La principale source antique sur les druides
Posté: Lun 02 Avr, 2007 19:32
Salut,
Je vous livre ci-dessous quelques réflexions sur un texte important concernant les druides. Parce que c'est bien beau de critiquer les autres, encore faut-il faire quelque chose soit même.
Dans ce travail, les italiques et les couleurs n'apparaissent pas: je transmets les fichiers à Pierre pour qu'il puisse en faire une fiche pour l'encyclopédie.
Les commentaires sont les bienvenues.
Sur la classe sacerdotale des Gaulois, nous disposons de sept textes qui rapportent, à quelques détails près, le même contenu: César, Guerre des Gaules, VI, 13-14 et 18; Strabon, Géographie, IV, 4, 4; Pomponius Méla, Chorographie, V, 2, 18; Ammien Marcellin, Histoires, XV, 9-12; Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, V, 31; Lucain, La Guerre civile, 448-465; Dion Chrysostome, Discours, 49, 8.
En dispersant les informations contenues dans ces textes dans un tableau et en les mettant en parallèles, il est possible de proposer une reconstitution du texte initial, source de tous les autres.
Dans cette reconstitution, seront utilisées les abréviations suivantes:
C: César
S: Strabon
D: Diodore de Sicile
P: Pomponius Mela
A: Ammien Marcellin
L: Lucain
Di: Dion Chrysostome
En vert seront mis les passages mentionnés par un seul auteur, en rouge ceux qui ne le sont que par César.
1. Chez les Gaulois, il existe trois castes d'érudits et de sages, les bardes, les vates et les druides.
2. Les bardes sont des poètes lyriques qui s'accompagnent d'instruments semblables à des lyres. Leurs chants sont tantôt des hymnes qui racontent en vers héroïques les hauts faits des hommes illustres, tantôt des satires.
3. Les vates, ces devins, observent la nature (D: les oiseaux) et immolent des victimes pour prédire l'avenir.
4. Parmis eux, les druides sont les plus importants. Ils s'occupent des choses de la religion: ce sont des théologiens et des philosophes. Ils veillent à l'observation des rites dans les sacrifices publics et privés et Ils règlent les pratiques religieuses (C) . On leur rend les plus grands honneurs.
5. On a la plus haute opinion de leur justice: à ce titre on s'en remet à eux du jugement de tous les litiges privés ou publics. C'est à ce point qu'autrefois ils étaient arbitres même dans les guerres, arrêtaient les adversaires prêts à se ranger en bataille.
6. Dans tous ces cas, les rois ne sont pas autorisés à faire ou à envisager quoi que ce soit sans l'aide de ces hommes sages, au point que, en vérité, c'était eux qui gouvernaient, alors que les rois étaient leurs serviteurs et ministres de leurs volontés (Di).
7. On s'en remet à leur justice si quelque crime est commis. Lorsqu'abondent ces sortes de jugements, ils estiment que c'est signe d'abondance pour le pays (S). S'il y a un différent pour une question d'héritage ou de bornage, ils jugent l'affaire, ils déterminent les indemnités et les amendes. Tout particulier, tout peuple qui ne s'est pas soumis à leur décision est exclu des sacrifices: c'est chez les Gaulois le châtiment le plus grave. Ceux qui sont ainsi exclu sont mis au nombre des impies et des criminels: tout le monde s'éloigne d'eux, fuit leur abord et leur entretien, de peur d'être souillé à leur contact. Il leur est interdit de demander justice ni de recevoir aucun honneur (C).
8. Au dessus de tous les druides, il y en a un qui possède sur eux une très grande autorité. A sa mort, si quelqu'un se distingue particulièrement, il lui succède. Si les mérites sont égaux, le principat dépend du suffrage des druides, parfois d'une lutte armée.
9. Les druides, à une date fixe, chaque année, tiennent leurs assises dans le pays des Carnutes qui est considéré comme le centre de la Gaule, en un lieu consacré. C'est là que se rassemblent tous les gens qui ont entre eux des contestations et ils se soumettent à leurs décisions et à leurs jugements.
10. On pense que leur doctrine est née en Bretagne et, actuellement, ceux qui veulent l'étudier plus à fond, vont généralement là-bas pour faire cette étude.
