeter l'influence celtique de Tolkien (qu'il assumait parfaitement) c'est aller un peu vite.
En 1937, il a effectivement écrit à son éditeur pour dire que les noms des personnages du manuscrit du futur Silmarillion n'avaient rien de celtique (ce qui se discute, d'ailleurs, quand on sait l'influence du gallois sur le sindarin, une des langues elfiques abondamment utilisées dans le Silmarillion). Et les mots durs qu'il emploie contre les "choses celtiques" doivent être compris dans ce contexte de protestation passagère.

Tolkien n'aura pas le même avis quelques années plus tard dans les années 50, jusqu'à reconnaitre la "beauté évanescente" et "noble" du monde celtique (lettre de septembre 1950), le "type relativement celtique" de ses histoires d'elfes (lettre de 1954).

I.

Re: Tolkien : 4 inédits en 2006

MessagePosté: Dim 19 Jan, 2014 19:21
de Sedullos
Merci, maître Isengar :)

Une question que je me pose est celle de sa perception des rapports entre la matière arthurienne et le fonds celtique irlandais et gallois.

D'une part, il savait que la geste arthurienne était marquée par l'influence française, postérieure à la conquête normande et ne souhaitait pas que ses écrits soient considérés comme de la "littérature médiévale", matière un peu galvaudée et par trop rabâchée à ses yeux.

D'autre part, il existe un court texte de Tolkien où il explique que les anciens poètes irlandais ont mal interprété la tradition, celle des Tuatha Dé Danann et où il suggère que la tradition "véritable" serait... la sienne :wink: (J'exagère à peine :mrgreen: )

Enfin, son peu de sympathie pour la langue irlandaise pourrait bien avoir des raisons plus "politiques" qu'esthétiques. La méfiance d'un auteur et sous-officier anglais, vingt ans après les Pâques irlandaises de 1916, n 'aurait rien d'étonnant.

Début juin 1916, Tolkien combat les Allemands pendant la bataille de la Somme. Cette expérience traumatisante intervient moins de trois mois après que des Irlandais, sujets de l'empire britannique en guerre contre l'Allemagne (et armés par le Kaiser), ont proclamé la République irlandaise et tenté de prendre le contrôle de Dublin. L'échec est total. Les républicains y laissent leur peau et beaucoup de ruines. La population leur imputera le bombardement de Dublin (une canonnière est embossée sur la Liffey). En 1920, c'est parmi les vétérans de la Somme que Churchill recrutera des hommes pour grossir les rangs des Black-and-Tans et Auxiliaires de sinistre mémoire.

Re: Tolkien : 4 inédits en 2006

MessagePosté: Lun 17 Fév, 2014 23:49
de ISENGAR
Merci pour ces précisions, Sedullos.
Tolkien a pu en effet être tenu informé des événements d'avril 1916 en Irlande, même si on peut imaginer que toutes les informations n'étaient pas disponibles en raison de l'intense censure qui avait cours dans l'armée de sa majesté. Il s'est peu exprimé à ce sujet (du moins, la sélection des Lettres par son fils Christopher n'y fait pas allusion. Mais on sait que toutes les lettres n'ont pas été réunies dans cet ouvrage : on trouve encore régulièrement des missives inédites dans les salles de ventes aux enchères ches nos voisins d'outre-Manche !)

Une défiance d'origine politique à l'égard de la langue des irlandais, très probablement, mais un point de vue esthétique malgré tout : le gallois semblait être à ses yeux la quintessence de l'univers linguistique celtique :wink:

I.

Re: Tolkien : 4 inédits en 2006

MessagePosté: Mar 18 Fév, 2014 16:18
de Sedullos
Salut,
Tes remarques sont très pertinentes, la censure a dû fonctionner. Cependant l'insurrection tragique de Dublin s'est produite antérieurement à son arrivé sur le front de Picardie. Et puis aucune censure ne parvient vraiment à empêcher les gens de parler, de colporter des infos faibles ou non.

Sur le dernier point, entièrement d'accord, cela transpire à travers plusieurs de ses écrits : le gallois est une belle langue à ses yeux, pas l'irlandais :mrgreen:

Re: Tolkien : 4 inédits en 2006

MessagePosté: Mer 19 Fév, 2014 17:50
de Gwalchafed
Attention quand même que beaucoup "d'influences" de Tolkien dépendent aussi de qui les interprète...je peux prendre le contrepied de presque tous les exemples que vous citez :

Le gallois a influencé ses langues elfiques

Oui, surtout le sindarin, mais mais ne pas oublier que phonologiquement, les langues anciennes anglo-saxonnes restent proches, et ce n'est franchement pas le cas du quenya, langue d'inspiration carrément nordique (finnois). On peut d'ailleurs se demander si il n'y a pas une volonté délibérée de faire passer le sindarin comme une langue plus "vulgaire", moins noble...

les Ents viennent presque directement (via Macbeth) du Cat Goddeu gallois

Oui, mais aussi des "gardiens des arbres" du folklore same ou de la vision des slaves occidentaux "germanisés" des arbres habités par les âmes qui ont la force de chasser les démons et les mauvais esprits - et quelquefois les ennemis...

ses mages doivent quelque peu aux druides tels qu'on l'on voyait au début du XXe

Mais aussi à n'importe quels hommes sages d'autres civilisations, comme les noaidi sames ou autres...

