Arusnates
Localisation
Peuplade de la région X - Vénétie et Istrie, dont l'existence nous est connue par quatre inscriptions antiques. Trois des quatre attestations de cet ethnonyme proviennent de Fumane, tandis que la dernière provient de Marano di Valpolicella, toutes deux situées dans le Valpolicella (province de Vérone, Italie), vallée traversant les reliefs dominant le lac de Garde. Cette vallée constituait très certainement le territoire des Arusnates, exception faite du Val Veraco (Franzoni, 1982). La première de ces deux localités, Fumane, paraît avoir été leur métropole.
Attestations et étymologie
Les Arusnates ne sont connus que par l'épigraphie, et plus précisément quatre inscriptions des Ier et IIe s. ap. J.-C., sous les formes PAG(I) ARVSNATIVM (CIL 05, 3915), ARVSNATIBVS (CIL 05, 3926), PA]GI ARVSNATI[VM (CIL 05, 3928) et AR]VSNATES (AE 1986, 253 ; 2012, 584). Bien que réputés rhétes, les Arusnates pourraient avoir porté un nom celtique selon X. Delamarre (2007 ; 2019 ; 2023), qui y reconnaît un composé en *aru-sna-ti. Suivant cette hypothèse, il conviendrait d'y reconnaître pour premier composant le thème *aru-, en rapport avec le blé, ou plus généralement la récolte, lequel serait associé à *-sna-, élément bien attesté, mais de sens inconnu, et une suffixation en *-ti. Il semble y avoir un certain consensus pour expliquer ce nom par l'étrusque. D'après les défenseurs de cette thèse, il s'agirait d'un composé en *a-rusna-ti, avec un préfixe déterminatif *-a-, associé à *-rusna-, forme latinisée de *Rusenna / Rosenna, et au suffixe latin -tes. Suivant cette hypothèse, ce nom signifierait "les habitants de Rusenna / Rosenna" (Ferri, 1983 apud. Osetta, 2014 : Franzoni, 1984). Autre hypothèse faisant intervenir l'étrusque, Arusna pourrait également être la latinisation de la forme étrusque Arnt, attesté sous les formes Arusni / Arnti, qui qualifiait un peuple ou une tribu à Chiusi (province de Sienne, Italie), ou encore aux différents Arruns de l'histoire ancienne et de la mythologie étrusco-romaine (Ferri, 1983 apud. Osetta, 2014 ; Valvo, 2003). On se souviendra notamment d'Arruns, qui suivant certaines traditions guida les Gaulois à travers les Alpes, occasionnant notamment la prise de Cleusin / Clusium (Chiusi).
Histoire
● Protohistoire
Le territoire des Arusnates était situé dans la portion méridionale de l'aire culturelle dite "culture de Fritzens-Sanzeno" (VIe-Ier s. av. J.-C.) attribuée aux Rhétes, et plus précisément dans la zone dite du "groupe Magrè". Dés le Ve s. av. J.-C., cette culture fut influencée par les Celtes, comme le prouvent les découvertes de fibules, bracelets, armements et céramiques de la culture de La Tène dans les Alpes centrales, témoignant selon R. Roncador (2020) d'une "hybridation sociale", voire d'un métissage, entre éléments celtiques et rhétiques. Ces influences celtiques auraient dans un premier temps transité à travers les Alpes, avant de se diffuser plus particulièrement par la plaine du Pô et la Vénétie (partiellement occupée par les Cénomans) à partir des IVe et IIIer s. av. J.-C. (Roncador, 2017 ; 2019 ; 2020). Compte-tenu de la localisation des Arusnates, on peut aisément supposer qu'ils furent avant tout affectés par ces influences orientales et méridionales, plus tardives. Chose est certaine, les auteurs anciens n'ont pas considérés cette population comme gauloise, d'ailleurs, évoquant cette même contrée, Pline indique que "Vérone [...] appartient aux Rhètes et aux Euganéens" (Histoire naturelle, III, 130).
● La période romaine
Si les découvertes de mobilier attribuable aux Celtes témoignent au moins d'échanges, rien ne permet de préciser la nature des relations qui unissaient les Arusnates avec les populations celtiques de la plaine du Pô. Il semble cependant que Rome pénétra précocement sur leur territoire, sans doute dés le IIe s. av. J.-C. et la conquête de la plaine du Pô (Osseta, 2014).
Plus tardivement, aux Ier et IIe s. ap. J.-C., lorsque pour la première fois les Arusnates furent mentionnés, ils ne constituaient plus qu'un simple pagus (CIL 05, 3915 et CIL 05, 3928), impliquant qu'il n'était plus que l'une des composantes d'une cité plus grande. Dans la synthèse publiée par C. Osetta (2014) sur ce sujet, il y est fait mention du fait que les historiens ont longtemps hésité entre les municipes de Verona (Vérone, province de Vérone) et de Tridentum (Trente, province autonome de Trente). L'occurrence d'inscriptions mentionnant des individus appartenant à la tribu Poblilia et l'absence de mention de la tribu Papiria invite à y reconnaître une composante de la cité des Veronenses. Le territoire de ce pagus était fondamental pour les Veronenses, puisqu'il était traversé par la via Claudia Augusta Padana, une importante voie de communication vers Tridentum construite après la conquête des Alpes centrales (Franzoni, 1982).
Sources épigraphiques
Fumane (CIL 05, 3915) NYMPHIS AVG(VSTIS) ET GENIO PAG(I) ARVSNATIVM C(AIVS) PAPIRIVS THREPTVS
|
"Aux Nymphes Augustae et au Génie du pagus des Arusnates. Caius Papirius Threptus (a dédié)."
Fumane (CIL 05, 3926) C(AIVS) OCTAVIVS M(ARCI) F(ILIVS) CAPITO MEMORIA SVORVM NOMINE L(VCI) P(VBLI) OCTAVIOR[V]M MM(ARCI) F(ILIORVM) CLEMENTIS N[...]ILLA [E]T STABERI OPTVMO[RVM] FRA[TR]VM VDISNAM AVGVSTAM SOLO P[RI]VATO ARVSNATIBVS DE[DI]T
|
"Caius Octavius Capito, fils de Marcus, en mémoire des siens, au nom de Lucius Octavius Clemens N[...]illa et de Publius Octavius Staberius, fils de Marcus, les meilleurs des frères, a donné la terre privée d'Udisna Augusta aux Arusnates."
Fumane (CIL 05, 3928) [OC]TAVIAE M(ARCI) F(ILIAE) [MA]GNAE FLAMIN[ICAE PA]GI ARVSNATI[VM ... O]CTAVIVS CAPI[TO] L(VCIVS) [O]CTAVIVS CLEMENS
|
"À Octavia Magna, fille de Marcus, flaminique du pagus des Arusnates […] Octavius Capito (et) Lucius Octavius Clemens (ont érigé ce monument)."
Marano di Valpolicella (AE 1986, 253 ; 2012, 584) ...]SEDIO F(ILIO?) [... AR]VSNATES [...
|
"[...] fils de [...]sedius, […], les Arusnates […]."
|