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Encyclopédie Celtique

Histoire des Francs - Livre VIII

GREGORII TURONENSIS

HISTORIA FRANCORUM

LIBER OCTAVUS

1. De eo quod rex Aurilianis venit.

Igitur Gunthchramnus rex anno XXIIII, regni sui de Cavillonno progressus, Nevernensem urbem adgreditur. Invitatus enim Parisius veniebat, ut Chilperici filium, quem iam Chlothacharium vocitabant, a sacro regenerationes fonte deberet excipere. Digressus vero a Neverno ad Aurilianensem urbem venit, magnum se tunc civibus suis praebens. Nam per domibus eorum invitatus abibat et prandia data libabat; multum ab his muneratus muneraque ipsis proflua benignitate largitus est. Sed cum ad urbem Aurilianensem venisset, erat ea die solemnitas beati Martini, id est quarto Nonas mensis quinti. Processitque in obviam eius inmensa populi turba cum signis adque vixillis canentes laudes. Et hinc lingua Syrorum, hinc Latinorum, hinc etiam ipsorum Iudaeorum in diversis laudibus variae concrepabat, dicens: "Vivat rex, regnumque eius in populis annis innumeris dilatetur". Iudaei vero, qui in his laudibus videbantur esse participes, dicebant: "Omnes gentes te adorent tibique genu flectant adque tibi sint subditi". Unde factum est, ut, celebratis missis, cum rex ad convivium resederet, diceret: "Vae genti Iudaicae malae et perfidae ac subdolo semper sensu viventi. Ob hoc enim mihi", inquid, "hodie laudes adulaturias adclamabant, ut me cunctae gentes quasi dominum adorarent, ut synagoga eorum, quae dudum a christianis deruta est, iuberem ope publica sublevare; quod, iubente Domino, numquam ero facturus". O regem admirabili prudentia clarum! Sic intellexit dolositatem hereticorum, ut ei paenitus non valerent subripere, quae erant postmodum suggesturi. Iam enim mediante epulo rex locutus est sacerdotibus qui aderant, dicens: "Rogo, ut in domo mea crastina die vestram promerear benedictionem, fiatque mihi salus in ingressu vestro, ut ex hoc salvus fiam, cum super me humilem vestrarum benedictionum verba defluxerint". Haec eo dicente, omnes gratias agentes, epulo expleto, surreximus.


Le roi Gontran , dans la vingt-quatrième année de son règne, partit de Châlons et vint dans la ville de Nevers. Il était invité à se rendre à Paris pour tenir, sur les fonts sacrés du baptême, le fils de Chilpéric, nommé Clotaire. En partant de Nevers, il vint à la ville d'Orléans, où il se mit en grand crédit auprès des citoyens, car il allait dans leurs maisons lorsqu'ils l'invitaient, et acceptait les repas qu'ils lui offraient. Il en reçut beaucoup de présents, et sa bienveillante libéralité les leur rendit avec abondance. Lorsqu'il arriva à la ville d'Orléans, c'était le jour de la fête de saint Martin, c'est-à-dire le quatrième jour du cinquième mois ; une immense foule de peuple alla à sa rencontre avec des enseignes et des drapeaux en chantant ses louanges. Elles retentissaient de diverses manières, en langue syriaque, en langue latine, et même en langue juive. Tous disaient: Vive le roi ! Que durant des années innombrables sa domination s'étende sur les peuples divers ! Les Juifs aussi qu'on voyait prendre part à ces acclamations générales, disaient : Que toutes les nations t'adorent, fléchissent le genou devant toi, et que toutes te soient soumises ! D'où il arriva qu'après avoir entendu la messe, le roi étant à table dit : "Malheur à cette nation juive, méchante et perfide, toujours fourbe par caractère ! Ils me faisaient entendre aujourd'hui des louanges pleines de flatterie, proclamant qu'il fallait que toutes les nations m'adorassent comme leur seigneur, et cela afin que j'ordonnasse que leurs synagogues, dernièrement renversées par les Chrétiens, fussent relevées aux frais du public ; ce que je ne ferai jamais, car le Seigneur le défend. Ô roi en qui éclatait une admirable prudence ! Il avait si bien compris l'artifice de ces hérétiques, qu'ils ne purent rien lui arracher de ce qu'ils comptaient lui demander. Au milieu du repas, le roi dit aux prêtres qui étaient présents : Je vous prie de m'accorder demain la bénédiction dans ma maison, et de me porter le salut en entrant, afin que j'obtienne mon salut des paroles de bénédiction que vous ferez couler sur moi, et que je recevrai avec humilité. Comme il disait ces mots, nous lui rendîmes grâces, et le repas fini, nous nous levâmes.

2. Qualiter ei episcopi praesentati sunt, et qualiter ipse convivium praeparavit.

Mane autem facto, dum rex loca sanctorum orationis gratia visitaret, ad metatum nostrum advenit. Erat enim ibi basilica sancti Aviti abbatis, cui in libro Miraculorum meminimus. Surrexi gavisus, fateor, ad occursum eius et, data oratione, depraecor, ut in mansione mea euglogias beati Martini dignaretur accipere. Quod ille non respuens, benigno animo ingressus, hausto poculo, admonitis nobis ad convivium, laetus abscessit. Tunc Berthchramnus Burdegalensis episcopus cum Palladio Santonico valde regi infensus erat pro susceptione Gundovaldi, cui supra meminimus. Sed et Palladius episcopus ob hoc maxime regem incurrerat, quod ei saepius fallacias intulisset. Discussi enim ante paulolum fuerant a reliquis episcopis et optimatibus regis, cur Gundovaldum suscepissent, cur Faustianum Aquis episcopum ad praeceptionem eius levissimam ordinassent. Sed hanc causam ordinationis Palladius episcopus a Bertechramno metropole suo auferens, super se divolvit, dicens: "Oculi metropolis mei valde doloribus artabantur, et ego spoliatus et contemptus, invitus in eo loco adductus sum. Non potui aliud facere, nisi quae ille, qui omnem principatum Galliarum se testabatur accipere, imperabat". Cum haec rege nuntiata fuissent, valde commotus est, ita ut vix obtineri possit, ut eos ad convivium provocaret, quos antea non viderat. Introeunte itaque Berthramno, interrogat rex: "Quis", ait, "est iste?" Diu enim erat, quod ab eo visus non fuerat. Dixeruntque: "Hic est Berthchramnus Burdegalinsis urbis episcopus". Cui ille: "Gratias", inquid, "agimus, quod sic custodisti fidem generationi tuae. Scire enim te oportuerat, dilectissime pater, quod parens eras nobis ex matre nostra, et super gentem tuam non debueras inducere pestem extraneam". Cumque talia et his similia Berthchramnus audisset, conversus ad Palladium rex ait: "Nec tibi, o Palladi episcope, nimium sunt gratiae referendae. Tertio enim mihi, quod de episcopo dici iniquum est, periurasti, mittens indicolos dolositate plenus. A me excusabaris per epistolas, et germanum meum cum scriptis aliis invitabas. Iudicavit enim Deus causam meam, cum ego provocare vos semper tamquam aeclesiae patres studui et vos circa me semper egistis dolose". Nicasio autem et Antidio episcopis dixit: "Quid vos, o sanctissimi patres, pro regiones utilitate vel regni nostri sospitate tractastis, edicite". Illis quoque tacentibus, ablutis rex manibus, accepta a sacerdotibus benedictione, ad mensam resedit laeto vulto et hilare faciae, quasi nihil de contempto suo fuisset effatus.


Le matin, le roi, ayant visité les lieux saints pour y faire sa prière, arriva à notre logis. C'était la basilique du saint abbé Avite, dont j'ai parlé dans le Livre des miracles. Je me levai joyeux, je l'avoue, et allai à sa rencontre, et après avoir fait l'oraison, je le priai de vouloir bien accepter dans ma maison les eulogies de saint Martin. Il ne s'y refusa pas ; mais, étant entré avec bonté, il but un coup, et, après nous avoir invités à sa table, s'en alla gaîment. Alors Bertrand, évêque de Bordeaux, et Pallade, évêque de Saintes, étaient grandement tombés dans le déplaisir du roi, pour avoir reçu Gondovald, dont nous avons parlé plus haut ; et la colère du roi contre l'évêque Pallade était d'autant plus grande que celui-ci avait souvent usé de tromperie à son égard. Ils avaient été peu de temps auparavant, interrogés par les autres évêques et les grands de la cour du roi, sur ce qu'ils avaient reçu Gondovald, et avaient très imprudemment, d'après ses ordres, sacré Faustien évêque de Dax. Mais l'évêque Pallade fit retomber sur lui-même le fait de cette ordination, dont il délivra son métropolitain, en disant : Mon métropolitain souffrait d'un très grand mal d'yeux, et moi, dépouillé et insulté, je fus malgré moi emmené à sa place. Je ne pouvais faire autrement que d'accomplir ce que m'ordonnait celui qui se prétendait maître de toutes les Gaules. Ces choses ayant été annoncées au roi, il en fut très irrité, tellement qu'on put avec peine obtenir qu'il les invitât à sa table, ne les ayant pas vus auparavant. Bertrand étant entré, le roi demanda : Quel est celui-ci ? car il y avait longtemps qu'il ne l'avait vu. On lui dit : C'est Bertrand, évêque de la ville de Bordeaux. - Nous te rendons grâces, lui dit-il, de la manière dont tu as gardé fidélité à ta famille. Tu devais savoir, père très cher, que tu étais notre parent par notre mère, et tu n'aurais pas dû attirer sur ta race une peste étrangère. Après avoir obligé Bertrand d'entendre plusieurs choses de cette sorte, le roi se tourna vers Pallade et lui dit : Je n'ai pas non plus, ô évêque Pallade, beaucoup de grâces à te rendre ; car, ce qui est bien dur à dire d'un évêque, tu m'as trompé trois fois, m'envoyant des avis remplis de mensonge. Tu t'excusais auprès de moi par tes lettres, et par d'autres écrits tu appelais mon frère. Dieu a prononcé dans ma cause, car je me suis toujours appliqué à vous prévenir comme des pères de l'Église, et vous avez toujours agi frauduleusement à mon égard. Il dit ainsi aux évêques Nicaise et Antidius : Publiez ici, ô très saints pères, ce que vous avez fait pour le bien du pays et pour l'avantage de notre royaume. Ceux-ci ne répondirent point, et le roi s'étant lavé les mains, et ayant reçu la bénédiction des évêques, s'assit à table avec un visage gai et une contenance joyeuse comme s'il n'avait pas été question des affronts qu'il avait reçus.

3. De cantoribus et argento Mummoli.

Interea iam medium prandii peractum, iubet rex, ut diaconem nostrum, qui ante die ad missas psalmum responsurium dixerat, canere iuberem. Quo canente, iubet iterum mihi, ut omnes sacerdotes qui aderant per meam commonitionem, datis ex officio suo singulis clerecis, coram rege iuberentur cantare. Per me enim secundum regis imperium admoniti, quisque, ut potuit, in regis praesentia psalmum responsurium decantavit. Cum autem fercula profererentur, dixit rex: "Argentum omne, quod cernitis, Mummoli illius periuris fuit; sed nunc, gratia Domini tribuente, in nostra dominatione translatum est. Nam quindecim ex eo catinos, ut istum maiorem cernitis, iam concidi, et non exinde amplius quam hunc et alium de cento septuaginta libris reservavi. Et quid amplius quam opus cotidianum? Non ego, quod peius est, alium filium praeter Childeberthum habeo, cui satis sit de thesauris, quos ei pater reliquid, et quae iam de huius miserrimi rebus, quae Avennione inventae sunt, transmittere curavi. Reliqua vero pauperum et aeclesiarum erunt necessitatibus tribuenda".


On était à la moitié du repas lorsque le roi voulut que je fisse chanter mon diacre qui, la veille, avait dit les répons des psaumes. Lorsqu'il eut chanté, il m'ordonna de faire chanter devant lui tous les prêtres présents, chacun des clercs convenant de sa partie. Je leur en donnai l'ordre par le commandement du roi, et chacun chanta devant lui, aussi bien qu'il put, des psaumes et des répons. Tandis qu'on apportait les plats, le roi dit : Toute cette argenterie que vous voyez a appartenu au parjure Mummole ; mais maintenant, grâce à l'assistance du Seigneur, elle a passé en notre puissance. J'en ai fait briser quinze plats, comme ce grand que vous voyez, et n'en ai gardé d'autres que celui-là et un autre de cent soixante-dix livres. Pourquoi en aurais-je gardé plus qu'il ne m'en faut pour mon usage de tous les jours ? Je n'ai malheureusement pas d'autre fils que Childebert qui a bien assez des trésors que lui a laissés son père, et de ceux que j'ai pris soin de lui envoyer des effets de ce misérable, trouvés à Avignon. Le reste devait être appliqué aux besoins des pauvres et des églises.

4. Laus Childeberthi regis.

"Unum vos tantummodo, sacerdotes Domini, depraecor, ut pro filio meo Childebertho Domini misericordiam exoretis. Est enim vir sapiens adque utilis, ut de multorum annorum aevo vix ita tam cautus homo repperire possit ac strinuus. Quia, si hunc Deus his Galliis concedere dignabatur, fortassis spes erat, de eodem gentem nostram, quae valde exinanita est, posse consurgere. Quod fieri iuxta eius misericordiam non diffido, eo quod tale fuerit pueri nativitates praesagium. Nam in diem sanctum paschae, stante fratre meo Sigybertho in aeclesia, procedente diacono cum sancto evangeliorum libro, nuntius regi advenit, unaque vox fuit pronuntiantes lectionem evangelicam ac nuntii dicentis: "Filius natus est tibi". Unde factum est, ut omnis populus in utraque adnuntiatione pariter proclamaret: "Gloria Deo omnipotenti". Sed et baptismum in die sanctum pentecosten accepit, et rex nihilominus in diem sanctum dominicae nativitatis est elevatus. Unde, si oratio vestra prosequitur, poterit hic, Domino annuente, regnare". Haec rege dicente, omnes orationem fuderunt ad Dominum, ut utrumque regem eius misericordia conservaret. Adiecitque rex: "Verum quia mater eius Brunichildis me minatur interimere, sed nihil mihi ex hoc formidinis est. Dominus enim, qui me eripuit de manibus inimicorum meorum, et de huius insidiis liberavit me".


Je vous demande seulement, prêtres du Seigneur, d'implorer pour mon fils Childebert la miséricorde de Dieu. C'est un homme sage et de mérite, et tel que, depuis longues années, à peine en aurait-on pu trouver un aussi prudent et aussi courageux. Si Dieu daigne lui accorder la domination sur les Gaules, on peut espérer que notre race, presque entièrement détruite, se relèvera par son moyen. Je ne doute pas que nous ne l'obtenions de la miséricorde de Dieu, car la naissance de cet enfant nous en a donné le présage. Dans le saint jour de Pâques, mon frère Sigebert étant à l'église, tandis que le diacre disait le livre des saints Évangiles, il arriva au roi un messager, et la voix du messager et celle du peuple qui suivait l'Évangile du jour prononcèrent en même temps ces paroles : Il t'est né un fils ; d'où il arriva que tout le peuple célébra à la fois cette double annonciation par ces paroles : Gloire à Dieu tout-puissant ! Il reçut le baptême le saint jour de la Pentecôte et fut élevé au trône le saint jour de la Nativité du Seigneur, de sorte que s'il est accompagné de vos prières, il peut, avec la permission du Seigneur, régner dans ce pays. A ces paroles du roi, tous adressèrent au Seigneur une oraison pour lui demander dans sa miséricorde de conserver les deux rois. Le roi ajouta : Il est vrai que sa mère Brunehault menace de me tuer, mais je n'en ai aucune crainte. Le Seigneur qui m'a délivré des mains de mes ennemis, me délivrera de ses embûches.

5. De visiones, quas rex vel nos de Chilperico vidimus.

Multa tunc et in Theodorum adversa locutus est, protestans, quod, si ad synodum veniret, iterum exilio truderetur, dicens: "Scio enim, quod horum causa germanum meum Chilpericum interfeci fecit. Denique nec nos pro viris habere debemur, si eius necem ulciscere non valemus hoc anno". Cui ego respondi: "Et quis Chilpericum interemit, nisi malitia sua tuaque oratio? Multas enim tibi contra iustitiam tetendit insidias, quae ei mortis exitium intulerunt. Quod ut dicam, valde hoc per visionem somnii inspexi, cum viderem eum, ante tonsorato capite, quasi episcopum ordinari; deinde super cathedram puram, sola fuligine tectam, inpositum ferri, praelucentibus coram eo lyghnis ac cereis". Me haec narrante, rex ait: "Vidi et ego aliam visionem, quae huius interitum nuntiavit. Adducebatur enim in conspectu meo a tribus episcopis vinctus catenis, quorum unus Tetricus, alius Agroecula, tertius vero Nicetius Lugduninsis erat. E quibus dicebant duo: "Solvite, quaesumus", eum et castigatum abire permittite". Quibus e contrario cum amaritudine Tetricus episcopus respondebat: "Non fiet ita, sed igni concremabitur pro sceleribus suis". Et cum diu multumque quasi altercantes haec inter se verba proferrent, conspicio eminus aeneum super ignem positum fervere vehementer. Tunc me flente, adpraehensum infilicem Chilpericum, confractis membris, proiciunt in aeneum. Nec mora, inter undarum vapores ita dissolutus ac liquefactus est, ut nullum ex eo paenitus indicium remaneret". Haec rege dicente, admirantibus nobis, epulo expleto, surreximus.


Et il tint beaucoup de discours d'inimitié contre Théodore ; protestant que s'il venait au synode, il le renverrait en exil, disant : Je sais qu'à cause de ces gens, il a fait tuer mon frère Chilpéric ; mais que nous ne soyons pas tenus pour des hommes, si nous ne parvenons pas à venger sa mort dans le cours de cette année ! Je lui répondis : Et qui a fait périr Chilpéric si ce n'est sa méchanceté et tes prières ? Car il t'a tendu injustement des embûches qui l'ont conduit à la mort. Ce que je dis là m'est grandement apparu par une vision que j'ai eue dans mon sommeil. Je t'ai vu lui raser la tête, après quoi il a été sacré évêque ; ensuite je l'ai vu porté sur une chaise sans tenture et recouverte seulement d'une couleur noire ; devant lui brillaient des lampes et des cierges. Comme je racontais cela, le roi me dit : J'ai eu aussi une vision qui m'a annoncé sa mort. Trois évêques le conduisaient en ma présence chargé de chaînes. L'un d'eux était Tétrique, le second Agricola, le troisième Nicet, évêque de Lyon. Deux d'entre eux disaient : Relâchez-le, nous vous en prions, et permettez qu'il s'en aille après avoir reçu urne punition. Mais l'évêque Tétrique répondait en colère : Il ne s'en ira point ainsi, et il sera consumé par le feu à cause de ses crimes. Et lorsqu'ils eurent tenu entre eux beaucoup de discours en manière d'altercation, je vis de loin un vase d'airain posé sur le feu, où il bouillait avec violence. Puis je vis en pleurant saisir le malheureux Chilpéric ; ses membres brisés furent jetés dans le vase et aussitôt il fut dissous et liquéfié dans les vapeurs de cette eau bouillante, de telle sorte qu'il n'en resta pas le moindre vestige. Ces paroles du roi nous remplirent d'une grande admiration ; et le repas étant fini nous nous levâmes.

