Les Armoricains se soulèvent contre les Romains [fin de l'hiver / automne -56]
Les Armoricains se soulèvent contre les Romains (fin de l'hiver-automne 56 av. J.-C.)
Au cours de l'automne 57 av. J.-C., les Vénètes, les Unelles, les Osismes, les Curiosolites, les Ésuviens, les Aulerques et les Redons, se soumirent sans le moindre combat à Publius Licinius Crassus Dives. Le légat fit alors hiverner la légion VII qu'il commandait (1), sur le territoire des Andes, où elle ne tarda pas à souffrir du manque de ressources. Pour subvenir aux besoins de ses troupes, Publius Licinius Crassus Dives dépêcha Titus Terrasidius chez les Ésuviens, Marcus Trebius Gallus chez les Curiosolites et Quintus Velanius et Titus Sillius chez les Vénètes, afin d'obtenir de ces peuples des approvisionnements suffisants pour passer l'hiver (César, Guerre des Gaules, III, 7).
Contre toute attente, les Vénètes enlevèrent Quintus Velanius et Titus Sillius, et tentèrent de négocier leur libération auprès de Publius Licinius Crassus Dives, contre la restitution des otages donnés aux Romains l'automne précédent. Ils furent immédiatement imités par les Ésuviens et les Curiosolites, qui enlevèrent à leur tour Titus Terrasidius et Marcus Trebius Gallus. Ces trois peuples s'unirent et gagnèrent à leur cause les autres peuples armoricains, qui enlevèrent à leur tour les envoyés de Crassus (César, Guerre des Gaules, III, 8 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 40).
Publius Licinius Crassus Dives fit connaître sa situation à César, alors en route pour la province d'Illyrie. Celui-ci fit construire des galères sur la Loire, afin d'affronter les Armoricains par la mer, en reprit la direction de la Gaule. En attendant de mener une offensive de plus grande ampleur, César fit ravager le territoire de quelques peuples susceptibles de soutenir les Vénètes et tenta de garder les autres en respect (César, Guerre des Gaules, III, 9 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 40).). De leur côté, les Armoricains se préparèrent à l'affrontement. Ils équipèrent leurs vaisseaux, qu'ils réunirent chez les Vénètes, fortifièrent leurs places et y transportèrent tous les vivres, afin d'empêcher les Romains de se ravitailler. En outre, ces premiers peuples à s'être soulevés reçurent rapidement le soutien des Osismes, des Léxoviens, des Namnètes, des Ambiliates, des Morins, des Diablintes et des Ménapes, et tentèrent de gagner à leurs cause les peuples de l'île de Bretagne (Guerre des Gaules, III, 9).
César prend ses quartiers d'hiver chez les Aulerques et les Léxoviens [hiver -56:-55]
Les Romains sortirent victorieux de ces conflits et parvinrent à pacifier durablement la plupart des peuples armoricains. En effet, ceux-ci se montrèrent dés lors dociles, jusqu'en 52 av. J.-C. Seules ombres au tableau pour les Romains, il leur fut impossible de venir à bout des Morins et des Ménapes, tandis que les Bretons s'avéraient être de potentiels soutiens à tout futur conflit qui viendrait à déstabiliser cette région.
Notes
(1) Théoriquement, à la fin de l'époque républicaine, une légion comportait 6000 hommes.
Sources littéraires anciennes
César, Guerre des Gaules, III, 7 :"Le jeune P. Crassus hivernait avec la septième légion, près de l'Océan, chez les Andes. Comme il manquait de blé dans ce pays, il envoya des préfets et plusieurs tribuns militaires chez les peuples voisins, pour demander des subsistances ; T. Terrasidius, entre autres, fut délégué chez les Esuvii ; M. Trébius Gallus chez les Coriosolites ; Q. Vélanius avec T. Sillius chez les Vénètes."
