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Actualité du blog L'Armorique gallo-romaine

MessagePosté: Jeu 23 Avr, 2015 12:20
de André-Yves Bourgès
Bonjour

Je vous informe de la mise en ligne sur le blog L'Armorique gallo-romaine d'une notule intitulée "'Buttes-témoin’ toponymiques aux confins des anciennes civitates de la péninsule armoricaine : les noms composés avec le terme *trifin".

Bonne lecture.

Re: Actualité du blog L'Armorique gallo-romaine

MessagePosté: Sam 25 Avr, 2015 14:55
de etnos
Bonjour,

Merci de l’info et de l’intéressante démonstration de la continuité historique des frontières de l’Antiquité tardive au Haut Moyen-Âge ; d’accord avec vous que les anciens principes d’organisation territoriale n’avaient rien de flou.

A l’appui, en Auvergne, de nombreux toponymes de frontière du Haut moyen âge s’insèrent sur les lignes que l’on peut tracer entre les toponymes de frontière antiques, et démontrent donc leur pérennité. D’autres découpent les pagi antiques en cantons plus petits et on peut souvent démontrer qu’ils correspondent à la création de districts religieux (archiprêtrés) ou civils (vicairies carolingiennes), souvent superposables comme l’attestent leurs localités d’appartenance. En général, il n’y a donc pas déstructuration ou fluctuation du territoire mais redécoupage (« démembrement ») des entités précédentes, plus rarement avec recomposition.

Concernant vos deux exemples de « Trifinium » aux frontières de l’Auvergne (note 17), voici une tentative d’identification des 3 pays concernés au Haut Moyen âge et avant.

La Croix Trévingt (42 Cherier) a séparé :
1. au Sud l’archiprêtré de Pommiers, diocèse de Lyon (par. de St Priest la Prugne et de St Just en Chevalet), partie de l’ancien Pagus Forensis carolingien (Feurs, chef-lieu gallo-romain des Ségusiaves)
2. au Nord l’archiprêtré de Roanne, diocèse de Lyon (par. de St Rirand, Ambierle), relevant du Pagus Rodanensis.
3. à l’Ouest l’archidiaconé de Cusset du diocèse primitif de Clermont (par. de St Nicolas des Biefs, et Laprugne à l’Abbaye de Cusset), présumé représenter l’ancien territoire des Ambivarètes accordé aux Arvernes après la conquête, puis passé au Bourbonnais.
Dans la toponymie, Randonnière 2.2 km au Nord de la croix Trevingt et la Fontaine Marguerite, 8 km à l’Ouest sur la limite départementale actuelle, doivent marquer l’ancienne frontière des Arverne et des Ségusiaves.

Truffy (23 Mérinchal) est sur la limite départementale 63/23, qui se poursuit au S-O jusqu’à ad fines (Peutinger, limite entre Salesses et St Amant près Crocq) sur la voie d’Agrippa Lyon-Saintes, en passant par le Mont Fin (63 La Celle) et le bois d’Urbe (Crocq/Basville). Cette ligne semble représenter la limite antique des Arvernes et des Lemovices. Truffy aurait séparé :
1. au N-O les Lemovices dans une région où le diocèse de Clermont étendit plus tard son emprise par les domaines de l’Abbaye bénédictine de St Alyre (Crocq, St Oradoux, La Mazière),
2. au S-E les Arvernes dans une région traversée par la voie d’Agrippa, qui releva du domaine comtal d’Auvergne et devint la baronnie d’Herment attribuée aux Dauphins d’Auvergne (dont La Celle, Giat, Voingt) ;
3. au Nord, la Combraille, pays du haut bassin du Cher intercalé entre Lemovices, Arvernes et Bituriges, puis disputé entre le Limousin, l’Auvergne et le Bourbonnais (dont Sermur, Auzances, Dontreix et Montel de Gelat jusqu’à Chambon sur Voueize, Lépaud et Montaigut au Nord).
Mais Truffy est entouré de paroisses relevant de l’archiprêtré d’Herment, du diocèse primitif de Clermont tel que connu en 1317 (Mérinchal, Tralaigue, Montel de Gelat, St Avit). Il faudrait donc le toponyme soit antérieur à l’archiprêtré et qu’il y ait eu pour une fois recomposition du territoire autour du trifinium.

Les 2 exemples restent bien compatibles avec le fait que Trifinium soit un toponyme de frontière entre des pagi hérités de l’administration gallo-romaine, repris ou non dans les divisions religieuses et civiles.