6. De his quos praesentavimus.

Rex igitur in crastinum in venatione progressus est. Quo redeunte, Garacharius comis Burdigalensis adque Bladastis a nobis repraesentati sunt, quia, ut superius diximus, in basilica sancti Martini confugium fecerant, pro eo quod Gundovaldo coniuncti fuissent. Nam cum prius, pro his depraecatus, nihil obtinere potuissem, haec in sequenti locutus sum: "Audiat, o rex, potestas tua. Ecce! a domino meo in legatione ad te directus sum. Vel quid renuntiabo ei qui me misit, cum nihil mihi responsi reddere vellis?" At ille obstupefactus ait: "Et quis est dominus tuus, qui te misit?" Cui ego subridens: "Beatus Martinus", inquio, "misit me". Tunc ille iussit sibi repraesentari viros. Sed cum in eius conspectu venissent, multas eis perfidias ac periurias exprobravit, vocans eos saepius vulpis ingeniosas, sed restituit eos gratiae suae, reddens quae illis ablata fuerant.


Le lendemain, le roi alla à la chasse ; quand il revint, nous lui présentâmes Garachaire, comte de Bordeaux, et Bladaste qui, comme nous l'avons dit plus haut, avaient été se réfugier dans la basilique de Saint-Martin, parce qu'ils s'étaient joints à Gondovald. Comme d'abord, par mes prières, je n'avais pu rien obtenir du roi en leur faveur, je lui dis : Ô roi, que ta puissance m'écoute ; voilà que mon Seigneur m'a ordonné de venir vers toi en ambassade ; mais que pourrai-je rapporter à celui qui m'a envoyé, si tu ne veux me rendre aucune réponse ? Lui stupéfait me demanda : Et qui est-il ton Seigneur qui t'a envoyé ? Je lui répondis en souriant : C'est saint Martin qui m'a envoyé. Alors il ordonna que ces hommes lui fussent présentés ; mais lorsqu'ils furent devant lui, il leur reprocha beaucoup de perfidies et de parjures, les appelant souvent de rusés renards. Cependant il leur rendit ses bonnes grâces, et leur restitua ce qui leur avait été enlevé.

7. De Palladio episcopo, qualiter missas dixit.

Adveniente quoque die dominico, rex ad aeclesiam ad spectanda missarum solemnia petit. Fratres vero consacerdotesque, qui aderant, locum Palladio episcopo ad agenda festa praebuerunt. Quo incipiente prophetiam, rex interrogat, quis esset. Cumque Palladium episcopum initiasse pronuntiassent, statim commotus rex ait: "Qui mihi semper infidelis et perfidus fuit, ille nunc sacrata verba praedicavit? Egrediar prursus ab haec aeclesia, ne inimicum meum audiam praedicantem". Et haec dicens, egredi coepit aeclesiam. Tunc conturbati sacerdotes de fratres humilitate, dixerunt regi: "Vidimus enim eum convivio tuo adesse ac de eius manu te benedictionem accipere; et cur eum nunc rex aspernatur? Si enim scissemus tibi exosum, declinassemus utique ad alium, qui haec agere debuisset. Nunc, si permittis, caelebret, quae coepit; in posterum autem, si aliquid opposueris, canonicae sanctionis censura finiatur". Iam enim Palladius episcopus in sacrario cum grande humilitate discesserat. Tunc rex iussit eum revocare, et sic quae agere coeperat expedivit. Nam cum iterato ad convivium regis Palladius atque Berthchramnus acciti fuissent, commoti in invicem multa sibi de adulteriis ac fornicatione exprobraverunt, nonnulla etiam de periuriis. Quibus de rebus multi ridebant, nonnulli vero, qui alacriores erant scientiae, lamentabant, cur inter sacerdotes Domini taliter zezania diabuli pollularet. Discedentes itaque a regis praesentia, cautiones et fideiussores dederunt, ut decimo Kalendas mensis noni ad sinodum convenirent.


Le jour du Seigneur étant arrivé, le roi vint à la cathédrale entendre la messe. Les confrères de l'évêque Pallade, présents en ce lieu, lui cédèrent l'honneur de la célébrer. Comme il commençait à dire les prophéties, le roi demanda qui c'était, et lorsqu'on lui eut appris que c'était l'évêque Pallade, le roi irrité dit : Quoi ! c'est cet homme toujours infidèle et perfide envers moi, qui prêchera devant moi la parole sacrée ! Je sors à l'instant de cette église, pour ne pas entendre prêcher mon ennemi ; et en disant ces mots, il allait pour sortir de l'église. Alors les évêques troublés de l'humiliation de leur frère dirent au roi : Nous l'avons vu reçu à ta table, nous t'avons vu recevoir de sa main la bénédiction ; pourquoi maintenant le roi le rejette-t-il ? Si nous avions su qu'il te fût odieux, nous aurions remis à un autre le soin des choses qui doivent s'accomplir ici. Maintenant permets qu'il célèbre la cérémonie qu'il a commencée. Si ensuite, tu crois avoir à l'accuser, l'affaire sera jugée selon la décision des canons. L'évêque Pallade s'était déjà retiré dans la sacristie, avec une grande confusion ; le roi ordonna de le rappeler, et il accomplit ce qu'il avait commencé. Pallade et Bertrand furent ensuite appelés de nouveau à la table du roi, et s'y étant émus de colère l'un contre l'autre, ils se reprochèrent mutuellement beaucoup d'adultères et de fornication, ainsi que plusieurs parjures. Beaucoup en riaient ; mais d'autres, qui étaient d'une sagesse plus clairvoyante, s'affligeaient de voir les diables semer une telle zizanie parmi les prêtres du Seigneur. En quittant le roi, ils donnèrent des gages et des cautions qu'ils se représenteraient au synode le 21 septembre suivant.

8. De signis ostensis.

Tunc apparuerunt signa, id est radii a parte aquilonis, sicut saepius apparere solent. Fulgor per caelum cucurrisse visus est, floresque in arboribus ostensi sunt. Erat enim mensis quintus.


Alors parurent des signes dans le ciel. On vit du côté du nord des rayons, comme il en avait déjà paru souvent. On vit une clarté parcourir le ciel, des fleurs se montrèrent sur les arbres, c'était alors le cinquième mois.

9. De sacramento pro filio Chilperici dato.

Post haec rex Parisius venit et coram omnibus loqui coepit, dicens: "Germanus meus Chilpericus moriens dicitur filium reliquisse, cuius nutritores, matre depraecante, petierunt, ut eum de sancto lavacro in dominici natalis solemnitate deberem excipere, et non venerunt. Rogaverunt deinceps, ut ad sanctum pascha baptizaretur, sed nec tunc adlatus est infans. Depraecati sunt autem tertio, ut ad festivitatem sancti Iohannis exhiberetur, sed nec tunc venit. Moverunt itaque me per tempus sterile de loco ubi abitabam. Veni igitur, et ecce! absconditur nec ostenditur mihi puer. Unde, quantum intellego, nihil est quod promittitur, sed, ut credo, alicuius ex leudibus nostris sit filius. Nam si de stirpe nostra fuisset, ad me utique fuerat deportatus. Ideoque noveritis, quia a me non suscipitur, nisi certa de eo cognuscam indicia". Haec audiens Fredegundis regina, coniunctis prioribus regni sui, id est cum tribus episcopis et tricentis viris optimis, sacramenta dederunt, hunc ab Chilperico rege generatum fuisse; et sic suspicio ab animis regis ablata est.


Ensuite le roi vint à Paris, et commença à s'exprimer ainsi en présence de tous : Mon frère Chilpéric en mourant a laissé, m'a-t-on dit, un fils dont les gouverneurs, à la prière de leur mère , m'ont demandé de le tenir au saint baptême le jour des fêtes de la nativité du Seigneur, et ils ne sont pas venus. Ils ont désiré ensuite qu'il fût baptisé le saint jour de Pâques, et ce jour-là ils ne m'ont pas davantage apporté l'enfant. Pour la troisième fois, ils ont prié qu'il fit présenté au baptême à la fête de Saint-Jean, et l'enfant n'est pas encore venu. Ils m'ont fait quitter le lieu que j'habitais dans un temps de stérilité ; je suis venu et voilà qu'on cache cet enfant, et qu'on ne me le montre pas. D'après cela , autant que je puis croire, ce n'est pas ce qu'on m'a promis, mais à ce que je crois, le fils de quelqu'un de nos Leudes, car s'il était de notre race, on me l'aurait apporté. Vous saurez donc que je ne veux pas le recevoir, jusqu'à ce qu'on m'ait donné sur lui des renseignements certains. La reine Frédégonde, instruite de ces paroles, assembla les principaux de son royaume, savoir trois évêques et trois cents des meilleurs hommes, qui firent serment que cet enfant était né du roi Chilpéric, en sorte que les soupçons du roi furent effacés.

10. De corporibus Merovechi et Chlodovechi.

Denique cum interitum Merovechi adque Chlodovechi saepius lamentaret nesciretque, ubi eos postquam interficerant proiecissent, venit ad regem homo, qui diceret: "Si mihi contrarium in posterum non habetur, indicabo, in quo loco Chlodovechi cadaver sit positum". Iuravit rex, nihil ei molestum fieri, sed potius muneribus ampliari. Tunc ille: "Veritatem", inquid, "me loqui, o rex, ipsa ratio quae acta est conprobabit. Nam quando Chlodovechus interfectus est ac sub stillicidio oraturii cuiusdam sepultus, metuens regina, ne aliquando inventus cum honore sepeliretur, iussit eum in alveum Matronae fluminis proici. Tunc intra lapsum, quod opere meo ad capiendorum piscium necessitatem praeparaveram, repperi. Sed cum ignorarem, quisnam esset, a caesariae prolixa cognovi Chlodovechum esse, adpraehensumque in humeris ad litus detuli ibique eum cespite superposito tumulavi. Ecce, salvatis artubus, quod volueris effice!" Quod cum rex conperisset, confingens se ad venationem procedere, detectoque tumulo, repperit corpusculum integrum et inlaesum. Una tantum pars capillorum, quae subter fuerat, iam defluxerat, alia vero cum ipsis crinium flagellis intacta durabat. Cognitumque est, hunc esse, quem rex intento animo requirebat. Convocato igitur episcopo civitatis, cum clero et populo ac cereorum innumerabilium ornato ad basilicam sancti Vincenti detulit tumulandum, non minus plangens nepotes mortuos, quam cum vidit filios proprios iam sepultus. Post haec misit Pappolum Carnotenae urbis episcopum, qui Merovechi cadaver requirens, iuxta Chlodovechi tumulum sepelivit.


Ensuite, comme il avait souvent déploré la mort de Mérovée et celle de Clovis, et ne savait pas où ceux qui les avaient tués, les avaient ensuite jetés, il vint vers lui un homme qui lui dit : Si cela ne doit pas tourner à l'avenir contre moi, je t'indiquerai en quel lieu est le cadavre de Clovis. Le roi jura qu'on ne lui ferait aucun mal, mais que plutôt on le récompenserait par des présents. Alors il dit : La chose même prouvera, ô roi, la vérité de mes paroles ; car lorsque Clovis eut été tué et enterré sous l'auvent d'un aratoire, la reine, craignant que quelqu'un ne le trouvât et ne l'enterrât avec honneur, ordonna qu'il serait jeté dans la Marne. Alors je le trouvai dans des filets que j'avais préparés pour les besoins de mon métier, qui est de prendre des poissons. Ne sachant d'abord qui c'était, je reconnus Clovis à la longueur de ses cheveux, et l'ayant pris sur mes épaules, je le portai au rivage où je l'enterrai et le couvris de gazon ; voilà que j'ai sauvé son corps, fais à présent ce que tu voudras. Le roi, apprenant ce qu'avait fait cet homme, feignit d'aller à la chasse, et ayant découvert le tombeau, y trouva le corps encore sain et entier. Seulement une partie des cheveux qui se trouvaient en dessous étaient déjà tombés ; mais le reste était encore intact et conservait ses longues boucles. Le roi reconnut que c'était celui qu'il cherchait avec tant de soin ; ayant donc convoqué l'évêque de la ville, le clergé et le peuple, et fait allumer un nombre infini de cierges, il conduisit le corps, pour y être enterré, à la basilique de Saint-Vincent, ne donnant pas moins de larmes à la mort de ses neveux qu'il n'en avait répandu lorsqu'il vit ensevelir ses propres enfants. Après quoi il envoya Pappole, évêque de Chartres, demander le cadavre de Mérovée, et l'ensevelit auprès du tombeau de Clovis.

11. De ostiariis et interito Boanti.

Ostiarius vero quidam de alio ostiario dixit: "Domine rex, hic, accepto praemio, consinsit, ut tu interficiaris". Adpraehensusque ostiarius, de quo dixerat, caesus suppliciisque multis adfectus, nihil de causa, qua interrogabatur, aperuit. Loquebantur enim tunc multi hoc in insidiis et invidia factum, quod ostiarius ille, cui hoc crimen inpactum fuerat, plurimum a rege diligeretur. Ansovaldus autem, nescio qua suspicione tactus, nec vale dicens, a rege discessit. Rex vero Cavillonum regressus, iussit Boantum, qui sibi semper fuerat infidelis, gladio percuti. Qui vallatus in domo sua, ab hominibus regis peremptus interiit, resque suae fisci dicionibus subiugatae sunt.


Un des gardiens de la porte vint dire d'un de ses camarades : Seigneur roi, celui-ci a consenti à recevoir une récompense pour te tuer. Celui qu'il accusait ayant été pris, fut frappé de coups et livré à beaucoup de tourments, mais sans rien déclarer de la chose sur laquelle on l'interrogeait. Beaucoup de gens disaient que cela avait été fait par fraude et par envie, parce que le roi aimait beaucoup celui de ces gardiens de la porte auquel on avait imputé un tel crime. Ansovald, saisi de je ne sais quel soupçon, quitta le roi sans lui dire adieu. Le roi, revenu à Châlons, ordonna qu'on fit mourir par le glaive Boante qui lui avais toujours été infidèle. Sa maison fut entourée par les hommes du roi, et il périt tué par eux. Le fisc fut mis en possession de ses biens.

12. De Theudoro episcopo et plaga super Ratharium.

Denique cum rex maxima intentione Theodorum episcopum iterum persequi conaretur et Massilia iam in Childeberthi regis dominatione revocata fuisset, ad discutiendas causas Ratharius illuc quasi dux a parte regis Childeberthi diregitur. Sed postposita actione, quae ei a rege iniuncta fuerant, episcopum vallat, fideiussores requirit et ad praesentiam regis Gunthchramni direxit, ut scilicet ad synodum, quod Matiscone futurum erat, quasi ab episcopis damnandus adesset. Nec defuit ultio divina, quae servos suos ab ore canum rabidorum defensare consuevit. Nam egrediente episcopo a civitate, statim res aeclesiae direpit et alia quidem sibi vindicat, alia sub sigillorum munitione concludit. Cumque hoc fecisset, protenus famulus eius saevissimus invadit morbus exhaustusque febre peremit; filius eius ab hoc incommodo defecit, quem suburbano Massiliae ipsius cum gravi gemitu sepelivit. Fuitque talis domui eius plaga, ut, cum ab urbe illa est digressus, vix ad patriam suam regredi putaretur. Theodorus vero episcopus a Gunthchramno rege detentus est, sed nihil ei rex nocuit. Est enim vir egregiae sanctitatis et in oratione assiduus, de quo mihi Magnericus Treverensis episcopus haec retulit: Ante hos annos cum ad praesentia Childeberthi regis ita sub ardua custodia duceretur, ut, quandoque ad urbem aliquam venisset, neque episcopum neque quemquam de civibus videre permitteretur, adveniens Treverus, nuntiatum est episcopo, hunc iam in navi positum clam abduci. Surrexitque sacerdus tristis, ac velociter prosecutus, repperit eum ad litus; causatusque cum custodibus, cur tanta esset impietas, ut non liceret fratri fratrem aspicere, visoque tandem, osculatus eum, indulgens aliquid vestimenti, discessit. Veniens itaque ad basilicam sancti Maximini, prosternitur sepulchro, illud apostoli Iacobi retinens: Orate pro invicem, ut salvimini. Fusaque diu oratione cum lacrimis, ut fratre dignaretur Dominus adiuvare, egressus est foris. Et ecce! mulier, quam spiritus erroris agitabat, clamare sacerdoti coepit ac dicere: "O sceleste et inveterate dierum, qui pro inimico nostro Theodoro orationem fundis ad Dominum, ecce! nos cotidie querimus, qualiter ab his Galliis extrudatur, qui nos cotidianis incendiis conflat, et tu pro eo rogare non desinis! Satius enim tibi erat, res aeclesiae tuae diligenter inquirere, ne pauperibus aliquid deperiret, quam pro hoc tam intente deposcere" Et agebat: "Vae nobis, qui eum non possumus expugnare". Et licet daemoniis credi non debeat, tamen qualis esset sacerdus, de quo haec daemon condolens declamabat, apparuit. Sed ad coepta redeamus.