11. Les druides, habituellement, s'abstiennent d'aller à la guerre. Ils ne paient pas d'impôt comme les autres et ils sont exemptés de service militaire et de toute espèce de charge.
12. Attirés par de si grands privilèges (C), nombre de gens viennent d'eux-mêmes à eux pour apprendre (P: secrètement) une foule de connaissances. Et nombre d'autres aussi sont envoyés par leurs parents et leurs proches. On dit qu'ils apprennent par coeur un grand nombre de vers (C) aussi y en a-t-il qui restent ving ans là, pour étudier. Cela se fait dans des cavernes ou les bois les plus retirés (L: des lieux écartés).
13. Ils pensent qu'il est interdit par la religion de confier leur science à l'écriture ben que, dans presque tout le reste des affaires, dans les comptes publics et privés, ils se servent de l'alphabet grec. Cet usage oral me paraît voulu pour deux raisons: ils ne veulent pas voir divulguer leur doctrine; ni que leurs élèves, se fiant à l'écriture, cultivent moins leur mémoire, ce qui arrive généralement lorsqu'on se sert de textes écrits on s'applique moins à apprendre par coeur et on néglige sa mémoire (C).
14. Le point essentiel de leur doctrine est l'immortalité de l'âme. Ils enseignent qu'après la mort elle passe dans d'autres corps (C), sans doute afin de rendre le peuple plus propre à la guerre. De là vient que les Gaulois brûlent et enterrent avec les morts tout ce qui est à l'usage des vivants, et qu'autrefois ils ajournaient jusque dans l'autre monde l'exécution des contrats ou le remboursement des prêts. Il y en avait même qui se précipitaient gaiement sur les bûchers de leurs parents, comme pour continuer de vivre avec eux. Le monde aussi est immortel, mais un jour régneront seuls le feu et l'eau (S).
15. En outre, ils discutent beaucoup sur les astres, leurs mouvements, la grandeur du monde et celle de la terre. La coutume est chez eux que personne ne sacrifie sans l'assistance d'un philosophe; car ils croient devoir user de l'intermédiaire de ces hommes qui connaissent la nature et la volonté des dieux, et parlent on pourrait dire leur langue, pour leur offrir des sacrifices d'action de grâces et implorer leurs bienfaits.
La question qui se pose est de savoir de qui est le texte reconstitué ci-dessus. On a souvent avancé le nom de Posidonios d'Apamée. Cependant, aucun de nos textes ne mentionne ce rhéteur comme source. Pire, on possède encore un fragment qui lui est bien attribué. Ce fragment parle des bardes:
"Les Celtes emmènent avec eux, même à la guerre, de ces commensaux qu'on appelle parasites. Ces parasites célèbrent les louanges de leurs patrons et devant des assemblées nombreuses et même devant quiconque veut bien en particulier leur prêter l'oreille. Ces personnages qui se font entendre ainsi sont ceux qu'on appelle bardes: ce sont aussi les poètes qui dans leurs chants prononcent ces éloges (Posidonios d'Apamée, livre XXIII, d'après Athénée, Les Deipnosophistes, VI, 49)".
Ce paragraphe pourrait très bien être considéré comme la source de notre paragraphe 2 ci-dessus. Cependant, chez Posidonios, les informations concernant les bardes sont tout de même sensiblement différentes de celles que nous avons données, plus précises. Posidonios ne peut donc pas être considéré comme la source directe de ce que nous savons sur les druides. Il faut admettre que les fragments composant notre texte sont issut d'un autre compilateur fiable. Il n'y en a qu'un seul possible: Timagène d'Alexandrie, qui est d'ailleurs nommé par Ammien Marcellin.
Paul-Marie Duval le notait déjà: « il a dû être une source importante pour Diodore, César, Tite Live, il l'a été sûrement pour Strabon ».
Reste qu'un de nos auteurs s'écarte sensiblement de sa source: César, qui ajoute quantité d'informations qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Il n'y a qu'une seule raison à cela: César c'est lui-même documenté sur place, a vu des druides, et s'est renseigné sur eux. Il reste donc notre source la plus fiable et la plus complète les concernant.