Re: Actualité du blog L'Armorique gallo-romaine

MessagePosté: Sam 25 Avr, 2015 19:03
de gérard
Bonjour,

2 autres Truffy.

A Truffy en Faux-la-Montagne (Creuse) répond Les Ternes (Las Ternas, "réunion de 3 (terres?) en Beaumont (Haute-Vienne). La limite départementale passe exactement au milieu, 1,1 km de chaque côté. Le point culminant du coin est à 250m au nord-est, sur la limite départementale: il s'agit du Puy Lagarde, 795m alt. avec son calvaire nommé "Les Troix Croix".
Y avait il là d'anciennes limites?

Truffy, en St-Julien-la-Brégère (Creuse), à 600 de la limite départementale avec la Haute-Vienne (commune de Peyrat-le-Château). Même interrogation.
gg

Je trouve aussi:
Truffés (Tarn-et-Garonne) sur la limite avec le Lot-et-Garonne, entre Castelsagrat et St-Maurin.

Re: Actualité du blog L'Armorique gallo-romaine

MessagePosté: Dim 26 Avr, 2015 9:45
de gérard
Considérations géographiques, en lisant André-Yves:
Qu'est-ce qui unit les 2 Sainte-Tréphine (paroisse "osisme" et chapelle "vénète" en Stival)?
Le fleuve Blavet.
Qu'est-ce qui relie le Blavet (à sa source) à la Manche?
Le fleuve Léguer.
Alignement diagonal (environ 332° / 151°) des 2 Ste-Tréphine et du Yaudet (embouchure du Léguer), de Kerfloc'h / ër Goh Ilis (noeud routier "romain" de Plaudren, avec enceinte gauloise du second âge du Fer à 1,3km de la ligne, sanctuaire, ateliers de verriers), pointe de Kervoyal en Damgan (Damgan est un démembrement d'Ambon, estuaire de la Vilaine).

La chapelle de Stival est remarquablement "bien" placée:
- légèrement au nord (1,4km) de l'axe "théorique" Rennes-Quimper (vers son milieu, Rennes cathédrale 98,5km, Quimper Locmaria 84,2km)
- à équidistance de Quimper (Locmaria 84,2 km, Osismes, l'Odet), Rieux (84,3km, gué, voie, la Vilaine, "Tréfin", accès aux Namnètes, Coriosolites, Redones), le Yaudet (84,6km chapelle, le Léguer, la Manche), le cap Fréhel (85,3km, Coriosolites, la Manche), Dinan / Evran (82,6km, Coriosolites, autre accès à la Manche par la Rance).
- accès par le Blavet à Lorient / Port-Louis.
Elle peut, partiellement, délimiter grossièrement 3 grands territoires:
- à droite de l'occident et plein ouest (Quimper) : osisme
- à gauche de l'occident : vénète
- à droite du sud-est : vénète
- à gauche du sud-est : coriosolite.
- et pour terminer en jouant avec ma marotte, à 48337m de St-Patern (tout proche du forum gallo-romain de Vannes) soit 20x2417m.
Noter aussi: Menez Bre (= Méné Bré, foire) à 6,4 km de la ligne Yaudet - "tri-fin". 36km entre Mené Bré et bourg de Ste-Tr., 24 km entre Méné Bré et Yaudet.
gg

Re: Actualité du blog L'Armorique gallo-romaine

MessagePosté: Dim 26 Avr, 2015 19:15
de André-Yves Bourgès
Bonsoir,

Merci à Etnos et GG de leurs précisions, informations et suggestions : je pense que cette question des trifinia et plus largement des limites territoriales antiques et de leur pérennisation dans l'espace médiéval, se prête effectivement à des traitements selon des angles de vue différents et complémentaires.

Un autre point mériterait d'être évoqué : le rôle joué en l'occurrence par la toponymie en l'absence de vestiges strictement "archéologiques" de ces limites.

Cordialement.

Re: Actualité du blog L'Armorique gallo-romaine

MessagePosté: Lun 27 Avr, 2015 18:03
de etnos
Bonjour,
Oui GG, vus sur la carte, les deux Truffy de Creuse sont sympathiques comme sites frontaliers. Le toponyme Les Ternes à côté de Truffy (23 Faux la Montagne) vient de Ter(mi)nus (Les Ternes = Les Termes) et dénomme une frontière du bas moyen âge (PH Billy com. pers.). Donc, il confirme et perpétue la frontière de la fin de l’antiquité/ Haut Moyen Age donnée par Truffy. Au Nord du Truffy de St Pardoux, Bort ressemble à Bort les Orgues qui sépare l’Auvergne du Limousin, un Boduoritum, « gué de la corneille ».