Comme ensuite le roi s'appliquait de toutes ses forces à poursuivie de nouveau l'évêque Théodore, et que Marseille était déjà rentrée sous la puissance de Childebert, le duc Rathaire fut envoyé par le roi Childebert, pour examiner en son nom cette affaire ; mais lui, négligeant les formes de procédure que lui avait prescrites le roi, fit entourer la maison de l'évêque, l'obligea de donner caution, et de se rendre en présence du roi Gontran, pour être jugé par le synode qui devait avoir lieu à Mâcon, et y être condamné par les évêques ; mais la vengeance divine, qui a continué de défendre ses serviteurs de la gueule des chiens furieux, ne s'oublia pas en ceci. L'évêque étant sorti de la cité, Rathaire s'empara des effets de l'église, prit les uns pour lui, et enferma les autres sous la garde de son sceau. Aussitôt qu'il eut agi ainsi, une cruelle maladie s'empara de ses serviteurs, qui moururent épuisés de la fièvre. Son fils périt du même mal, et il l'ensevelit avec de grands gémissements dans un des faubourgs de Marseille, et sa maison fut frappée d'une telle plaie que, sorti de la ville, à peine pensait-on qu'il fût en état de regagner son pays. L'évêque Théodore fut retenu par le roi Gontran, mais le roi ne lui fit point de mal. C'est un homme d'une éminente sainteté, assidu à l'oraison, et de qui Magneric, évêque de Trèves, m'a raconté ce qui suit : Lorsque les années précédentes on l'avait amené au roi Childebert, il était si rigoureusement gardé que, quand il arrivait à une ville quelconque, on ne lui permettait de voir ni l'évêque ni aucun des citoyens. Il vint à Trèves, et on annonça à l'évêque qu'on l'avait déjà fait entrer dans la barque qui devait l'emmener en secret. L'évêque affligé se leva, et le suivant en toute diligence, parvint à l'atteindre, tandis qu'il était encore sur le rivage. Il demanda aux gardes pourquoi ils en usaient avec cette cruauté de ne pas lui permettre de voir son frère. Cependant il le vit, l'embrassa, et après lui avoir donné quelques vêtements il le quitta. Il se rendit ensuite à la basilique de Saint-Maximin, et se prosterna devant le sépulcre, se rappelant ces paroles de l'apôtre Jacques : priez l'un pour l'autre, afin que vous soyez guéris. Après avoir longtemps offert au Seigneur sa prière et ses larmes pour qu'il daignât venir au secours de son frère, il sortit de la basilique, et voilà qu'une femme agitée et tourmentée de l'esprit d'erreur, commença à appeler l'évêque, et à lui dire : Ô scélérat, devenu plus méchant par les années qui offres à Dieu tes oraisons pour notre ennemi Théodore ! voilà que nous cherchons tous les jours comment nous pourrons le chasser de la Gaule, où chaque jour il souffle le feu contre nous ; et toi tu ne te lasses pas de prier pour lui. Il te vaudrait mieux de t'occuper diligemment des soins de ton église, pour empêcher le bien des pauvres de dépérir, que de t'appliquer de cette sorte à prier pour celui-ci. Et elle ajoutait : Malheur à nous qui ne pouvons parvenir à le chasser ! Et quoiqu'on ne doive pas croire aux paroles du démon, on vit cependant quelle était la sainteté de cet évêque, dont le démon se plaignait à grands cris. Mais revenons à ce que nous avons commencé.

13. De legationem Gunthchramni ad Childeberthum directa.

Igitur legatus ad nepotem suum Childeberthum rex diregit, qui morabatur tunc ad castrum Confluentis , qui ob hoc nomen accepit, pro eo quod Musella Rhenusque amnes pariter confluentes in eodem loco iungantur. Et quia placitum fuerat, ut Trecas Campaniae urbem de utrumque regnum coniungerent, sacerdotibusque de regno Childeberthi congruum non fuit, Felix legatus, salutatione praemissa, ostensis litteris, ait: "Patruus tuus, o rex, diligenter interrogat, quis te ab hac promissione retraxit, ut sacerdotes regni vestri ad concilium, quod simul decreveratis, venire differrent. An forsitan mali homines aliquam inter vos discordiae radicem faciunt pullulare?" Tunc ego, rege tacente, respondi: "Nimirum, si zizania seratur in populus; nam inter hos quo radicem obligit protenus non potest repperiri. Nulli enim latet, quod Childeberthus rex alium patrem nisi patruum non habet, neque ille alium filium nisi hunc habere disponit, iuxta id quod eum anno praesenti audivimus loqui. Absit ergo, ut inter eos radix discordiae germinet, cum se pariter et tuere debeant et amare". Tunc vocato secretius Felice legato, Childeberthus rex rogavit, dicens: "Depraecor dominum et patrem meum, ut Theodoro episcopo nihil iniuriae inferat; quod si fecerit, confestim inter nos scandalum germinavit, erimusque, discordia inpediente, disiuncti, qui debemus amorem tuendo esse pacifici". Acceptoque et de aliis causis responso, legatus discessit.


Le roi fit partir des envoyés pour aller trouver son neveu Childebert, qui demeurait alors au château de Conflans, ainsi nommé parce que le Rhin et la Moselle viennent se joindre en ce lieu ; et comme il avait été convenu que les évêques des deux royaumes se rassembleraient dans la ville de Troyes en Champagne, et que les évêques du royaume de Childebert ne s'y étaient pas rendus, Félix l'un des envoyés, après avoir salué le roi et lui avoir montré ses lettres, lui dit : Ton oncle, ô roi, te demande avec instance pourquoi tu as révoqué ta promesse, en sorte que les évêques de ton royaume à qui vous aviez ordonné de venir au concile, ne s'y sont pas rendus. Peut-être des hommes méchants ont-ils fait naître entre vous quelque germe de discorde. Le roi gardant le silence, je répondis : Ce n'est pas merveille qu'on sème la zizanie entre les peuples ; mais entre ces deux rois, où celui qui voudrait la répandre trouverait-il à en déposer le germe ? Personne n'ignore que le roi Childebert n'a d'autre père que son oncle, et nous n'avons pas entendu dire jusqu'à présent que celui-ci se dispose à avoir un autre fils. Que Dieu ne permette donc pas qu'aucun germe de discorde croisse entre ceux qui doivent également s'aimer et se soutenir. Le roi Childebert, ayant ensuite parlé en secret à l'envoyé Félix, le pria et lui dit : Je supplie mon seigneur et père de ne faire souffrir aucune injure à l'évêque Théodore, car s'il le faisait, il en naîtrait aussitôt du scandale entre nous, et nous serions divisés par les empêchements de la discorde, nous qui devons demeurer en paix, et nous soutenir avec affection. L'envoyé partit après avoir obtenu réponse sur ce point et sur plusieurs autres.

14. De periculo in flumine.

Nobis itaque in antedicto castro cum regem commorantibus, dum ad convivium principis usque obscura nocte reteneremur, epulo expleto, surreximus, venientesque ad fluvium, offendimus navem in litus, quae nobis fuerat praeparata. Ascendentibusque nobis, inruit turba hominum diversorum, impletaque est navis tam hominibus quam aquis. Sed virtus Domini adfuit non sine grande miraculo, ut, cum usque labium impleta fuisset, mergi non possit. Habebamus enim nobiscum beati Martini reliquias cum aliorum sanctorum, quorum virtutem nos credimus fuisse salvatos. Ad vero nave ad litus unde egressi fuimus redeunte, evacuata vel ab hominibus vel a lymphis, repulsis extraneis, sine inpedimento transivimus. In crastino autem vale regi dicentes, abscessimus.


Durant notre séjour avec le roi dans le susdit château, une fois que nous avions été retenus jusqu'à la nuit à la table du prince , le repas fini, nous nous levâmes, et nous étant rendus au bord du fleuve, nous y trouvâmes une barque qui avait été préparée pour nous. Comme nous y montions, une troupe de gens de toutes sortes vint s'y précipiter, et la barque se trouva remplie tant d'hommes que d'eau ; mais la puissance du Seigneur se montra en ceci, non sans un grand miracle ; car, bien que la barque fût remplie jusqu'au bord, elle ne put enfoncer. Nous avions avec nous les reliques du bienheureux Martin et de plusieurs autres Saints, et c'est par leurs vertus que nous croyons avoir été sauvés. La barque revint au rivage d'ou nous étions partis ; on la vida d'hommes et d'eau, on repoussa les étrangers, et nous passâmes sans obstacle. Le lendemain, nous dîmes adieu au roi, et partîmes.

15. De conversione Vulfelaici diaconi.

Profecti igitur in itenere, ad Eposium castrum accessimus, ibique a Vulfilaico diacono nancti, ad monasterium eius deducti, benignissime suscepti sumus. Est enim hoc monasterium quasi milibus octo ab antedicto castro in montis cacumine collocatum. In quo monte magnam basilicam aedificavit, quam beati Martini vel reliquorum sanctorum reliquiis inlustravit. Commorantes autem ibi, petere ab eo coepimus, ut nobis aliqua de conversionis suae bono narraret, vel qualiter ad clericatus officium advenissit, quia erat genere Langobardus. Sed nequibat exponere, vanam tota intentione cupiens gloriam evitare. Quem ego terribilibus sacramentis coniurans, pollicitus primo, ut nulli quae referebat expanderem, rogare coepi, ut nihil mihi de his quae interrogabam occoleret. Cumque diutissime reluctasset, victus tandem tam praecibus quam obsecrationibus meis, haec effatus est: "Dum essem", inquid, "puer parvolus, audito beati Martini nomine, nesciens adhuc, utrum martyr an confessor esset, vel quid boni in mundo gessisset, vel quae regio beatus artus tumulo meruisset accipere, iam in eius honore vigilias celebrabam ac, si aliquid inter manus numismatis advenisset, aelimosinas faciebam. Iamque in maiore aetate proficiens, litteras discere studui; ex quibus prius scribere potui, quam ordinem scriptarum litterarum scirem. Deinde Aridio abbati coniunctus ab eoque edoctus, beati Martini basilicam adii. Revertensque cum eo, ille parumper pulveris beati sepulchri pro benedictione sustulit, quod in capsulam positum ad collum meum dependit. Devectique ad monasterium eius Limovicino in termino, accepta capsula, ut eam in oraturio suo locaret, in tantum pulvis adcrevit, ut non solum totam capsam repleret, verum etiam foris inter iuncturas, ubi aditum repperire potuit, scatiret. Ex hoc mihi miraculi lumine animus magis accendit totam spem meam in eius virtute defigere. Deinde territurium Trevericae urbis expetii, et in quo nunc estis monte habitaculum quod cernitis proprio labore construxi. Repperi tamen hic Dianae simulacrum, quod populus hic incredulus quasi deum adorabat. Colomnam etiam statui, in qua cum grandi cruciatu sine ullo pedum perstabam tegmine. Itaque cum hiemis tempus solite advenisset, ita rigore glaciali urebar, ut ungues pedum meorum saepius vis rigoris excuteret et in barbis meis aqua gelu conexa candelarum more dependeret. Magnam enim hiemem regio illa persaepe dicitur sustenere". Sed cum nos sollicite interrogaremus, qui ei cybus aut potus esset, vel qualiter simulacra montis illius subvertisset, ait: "Potus cybusque meus erat parumper panis et oleris ac modicum aquae. Verum ubi ad me multitudo vicinarum villarum confluere coepit, praedicabam iugiter, nihil esse Dianam, nihil simulacra nihilque quae eis videbatur exercere cultura; indigna etiam esse ipsa, quae inter pocula luxuriasque profluas cantica proferebant; sed potius Deo omnipotenti, qui caelum fecit ac terram, dignum sit sacrificium laudis inpendere. Orabam etiam saepius, ut simulacrum Dominus dirutum dignaretur populum illum ab hoc errore discutere. Flexit Domini misericordia mentem rusticam, ut inclinaret aurem suam in verba oris mei, ut scilicet, relictis idolis, Dominum sequeretur. Tunc convocatis quibusdam ex eis, simulacrum hoc inmensum, quod elidere propria virtute non poteram, cum eorum adiutorio possim eruere; iam enim reliqua sigillorum, quae faciliora fuerant, ipse confringeram. Convenientibus autem multis ad hanc Dianae statuam, missis funibus, trahere coeperunt; sed nihil labor eorum proficere poterat. Tunc ego ad basilicam propero, prostratusque solo, divinam misericordiam cum lacrimis flagitabam, ut, quia id humana industria evertere non valebat, virtus illud divina destrueret. Egressusque post orationem, ad operarius veni, adprehensumque funem, ut primo ictu trahere coepimus, protenus simulacrum ruit in terra, confractumque cum malleis ferreis in pulverem redegi. Ipsa quoque hora, cum ad cibum capiendum venissem, ita omne corpus meum a vertice usque ad plantam pusulis malis repletum est, ut locus, quem unus digitus tegerit, vacuus invenire non possit. Ingressusque basilicam solus, denudavi me coram sancto altario. Habebam enim ibi ampullam cum oleo plenam, quam de sancti Martini basilicam detuleram; ex qua propriis manibus omnes artus perunxi, moxque sopori locatus sum. Expergefactus vero circa medium noctis, cum ad cursum reddendum surgerem, ita corpus totum incolomem repperi, acsi nullum super me ulcus apparuisset. Quae vulnera non aliter nisi per invidiam inimici emissa cognovi. Et quia semper ipse invidus Deum quaerentibus nocere conatur, advenientibus episcopis, qui me magis ad hoc cohortare debuerant, ut coeptum opus sagaciter explicare deberem, dixerunt mihi: "Non est aequa haec via, quam sequeris, nec tu ignobilis Symeoni Anthiochino, qui colomnae insedit, poteris conparare. Sed nec cruciatum hoc te sustenere patitur loci positio. Discende potius et cum fratribus, quos adgregasti tecum, inhabita". Ad quorum verba, quia sacerdotes non obaudire adscribitur crimini, discendebam, fateor, et ambulabam cum eisdem ac cybum pariter capiebam. Quadam vero die, provocans me episcopus longius ad villam, emisit operarius cum scutis et malleis ac securibus, et eliserunt colomnam, in qua stare solitus eram. In crastinum autem veniens, inveni omnia dissipata. Flevi vehementer, sed erigere nequivi quae distruxerant, ne dicerer contrarius iussionibus sacerdotum; et ex hoc, sicut nunc habito, cum fratribus habitare contentus sum".


Dans notre route, nous arrivâmes au château d'Ivois. Là, nous trouvâmes le diacre Vulfilaïc qui nous conduisit à son monastère, où nous fûmes reçus avec beaucoup de bienveillance. Ce monastère est à environ huit railles du château de Conflans, et situé sur la cime d'un mont. Vulfilaïc y a bâti une grande basilique qu'il a illustrée par les reliques de saint Martin et de plusieurs autres Saints. Pendant notre séjour dans ce lieu, nous commençâmes à le prier d'avoir la bonté de nous raconter quelque chose de son entrée en religion, et comment il était arrivé aux fonctions ecclésiastiques, car il était Lombard de naissance ; mais il ne se souciait pas de nous faire connaître ce que nous lui demandions, voulant de tout son 'coeur éviter la vaine gloire. Mais moi, l'en conjurant au nom des choses les plus redoutables, et lui promettant de ne rien divulguer de ce qu'il nous raconterait, je le priai de ne me rien cacher des choses sur lesquelles je l'interrogeais. Après s'y être refusé longtemps, vaincu tant par mes prières que par mes adjurations, il me dit : J'étais encore un tout petit enfant, qu'ayant entendu prononcer le nom du bienheureux Martin, sans savoir si c'était un martyr ou un confesseur, ni ce qu'il avait fait de bien dans ce monde, ni quelle contrée avait mérité de posséder le tombeau qui renfermait ses membres bienheureux, je célébrais déjà des veilles en son honneur, et s'il m'arrivait quelque argent, je faisais l'aumône. En avançant en âge, je m'appliquai à apprendre mes lettres, et je sus les écrire avant de pouvoir reconnaître ce qui était écrit. M'étant associé à l'abbé Arédius, et instruit par lui, j'allai dans la basilique du bienheureux Martin. Comme nous revenions ensemble, il avait dérobé un peu de la poussière bénite de ce bienheureux sépulcre ; il la mit dans une petite boîte, et la suspendit à mon cou. Lorsque nous fûmes arrivés à son monastère situé sur le territoire de Limoges, il prit la boîte pour la placer dans son oratoire. La poussière s'était tellement augmentée, que non seulement elle remplissait toute la boite, mais s'échappait par les bords et par toutes les issues. Ce miracle enflamma mon âme d'une plus vive lumière, et me décida à placer toutes les espérances de ma vie dans les mérites de ce Saint. De là je me rendis dans le territoire de Trèves, et j'y construisis de mes propres mains, sur cette montagne, la petite demeure que vous voyer. J'y trouvai un simulacre de Diane que les gens du lieu, encore infidèles, adoraient comme une divinité. J'y élevai une colonne, sur laquelle je me tenais avec de grandes souffrances, sans aucune espèce de chaussure ; et lorsque arrivait le temps de l'hiver, j'étais tellement brûlé des rigueurs de la gelée que très souvent elles ont fait tomber les ongles de mes pieds, et l'eau glacée pendait à ma barbe en forme de chandelles ; car cette contrée passe pour avoir souvent des hivers très froids. Nous lui demandâmes ensuite avec instance de nous dire quelles étaient sa nourriture et sa boisson, et comment il avait renversé le simulacre de la montagne, il nous dit : Ma nourriture était un peu de pain et d'herbe et une petite quantité d'eau. Mais il commença à accourir vers moi une grande quantité de gens des villages voisins. Je leur prêchais continuellement que Diane n'existait pas, que le simulacre et les autres objets auxquels ils pensaient devoir adresser un culte, n'étaient absolument rien. Je leur répétais aussi que ces cantiques qu'ils avaient coutume de chanter en buvant, et au milieu de leurs débauches, étaient indignes de la divinité, et qu'il valait bien mieux offrir le sacrifice de leurs louanges au Dieu tout-puissant qui a fait le ciel et la terre. Je priais aussi bien souvent le Seigneur qu'il daignât renverser le simulacre, et arracher ces peuples à leurs erreurs. La miséricorde du Seigneur fléchit ces esprits grossiers, et les disposa, prêtant l'oreille à mes paroles, à quitter leurs idoles, et à suivre le Seigneur. J'assemblai quelques-uns d'entre eux, afin de pouvoir, avec leur secours, renverser ce simulacre immense que je ne pouvais détruire par ma seule force. J'avais déjà brisé les autres idoles, ce qui était plus facile. Beaucoup se rassemblèrent autour de la statue de Diane ; ils y jetèrent des cordes, et commencèrent à la tirer ; mais tous leurs efforts ne pouvaient parvenir à l'ébranler. Alors je me rendis à la basilique, me prosternai à terre, et je suppliai avec larmes la miséricorde divine de détruire, par la Puissance du ciel, ce que l'effort terrestre ne pouvait suffire à renverser. Après mon oraison, je sortis de la basilique, et vins retrouver les ouvriers ; je pris la corde, et aussitôt que nous recommençâmes à tirer, dès le premier coup, l'idole tomba à terre ; on la brisa ensuite, et avec des maillets de fer, on la réduisit en poudre. A cette heure même, comme j'allais prendre mon repas, tout mon corps, depuis le sommet de la tête jusqu'à la plante des pieds, fût couvert de pustules malignes, en telle sorte que je n'y pouvais trouver un espace vide de la largeur de mon doigt. Alors j'entrai seul dans la basilique, et me dépouillai devant le saint autel. J'avais une bouteille pleine d'huile que j'avais apportée de la basilique Saint-Martin ; j'en oignis moi-même tous mes membres, puis je me livrai incontinent au sommeil. En me réveillant vers le milieu de la nuit, comme je me levais pour réciter les offices ordinaires, je trouvai tout mon corps parfaitement sain, et comme si je n'avais jamais eu sur moi le moindre ulcère, et je reconnus que cette plaie n'avait pu m'être envoyée que par la haine de l'ennemi des hommes ; et, comme rempli d'envie, il s'efforce toujours de nuire à ceux qui cherchent Dieu, les évêques qui auraient dû me fortifier, afin que je pusse continuer plus parfaitement l'ouvrage que j'avais commencé, survinrent, et me dirent : La voie que tu as choisie n'est pas la voie droite, et toi, indigne, tu ne saurais t'égaler à Siméon d'Antioche, qui vécut sur sa colonne. La situation du lieu ne permet pas d'ailleurs de supporter une pareille souffrance ; descends plutôt, et habite avec les frères que tu as rassemblés. - A ces paroles, pour n'être pas accusé du crime de désobéissance envers les évêques, je descendis, et j'allai avec eus, et pris aussi avec eux le repas. Un jour l'évêque, m'ayant fait venir loin du village, y envoya des ouvriers avec des haches, des ciseaux et des marteaux, et fit renverser la colonne sur laquelle j'avais coutume de me tenir. Quand je revins le lendemain, je trouvai tout détruit ; je pleurai amèrement ; mais je ne voulus pas rétablir ce qu'on avait détruit, de peur qu'on ne m'accusât d'aller contre les ordres des évêques ; et, depuis ce temps, je demeure ici, et me contente d'habiter avec mes frères.