Tout comme Valinor et les Eldar rappellent un peu Tir na Nog et les Tuatha De Danann

Plus probablement, au vu des halles de Mandos, aux îles Fortunées...et , pas qu'un peu, les ljósálfar - d'ailleurs je n'ai pas eu l'occasion de tout lire en VO, mais il me semble que dans Bilbo ils sont bien dénommés Light Elves, qui est leur nom scandinave...On voit également le parallèle entre Ingwë et Yngvi (autre nom de Freyr, auquel sont liés les ljósálfar).
Tu peux également faire les parallèles au sein des Minyar/Vanyar en lisant Tacite sur les germains : Imin/Irminones/Imin, Yngvi/Ingvaeones/Ingwë.

J'ajouterais l'influence du motif du voyage transatlantique de St Brendan qui est visible au travers de l'histoire d'Aelfwine le marin

Ne pas oublier que le voyage marin vers des terres enchantés est également commun à de nombreux peuples...et que le prototype d'Aelfwine, l'ami des elfes en vieil anglais, est Eriol, ainsi nommé par les elfes mais de son vrai nom Ottor Wǽfre, nom qui renvoie directement ...à Ohthere, aventurier navigateur dans les mers du nord, et dont le récit de voyage est parfois aussi merveilleux que mystérieux.

le "type relativement celtique" de ses histoires d'elfes

Une dernière chose à ce propos : je n'ai pas la lettre sous les yeux :s49: mais si le texte original dit "relatively", il peut aussi être important de souligner que ce mot, si son usage américain de relativement est aujourd'hui largement popularisé en Grande-Bretagne (auquel cas "relativement celtique" veut bien dire "en comparaison de ???, plus celtique"), en Angleterre c'est un presque ami : "relativement celtique" pourrait se traduire par "celtique de manière non absolue", ce qui est une manière de dire que la part celtique est minime, presque inexistante. Ainsi, H.M. Stanley écrit en 1877 que les habitants d'un village près de Nyangwe parlent "relatively english", autrement dit....qu'il y a un interprète dans le village ! L'anglais est parlé par une part anecdotique de la population, quoi.


Bref, attention aussi à certaines surinterprétations, car si dans mon discours ci-dessus je suis VOLONTAIREMENT "anti" influence celtique chez Tolkien, et donc j'ai tendance à attribuer à d'autres influences des éléments qui sont AUSSI franchement celtiques, on a assez tendance à oublier, voire méconnaître dans les livres (souvent en français d'ailleurs) sur le sujet que :
1) Certains mythes sont quasi pan-indo-européens, ou du moins participent de choses assez voisines
2) L'influence maîtresse reste germanique, ainsi le doublet Ottor/Ohthere est tout sauf anodin, si le voyage en lui-même peut emprunter aux deux influences, ou à aucune d'ailleurs
3) Tolkien a passé sa vie enfoui dans les textes mythologiques, ou quelque soit le terme qui englobe le tout, de toutes sortes, et en a tirer une "ambiance" générale à laquelle il a rajouté sa propre imagination et sur laquelle il a composé à base de substrat existant dans les diverses sources. Il est à mon avis quasi impossible d'attribuer tel élément uniquement à telle source, ou alors très rarement et généralement sur du substrat germanique - le dragon qui reconnait qu'il lui manque une coupe, etc...
La seule exception reste une bonne partie des noms non-elfiques (Aelfwine, Iluvatar, Theoden) dont la provenance est claire, voire directe.

Tout ça pour dire : je vois trop de messages ou d'ouvrages surévaluer l'influence celtique chez Tolkien. Elle est présente, plus que ne le laissent penser certaines généralités que l'on voit parfois écrites comme le message d'AMADIS ci-dessus, mais certainement pas autant que certaines pages web ou ouvrages le laissent croire...

Re: Tolkien : 4 inédits en 2006

MessagePosté: Lun 24 Fév, 2014 14:55
de AMADIS
Apparemment, ceux qui sont intervenus sur ce sujet n'ont pas vraiment lu ce que j'avais écrit...Nulle part je ne dis qu'il n'y a pas d'influences celtiques dans l'oeuvre de Tolkien; il y en a, bien sûr ! J'ai simplement écrit que Tolkien n'aimait pas qu'on mentionne trop ces influences; j'ajoute qu'il a soigneusement gommé, voire travesti dans ses livres tout ce qui pouvait évoquer trop directement la matière celtique, et surtout irlandaise. Pour moi, c'est une évidence. Ses raisons ? Le nationalisme anglais, comme je l'ai écrit, et bien sûr le formatage para-militaire de l'éducation anglaise de son époque, où l'Irlande était l'ennemi irréductible. L'empire britannique a réussi sans trop de mal à coloniser la moitié du monde, mais a toujours échoué à soumettre son voisin d'en face, l'Irlande ! Sa politique d'exactions, de pillages, de génocides n'a réussi qu'à couper le pays en deux... et à brûler les harpes ! Du coup, les irlandais se sont mis à jouer du violon ...

Re: Tolkien : 4 inédits en 2006

MessagePosté: Lun 24 Fév, 2014 15:13
de Sedullos
Bonjour,

Il faut se méfier des apparences.

Il est très rare que je réponde à un message que je n'aurais pas lu :s45:

Christian-J. Guyonvarc'h citait quelquefois un proverbe irlandais : "Quand un Anglais met un Irlandais à la broche, il trouve toujours un autre Irlandais pour la tourner."