Caténates / Clauténates
Localisation
Peuple mentionné sur le Trophée des Alpes (Pline, Histoire naturelle, III, 137) et possiblement par Strabon (Géographie, IV, 6, 8) en Vindélicie. Par la suite, ils furent rattachés à la province de Rhétie et Vindélicie. Le seul indice précis portant sur leur localisation réside dans le fait que dans ces deux textes sources, qui se présentent sous forme d'énumérations, ce peuple est systématiquement mentionné à côté des Licates, qui peuplaient la vallée du Lech (district de Souabe, Bavière, Allemagne). Ceci invite à les localiser sans plus de précision à l'est de la Vindélicie.
Attestations et étymologie
Ce peuple fut mentionné par Pline, dans sa retranscription de l'inscription honorifique du Trophée des Alpes (Histoire naturelle, III, 137), sous la forme CATENATES. Il est fort probable que les Κλαυτηνάτιοι évoqués par Strabon correspondent à ce même peuple (Géographie, IV, 6, 8). Une dernière attestation a été relevée plus récemment sur le diplôme militaire de Künzing (18 décembre 160 ap. J.-C.) sous la forme abrégée CATEN(ATI). Plus hypothétiquement, D. Stifter (2013) relève une possible attestation sur l'épitaphe d'un soldat de la cohorte I Vindelicorum, sous la forme CATTE/NAS (CSIR-U-07, 42 ; AE 1935, 103). L'étymologie de cet ethnonyme fait débat. P. de Bernardo Stempel (2015) y voit un composé en *catu-(g)nat-es, avec *catu-, qui signifie "combat / guerre / bataille", associé à *-gnato-, "fils / connu". Selon cette auteure, il conviendrait donc de traduire ce nom par "(ceux qui sont) nés au combat". Se basant sur l'attestation fournie par Strabon, X. Delamarre (2012 ; 2023) propose de reconnaître en cet ethnonyme un composé en *Clouto-nat-io-i, avec *clouto-, qui signifie "renommée / célèbre", associé à *-natu-, "chant / poème". Suivant ce même auteur, l'ensemble devait signifier "célèbres par leurs chants".
Histoire
● La conquète romaine
Ayant pris pour prétexte des incursions rhètes dans le nord de l'Italie, et les faits de brigandage récurrents les Romains se lancèrent dans la conquête de l'ensemble de l'arc alpin. L'objectif était de prendre le contrôle de l'ensemble des voies de communication franchissant les Alpes afin de les sécuriser et de les ouvrir aux commerçants italiens. En 15 av. J.-C., Nero Claudius Drusus et Tiberius Claudius Nero lancèrent leurs troupes à travers les Alpes et ne tardèrent pas à prendre en étau la Rhétie et la Vindélicie et à les écraser. Au terme de cette rapide conquête, les Romains dépeuplèrent largement les zones tombées sous leur contrôle en réduisant une portion notable de la population en esclavage. Les rares textes évoquant cette campagne ne mentionnent pas les Caténates, cependant leur mention sur l'inscription honorifique du Trophée des Alpes suffit à démontrer qu'ils partagèrent le même sort que l'ensemble des peuples de la confédération des Vindéliques.
Immédiatement après la conquête, les Romains fondèrent la colonie d'Augusta Vindelicorum (vers 15 av. J.-C.) au débouché de plusieurs vallées alpines constituant des couloirs naturels vers l'Italie, où plusieurs garnisons furent stationnées. L'ensemble de la Vindélicie fut quant à elle constituée en district militaire.
Pour célébrer les victoire remportées dans l'arc alpin, les Romains édifièrent le Trophée des Alpes (7-6 av. J.-C.), sur lequel les Caténates furent mentionnés comme l'un de quatre peuples de la confédération des Vindéliques vaincus.
● La romanisation
La colonie d'Augusta Vindelicorum fut incontestablement le principal centre administratif et le site depuis lequel la culture romaine se diffusa dans une grande partie du district militaire. Les peuples qui constituaient la confédération des Vindéliques ne parvinrent visiblement pas à s'organiser en cités, si bien que leurs territoires semblent avoir été administrés depuis cette ville. Ces peuples ne disparurent pas pour autant ; une épitaphe de Szekszárd (comitat de Tolna, Hongrie) datée de la fin du Ier s. ap. J.-C. mentionne un soldat de la cohorte I Vindelicorum, Surius, fils d'Essimnus, qui pourrait avoir été caténate (Stifter, 2013), tandis qu'un diplôme militaire datant de 160 ap. J.-C. mentionne encore une femme de ce peuple dénommée Prima, fille de Masus.
Vers la fin du Ier s. ap. J.-C., le dictrict militaire fut structuré en province, laquelle prit le nom de Rhétie et Vindélicie.