16. Et quae de virtutibus sancti Martini retulit.

Cui cum de virtutibus beati Martini, quas in eo loco operatus est, aliquam ut declararet exposcirem, haec retulit: "Franci cuiusdam et nobilissimi in gente sua viri filius mutus surdusque erat; adductusque a parentibus ad hanc basilicam, iussi eum cum diacono meo et alio ministro in ipsum templum sanctum in lectulo requiescere. Et per diem quidem orationi vacabat, nocte autem in ipsa, ut diximus, aede dormiebat. Quandoque misertus Deus, apparuit mihi in visione beatus Martinus, dicens: "Eiece agnum de basilica, quia iam sanus factus est". Mane autem facto, cogitanti mihi, quod esset hoc somnium, venit ad me puer, et emittens vocem, gratias agere Deo coepit, conversusque ad me, ait: "Gratias ago Deo omnipotenti, qui mihi et eloquium reddedit et auditum". Ex hoc sanus redditus, ad domum rediit. Alius vero, qui plerumque in furtis diversisque sceleribus conmixtus, periurare consueverat, cum aliquando a quibusdam pro furtu argueritur, ait: "Ibo ad basilicam beati Martini, et sacramentis me exuens, innocens reddar". Quo ingrediente, elapsa secure de manu eius, ad usteum ruit, gravi cordis dolore perculsus. Confessusque est miser verbis propriis quae venerat excusare periuriis. Alius simili modo cum de incendiis domus vicini sui argueritur, ait: "Vadam ad templum sancti Martini et, fide data, insons redditurus ero ab hoc crimine". Manifestum erat enim, hunc domum illam incendio concremasse. Abiens autem ad sacramenta danda, conversus ad eum, dixi ei: "Quantum vicinorum tuorum dictat assertio, non eris innocens ab hoc scelere; sed tamen Deus ubique est, et virtus eius ipsa est forinsecus, quae habetur intrinsecus. Tamen si ita te vana fiducia coepit, quod Deus vel sancti eius in periuribus non ulciscantur, ecce! templum sanctum e contra, iura, ut libet. Nam calcare limen sacrum non permitteris". Ad ille, elevatis manibus, ait: "Per omnipotentem Deum et virtutem beati Martini antestitis eius, quia hoc incendium non admisi". Data itaque sacramenta, dum recederet, visum est ei quasi ab igne circumdare. Et statim ruens in terra, clamare coepit, se a beato antestite vehementer exuri. Aiebat enim miser: "Testor Deum, quia ego vidi ignem de caelo cadere, qui me circumdans validis vaporibus conflat". Et dum haec diceret, spiritum exalavit. Multis haec causa documentum fuit, ne in hoc loco auderent ulterius periurare". Plurima quidem de his virtutibus hic diaconus retulit, quae sequi longum potavi.


Comme nous lui demandions de nous raconter ce qui s'était opéré en ces lieux par les mérites du bienheureux Martin, il nous rapporta ceci : Le fils d'un Franc, homme très noble parmi les siens, était sourd et muet. Les parents de l'enfant l'ayant amené à cette basilique, j'ordonnai qu'on lui mît un lit dans ce temple saint pour le coucher avec mon diacre et un autre des ministres de l'église. Le jour il vaquait à l'oraison, et la nuit, comme je l'ai dit, il dormait dans la basilique. Dieu eut pitié de lui, et le bienheureux Martin m'apparut dans une vision et il me dit : Fais sortir l'agneau de la basilique, car il est guéri. Le matin arrivé, comme je croyais que c'était un songe, l'enfant vint vers moi, se mit à parler, et commença à rendre grâces à Dieu ; puis, se tournant vers moi, il me dit : J'offre mes actions de grâces au Dieu tout-puissant qui m'a rendu la parole et l'ouïe. Dès ce moment il recouvra la parole et retourna dans sa maison. Un autre qui, mêlé dans plusieurs vols et diverses sortes de crimes, avait coutume de se parjurer toutes les fois qu'il était accusé de quelques-uns de ses vols, dit : J'irai à la basilique du bienheureux Martin, et, prêtant serment, je serai absous. Au moment où il entrait, sa hache échappa de sa main ; il courut à la porte saisi d'une violente douleur au 'coeur, et le malheureux confessa de sa bouche le crime dont il venait se laver par un parjure. Un autre, accusé d'avoir mis le feu à la maison de son voisin, dit également : J'irai au temple de saint Martin, j'y jurerai ma foi, et serai déchargé de cette accusation. Il était évident qu'il avait mis le feu à cette maison. Lors donc qu'il vint pour prêter serment, je me tournai vers lui, et lui dis : D'après l'assertion de tes voisins, tu ne peux être innocent de ce crime, mais Dieu est partout et sa puissance habite au dehors comme au dedans ; ainsi donc, si tu es pris de cette vaine confiance que Dieu ou ses saints ne se vengent pas du parjure, voilà devant toi le temple saint, jure, si tu veux ; car il ne te sera pas permis de passer le seuil sacré. Il leva les mains et dit : Par le Dieu tout-puissant et par les mérites du bienheureux Martin son évêque, je ne suis pas l'auteur de cet incendie. Lorsqu'il s'en allait après avoir ainsi prêté serment, on le vit comme entouré de feu, et aussitôt se précipitant par terre, il commença à crier que le bienheureux évêque le brûlait avec violence. Ce malheureux disait : J'atteste Dieu que j'ai vu le feu descendre du ciel, et que d'épaisses vapeurs m'environnent et m'embrasent. En disant ces paroles il rendit l'esprit. Cela fut un avertissement à beaucoup d'autres de n'avoir plus la hardiesse de se parjurer désormais en ce lieu. Le diacre me raconta encore plusieurs autres miracles qu'il serait trop long de rapporter ici.

17. De signis quae apparuerunt.

Dum autem in loco illo commoraremur, vidimus per duas noctes signa in caelo, id est radius a parte aquilonis tam dare splendidus, ut prius sic apparuisse non fuerent visi; et ab utraque quidem parte, id est ab euro et zephero, nubes sanguineae. Tertia vero nocte quasi hora secunda apparuerunt hii radii. Et ecce! dum eos miraremur attoniti, surrexerunt a quatuor plagis mundi alii horum similes; vidimusque totum caelum ab his operire. Et erat nubes in medio caeli splendida, ad quam se hi radii collegebant in modum tenturii, quod ab imo ex amplioribus incoeptum fasceis, angustatis in altum, in uno cuculli capite saepe collegitur. Erantque in medio radiorum et aliae nubes, ceu coruscum valide fulgorantes. Quod signum magnum nobis ingessit metum. Operiebamur enim, super nos aliquam plagam de caelo transmitti.


Pendant mon séjour dans ce lieu nous vîmes, durant deux nuits, des signes dans le ciel. Il parut du côté du nord des rayons d'une si brillante clarté qu'on n'en avait pas encore vu de pareils, et des deux côtés, à l'orient et à l'occident, étaient des nuages de couleur de sang ; la troisième nuit ces rayons apparurent vers la seconde heure, et voilà, pendant que nous les regardions avec étonnement, que des quatre points du monde s'en élevèrent de semblables ; nous en vîmes tout le ciel couvert. Il y avait au milieu du ciel une nuée brillante où les rayons allaient se réunir à la manière d'une tente dont les plis, beaucoup plus larges par en bas, se réunissent par le haut en guise de faisceau et forment comme une sorte de capuchon ; au milieu de ces rayons on voyait d'autres nuages ou des clartés flamboyantes. Ce signe nous pénétra d'une grande crainte, et nous nous attendîmes à voir le ciel nous envoyer quelque plaie.

18. Quod Childeberthus in Italiam direxit exercitum, et qui duces vel comites aut institute sunt aut remote.

Childebertus vero rex, inpellentibus missis imperialibus, qui aurum, quod anno superiore datum fuerat, requirebat, exercitum in Italia diregit. Sonus enim erat, sororem suam Ingundem iam Constantinopoli fuisset translata. Sed cum duces inter se altercarentur, regressi sunt sine ullius lucri conquisitione. Nam Wintrio dux, a paginsibus suis depulsus, ducatum caruit; finissitque vitam, nisi fuga auxilium praebuisset. Sed postea, pacatum populum, ducatum recepit. Itaque Nicetius per emissionem Eulalii a comitatu Arverno submotus, ducatum a rege expetiit, datis pro eo inmensis muneribus. Et sic in urbe Arverna, Rutena atque Ucetica dux ordinatus est, vir valde aetate iuvenis, sed acutus in sensu, fecitque pacem in regionem Arverna vel in reliqua ordinationis suae loca. Chuldericus vero Saxo in offensam regis Guntchramni incedens, pro causa, qua superius diximus alius confugisse, beati Martini basilicam expetiit, uxorem in regno regis antedicti relinquens. Cui obtestaverat rex, ne virum videre praesumeret, nisi prius ille regali gratiae reconciliaretur; ad quem cum pro eo saepius legationem misissimus, tandem obtenuemus, ut uxorem reciperet et citra Legerem fluvium commoraretur, non tamen ad regem Childeberthum transire praesumeret. Sed ille, accepta libertate recipiendae uxoris, clam ad eum transiit, adeptaque ordinatione ducatus in civitatebus ultra Garonnam, quae in potestatem supradicti regis habebantur, accessit. Guntchramnus vero rex volens regnum nepotis sui Chlotchari, fili scilicet Chilperici, regere, Theodulfum Andegavis comitem esse decrevit. Introductusque in urbe, a civibus et praesertim a Domighisilo cum humilitate repulsus est. Recurrensque ad regem, iterum praeceptum accipiens, a Sigulfo duci intromissus, comitatum urbis illius rexit. Gundovaldus autem comitatum Meldensim super Werpinum conpetiit, ingressusque urbem, causarum actionem agere coepit. Exinde dum pagum urbis in hoc officio circuiret, in quadam villa a Werpino interficitur. Cuius parentes congregati super hunc inruunt, inclusumque in pensilem domus interemunt. Sicque uterque a comitatu morte inminente discessit.


Le roi Childebert, poussé par les lettres de l'empereur qui lui redemandait l'or qu'il lui avait donné l'année précédente, envoya une armée en Italie. On disait d'ailleurs que sa' soeur Ingonde avait été transportée à Constantinople ; mais la division se mit entre ses chefs, et ils revinrent sans avoir fait aucune acquisition avantageuse. Le duc Wintrion, chassé par les gens du pays qu'il gouvernait, perdit son duché, et il aurait perdu la vie, s'il ne s'était échappé par la fuite ; mais ensuite, le peuple apaisé, il revint dans son gouvernement. Nicet, élevé après le renvoi d'Eulalius au rang de comte d'Auvergne, demanda au roi d'en être fait duc, et lui fit pour cela d'immenses présents. Il fut donc fait duc d'Auvergne, de Rouergue et d'Uzès. C'était un homme très jeune d'âge, mais d'un esprit très pénétrant. Il mit la paix dans la contrée d'Auvergne et dans les autres lieux de sa juridiction. Le Saxon Childéric étant tombé dans le déplaisir du roi Gontran pour la cause qui, comme nous l'avons dit, en avait obligé d'autres à s'enfuir, se réfugia dans la basilique de Saint-Martin, laissant sa femme dans le royaume dudit roi. Le roi avait défendu qu'elle osât revoir son mari, jusqu'à ce qu'il fût rentré dans ses bonnes grâces. Nous envoyâmes souvent vers lui pour cet objet, et enfin obtînmes que Childéric reprendrait sa femme et demeurerait de l'autre côté de la Loire, sans se permettre cependant d'aller trouver le roi Childebert ; mais lorsqu'on lui eut donné la liberté de reprendre sa femme, il passa à lui en secret. Ayant reçu le gouvernement d'une cité au-delà de la Garonne qui était sous la domination de ce roi, il s'y rendit. Le roi Gontran voulant gouverner le royaume de son neveu Clotaire, fils de Chilpéric, nomma Théodulf comte d'Angers. Introduit dans la ville, il en fut repoussé avec honte par les citoyens et par Domégésile ; il retourna vers le roi qui lui donna de nouveaux ordres. Il fut établi par le duc Sigulf, et il gouverna la ville en qualité de comte. Gondovald ayant été fait comte de Melun à la place de Guerpin, entra dans la ville, et commença à y exercer son pouvoir. Mais comme dans le cours de ses fonctions il parcourait les environs de la ville, il fut tué dans un village par Guerpin. Les parents de Gondovald tombèrent sur Guerpin, et l'ayant enfermé dans une maison située sur un pont, ils le tuèrent. Ainsi la mort les dépouilla l'un et l'autre de leur comté.

19. De interitu Daulfi abbatis.

Cum autem saepius Dagulfus abba pro sceleribus suis argueritur, quia furta et homicidia plerumque faciebat, sed et in adulteriis nimium dissolutus erat, quodam tempore uxorem vicini sui concupiscens, miscebatur cum ea. Requirens occasiones diversas, qualiter virum adulterae, qui in terra huius monasterii conmanebat, deberet oppremere, ad extremum contestatus est ei, dicens, quod, si ad uxorem suam accederet, puniretur. Illo quoque discedente ab hospitiolo suo, hic nocte cum uno clerico veniens, domum meretricis ingreditur. Postquam autem diutissime bibentes inebriati sunt, in uno strato locantur. Quibus dormientibus, adveniens vir ille accenso stramine, elevata bipenne utrumque peremit. Ideoque documentum sit haec causa clericis, ne contra canonum statuta extranearum mulierum consortium potiantur, cum haec et ipsa lex canonica et omnes scripturae sanctae prohibeant, praeter his feminis, de quibus crimen non potest aestimari.


L'abbé Dagulf était souvent accusé de crimes ; il avait commis plusieurs vols et homicides, et se livrait à l'adultère avec une grande dissolution. En ce temps il s'était épris de concupiscence pour la femme de son voisin, et s'approchait d'elle, cherchant toutes les occasions de pouvoir faire mourir le mari de cette adultère dans l'enceinte de son couvent. Enfin il le menaça en disant que s'il venait trouver sa femme, il le punirait. Cet homme quitta donc sa pauvre demeure ; et Dagulf venant la nuit avec un de ses clercs, entra dans la maison de la prostituée ; et après s'être longuement enivré à force de boire , ils se couchèrent dans un même lit. Tandis qu'ils dormaient le mari vint, alluma de la paille, et ayant levé sa hache les tua tous deux. Ceci doit être un avertissement aux ecclésiastiques de ne pas jouir, contre la défense des canons, de la compagnie de femmes étrangères, ce que leur interdisent et les lois canoniques, et toutes les saintes Écritures, et de se contenter de celle des femmes qu'on ne peut leur imputer à crime.

20. Quae in sinodo Matescense acta sunt.

Interim dies placiti advenit, et episcopi ex iusso regis Guntchramni apud Matiscensim urbem collecti sunt. Faustianus autem, qui ex iusso Gundovaldi Aquinsi urbi episcopus ordinatus fuerat, ea condicione removitur, ut eum Bertchramnus Orestesque sive Palladius, qui eum benedixerant, vicibus pascerent centinusque ei aureus annis singulis ministrarent. Nicetius tamen ex laico, qui prius ab Chilperico regi praeceptum elicuerat, in ipsa urbe episcopatum adeptus est. Ursicinus Cadurcinsis episcopus excommunicatur, pro eo quod Gundovaldum excipisse publice est confessus, accepto huiusmodi placito, ut, paenitentiam tribus annis agens, neque capillum neque barbam tonderit, vino et carnibus absteniret, missas celebrare, clericus ordinare aeclesiasque et crisma benedicere, eulogias dare paenitus non auderet, utilitas tamen aeclesiae per eius ordinationem, sicut solita erat, omnino exerceretur. Extetit enim in hac synodo quidam ex episcopis, qui dicebat, mulierem hominem non posse vocitare. Sed tamen ab episcopis ratione accepta quievit, eo quod sacer Veteris Testamenti liber edoceat, quod in principio, Deo hominem creante, ait: Masculum et feminam creavit eos, vocavitque nomen eorum Adam, quod est homo terrenus, sic utique vocans mulierem ceu virum; utrumque enim hominem dixit. Sed et dominus Iesus Christus ob hoc vocitatur filius hominis, quod sit filius virginis, id est mulieris. Ad quam, cum aquas in vina transferre pararet, ait: Quid mihi et tibi est, mulier? et reliqua. Multisque et aliis testimoniis haec causa convicta quievit. Praetextatus vero Rotomagensis episcopus orationis, quas in exsilio positus scalpsit, coram episcopis recitavit. Quae quibusdam quidem placuerunt, a quibusdam vero, quia artem secutus minime fuerat, repraehendebantur. Stilus tamen per loca aeclesiasticus et rationabilis erat. Caedis enim magna tunc inter famulus Prisci episcopi et Leudeghisili ducis fuit. Priscus tamen episcopus ad coemendam pacem multum paecuniae obtulit. His etenim diebus Guntchramnus rex graviter aegrotavit, ita ut potaretur a quibusdam non posse prorsus evadere. Quod, credo, providentia Dei fecisset. Cogitabat enim multus episcoporum exsilio detrudere. Theodorus itaque episcopus ad urbem suam regressus, favente omni populo, cum laude susceptus est.