A+
Patrice
Je vous livre ci-dessous quelques réflexions sur un texte important concernant les druides. Parce que c'est bien beau de critiquer les autres, encore faut-il faire quelque chose soit même.
Dans ce travail, les italiques et les couleurs n'apparaissent pas: je transmets les fichiers à Pierre pour qu'il puisse en faire une fiche pour l'encyclopédie.
Les commentaires sont les bienvenues.
Sur la classe sacerdotale des Gaulois, nous disposons de sept textes qui rapportent, à quelques détails près, le même contenu: César, Guerre des Gaules, VI, 13-14 et 18; Strabon, Géographie, IV, 4, 4; Pomponius Méla, Chorographie, V, 2, 18; Ammien Marcellin, Histoires, XV, 9-12; Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, V, 31; Lucain, La Guerre civile, 448-465; Dion Chrysostome, Discours, 49, 8.
En dispersant les informations contenues dans ces textes dans un tableau et en les mettant en parallèles, il est possible de proposer une reconstitution du texte initial, source de tous les autres.
Dans cette reconstitution, seront utilisées les abréviations suivantes:
C: César
S: Strabon
D: Diodore de Sicile
P: Pomponius Mela
A: Ammien Marcellin
L: Lucain
Di: Dion Chrysostome
En vert seront mis les passages mentionnés par un seul auteur, en rouge ceux qui ne le sont que par César.
1. Chez les Gaulois, il existe trois castes d'érudits et de sages, les bardes, les vates et les druides.
2. Les bardes sont des poètes lyriques qui s'accompagnent d'instruments semblables à des lyres. Leurs chants sont tantôt des hymnes qui racontent en vers héroïques les hauts faits des hommes illustres, tantôt des satires.
3. Les vates, ces devins, observent la nature (D: les oiseaux) et immolent des victimes pour prédire l'avenir.
4. Parmis eux, les druides sont les plus importants. Ils s'occupent des choses de la religion: ce sont des théologiens et des philosophes. Ils veillent à l'observation des rites dans les sacrifices publics et privés et Ils règlent les pratiques religieuses (C) . On leur rend les plus grands honneurs.
5. On a la plus haute opinion de leur justice: à ce titre on s'en remet à eux du jugement de tous les litiges privés ou publics. C'est à ce point qu'autrefois ils étaient arbitres même dans les guerres, arrêtaient les adversaires prêts à se ranger en bataille.
6. Dans tous ces cas, les rois ne sont pas autorisés à faire ou à envisager quoi que ce soit sans l'aide de ces hommes sages, au point que, en vérité, c'était eux qui gouvernaient, alors que les rois étaient leurs serviteurs et ministres de leurs volontés (Di).
7. On s'en remet à leur justice si quelque crime est commis. Lorsqu'abondent ces sortes de jugements, ils estiment que c'est signe d'abondance pour le pays (S). S'il y a un différent pour une question d'héritage ou de bornage, ils jugent l'affaire, ils déterminent les indemnités et les amendes. Tout particulier, tout peuple qui ne s'est pas soumis à leur décision est exclu des sacrifices: c'est chez les Gaulois le châtiment le plus grave. Ceux qui sont ainsi exclu sont mis au nombre des impies et des criminels: tout le monde s'éloigne d'eux, fuit leur abord et leur entretien, de peur d'être souillé à leur contact. Il leur est interdit de demander justice ni de recevoir aucun honneur (C).
8. Au dessus de tous les druides, il y en a un qui possède sur eux une très grande autorité. A sa mort, si quelqu'un se distingue particulièrement, il lui succède. Si les mérites sont égaux, le principat dépend du suffrage des druides, parfois d'une lutte armée.
9. Les druides, à une date fixe, chaque année, tiennent leurs assises dans le pays des Carnutes qui est considéré comme le centre de la Gaule, en un lieu consacré. C'est là que se rassemblent tous les gens qui ont entre eux des contestations et ils se soumettent à leurs décisions et à leurs jugements.
10. On pense que leur doctrine est née en Bretagne et, actuellement, ceux qui veulent l'étudier plus à fond, vont généralement là-bas pour faire cette étude.