César, Guerre des Gaules, III, 8 :"Cette dernière nation est de beaucoup la plus puissante de toute cette côte maritime. Les Vénètes, en effet, ont un grand nombre de vaisseaux qui leur servent à communiquer avec la Bretagne ; ils surpassent les autres peuples dans l'art et dans la pratique de la navigation, et, maîtres du peu de ports qui se trouvent sur cette orageuse et vaste mer, ils prélèvent des droits sur presque tous ceux qui naviguent dans ces parages. Les premiers, ils retinrent Sillius et Vélanius, espérant, par ce moyen, forcer Crassus à leur rendre les otages qu'ils lui avaient donnés. Entraînés par la force d'un tel exemple, leurs voisins, avec cette prompte et soudaine résolution qui caractérise les Gaulois, retiennent, dans les mêmes vues, Trébius et Terrasidius ; s'étant envoyé des députés, ils conviennent entre eux, par l'organe de leurs principaux habitants, de ne rien faire que de concert, et de courir le même sort. Ils sollicitent les autres états à se maintenir dans la liberté qu'ils ont reçue de leurs pères, plutôt que de subir le joug des Romains. Ces sentiments sont bientôt partagés par toute la côte maritime ; ils envoient alors en commun des députés à Crassus, pour lui signifier qu'il eût à leur remettre leurs otages, s'il voulait que ses envoyés lui fussent rendus."
César, Guerre des Gaules, III, 9 :"César, instruit de ces faits par Crassus, et se trouvant alors très éloigné, ordonne de construire des galères sur la Loire, qui se jette dans l'Océan, de lever des rameurs dans la province, de rassembler des matelots et des pilotes. Ces ordres ayant été promptement exécutés, lui-même, dès que la saison le permet, se rend à l'armée. Les Vénètes et les autres états coalisés, apprenant l'arrivée de César, et sentant de quel crime ils s'étaient rendus coupables pour avoir retenu et jeté dans les fers des députés dont le nom chez toutes les nations fut toujours sacré et inviolable, se hâtèrent de faire des préparatifs proportionnés à la grandeur du péril, et surtout d'équiper leurs vaisseaux. Ce qui leur inspirait le plus de confiance, c'était l'avantage des lieux. Ils savaient que les chemins de pied étaient interceptés par les marées, et que la navigation serait difficile pour nous sur une mer inconnue et presque sans ports. Ils espéraient en outre que, faute de vivres, notre armée ne pourrait séjourner longtemps chez eux ; dans le cas où leur attente serait trompée, ils comptaient toujours sur la supériorité de leurs forces navales. Les Romains manquaient de marine et ignoraient les rades, les ports et les îles des parages où ils feraient la guerre ; la navigation était tout autre sur une mer fermée que sur. une mer aussi vaste et aussi ouverte que l'est l'Océan. Leurs résolutions étant prises, ils fortifient leurs places et transportent les grains de la campagne dans les villes. Ils réunissent en Vénétie le plus de vaisseaux possible, persuadés que César y porterait d'abord la guerre. Ils s'associent pour la faire les Osismes, les Lexovii, les Namnètes, les Ambiliates, les Morins, les Diablintes et les Ménapes ; ils demandent des secours à la Bretagne, située vis-à-vis de leurs côtes."
Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 40 :"Sous le consulat de Marcellinus et de Philippe, César se mit en campagne contre les Vénètes, qui habitent sur les bords de l'Océan : ils s'étaient emparés de quelques soldats romains, envoyés sur leurs terres pour fourrager. Des députés vinrent les réclamer : les Vénètes les retinrent aussi, dans l'espoir d'obtenir en échange, les otages qu'ils avaient donnés ; mais César ne les rendit pas. Il envoya même des détachements dans diverses directions, les uns pour ravager les terres des peuples qui avaient soutenu la défection des Vénètes et les empêcher de se secourir mutuellement, les autres pour observer ceux qui étaient en paix avec les Romains, afin de prévenir de nouveaux mouvements ; puis il marcha en personne contre les barbares, après avoir fait construire dans l'intérieur des terres des barques qui pussent, d'après ce qu'il avait entendu dire, résister au flux et au reflux de la mer."