"Y avait-il là d'anciennes limites » ? Sans doute, mais lesquelles ? Les 3 Truffy (23 Faux, 23 St Pardoux, 63 Mérinchal) semblent détourer un pagus autour d’Aubusson. A l’Est, ce pagus fut amputé autour de Crocq (23) au profit du diocèse de Clermont, et il en serait resté apparemment l’archiprêtré d’Aubusson. La ville serait digne d’avoir commandé ce supposé pagus avec son petit oppidum de 15 ha du « Camp des Châtres », au lieu-dit Marchedieu.

Les vestiges ne se trouvent pas au trifinium de Mérinchal mais sur la voie d’Agrippa Lyon-Saintes qui passe 11 km au Sud au vicus routier et frontalier de Voingt des I-III° s. (30 ha). Il a livré sanctuaires, thermes, nécropole, monnaies gauloises et un rare graffiti à Teutatès. Il s’agirait de la station ad fines de Peutinger, qui serait donc 13 km en retrait vers l’Est de la limite départementale et du toponyme « Bois d’Urbe ». Le vicus devait commander la voie d’Agrippa qui venait du pied Sud du Puy de Dôme, dans sa section entre la Sioule (toponymes les Eygurandes et Fontdeyrand) et la limite départementale 63/23.

Est-ce que Bois d’Urbe vient de Urbs et désigne-t-il la limite de cités, ou de diocèses ? Que penser du toponyme Fondeyrant : *Font d’Eyrant, avec Eyrand de Icoranda/Equoranda comme les Eygurandes ?

Re: Actualité du blog L'Armorique gallo-romaine

MessagePosté: Lun 27 Avr, 2015 21:48
de gérard
Les Ternes / Les Thernes (Beaumont, dpt 87)
Yves Lavalade, au vu de la prononciation en occitan local, pencherait pour "réunion de 3 (choses)". Il existerait un mot en oc terna, mais cependant je ne le trouve pas dans mes glossaires de limousin.

Lavalade répertorie dans la Haute-Vienne :
à St-Mathieu: [lu: tar'mèj]
à Couzeix [lu: tèr'méj]
à St-Paul: Thermes ['tèrmè]
à Rilhac: les Thermes [lu: tèrméj] ("lieu assez élevé, oratoire") [domine les vaux de 2 ruisseaux: la Cane et le Cussou, ce dernier limite communale]
à Pageas: [lu: tar'mèj]
à Oradour/V : [ly 'tarmè]
à Mézières/Iss. : [lu: tèr'mèj] [à 500m de l'Issoire, rivière]
Les occurrences en -m- et en -n- semblent donc distinctes. Deux strates du même étymon?

Les sens :
oc terme : borne, limite; butte, colline
latin terminus : borne, limite; terrain en bout; tertre; terrain en pente.

La localisation des 3 Truffy est un argument supplémentaire en soutien à ma vieille hypothèse que la Creuse (dpt) formait un des (3?) pagi des Lémoviques.

Re: Actualité du blog L'Armorique gallo-romaine

MessagePosté: Mar 28 Avr, 2015 15:25
de etnos
Pour aller dans votre sens (Terne issu de 3), le toponyme les Ternadis (63 Durmignat) près de Naffix (de fines ?) se trouve en limite de département (63/03) et en limite triple d’archidiaconés : 2 arvernes (Souvigny et Limagne) et 1 biturige (Narzenne).

Il reste que les Ternes et Termes sont nombreux, tardifs (bas Moyen age), et en général peu discriminatoires des territoires antiques, à la différence des Truffy de JY Bourgès qui sont plus rares et plus anciens.

D’après les toponymes de limite antiques, il y a bien plus d’un pagus antique par département. Je ne connais pas la Creuse comme vous, mais sur la foi des 3 Truffy, justement tous situés sur les limites de ce département, il devrait receler au moins 3 pagi antiques:
- un pagus entre les 3 Truffy, dans la partie Sud, autour d’Aubusson;
- un pagus au Nord du Truffy de Mérinchal (63), supposé « cambiovice », qui aurait occupé la Combraille à cheval sur la Creuse et l’Auvergne ;
- un pagus au Nord du Truffy de St Junien la Brégère (et à l’Ouest de la Combraille), occupant le reste de la Haute Marche et comprenant Guéret.