Cependant le jour de l'assemblée arriva , et les évêques, par l'ordre du roi Gontran, se réunirent dans la ville de Mâcon. Faustien qui, par l'ordre de Gondovald, avait été sacré évêque de Dax, fut renvoyé de ce siège, et il fit ordonné que Bertrand, Oreste et Pallade qui l'avaient sacré, le nourriraient tour à tour, et lui donneraient chaque année cent pièces d'or. Nicot, un laïque , nommé antérieurement par les ordres du roi Chilpéric, fut promu à l'évêché de cette ville. Ursicin, évêque de Cahors, fut excommunié parce qu'il avoua publiquement avoir reçu Gondovald. Il se soumit à faire pénitence pendant trois ans, et durant ce temps à ne couper ni sa barbe ni ses cheveux, à s'abstenir de vin et de viande, sans qu'il lui fut permis non plus de célébrer la messe, d'ordonner des clercs, de bénir ni églises ni saintes huiles, ni de donner des eulogies. Cependant on lui permit d'administrer comme à l'ordinaire les affaires de l'église soumise à sa juridiction. Il y eut dans ce synode un des évêques qui disait qu'on ne devait pas comprendre les femmes sous le nom d'hommes. Cependant les arguments des évêques le firent revenir, parce qu'on lui fit voir que les livres sacrés de l'ancien Testament nous enseignent qu'au jour que Dieu créa l'homme, il les créa mâle et femelle, et leur donna le nom d'Adam ; ce qui signifie homme de terre, appelant la femme et l'homme d'un même nom, et les appelant tous les deux homme. Jésus-Christ est nommé le fils de l'homme, parce qu'il est né d'une vierge, c'est-à-dire d'une femme à laquelle il dit, lorsqu'il a métamorphosé l'eau en vin : Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi ? et d'autres paroles. Ces témoignages et plusieurs autres le convainquirent et firent cesser la discussion. Prétextat, évêque de Rouen, récita, devant les évêques, des oraisons qu'il avait composées dans son église. Elles plurent à quelques-uns ; quelques autres les critiquèrent, parce qu'il n'y avait pas observé les règles de l'art. Cependant le style en était en plusieurs endroits ecclésiastique et convenable. Il y eut une grande rixe entre les serviteurs de l'évêque Priscus et du duc Leudégésile. L'évêque Priscus donna beaucoup d'argent pour acheter la paix. Dans ces jours-là, le roi Gontran tomba si grièvement malade que quelques-uns pensèrent qu'il n'en pourrait pas réchapper. Je crois que ce fut un effet de la Providence de Dieu, car il avait le projet d'envoyer beaucoup d'évêques en exil. L'évêque Théodore, revenu dans sa ville, y fut reçu avec beaucoup d'acclamations par le peuple qui le favorisait.

21. De placito Belsonanco et de sepulchro violato.

Itaque cum hoc synodum ageretur, Childeberthus rex aput Belsonancum villa , quae in medio Ardoennensis silvae sita est, cum suis coniungitur. Ibique Brunichildis regina pro Ingunde filia, quae adhuc in Africa tenebatur, omnibus prioribus questa est, sed parum consolationis emeruit. Tunc contra Bosonem Guntchramnum causa exoritur. Ante paucus autem dies mortua propinqua uxoris eius sine filiis, in basilicam urbis Metinsis sepulta est cum grandibus ornamentis et multo auro. Factum est autem, ut post dies paucus adesset festivitas beati Remedii, quae in initio mensis octavi caelebratur. Discedentibus autem multis e civitate cum episcopo et praesertim senioris urbis cum duci, venerunt pueri Bosonis Guntchramni ad basilica, in qua mulier erat sepulta. Et ingressi, conclusis super se osteis, detexerunt sepulchrum, tollentes omnia ornamenta corporis defuncti, quae reperire potuerant. Sentientes autem haec monachi basilicae illius, venerunt ad ostium; sed ingredi non sunt permissi. Quod videntes, nuntiaverunt haec episcopo suo ac duci. Interea pueri, acceptis rebus ascensisque equitibus, fugire coeperunt. Sed timentes, ne, adprehensi in via, diversis subegerentur poenis, regressi sunt ad basilicam. Posueruntque quidem res super altarium, sed foris egredi non sunt ausi, clamantes atque dicentes, quia: "A Gunthchramno Bosone transmissi sumus". Sed cum ad placitum in villam quam diximus Childeberthus cum proceribus suis convenisset et Gunthchramnus de his interpellatus nullum responsum dedisset, clam aufugit. Ablataeque sunt ei deinceps omnes res, quae in Arverno de fisci munere promeruerat. Sed et diversorum res, quas male pervaserat, cum confusionem reliquid.


Pendant ce synode, Childebert réunit les siens à sa maison de Bastoigne, située au milieu des Ardennes. Là, la reine Brunehault implora tous les grands pour sa fille Ingonde, encore retenue en Afrique ; mais elle en obtint peu de consolations. Alors on éleva une accusation contre Gontran-Boson. Peu de jours auparavant, une parente de sa femme, morte sans enfants, avait été enterrée dans une basilique de la ville de Metz avec un grand nombre de joyaux et beaucoup d'or. Il arriva que peu de jours après c'était la fête de saint Remi, qui se célèbre au mois d'octobre. Beaucoup de citoyens, et en particulier les principaux de la ville et le duc, en étaient sortis avec l'évêque. Alors les serviteurs de Gontran-Boson vinrent à la basilique où était ensevelie cette femme : ils y entrèrent, et avant fermé les portes sur eux, ouvrirent le sépulcre, et enlevèrent du corps de la défunte tous les joyaux qu'ils purent trouver. Les moines de la basilique les ayant entendus, vinrent à la porte, mais on ne les laissa pas entrer. Alors ils allèrent avertir l'évêque et le duc. Les serviteurs, après avoir pris toutes ces choses, montèrent à cheval et prirent la fuite. Mais, craignant d'être saisis en route et qu'on ne leur fit souffrir diverses peines, ils retournèrent à la basilique, remirent ce qu'ils avaient pris sur l'autel, et n'osèrent plus ressortir. Ils s'écriaient et disaient : C'est Gontran-Boson qui nous a envoyés. Lorsque Childebert eut assemblé les siens en cour de justice, dans le lieu dont nous avons parlé, Gontran-Boson, interpellé sur cette affaire, ne répondit rien, mais s'enfuit secrètement. On lui enleva tout ce qu'il tenait en Auvergne de la munificence du fisc, et il fut obligé d'abandonner avec honte plusieurs choses dont il s'était emparé injustement.

22. De obito episcoporum et Wandalini.

Laban Helosinsis episcopus hoc anno obiit; cui Desiderius ex laico successit. Cum iusiurando enim rex pollicitus fuerat, se numquam ex laicis episcopum ordinaturum. Sed quid pectora humana non cogat auri sacra famis? Berthchramnus vero regressus ex synodo, a febre corripitur; arcessitumque Waldonem diaconem, qui et ipse in baptismo Berthchramnus vocitatus est, summam ei sacerdotii depotat omnesque condicionis tam testamenti quam benemeritorum suorum ipsi committit. Quo discedente, hic spiritum exalavit. Regressus diaconus, cum muneribus et consensu civium ad regem properat, set nihil obtenuit. Tunc rex, data praeceptione, iussit Gundegisilum Sanctonicum comitem cognomento Dodonem episcopum ordinare, gestumque est ita. E quia multi clericorum Sanctonicorum ante synodum, consentientes Berthchramno episcopo, in Palladium sacerdotem suum aliqua adversa conscripserant, quae ei humilitatem ingererent, post eius obitum adprehensi a sacerdote, graviter caesi adque expoliati sunt. Hoc tempore et Wandelenus, nutritor Childeberti regis, obiit, sed in loco eius nullus est subrogatus, eo quod regina mater curam vellit propriam habere de filio. Quaecumque de fisco meruit, fisci iuribus sunt relata. Obiit his diebus Bodygisilus dux plenus dierum, sed nihil de facultate eius filiis minuatum est. In loco Fausti Auscensis episcopi Saius presbiter subrogatur. Post obitum sancti Salvii hoc anno Desideratus Albiginsibus episcopus datus est.


Laban, évêque d'Eause, mourut cette année, et eut pour successeur Didier, laïque. Le roi avait cependant promis avec serment qu'il ne choisirait jamais d'évêque parmi les laïques. Mais que ne peut, sur le 'coeur des mortels, la détestable soif de l'or ! Bertrand, revenant du synode, fut saisi de la fièvre. Il manda le diacre Waldon, qui avait aussi reçu au baptême le nom de Bertrand, lui remit tout le pouvoir du sacerdoce et le soin de tous ses biens, tant de ses propriétés héréditaires que des bénéfices qu'il avait reçus. Lorsque Waldon fut parti, Bertrand rendit l'esprit. Le diacre se rendit près du roi avec des présents et l'acte de sa nomination par les citoyens ; mais il ne put rien obtenir. Le roi donna ordre qu'on sacrât évêque Gondégésile, comte de Saintes, autrement nommé Dodon, et cela se fit ainsi. Et connue, avant le synode, plusieurs des clercs de Saintes, d'accord avec l'évêque Bertrand, avaient écrit contre leur évêque Pallade des choses qui lui avaient apporté de la confusion, après la mort de Bertrand, l'évêque les prit, les fit battre cruellement, et les dépouilla. En ce temps mourut Wandelin, gouverneur du roi Childebert. On ne mit personne en sa place, parce que la reine voulut elle-même prendre soin de son fils. Tout ce qu'il avait obtenu du fisc rentra dans les droits du fisc. En ce temps-là le duc Bodégésile mourut plein de jours. On n'ôta rien à son fils des propriétés qu'il laissait. Fabius fut nommé évêque d'Auch à la place de Fauste, et, après la mort de saint Sauve, Désiré fut, cette année, nommé à sa place évêque d'Albi.

23. De diluviis.

Magnae hoc anno pluviae fuerunt, amnesque in tantum convaluerunt, ut plerumque naufragia evenirent. Ipsique litora excedentes, propinquas segetis ac prata operientes graviter eliserunt, fueruntque vernalis aestivique mensis tam inrigui, ut hiems magis potaretur esse quam aestas.


Il y eut cette année de grandes pluies, et les rivières grossirent tellement qu'il arriva plusieurs naufrages ; et, sortant de leurs lits, elles enlevèrent les moissons voisines et couvrirent les prairies. Les mois de printemps et d'été furent si humides qu'on les aurait pris pour l'hiver plutôt que pour l'été.

24. De insolis maris.

Duae hoc anno insolae in mare divinitus incendio concrematae sunt, quae per dies septim cum hominibus pecoribusque consumptae subvertebantur. Nam qui in mari confugerant et se in profundo praecipitabant, in ipsa qua mergebantur aqua consumebantur graviorique supplicio, qui non confestim emittebant spiritum, urebantui. Redactis quoque omnibus in favilla, cuncta maris operuit. Ferebant etiam multi, signa, quae superius nos vidisse octavo mense narravimus, quasi ardere caelum, ex huius incendii splendore fuisse.


Cette année deux îles de la mer furent consumées par un incendie allumé de la main de Dieu. Pendant sept jours les hommes et les troupeaux périrent brûlés. Ceux qui fuyaient dans la mer et se précipitaient dans ses abîmes, brûlaient au milieu de l'eau où ils se plongeaient, et ceux qui ne mouraient pas sur-le-champ étaient consumés par de plus cruels tourments. Toutes choses furent réduites en cendres, et la mer les couvrit de ses eaux. Beaucoup ont dit que les signes que nous avions vus, ainsi que nous l'avons rapporté, dans le huitième mois, lorsque le ciel nous parut ardent, n'étaient autre chose que la lueur de cet incendie.

25. De insola, in qua sanguis apparuit.

In alia vero insola, quae est proxima civitate Veneticae, erat stagnum validum piscibusque refertum, quod in unius ulnae altitudine conversum est in cruore; ita per dies multus congregata canum atque avium inaestimabilis multitudo, sanguinem hoc lambens, satiata redibat in vesperum.


Dans une autre ville proche de la cité de Vannes, il y avait un grand étang rempli de poissons, dont l'eau, à la profondeur d'une brasse, se changea en sang. Pendant plusieurs jours il se rassembla autour de cet étang une multitude innombrable de chiens et d'oiseaux qui buvaient ce sang, et le soir s'en retournaient rassasiés.

26. De Berulfo, qui dux fuit.

Toronicis vero atque Pectavis Ennodius dux datus est. Berulfus autem, qui his civitatibus ante praefuerat, pro thesauris Syghiberti regis, quos clam abstulerat, cum Arnegysilo socio suspectus habetur. Qui cum hoc ducatum in supradictis urbibus expeterit, a Rauchingo duce, facto ingenio, cum satellite allegatur. Nec mora, missi ad domus eorum pueri expilant omnia; multa ibi de proprio, nonnulla de antedictis thesauris sunt reperta, quae omnia ad Childeberthum regem delata sunt. Cumque in hoc res ageretur, ut gladius cervicem decideret, interventu episcoporum obtenta vita laxati sunt, nihil tamen de his quae eis ablata fuerant recipientes.


Ennodius fut donné pour duc à la ville de Tours et à celle de Poitiers. Bérulphe, qui avait auparavant gouverné ces villes, était suspect d'avoir, avec son associe, Arnégésile, enlevé secrètement les trésors du roi Sigebert. Lors donc qu'il revint dans ces villes, dont il était duc, le duc Rauchingue, au moyen d'un artifice, s'empara de lui et de son compagnon, et les chargea de liens. On envoya aussitôt dans leur maison des serviteurs qui enlevèrent tout et y prirent beaucoup de choses qui leur appartenaient, et plusieurs aussi provenant des trésors dont j'ai parlé. Le tout fut porté au roi Childebert. On poursuivit l'affaire, et l'épée était déjà levée sur leur tête lorsque, par l'intervention des évêques, on leur rendit la liberté ; mais on ne leur rendit rien de ce qu'on leur avait enlevé.

27. Quod Desiderius ad regem abiit.

Desiderius vero dux cum aliquibus episcopis et Aridio abbate vel Antestio ad regem Gunthchramno properavit. Sed cum eum rex aegre vellit accipere, victus precibus sacerdotum, in gratia sua recepit. Tunc ibi Eulalius adfuit, quasi pro coniuge, quae eum spreverat et ad Desiderium transierat, causaturus; sed in ridiculo et humilitate redactus, siluit. Desiderius vero remuneratus a rege, cum gratia est reversus.


Le duc Didier se rendit, avec quelques évêques et l'abbé Arédius, près du roi Gontran. Le roi lui fit d'abord un très mauvais accueil ; mais ensuite, vaincu par les prières des évêques, il le reçut en grâce. Eulalius voulut le mettre en cause, parce que sa femme l'avait abandonné et avait passé à Didier ; mais on se moqua de lui, et, rempli de confusion, il fut réduit au silence. Didier reçut des présents du roi et fut renvoyé avec faveur.

28. De Ermeneghildo et Ingundae vel de legatis Hispanorum clam ad Fredegundem missis.

Igitur, ut saepius diximus, Ingundis a viro cum imperatoris exercitu derelicta, dum ad ipsum principem cum filio parvolo duceretur, in Africa defuncta est et sepulta. Leuvichildus vero Herminichildum filium suum, quem antedicta mulier habuit, morti tradedit. Quibus de causis commotus Gunthchramnus rex, exercitum in Hispaniis distinat, scilicet ut prius Septimaniam, quae adhuc infra Galliarum terminum habetur, eius dominatione subderint et sic in antea proficiscerentur. Dum autem hic exercitus moveretur, indecolum cum nescio quibus hominibus rusticis est repertum. Quem et Gunthchramno rege legendum miserunt, hoc modo, quasi Leuvichildus ad Fredegundem scriberet, ut quocumque ingenio exercitum illuc ire prohiberet, dicens: "Inimicos nostros, id est Childeberthum et matrem eius, velociter interemite et cum rege Gunthchramno pacem inite, quod praemiis multis coemite. Et si vobis minus est fortassis paecunia, nos clam mittimus, tantum ut quae petimus impleatis. Cum autem de inimicis nostris ulli fuerimus, tunc Amelio episcopo ac Leubae matronae bona tribuite, per quos missis nostris ad vos accedendi aditus reseratur". Leuba enim est socrus Bladastis ducis.


Ingonde, que son mari avait laissée, comme nous l'avons dit, avec l'armée de l'empereur, fut envoyée à ce prince avec son fils encore enfant. Mais, pendant ce voyage, elle mourut en Afrique et y fut ensevelie. Leuvigild mit à mort son fils Érménégild dont elle avait été la femme. En sorte que le roi Gontran, irrité, fit marcher une armée contre l'Espagne, à dessein de soumettre d'abord à sa domination la Septimanie, située sur le territoire des Gaules. L'armée se mit immédiatement en marche. Tandis qu'elle avançait, je ne sais quels paysans trouvèrent un billet qu'ils firent passer au roi Gontran, et dans lequel il paraissait que Leuvigild écrivait à Frédégonde pour l'engager à trouver quelque moyen pour empêcher la marche de l'armée. Faites promptement périr nos ennemis, savoir Childebert et sa mère, et faites la paix avec le roi Gontran, en l'achetant par beaucoup de présents. Si, par aventure, vous manquez d'argent , nous vous en enverrons en secret ; faites seulement ce duc nous vous demandons. Quand nous serons vengés de nos ennemis, récompensez, par des bienfaits, l'évêque Amélius et la matrone Leuba, par le moyen desquels nos messagers trouvent un passage pour aller jusqu'à vous. Leuba est la belle-mère du duc Bladaste.