11. Les druides, habituellement, s'abstiennent d'aller à la guerre. Ils ne paient pas d'impôt comme les autres et ils sont exemptés de service militaire et de toute espèce de charge.
12. Attirés par de si grands privilèges (C), nombre de gens viennent d'eux-mêmes à eux pour apprendre (P: secrètement) une foule de connaissances. Et nombre d'autres aussi sont envoyés par leurs parents et leurs proches. On dit qu'ils apprennent par coeur un grand nombre de vers (C) aussi y en a-t-il qui restent ving ans là, pour étudier. Cela se fait dans des cavernes ou les bois les plus retirés (L: des lieux écartés).
13. Ils pensent qu'il est interdit par la religion de confier leur science à l'écriture ben que, dans presque tout le reste des affaires, dans les comptes publics et privés, ils se servent de l'alphabet grec. Cet usage oral me paraît voulu pour deux raisons: ils ne veulent pas voir divulguer leur doctrine; ni que leurs élèves, se fiant à l'écriture, cultivent moins leur mémoire, ce qui arrive généralement lorsqu'on se sert de textes écrits on s'applique moins à apprendre par coeur et on néglige sa mémoire (C).
14. Le point essentiel de leur doctrine est l'immortalité de l'âme. Ils enseignent qu'après la mort elle passe dans d'autres corps (C), sans doute afin de rendre le peuple plus propre à la guerre. De là vient que les Gaulois brûlent et enterrent avec les morts tout ce qui est à l'usage des vivants, et qu'autrefois ils ajournaient jusque dans l'autre monde l'exécution des contrats ou le remboursement des prêts. Il y en avait même qui se précipitaient gaiement sur les bûchers de leurs parents, comme pour continuer de vivre avec eux. Le monde aussi est immortel, mais un jour régneront seuls le feu et l'eau (S).
15. En outre, ils discutent beaucoup sur les astres, leurs mouvements, la grandeur du monde et celle de la terre. La coutume est chez eux que personne ne sacrifie sans l'assistance d'un philosophe; car ils croient devoir user de l'intermédiaire de ces hommes qui connaissent la nature et la volonté des dieux, et parlent on pourrait dire leur langue, pour leur offrir des sacrifices d'action de grâces et implorer leurs bienfaits.
La question qui se pose est de savoir de qui est le texte reconstitué ci-dessus. On a souvent avancé le nom de Posidonios d'Apamée. Cependant, aucun de nos textes ne mentionne ce rhéteur comme source. Pire, on possède encore un fragment qui lui est bien attribué. Ce fragment parle des bardes:
"Les Celtes emmènent avec eux, même à la guerre, de ces commensaux qu'on appelle parasites. Ces parasites célèbrent les louanges de leurs patrons et devant des assemblées nombreuses et même devant quiconque veut bien en particulier leur prêter l'oreille. Ces personnages qui se font entendre ainsi sont ceux qu'on appelle bardes: ce sont aussi les poètes qui dans leurs chants prononcent ces éloges (Posidonios d'Apamée, livre XXIII, d'après Athénée, Les Deipnosophistes, VI, 49)".
Ce paragraphe pourrait très bien être considéré comme la source de notre paragraphe 2 ci-dessus. Cependant, chez Posidonios, les informations concernant les bardes sont tout de même sensiblement différentes de celles que nous avons données, plus précises. Posidonios ne peut donc pas être considéré comme la source directe de ce que nous savons sur les druides. Il faut admettre que les fragments composant notre texte sont issut d'un autre compilateur fiable. Il n'y en a qu'un seul possible: Timagène d'Alexandrie, qui est d'ailleurs nommé par Ammien Marcellin.
Paul-Marie Duval le notait déjà: « il a dû être une source importante pour Diodore, César, Tite Live, il l'a été sûrement pour Strabon ».
Reste qu'un de nos auteurs s'écarte sensiblement de sa source: César, qui ajoute quantité d'informations qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Il n'y a qu'une seule raison à cela: César c'est lui-même documenté sur place, a vu des druides, et s'est renseigné sur eux. Il reste donc notre source la plus fiable et la plus complète les concernant.
A+
Patrice