Sources littéraires anciennes
Strabon, Géographie, IV, 6, 8 : "Quant aux Vindoliques, ils bordent, ainsi que les Noriques, le versant extérieur des Alpes et se trouvent presque partout mêlés aux Breunes et aux Genaunes, lesquels appartiennent déjà à l'Illyrie. Tous ces peuples, par leurs continuelles incursions, ont longtemps inquiété les cantons de l'Italie les plus rapprochés d'eux, ainsi que les frontières des Helvètes, des Séquanes, des Boiens et des Germains. Mais il y en avait dans le nombre qui étaient réputés plus turbulents que les autres, c'étaient, parmi les Vindoliques, les Licattiens, les Clautenates et les Vennons, et, parmi les Rhaetes, les Rucantiens et les Cotuantiens. Les Estions comptent aussi parmi les tribus Vindoliques, et les Brigantiens pareillement. Les principales villes de la Vindolicie sont Brigantium, Cambodunum, et aussi Damatia, qui est comme l'acropole ou le château fort des Licattiens. Le fait suivant pourra du reste faire juger de l'acharnement de ces brigands contre les Italiens : toutes les fois qu'ils surprennent un village ou une ville, non seulement ils égorgent en masse la population virile, mais ils étendent leur fureur jusqu'aux petits garçons à la mamelle, et, sans s'arrêter là encore, ils massacrent les femmes enceintes que leurs prêtres ou devins leur désignent comme devant mettre au jour des fils."
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Sources épigraphiques (1)
Szekszárd (CSIR-U-07, 42 ; AE 1935, 103) SVRIVS ESSI/MNI F(ILIVS) CATTE/NAS MILES COH(ORTIS) / I VIND(ELICORVM) ANN(ORVM) / XXXX STIP(ENDIORVM) XX / H(IC) S(ITVS) E(ST) / FLORVS ET / BASSVS CERE[...
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" Surius, fils d' Essimnus, cattenate, soldat dans la cohorte I Vindelicorum, âgé de 40 ans, 20 années de service, repose ici. Florus et Bassus Cere[…]."
L'inscription du trophée de La Turbie (selon Pline, Histoire naturelle, III, 136-137) IMP(ERATORI) CAESARI DIVI FILIO AVG(VSTO) PONT(IFICI) MAX(IMO) IMP(ERATORI) XIIII TR(IBVNICIA) POT(ESTATE) XVII S(ENATVS) P(OPVLVS)Q(VE) R(OMANVS) QVOD EIVS DVCTV AVSPICIISQVE GENTES ALPINAE OMNES QVAE A MARI SVPERO AD INFERVM PERTINEBANT SVB IMPERIVM P(OPVLI) R(OMANI) SVNT REDACTAE GENTES ALPINAE DEVICTAE TRIVMPILINI CAMVNNI VENOSTES VENNONETES ISARCI BREVNI GENAVNES FOCVNATES VINDELICORVM GENTES QVATTVOR COSVANETES RVCINATES LICATES CATENATES AMBISONTES RVGVSCI SVANETES CALVCONES BRIXENETES LEPONTI VBERI NANTVATES SEDVNI VARAGRI SALASSI ACITAVONES MEDVLLI VCENNI CATVRIGES BRIGIANI SOGIONTI BRODIONTI NEMALONI EDENATES VESVBIANI VEAMINI GALLITAE TRIVLLATI ECDINI VERGVNNI EGVI TVRI NEMATVRI ORATELLI NERVSI VELAVNI SVETRI
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"À l'empereur, fils du divin Caesar, Augustus, grand pontife, 14 fois salué impérator, 17 fois revêtu de la puissance tribunicienne (1), le Sénat et le peuple romain, en mémoire de ce que, sous les ordres et sous ses auspices, tous les peuples alpins, depuis la mer supérieure jusqu'à l'Inférieure, ont été soumis à l'Empire du peuple romain. Les peuples alpins vaincus : les Triumpilins, les Camunes, les Vénostes, les Vennonètes, les Isarciens, les Breunes, les Génaunes, les Focunates, quatre nations vindéliciennes, les Consuanètes, les Rucinates, les Licates, les Caténates, les Ambisontes, les Rugusques, les Suanètes, les Calucones, les Brixenètes, les Lépontes, les Ubères, les Nantuates, les Sédunes, les Varagres, les Salasses, les Acitavones, les Médulles, les Ucennes, les Caturiges, les Brigiens, les Sogiontes, les Bodiontiques, les Némalones, les Édénates, les Vésubiens, les Véamines, les Gallites, les Triullates, les Ecdiniens, les Vergunnes, les Egues, les Tures, les Nématures, les Oratelles, les Nérusiens, les Vélaunes, les Suètres."
(1) Auguste fut revêtu de sa 17e puissance tribunicienne entre le 26 juin 7 et le 25 juin 6 av. J.-C.
Sources épigraphiques (2 - diplômes militaires)
Diplôme de Künzing (160 ap. J.-C.)
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