29. Quod Fredegundis misit, qui Childeberthum interfecerint.

Et licet haec ad Gunthchramnum regem perlata et nepote suo Childebertho in notitiam data fuissent, tamen Fredegundis duos cultros ferreos fieri praecepit, quos etiam caraxari profundius et venino infici iussit, ut scilicet, si mortalis adsultus vitalis non dissolverit fibras, vel ipsa venini infectio vitam possit velocius extorquere. Quos cultros duobus clericis cum haec mandata tradedit, dicens: "Accipite hos gladius et quantocius pergite ad Childeberthum regem, adsimilantes vos esse mendicos. Cumque pedibus eius fueritis strati, quasi stipem postulantes, latera eius utraque perfodite, ut tandem Brunichildis, quae ab illo adrogantiam sumit, eo cadente conruat mihique subdatur. Quod si tanta est costodia circa puerum, ut accedere nequeatis, vel ipsam interemite inimicam. Mercis quoque operis vestri haec erit, ut, si mortui in hoc opere fueritis, parentibus vestris bona tribuam, ipsosque muneribus ditans primus in regnum meum constituam. Interim vos timorem omnem omittite, nec sit trepidatio mortis in pectore. Noveritis enim, quod cunctos homines haec causa continet. Armate viriletate animus et considerate saepius fortes viros in bello conruere, unde nunc parentes eorum nobilis effecti opibus inmensis cunctis supereminent cunctisque praecellent". Cumque haec mulier loqueretur, clerici tremere coeperunt, difficile potantes, haec iussa posse conplere. At illa dubius cernens, medificatus potione direxit, quo ire praecepit; statimque robor animorum adcrevit, promiseruntque se omnia quae praeceperat impleturus. Nihil minus vasculum ab haec potione repletum ipsos levare iubet, dicens: "In die illa, cum haec quae praecipio facetis, mane, priusquam opus incipiatur, hunc potum sumite. Erit vobis magna constantia ad haec peragenda". His ita instructis, demisit eos. Quibus pergentibus adque ad urbem Sessionas accedentibus, a Rauchingo duci capti discussique omnia reserant, et sic in carcere legati sunt. Post dies vero paucos Fredegundis, certa iam, quod fuissent impleta quae fuerant imperata, misit puerum inquerere, quid aut rumor populi ferret, aut si aliquem inveniret indicantem, qui diceret Childeberthum iam interemptum fuisse. Egressus igitur puer ab ea, Sessionas urbem venit. Audiens denique hos in carcerem retenere, ad ostium adpropinquat; sed cum loqui satellitibus coepisset, et ipse captus costodiae mancipatur. Tunc omnes simul ad Childeberthum regem directi sunt, discussisque, veritatem aperiunt, indicantes se a Fredegunde missus ad eum interemendum, dicentes: "Iussa reginae suscipimus, ut nos egenus adsimilaremus. Cumque pedibus tuis provoluti aliquid stipendii quaereremus, ab his te gladiis transfodere voluemus. Quod si adsultu signiore gladius difixisset, ipsum venenum, quod ferrum erat infectum, animam velociter penetraret". Haec his dicentibus, diversis suppliciis adfecti, truncatis manibus auribusque et naribus, variis sunt mortibus interempti.


En même temps qu'on portait cet avis à Gontran, Frédégonde avait fait faire deux couteaux de fer, dans lesquels elle avait ordonné de graver profondément, pour les imprégner de poison, afin que si le coup mortel ne brisait pas sur-le-champ les liens de la vie, elle fût promptement détruite par l'effet du poison. Elle remit ces couteaux à deux clercs, et leur donna ainsi ses instructions : Prenez ces glaives, et rendez-vous au plus vite près du roi Childebert, sous l'apparence de mendiants, et vous jetant à ses pieds, comme pour lui demander l'aumône, percez-lui les deux flancs, afin que Brunehault qui le gouverne avec arrogance se trouve par sa chute soumise à mon pouvoir. Si le jeune homme est si bien gardé que vous ne puissiez arriver jusqu'à lui, tuez mon ennemie elle-même. La récompense qui vous attend pour cette action, c'est que si vous y trouvez la mort, je donnerai des biens à vos parents, je les enrichirai de présents, et les rendrai les plus heureux de mon royaume. Bannissez, donc toute crainte, et que les terreurs de la mort n'entrent pas dans votre sein , car vous savez que tous les hommes sont sujets à la mort. Armer vos âmes de courage, et considérez tout ce que vous voyez d'hommes courageux se précipiter dans les combats ; d'où il résulte que leurs parents deviennent nobles, surpassent tous les autres par leurs immenses richesses, et sont élevés au-dessus de tous. Tandis que cette femme parlait ainsi, les clercs commencèrent à trembler, regardant comme très difficile d'accomplir ce qu'elle ordonnait. Les voyant incertains, elle leur fit prendre un breuvage, puis leur ordonna d'aller où elle les envoyait. Aussitôt la vigueur étant rentrée dans leurs âmes, ils lui promirent d'accomplir tout ce qu'elle leur avait commandé. Néanmoins elle leur ordonna d'emporter un vase plein de ce breuvage, disant : Lorsque vous voudrez faire ce que je vous ordonné, le matin avant de commencer votre entreprise, prenez cette boisson, elle vous donnera plus de courage pour faire ce que vous devez exécuter. Après les avoir instruits de cette manière, elle les fit partir. Ils se mirent en route, et en arrivant à Soissons, ils furent pris par le duc Rauchingue, et ayant été interrogés, découvrirent le tout, et furent mis en prison chargés de liens. Peu de jours après, Frédégonde, inquiète de savoir si ses ordres avaient été accomplis, envoya un serviteur s'informer de ce qui se disait dans le public, pour tâcher de découvrir par quelqu'indice s'il y avait lieu de croire que Childebert eût été tué. Le serviteur partit et vint à la ville de Soissons : là, ayant entendu dire que les clercs étaient retenus en prison, il s'approcha de la porte ; mais comme il commençait à parler aux satellites de la reine, il fut pris lui-même et remis entre les mains des gardes. Alors tous ensemble furent envoyés au roi Childebert. Interrogés, ils découvrirent la vérité, déclarant que Frédégonde les avait envoyés pour tuer le roi. La reine, dirent-ils, nous avait ordonné de nous feindre des mendiants, et nous voulions te percer d'un poignard au moment où nous aurions embrassé les pieds pour te demander quelque aumône, et si le coup porté par le fer ne s'enfonçait pas assez vigoureusement, le poison dont il était empreint devait plus rapidement pénétrer jusqu'à ton âme. Lorsqu'ils eurent dit ces paroles, on les appliqua à divers tourments, on leur coupa les mains, les oreilles et les narines, et ils moururent chacun d'une mort différente.

30. Quod exercitus in Septimaniam abiit.

Igitur Gunthchramnus rex cummoveri exercitum in Hispaniis praecepit, dicens: "Prius Septimaniam proventiam ditioni nostrae subdite, quae Galliis est propinqua, quia indignum est, ut horrendorum Gothorum terminus usque in Galliis sit extensus". Tunc commoto omni exercitu regni sui, illuc dirigit. Gentes vero, quae ultra Ararem Rhodanumque et Sequanam commanebant, cum Burgundionibus iunctae, Arareca Rhodaniticaque litora tam de fructibus quam de pecoribus valde depopulati sunt. Multa homicidia, incendia praedasquae in regione propria facientes, sed et aeclesias denudantes, clericos ipsos cum sacerdotibus ac reliquo populo ad ipsas sacratas Deo aras interementes, usque ad urbem Nemausus processerunt. Similiter et Byturigi, Sanctonici cum Petrocoricis, Ecolesenensibus vel reliquarum urbium populum, qui tunc ad antedicti regis imperio pertenebant, usque ad Carcasonam urbem devecti, similia mala gesserunt. Sed cum ad urbem accessissent, reseratis sponte ab habitatoribus portis, nullo resistente, ingressi, nescio quo cum Carcasonensibus scandalo commoto, urbem egressi sunt. Tunc Terentiolus comes quondam urbis Lemovicinae, lapide de muro proiecto percussus, occubuit. Cuius caput truncatum ad vindictam adversariorum urbi delatum est. Ex hoc omnes populus timore perterritus, ad propria regredi destinans, universa reliquid, quae vel per viam coeperat vel quae secum adduxerat. Sed et Gothi per occultas insidias multis de his spoliatis interemerunt; exim in Tholosanorum manus incedentes, quibus, dum pergerent, multa intulerant mala, spoliati ac caesi vix propria contingere potuerunt. Hi vero, qui Nemausum adgressi fuerant, devastantes universa regiones, succensis domibus, incensis segitibus, decisis olivitis vinitisque succisis, nihil inclusis nocere potentes, ad alias urbis progressi sunt. Erant enim valde munitae et de cybis ac reliquis necessariis adplene refertae, et horum urbana depopulantes urbisque minus inrumpere valuerunt. Tunc et Nicetius dux, cum Arvernis in haec expeditione commotus, cum reliquis urbis adsedit. Sed cum minus valerit, ad castrum quoddam pervenit; dataque fide, sponte inclusi reserantes portas, eos credoli tamquam pacificos susciperunt. Ille vero ingressi, postposito sacramento, praesidia cuncta diripiunt, animas in captivitate subdentes. Tunc, accepto consilio, unusquisque ad propria est regressus. Tantaque per viam scelera, homicidia, praedas, direptiones per regionem propriam gesserunt, ut ea usquequaque memorare perlongum sit. Verumtamen quia segetis Provinciae igni ab hisdem succensas diximus, fame atquae inaedia pereuntes per viam relinquebantur exanimes, nonnulli in fluminibus dimersi, plerique in seditionibus interempti sunt. Ferebant enim amplius quam quinque milia in his stragibus fuisse peremptos. Sed non eos qui remanserant coercebat aliorum interitus. Tunc et Arvernae regiones aeclesiae, quae viae publicae propinquae fuerant, a ministeriis denudatae sunt, nec fuit terminus male faciendi, nisi cum ad propria singuli pervenerunt. Quibus reversis, magna Gunthchramno regi amaritudo cordis obsedit. Duces vero supradicti exercitus ad basilicam sancti Symphoriani martyris expetierunt. Veniente itaque rege ad eius solemnitatem, repraesentati sunt sub conditione audientiae in postmodum futurae. Post dies vero quattuor, coniunctis episcopis necnon et maioribus natu laicorum, duces discutere coepit, dicens: "Qualiter nos hoc tempore victuriam obtenere possumus, quia ea quae patres nostri secuti sunt non costodimus? Illi vero aeclesias aedificantes, in Deum spem omnem ponentes, martyres honorantes, sacerdotes venerantes, victurias obtinuerunt gentesque adversas, divino opitulante adiutorio, in ense et parma saepius subdiderunt. Nos vero non solum Deum non metuemus, verum etiam sacra eius vastamus, ministros interficimus, ipsa quoque sanctorum pignera in ridiculo discerpimus ac vastamus. Non enim potest obtenere victuria, ubi talia perpetrantur; ideo manus nostrae sunt invalidae, ensis tepiscit, nec clepius nos, ut erat solitus, defendit ac protegit. Ergo si hoc meae culpae adscribitur, iam ea Deus capite meo restituat. Certe si vos regalia iussa contemnetis et ea quae praecipio implere differtis, iam debet securis capiti vestro submergi. Erit enim documentum omni exercitu, cum unus de prioribus fuerit interfectus. Verumtamen iam experire debemus, quid agi oporteat. Si quis iustitiam sequi destinat, iam sequatur; si quis contemnit, iam ultio publica cervice eius inmineat. Satius est enim, ut parvi contumaces pereant, quam ira Dei super omnem regionem dependat innoxiam". Haec rege dicente, responderunt duces: "Bonitatis tuae magnanimitas, rex optime, enarrare facile non potest: qui timor tibi in Deum sit, qui amor in aeclesiis, quae reverentia in sacerdotibus, quae pietas in pauperibus, quaeve dispensatio in egenis. Sed quia omnia, quae gloria vestra profert, recta veraquae esse censentur, quid faciemus, quod populus omnes in vitio est dilapsus omnique homine agere quae sunt iniqua delectat? Nullus regem metuit, nullus ducem, nullus comitem reveritur; et si fortassis alicui ista displicent et ea pro longaevitate vitae vestrae emendare conatur, statim seditio in populo, statim tumultus exoritur. Et in tantum unusquisque contra seniorem saeva intentione crassatur, ut vix credat evadere, si tardius silire nequiverit" . Ad haec rex ait: "Si quis sequitur iustitiam, vivat; si quis legem mandatumque nostrum respuit, iam pereat, ne nus diutius hoc blasphemeum prosequatur". Haec eo dicente, advenit nuntius, dicens: "Richaredus, filius Leuvichildi, de Hispaniis egressus, Caput Arietis castrum obtenuit et ex pago Tholosano maximam partem depopulatus est hominesque captivos abduxit. Ugernum Arelatense castrum inrupit resque cunctas cum hominibus abstullit et sic se infra murus Nemausensis urbis inclusit". Haec audiens rex, Leudeghyselum in loco Calomniosi cognomento Aegylanis ducem delegens, omnem ei provintiam Arelatensim commisit, costodisque per terminus super quattuor virorum milia collocavit. Sed et Nicetius Arvernorum dux similiter cum costodibus perrexit et finis regiones ambivit.


Le roi Gontran ordonna donc de faire marcher son armée en Espagne, en disant : Soumettez d'abord à notre domination la province de Septimanie qui est voisine des Gaules ; car il est honteux que les frontières de ces horribles Goths s'étendent jusque dans les Gaules. Alors les troupes de son royaume se mirent en marche vers ce lieu. Les peuples qui habitaient au-delà de la Saône, du Rhône et de la Seine, unis avec les Bourguignons, dévastèrent tous les bords de la Saône et du Rhône, enlevant les récoltes et les troupeaux. Ils commirent dans leur propre pays beaucoup de meurtres, d'incendies, de pillages ; et, dépouillant les églises, tuant les clercs, les prêtres et beaucoup d'autres, jusque sur les saints autels de Dieu, ils parvinrent ainsi à la ville de Nîmes. Les gens de Bourges, de Saintes, de Périgueux , d'Angoulême, et des autres villes soumises à la puissance du roi Gontran, arrivèrent de leur côté à Carcassonne en commettant les mêmes ravages. Lorsqu'ils approchèrent de la ville, les habitants ouvrirent d'eux-mêmes leurs portes, et ils y entrèrent sans aucune résistance ; mais ensuite il s'éleva dans Carcassonne je ne sais quel tumulte, et ils sortirent de la ville. Alors Terentiolus, autrefois comte de la ville de Limoges, tomba frappé d'une pierre qui lui fut jetée du haut des murs. Les ennemis, pour se venger de lui, lui coupèrent la tête et l'apportèrent à la ville. Alors ceux qui étaient venus, saisis de frayeur, se préparèrent à s'en retourner, laissant tout ce qu'ils avaient pris sur la route et tout ce qu'ils avaient apporté avec eux. Les Goths, au moyen d'embûches cachées, dépouillèrent et tuèrent beaucoup d'entre eux. De là tombant entre les mains des Toulousains, ils eurent à en souffrir beaucoup de maux, et dépouillés, maltraités, purent à grand'peine retourner dans leur pays. Ceux qui étaient arrivés à Nîmes, dévastant tout le pays, après avoir brûlé les maisons, incendié les moissons, coupé les vignes et abattu les oliviers, ne pouvant nuire à ce qui était enfermé dans des murs, prirent le parti de marcher vers d'autres villes. Mais elles étaient bien fortifiées, remplies de vivres et de toutes les autres choses nécessaires, en sorte qu'ils dévastèrent leurs environs, mais ne purent pénétrer dans les villes mêmes. Le duc Nicet qui avait conduit à cette expédition les gens d'Auvergne, assiégeait les villes de concert avec les autres troupes ; mais ne pouvant les emporter, il marcha vers un château, et sur sa parole, ceux qui y étaient enfermés ouvrirent leurs portes, et croyant à sa promesse le reçurent en ami. Lorsqu'il fut entré avec ses gens, au mépris de leur serment, ils dispersèrent la garnison, et emmenèrent en captivité tous ceux qui étaient dans le château, puis ils se déterminèrent à retourner chacun chez soi, commettant dans la route, à travers leur propre pays, tant de crimes, de meurtres, de pillages et de ravages, qu'il serait trop long de les rapporter en détail. Comme ils avaient brûlé, ainsi que nous l'avons dit, les récoltes (les provinces qu'ils traversaient , exténués de faim et de misère, ils périssaient par les chemins; plusieurs se noyèrent dans les rivières, d'autres furent tués par le peuple soulevé. On rapporte qu'il en périt de ces diverses manières plus de cinq mille. Mais ceux qui restaient n'étaient pas corrigés par la mort des autres. Dans le pays d'Auvergne, toutes les églises qui se trouvèrent situées proche de la voie publique furent dépouillées de ce qui appartenait au service divin. Il n'y eut de terme à leurs ravages que lorsque chacun fut revenu chez lui. Après ce retour, le roi Gontran fut pris d'une grande amertume de coeur. Les chefs des armées se réfugièrent clans la basilique de saint Symphorien martyr. Le roi étant venu à la fête de ce saint, ils se présentèrent, sous condition d'être ensuite entendus. Le roi ayant convoqué quatre évêques et plusieurs laïques des plus grandes familles, commença le procès des chefs en disant : Comment pourrions-nous aujourd'hui obtenir la victoire, nous qui ne conservons pas les usages suivis par nos pères ? Ils bâtissaient des églises, mettaient en Dieu toute leur espérance, honoraient les martyrs, vénéraient les prêtres, et ainsi aidés du secours divin, avec l'épée et le bouclier ils soumirent beaucoup de nations ennemies. Pour nous, non seulement nous ne craignons pas Dieu, mais nous dévastons les choses qui lui sont consacrées, tuons ses ministres, enlevons et dispersons avec dérision jusqu'aux reliques des saints. Quand il se commet de telles actions, il est impossible d'obtenir la victoire. Aussi nos bras sont affaiblis, notre lance est refroidie, le bouclier ne nous défend et ne nous protège plus ainsi qu'il avait coutume. Si ce mal doit être imputé à mes fautes, que Dieu le fasse tomber sur ma tête ; mais si vous méprisez les commandements royaux, si vous négligez d'accomplir ce que j'ordonne, votre tête doit tomber sous la hache. Ce sera un avertissement pour l'armée toute entière de voir mettre à mort un de ses chefs. Nous devons essayer ce qu'il convient de faire : si quelqu'un est en disposition d'obéir à la justice, qu'il soit obéi. Si quelqu'un la méprise, que la vengeance publique tombe sur sa tête ; car il vaut mieux qu'un petit nombre de coupables périsse, que si la colère de Dieu menaçait de mal toute la contrée. Le roi ayant parlé ainsi, les ducs répondirent : Il ne serait pas facile, ô roi très bon, d'exprimer toutes les vertus de ton âme magnanime, de dire ce qu'il y a en toi de crainte de Dieu, d'amour pour l'église, de respect pour les prêtres, de compassion pour les pauvres, de libéralité envers les nécessiteux. Tout ce que votre Gloire a exposé doit être regardé comme juste et véritable. Mais que pouvons-nous faire quand le peuples abandonne à toutes sortes de vices, quand tous les hommes se complaisent dans l'iniquité ? Nul ne craint le roi, nul ne respecte le duc ou le comte. Et si cette conduite déplait à quelqu'un, si pour prolonger votre vie, il s'efforce d'y apporter amendement, aussitôt le peuple se soulève, aussitôt se produisent des émeutes, et chacun se précipite plein de colère pour assaillir cet homme sage, et à grand'peine peut-il échapper, s'il ne se détermine à garder le silence. Alors le roi dit : Si quelqu'un suit la justice, qu'il vive ; si quelqu'un méprise nos ordres, qu'il périsse, afin que ce blâme ne nous poursuive pas plus longtemps. Comme il parlait ainsi vint un messager qui dit : Reccared, fils de Leuvigild, est sorti d'Espagne, a pris le château de Cabarat dépeuplé la plus grande partie du pays Toulousain et emmené les habitants captifs. Il a pris, dans le pays d'Arles, le château de Beaucaire, a enlevé tout ce qui s'y trouvait, hommes et biens, et s'est enfermé dans les murs de la ville de Nîmes. Le roi ayant entendu ces nouvelles, nomma pour duc Leudégésile à la place de Calumniosus surnommé Agilan, lui soumit toute la province d'Arles et lui donna plus de quatre mille hommes pour en garder les frontières. Nicet duc d'Auvergne partit également avec des troupes, et fut chargé de cerner les frontières du pays.

31. De interfectione Praetextati episcopi.

Dum haec agerentur et Fredegundis apud Rothomagensim urbem commoraretur, verba amaritudinis cum Praetextato pontifice habuit, dicens, venturum esse tempus, quando exilia, in qua detentus fuerat , reviseret. Et ille: "Ego semper et in exilio et extra exilium episcopus fui, sum et ero; nam tu non semper regalem potentiam perfrueres. Nos ab exilio provehimur, tribuente Deo, in regnum; tu vero ab hoc regno demergeris in abyssum. Rectius enim erat tibi, ut, relecta stultitia adque malitia, iam te ad meliora converteris et ab hac iactantia, qua semper ferves, abstraheris, ut et tu vitam adipisceris aeternam et parvolum, quem genuisti, perducere ad legitimam possis aetatem". Haec effatus, cum verba illius mulier graviter acciperit, se a conspectu eius felle fervens abstraxit. Advenientem autem dominicae resurrectionis diae, cum sacerdos ad implenda aeclesiastica officia ad aeclesiam maturius properasset, antefanas iuxta consuetudinem incipere per ordinem coepit. Cumque inter psallendum formolae decumberet, crudelis adfuit homicida, qui episcopum super formolam quiescentem, extracto baltei cultro, sub ascella percutit. Ille vero vocem emittens, ut clerici qui aderant adiuvarent, nullius ope de tantis adstantibus est adiutus. At ille plenas sanguine manus super altarium extendens, orationem fundens et Deo gratias agens, in cubiculo suo inter manus fidelium deportatus et in suo lectulo collocatus est. Statimque Fredegundis cum Beppoleno duce et Ansovaldo adfuit, dicens: "Non oportuerat haec nobis ac reliquae plebi tuae, o sancte sacerdos, ut ista tuo cultui evenirent. Sed utinam indicaretur, qui talia ausus est perpetrare, ut digna pro hoc scelere supplicia susteneret". Sciens autem ea sacerdos haec dolose proferre, ait: "Et quis haec fecit nisi his, qui reges interemit, qui saepius sanguinem innocentem effudit, qui diversa in hoc regno mala commisit?" Respondit mulier: "Sunt aput nos peritissimi medici, qui hunc vulnere medere possint. Permitte, ut accedant ad te". Et ille: "Iam", inquid, "me Deus praecepit de hoc mundum vocare. Nam tu, qui his sceleribus princeps inventa es, eris maledicta in saeculo, et erit Deus ultur sanguinis mei de capite tuo". Cumque illa discederit, pontifex, ordinata domo sua, spiritum exalavit. Ad quem sepeliendum Romacharius Constantinae urbis episcopus advenit. Magnus tunc omnes Rothomagensis cives et praesertim seniores loci illius Francos meror obsedit. Ex quibus unus senior ad Fredegundem veniens ait: "Multa enim mala in hoc saeculo perpetrasti, sed adhuc peius non feceras, quam ut sacerdotem Dei iuberis interfici. Sit Deus ultur sanguinis innocentes velociter. Nam et omnes nos erimus inquisitores mali huius, ut tibi diutius non liceat tam crudelia exercere". Cum autem haec dicens discederet a conspectu reginae, misit illa qui eum ad convivium provocaret. Quo renuente, rogat, ut, si convivium eius uti non vellit, saltim vel poculum auriat, ne ieiunus a regale domo discedat. Quo expectante, accepto poculo, bibit absentium cum vino et melle mixtum, ut mos barbarorum habet; sed hoc potum venenum inbutum erat. Statim autem ut bibit, sensit pectorem suum dolorem validum inminere, et quasi se incideretur intrinsecus, exclamat suis, dicens: "Fugite, o miseri, fugite malum hoc, ne mecum pariter periamini". Illis quoque non bibentibus, sed festinantibus abire, hic protinus excaecatus, ascensoque aequo, in tertio ab hoc loco stadio caecidit et mortuus est. Post haec Leudovaldus episcopus epistolas per omnes sacerdotes direxit et, accepto consilio, aeclesias Rothomagensis clausit, ut in his populus solemnia divina non expectaret, donec indagatione communi repperiretur huius auctur sceleris. Sed et aliquos adpraehendit, quibus supplicio subditus veritatem extorsit, qualiter per consilium Fredegundis haec acta fuerat; sed et, ea defensante, ulciscere non potuit. Ferebant etiam, ad ipsum percussores venisse, pro eo quod haec inquirere sagaciter distinaret; sed costodia vallatus suorum, nihil ei nocere potuerunt. Itaque cum haec ad Gunthchramnum regem perlata fuissent et crimen super mulierem iaceretur, misit tres episcopus ad filium, qui esse dicitur Chilperici, quem superius Chlothacharium scripsimus vocitatum, id est Artemium Synonicum, Veranum Cavellionensim et Agricium Tricassinum, ut scilicet cum his, qui parvolum nutriebant, perquirerint huius sceleris personam et in conspectu eius exhiberent. Quod cum sacerdotes locuti fuissent, responderunt seniores: "Nobis prorsus haec facta displicent, et magis ac magis ea cupimus ulciscere. Nam non potest fieri, ut, si quis inter nos culpabilis invenitur, in conspectu regis vestri deducatur, cum nos possimus nostrorum facinora regale sanctione conpraemere". Tunc sacerdotes dixerunt: "Noveritis enim, quia, si persona, quae haec perpetravit, in medio posita non fuerit, rex noster cum exercitu hic veniens, omnem hanc regionem gladio incendioque vastavit, quia manifestum est, hanc interfecisse gladio episcopum, qui maleficiis Francum iussit interemi". Et his dictis, discesserunt, nullum rationabilem responsum accipientes, obtestantes omnino, ut numquam in aeclesia illa Melantius, qui prius in loco Praetextati subrogatus fuerat, sacerdotes fungeretur officium.


Pendant que cela se passait, Frédégonde, qui habitait la ville de Rouen, eut des paroles aigres avec l'évêque Prétextat, et lui dit qu'il viendrait un temps où il retrouverait le lien dans lequel il avait été retenu en exil. Prétextat lui dit : En exil et hors de l'exil, j'ai toujours été, je suis et je serai évêque ; mais tu ne jouiras pas toujours de la puissance royale. De l'exil nous passons, avec l'aide de Dieu, dans le royaume céleste ; de ton royaume, toi, tu tomberas dans l'abîme. Il aurait mieux valu pour toi laisser là tes méchancetés et tes folies, te convertir à une meilleure conduite, et dépouiller cet orgueil qui bouillonne toujours en toi, afin que tu pusses obtenir la vie éternelle, et amener à l'âge d'homme cet enfant que tu as mis au monde. Lorsqu'il eut dit ces paroles, Frédégonde, les prenant très mal, sortit de sa présence, violemment irritée contre lui. Le jour de la résurrection du Seigneur étant arrivé, comme l'évêque s'était rendu de bonne heure à la cathédrale pour accomplir les offices de l'église, et commençait à entonner les antiennes selon l'ordre accoutumé, dans un moment où, entre les psaumes, il était appuyé sur sa chaire, un cruel meurtrier s'approcha de lui, et tirant un couteau de sa ceinture, frappa l'évêque appuyé, comme il était, sur la chaire, au-dessous de l'aisselle. Il se mit à crier pour que les clercs présents en ce lieu lui portassent secours ; mais de tous ceux qui étaient présents, aucun ne vint à son aide. Rempli de sang, il étendit ses mains sur l'autel, offrit à Dieu son oraison, lui rendit grâces, puis, emporté chez lui dans les bras des fidèles, il fut placé dans son lit. Aussitôt Frédégonde vint le voir avec le duc Beppolène et Ansovald , et lui dit : Nous n'aurions pas voulu, ô saint évêque, non plus que le reste de ton peuple, que, pendant l'exercice de tes fonctions, il t'arrivât une telle chose. Mais plût à Dieu qu'on pût nous indiquer celui qui a osé la commettre, afin qu'il subît le supplice que mérite un semblable crime ! Le prêtre, sachant que ses paroles étaient pleines d'artifice, lui dit : Et qui l'a commise si ce n'est celle qui a fait périr des rois, qui a si souvent répandu le sang innocent, et a commis divers autres méfaits en ce royaume ? Elle lui répondit : Nous avons près de nous de très habiles médecins qui pourront guérir cette blessure ; permets qu'ils viennent te trouver. Mais il lui dit : Les ordres de Dieu m'ont rappelé de ce monde. Toi qu'on reconnaît toujours pour la source de tous ces crimes, tu seras maudite dans les siècles, et Dieu vengera mon sang sur ta tête. Lorsqu'elle fut partie, le pontife mit ordre aux affaires de sa maison, puis rendit l'esprit. Romachaire, évêque de la ville de Coutances, vint l'ensevelir. Tous les citoyens de la ville de Rouen, et surtout les principaux parmi les Francs qui habitaient cette ville, furent alors remplis d'une grande douleur. Un de ces seigneurs vint à Frédégonde, et lui dit : Tu as déjà commis bien des crimes dans cette vie ; mais tu n'as encore rien fait de pire que d'ordonner le meurtre d'un prêtre de Dieu. Que Dieu venge promptement le sang innocent ! Nous poursuivrons tous la punition de ce crime, afin que tu ne puisses pas exercer plus longtemps de telles cruautés. Comme il quittait la reine après avoir dit ces paroles, elle lui envoya quelqu'un pour le convier à sa table ; et comme il refusa d'y venir, elle le pria, s'il ne voulait pas s'asseoir à sa table, de boire au moins un coup, afin de ne pas sortir à jeun de la maison royale. Y ayant consenti, il attendit un moment, reçut le breuvage composé, il la manière des Barbares, d'absinthe, de vin et de miel, et le but ; mais il était empoisonné. A peine l'eut-il avalé qu'il sentit en sa poitrine de violentes douleurs, comme si quelque chose le déchirait au dedans de lui ; il s'écria, disant aux siens : Fuyez, ô infortunés, fuyez le malheur qui m'arrive, de peur que vous ne périssiez avec moi. Ceux-ci s'abstinrent donc de boire, et se hâtèrent de s'en aller. Lui sentit sa vue s'obscurcir, et montant sur son cheval, à trois stades de ce lieu il tomba et mourut. Ensuite l'évêque Leudovald envoya des lettres à tous les prêtres, et après avoir pris conseil, ferma les églises de Rouen, afin que le peuple n'assistât point aux saintes solennités jusqu'à ce que, par des recherches générales, on eût trouvé les auteurs du crime. Il en fit saisir quelques-uns qui, livrés aux tourments, se laissèrent arracher la vérité, et déclarèrent que la chose avait été faite par Frédégonde ; mais elle se défendait, et on ne put en prendre vengeance. On dit qu'il fut envoyé des assassins contre l'évêque, à cause de l'activité qu'il mettait à ces recherches ; mais, comme il était entouré et gardé par les siens, ils ne purent lui faire aucun mal. Lorsque ces choses eurent été annoncées au roi Gontran, et qu'il eut appris l'accusation qui pesait sur cette femme, il envoya trois évêques à son fils, fils, dit-on, de Chilpéric, dont nous avons déjà parlé sous le nom de Clotaire. Ces évêques étaient Arthémius, évêque de Sens, Véran, évêque de Cavaillon, et Agraecius, évêque de Troyes. Il les chargea de rechercher, de concert avec les gouverneurs de l'enfant, par qui avait été commis ce crime, et d'amener le coupable en sa présence ; mais lorsque les évêques eurent parlé aux seigneurs, ceux-ci répondirent : Cette action nous cause un grand déplaisir, et nous désirons de plus en plus en prendre vengeance ; mais, s'il se trouve parmi nous quelque coupable, il ne peut être conduit en présence de votre roi, car nous pouvons réprimer, avec la sanction royale, les crimes qui se commettent parmi nous. Alors les évêques leur dirent : Sachez que, si la personne qui a commis ce crime ne nous est pas remise, notre roi viendra avec une armée, et livrera tout ce pays au fer et aux flammes ; car il est manifeste que l'évêque a été frappé par la même personne qui a fait périr le Franc par le poison. Après avoir ainsi parlé, ils s'en allèrent sans pouvoir obtenir aucune réponse raisonnable, et protestant contre la nomination de Mélantius à la place de Prétextat, afin qu'il ne fût point admis à remplir les fonctions épiscopales.

32. De interitu Domnolae, uxoris Nectari.

Multa enim mala hoc tempore gesta sunt. Nam Domnola, relicta quondam Burgulini , quae fuit filia Victuri Redonensis episcopi, quam Nectarius" matrimonio copulaverat, intentione de vineis cum Boboleno, referendario Fredegundis, habebat. Audiens autem ea in his vineis advenisse, misit nuntius obtestantes, ne ingredi penitus in hac possessione praesumeret. Quod illa dispiciens et res patris sui fuisse proclamans, ingressa est. Tunc ille, commota seditione, super eam cum armatis viris inruit. Qua interfecta, vineas vindecavit resque deripuit et tam viros quam mulieres qui cum ea erant interfecit gladio, nec remansit ex his, nisi qui fuga labi potuit.


Il se commit en ce temps beaucoup de crimes. Domnole, fille de Victor, évêque de Rennes, veuve de Burgolène, et qui depuis avait épousé Nectaire, était en différend pour des vignes avec Bobolène, référendaire de Frédégonde. Sachant qu'elle était venue dans ses vignes, Bobolène lui envoya des messagers pour protester contre toute prise de possession de sa part ; mais méprisant cette protestation, et disant que ce bien lui venait de son père, elle entra dans la vigne. Alors Bobolène excita un soulèvement, tomba sur elle avec des gens armés, et après l'avoir tuée, vendangea la vigne et enleva tout ce qui lui appartenait, faisant périr par l'épée tous ceux qui étaient avec elle, tant hommes que femmes, sans laisser en vie aucun des siens, si ce n'est ceux qui purent s'échapper par la fuite.

33. De incendio urbis Parisiacae.

Extetit igitur in his diebus apud urbem Parisiacam mulier, quae dicerit incolis: "Fugite, o! ab urbe et scitote eam incendio concremandam". Quae cum a multis inrideretur, quod haec aut sortium praesagio diceret aut vana aliqua somniasset aut certe daemonii meridiani haec instinctu proferret, respondit: "Nequaquam est ita, ut dicitis; nam in veritate loquor, quia vidi per somnium a basilica sancti Vincenti veniente virum inluminatum, tenente manu caereum et domus negutiantum ex ordine succendentem". Denique post tertiam noctem, quod haec mulier est effata, inchoante crepusculo, quidam e civibus, accenso lumine, in prumptuario est ingressus, adsumptoque olec hac ceteris quae necessaria erant, abscessit, lumine secus cupella olei derelicto. Erat enim domus haec prima secus portam, quae ad mediam diem pandit egressum. Ex quo lumine adpraehensa domus incendio concrematur, de qua et aliae adpraehendi coeperunt. Tunc deruente igne super vinctus carceris, apparuit eis beatus Germanus, et comminuens trabem atque catenis, quibus vincti tenebantur, reserato carceris osteo, vinctos abire permisit incolomis. Ille vero egressi, se ad basilicam sancti Vincenti, in qua sepulchrum habetur beati antestitis, contulerunt. Igitur cum per totam civitatem huc adque illuc flante vento flamma ferritur totisque viribus regnaret incendium, adpropinquare ad aliam portam coepit, in qua beati Martini oraturium habebatur, qui ob hoc aliquando factum fuerat, eo quod ibi lepram maculosi hominis osculo depulisset. Vir autem, qui eum intextis virgultis in sublime construxerat, confisus in Domino nec de beati Martini virtute diffisus, se resquae suas infra eius parietis ambivit, dicens: "Credo enim et fides mea est, quod repellat ab hoc loco incendium, qui saepius incendiis imperavit et in hoc loco leprosi hominis cutem, osculu medente, purgavit". Adpropinquante enim illuc incendium, ferebantur validi globi flammarum, qui percutientes parietem oraturii, protinus tepiscebant. Clamabat autem populus viro ac muliere: "Fugite, miseri, ut evadere possitis. Ecce iam igneum pondus super vos diruit, ecce favillae incendii cum carbonibus tamquam validus imber ad vos usque distenditur! Egredimini ab oraturio, ne cum eodem incendio concremimini". At illi orationem fundentes, numquam ab his vocibus movebantur. Sed nec mulier se umquam a fenestra, per quam interdum flammae ingrediebantur, amovit, quae erat spe firmissima de virtute beati antestitis praemunita. Tantaque fuit virtus beati pontificis, ut non solum hoc oraturium cum alumni proprii domo salvaret, verum etiam nec aliis domibus, qui in circuitu erant, nocere flammis dominantibus permisisset. Ibique cecidit incendium, quod ab una parte pontes coeperat desaevire. Ab alia vero parte tam valide cuncta conflagravit, ut amnis finem inponeret. Verumtamen aeclesiae cum domibus suis non sunt adustae. Agebant enim, hanc urbem quasi consecratam fuisse antiquitus, ut non ibi incendium praevaleret, non serpens, non gliris apparuisset. Nuper autem, cum cuniculum pontis emundaretur et coenum, de quo repletum fuerat, auferretur, serpentem gliremque aereum repperierunt. Quibus ablatis, et glires ibi deinceps extra numerum et serpentes apparuerunt, et postea incendia perferre coepit.


En ces jours-là il y avait à Paris une femme, qui dit aux habitants : Fuyez de la ville, et sachez qu'elle va être consumée par un incendie. Beaucoup en riaient, et croyaient qu'elle disait cela d'après quelques présages obtenus en jetant les sorts, ou bien qu'elle l'avait rêvé, ou qu'elle parlait par l'inspiration de certains démons du midi ; elle répondit : Ce n'est rien de ce que vous dites, mais je vous parle en vérité. J'ai vu pendant mon sommeil sortir de la basilique de Saint-Vincent un homme lumineux, tenant à la main un flambeau de cire, dont il embrasait l'une après l'autre les maisons des marchands. Trois nuits après le jour où cette femme avait parlé ainsi, à l'entrée du crépuscule, un citoyen entra dans son cellier avec une lumière, et y ayant pris de l'huile et d'autres choses dont il avait besoin, il sortit, laissant sa lumière proche de la tonne d'huile. Sa maison était la première contre la porte qui s'ouvre du côté du midi. Cette lumière mit le feu à la maison, elle brûla, et l'incendie commença à gagner les autres. Comme le feu allait se communiquer aux prisons où étaient enchaînés les prisonniers, saint Germain leur apparut, et ayant brisé les chaînes auxquelles ils étaient attachés, ouvrit les portes de la prison ; en sorte qu'ils sortirent sans aucun mal. Sortis de la prison, ils se rendirent à la basilique de Saint-Vincent, dans laquelle est le tombeau de ce bienheureux évêque. Le vent qui soufflait portait la flamme dans toute la ville, et l'incendie, dans sa plus grande force, commençait à s'approcher de l'autre porte où l'on avait dédié un oratoire à saint Martin ; il avait été construit en ce lieu, parce que le saint y avait guéri un lépreux en l'embrassant. L'homme qui avait construit cet oratoire de roseaux entrelacés sur le haut de sa maison, plein de confiance dans le Seigneur, et ne doutant pas non plus des mérites de saint Martin, se réfugia avec ce qu'il possédait dans l'oratoire, disant : Je crois, et suis dans la confiance que celui qui a souvent commandé aux flammes, et qui a guéri en ce lieu un lépreux par ses baisers, repoussera d'ici cet incendie. Lorsque le feu commença à s'approcher, de gros globes de flammes venaient frapper les parois de l'oratoire, et s'éteignaient aussitôt. Le peuple criait à cet homme et à sa femme : Fuyez, ô pauvres gens, afin de pouvoir échapper : voilà déjà que le feu se précipite sur vous ; voilà que les étincelles et les charbons tombent comme une violente pluie, et s'étendent jusqu'à vous. Sortez de l'oratoire et ne vous y laissez pas brûler. Mais lui, occupé à l'oraison, ne fut pas un instant ébranlé de ces cris, et sa femme ne quitta pas la fenêtre par laquelle les flammes entraient dans l'oratoire. Une ferme espérance dans les mérites du saint évêque la garantissait de tout danger. Telle fut en effet la puissance du saint pontife que non seulement l'oratoire sauva la maison et les habitants, mais il ne permit pas que la violence des flammes nuisit à aucune des maisons qui l'environnaient. Là finit l'incendie, de ce côté du pont. De l'autre côté, il s'étendit avec tant de violence qu'il ne fût arrêté que par les bords du fleuve ; cependant les églises et les maisons qui leur appartenaient ne furent pas brûlées. On disait que cette ville avait été consacrée autrefois, en sorte que le feu ne pouvait s'y propager, et qu'on n'y voyait ni serpents, ni loirs ; mais que, lorsque dernièrement on avait nettoyé les conduits des ponts, et qu'on les avait vidés de la boue qui les remplissait, on y avait trouvé un serpent et un loir d'airain ; qu'après qu'on les eut ôtés il parut dans Paris des loirs et des serpents sans nombre, et qu'après cela la ville fut prise de l'incendie.

34. De reclausis temptatis.

Et quia princeps tenebrarum mille habet artes nocendi, quid de reclausis ac Deo devotis nuper gestum fuerit, pandam. Vennocus Britto praesbiterii honore praeditus, cui in alio libro meminimus, tantae se abstinentiae dedicavit, ut indumentum de pellibus tantum uteretur, cybum de herbis agrestibus incoctis sumeret, vinum vero tantum vas ad os poneret, quod magis putaretur libare osculo quam haurire. Sed cum eidem devotorum largitas frequenter exhiberet vasa hoc plena licore, dedicit, quod peius est, extra modum haurire et in tantum dissolvi potione, ut plerumque ebrius cerneretur. Unde factum est, ut, invalescente temulentia, tempore procidente, a daemonio correptus, per inergiam vexaretur, in tantum ut, accepto cultro vel quodcumque genus teli sive lapidem aut fustem potuisset adrepere, post homines insano furore discurreret. Unde necessitas exigit, ut catenis vinctus costodiretur in cellula. In hac quoque damnatione per duorum annorum spatia debachans, spiritum exalavit. Alius quoque Anatholius Burdegalensis puer, ut ferunt, annorum duodecem, cum esset famulus cuiusdam negutiatoris, petiit sibi ad reclausionem licentia tribui. Sed, resistente diu domino, potans, eum in hoc tepiscere adque implere non posse in hac aetate, quod nitebatur adpetere, tandem, victus praecibus famoli, facultatem tribuit, ut id quod flagitabat impleret. Erat autem ibi cripta ab antiquis transvolutum eleganteque opere exposita, in cuius angulo erat cellula parva de quadratis lapidibus clausa, in qua vix unus stans homo recipi possit. In hac cellola puer ingreditur, in hac per octo aut eo amplius annos commoratus, tenui cybo potuque contentus, vigiliis orationibusquae vacabat. Post haec pavore validum perpessus, clamare coepit, intrinsecus se torqueri. Unde factum est, ut, adiuvante ei, ut credo, diabolicae partis militia, amotis quadris quibus conclusus tenebatur, eliderit parietem in terram, conlidens palmas et clamans, se a sanctis Dei peruri. Cumque diutissime in hac insania teneretur et sancti Martini crebrius confiteretur nomen ac diceret, se potius ab eo quam a sanctis aliis cruciare, Thoronus adducitur. Sed malus spiritus credo, ob virtutem adque magnitudinem sancti conpraessus, nequaquam hominem mutelavit. Nam in loco ipso per anni curriculum degens, cum nihil male pateretur, regressus est, sed rursus quae caruerat incurrit.


Le prince des ténèbres a mille artifices pour faire le mal, et je vais raconter ce qui est arrivé dernièrement à des reclus et à des hommes dévoués à Dieu. Le breton Winoch, élevé aux honneurs de la prêtrise, et dont nous avons parlé dans un autre livre , s'était soumis à de telles austérités qu'il ne se vêtissait que de peau, ne mangeait que des herbes sauvages crues, et portait si légèrement le vase de vin à sa bouche, qu'on aurait dit que c'était pour le baiser plutôt que pour le boire. Mais la libéralité des dévots lui ayant souvent apporté des vases remplis de cette liqueur, il s'accoutuma par malheur à en boire outre mesure, et finit par s'abandonner tellement à la boisson qu'on le vit plusieurs fois ivre. D'où il arriva que son ivrognerie augmentant par la suite des temps, le démon s'empara de lui et le tourmenta avec une telle violence que, prenant un couteau ou quelque espèce de projectile qu'il pût attraper, soit pierres, soit bâtons, furieux il poursuivait les hommes qu'il voyait ; en sorte qu'on fut obligé de le garder dans sa cellule, chargé de chaînes. Après avoir passé deux ans frénétique sous le poids de ce jugement, il rendit l'esprit. Un autre nommé Anatole, natif de Bourgogne, et enfant de douze ans, à ce qu'on rapporte, étant au service d'un certain marchand, lui demanda la permission d'entrer en réclusion. Le maître résista longtemps croyant que son zèle se refroidirait, et qu'à cet âge il ne pourrait accomplir ce qu'il s'efforçait d'obtenir. Cependant, vaincu par les prières de son serviteur, il lui donna les moyens de faire ce qu'il désirait. Il y avait en ce lieu un antique souterrain voûté et curieusement travaillé, en un coin duquel se trouvait une petite cellule formée de pierres carrée, et dans laquelle un homme pouvait à peine se tenir debout. L'enfant entra dans cette cellule, et y demeura l'espace de huit ans au plus, satisfait de très peu de nourriture et de boisson, veillant et vaquant à l'oraison. Après cela, saisi d'une grande terreur, il commença à s'écrier qu'il éprouvait de violentes douleurs au dedans de lui, d'où il arriva qu'aidé, je crois, d'une partie de la milice de l'Enfer, il ébranla les pierres de taille qui le tenaient enfermé, renversa le mur, et joignit les mains, disant que les saints de Dieu le brûlaient. Après qu'il eut demeuré longtemps dans cette folie, comme il confessait souvent le nom de saint Martin, et se disait tourmenté par ce saint encore plus que par les autres, on le conduisit à Tours ; mais le mauvais esprit, réprimé, à ce que je crois, par les mérites et la puissance du saint, cessa de le tourmenter. Après être demeuré à Tours plusieurs années sans éprouver aucun mal, il s'en alla, mais il fut ensuite repris de sa maladie.

35. De legatis Hispanorum.

Legati de Hispaniis ad regem Guntchramnum venerunt cum multis muneribus, pacem petentes, sed nihil certi accipiunt in responsis. Nam anno praeterito, cum exercitus Septimaneam debellasset, navis, quae de Galleis in Galliciam abierant, ex iusso Leuvieldi regis vastatae sunt, res ablatae, hominis caesi atque interfecti, nonnulli captivi abducti sunt. Ex quibus pauci quodadmodo scafis erepti, patriae quae acta fuerant nontiaverunt.


Les envoyés d'Espagne vinrent trouver le roi Gontran avec beaucoup de présents, lui demandant la paix ; mais ils ne purent en obtenir aucune réponse positive ; car, dans l'année précédente, tandis que l'armée ravageait la Septimanie, des vaisseaux, qui allaient des Gaules en Galice, avaient été pillés par ordre du roi Leuvigild, et on avait enlevé ce qu'ils portaient. Les hommes qui les montaient avaient été maltraités et tués ; plusieurs avaient été emmenés en captivité ; un petit nombre, qui s'étaient échappés sur des barques, étaient revenus dans leur pays annoncer ce qui s'était passé.

36. De interitu Magnovaldi.

Igitur aput Childebertum regem Magnovaldus causis occultis ex iussu regis interficitur hoc modo. Stante infra Mettensis urbis palatium rege et ludum spectante, qualiter animal caterva canum circumdatum fatigabatur, Magnovaldus arcessitur. Quo veniente et nesciente quae actura erant, cum reliquis dissolutus riso, prospicere pecudem coepit. At his cui iussum fuerat, cum viderit eum spectaculum intentum, librata secure caput eius inlisit. Qui cecidit et mortuus est ac, per fenestram domus proiectus, a suis sepultus est; resque eius protinus direptae, aerario publico, in quantum repertum est, sunt inlatae. Autumabant tamen quidam, eo quod post mortem fratris diversis plagis coniugem affectam interfecisset et uxorem fratris adscisset toro, extetisse causam, qua interimeretur.


A la cour du roi Childebert, Magnovald fut tué de la manière suivante, pour des causes inconnues. Le roi était à Metz dans son palais, et regardait le spectacle d'un animal environné et harcelé d'une troupe de chiens. Il manda Magnovald. Celui-ci arrivant et ne se doutant pas de ce qui l'attendait, se mit à rire avec les autres et à regarder le combat des bêtes. Lorsqu'on le vit attentif au spectacle, un homme, qui en avait reçu l'ordre, le frappa de sa hache et lui coupa la tête. Il tomba mort, fut jeté par les fenêtres de la maison, et enseveli par les siens. On enleva aussitôt tous ses effets, et tout ce qu'on trouva fut porté au trésor public. On disait qu'on l'avait fait mourir parce qu'après la mort de son frère, il avait fait périr sa femme par toutes sortes de mauvais traitements, et avait ensuite épousé la femme de son frère.

37. Quod Childebertho filius natus est.

Post haec Childebertho regi filius natus est, qui a Magnerico Treverorum episcopo de sacro fonte susceptus, Theodoberthus est vocitatus. De quo tantum gaudium Gunthchramnus rex habuit, ut statim legatus dirigens, multa ei munera transmitteret, dicens: "Per hunc enim Deus eregere Francorum regnum propria maiestates suae pietate dignabitur, si huic pater aut ipse viverit patri".


Après cela naquit au roi Childebert un fils que Magnérie, évêque de Trèves, tint sur les fonts sacrés, et qui reçut le nom de Théodebert. Le roi Gontran en eut tant de joie qu'il fit sur-le-champ partir des envoyés chargés de beaucoup de présents, disant : Si le père conserve cet enfant et si cet enfant conserve son père, Dieu, par sa bonté particulière, relèvera la grandeur du royaume des Francs.

38. Quod Hispani in Galliis prorupuerunt.

Anno denique XI. regni Childeberthi regis legati iterum de Hispaniis venerunt, pacem petentes, sed nihil certi obtenentes, regressi sunt. Richaredus autem, filius Leuvichilde, usque Narbonam venit et infra terminum Galliarum praedas egit et clam regressus est.


La onzième année du règne du roi Childebert, il revint de nouveau des envoyés d'Espagne pour demander la paix ; mais, n'ayant pu obtenir de réponse positive ils s'en retournèrent. Reccared, fils de Leuvigild, vint jusqu'à Narbonne, enleva du butin sur le territoire des Gaules, et s'en retourna secrètement.

39. De obito episcoporum.

Eo anno multi episcoporum obierunt; Badegysilus vero Cenomannorum episcopus, vir valde saevus in populo, auferens sive deripiens iniuste res diversorum. Ad cuius animum acervum adque inmitem coniux accesserat saevior, quae illum in committendis sceleribus nequissimis consilii stimulis perurguebat. Nec praeteribat dies aut momentum ullum, in quo non aut in spoliis civium aut in diversis altercationibus crassaretur. Cotidiae autem cum iudicibus causas discutere, militias saeculares exercere, saevire in alios, alios caedibus agere non cessabat, manibus etiam propriis verberare, proterire multus ac dicere: "Non ideo, quia clericus factus sum, et ultur iniuriarum mearum non ero?" Sed quid dicam de ceteris, cum nec ipsis quoque germanis parceret, sed ipsos magis expoliarit? Cum quo numquam iustitiam de rebus paternis maternisve adsequi potuerunt. Quinto autem anno episcopatus sui expleto, cum iam sextum ingrediens aepulum civibus cum inmensa laetitia praeparasset, a febre correptus, annum quem coeperat protinus, morte inminente, finivit. In cuius loco Berthramnus Parisiacus archidiaconus subrogatus est. Qui multis altercationibus cum relicta illius defuncti habuisse probatur, eo quod res, quae tempore Badegyseli episcopi aeclesiae datae fuerant, tamquam proprias retenebat, dicens: "Militia haec fuit viri mei". Et licet invita, tamen cuncta restituit. Erat enim ineffabili malitia. Nam saepius viris omnia pudenda cum ipsis ventris pellibus incidit, feminis secriciora corporis loca lamminis candentibus perussit et multa alia inique gessit, quae tacere melius potavi. Obiit et Sabaudus Arelatensis episcopus; in cuius loco Licerius regis Guntchramni refrendarius est adscitus. Gravis tunc Provinciam ipsam lues debellata est. Obiit et Euantius Viennensis episcopus; in cuius sede Virus presbiter de senatoribus, rege elegente, substituetur. Multique eo anno sacerdotum ex hoc mundo migrati sunt, quod praeterire volui, eo quod unusquisque in urbe sua sui reliquerit monimenta.


Cette année moururent beaucoup d'évêques ; entre autres Bodégésile, évêque du Mans, homme très cruel au peuple, qui enlevait ou pillait injustement les biens des uns et des autres. Sa femme ajoutait encore à la cruauté de son âme inhumaine, l'excitant toujours par de mauvais conseils, et le stimulant à commettre des crimes. Il ne se passait pas un jour, pas un moment, où il ne s'occupât, soit à dépouiller des citoyens, soit à élever diverses querelles. Chaque jour, sans relâche, il siégeait avec les juges pour juger les procès, ne cessant d'exercer des offices séculiers, de sévir contre les uns, de maltraiter les autres ; il en frappait beaucoup de ses propres mains, disant : Parce que je suis clerc, ne vengerai-je pas mes injures ? Mais que dirai-je de sa conduite envers les autres, puisqu'il n'épargna pas ses propres frères, et qu'il les dépouilla de beaucoup de choses, tellement, qu'ils ne purent jamais obtenir de lui ce qui leur revenait des biens de leur père et de leur mère ? Ayant accompli la cinquième année de son épiscopat, en entrant dans la sixième, il avait fait préparer avec beaucoup de joie un repas pour les citoyens, lorsqu'il fut saisi de la fièvre, et la mort finit aussitôt pour lui l'année qu'il commençait. On mit à sa place Bertrand, archidiacre de Paris. Il se trouva exposé à beaucoup d'altercations avec la veuve du défunt, qui voulait retenir, comme lui appartenant, les choses données à l'Église du temps de l'évêque Bodégésile, disant : C'est mon mari qui les a gagnées. Cependant, elle fût forcée de tout rendre malgré elle, et elle était d'une méchanceté inexprimable. Elle coupait souvent aux hommes les parties naturelles, avec la peau du ventre, et faisait brûler aux femmes, avec des fers ardents, les parties secrètes de leur corps. Elle commit beaucoup d'autres iniquités qu'il vaut mieux, je crois, passer sous silence. En ce temps mourut aussi Sabaude, évêque d'Arles, à la place duquel fût nommé Licérius, référendaire du roi Gontran. Cette province fut dépeuplée par une cruelle contagion. Evans, évêque de Vienne, mourut aussi, et, à sa place, le roi nomma Virus, prêtre de race sénatoriale. Cette année, beaucoup d'évêques quittèrent ce monde, et je n'en parle point, parce que chacun a laissé dans sa ville des monuments.

40. De Pelagio Toronico.

Fuit autem et in urbe Thoronica Pelagius quidam, in omni malitia exercitatus, nullum iudicem metuens, pro eo quod iumentorum fiscalium costodes sub eius potestate consisterent. Ob hoc furta, superventa, pervasiones, caedes diversaque scelera tam in fluminibus quam in terris agere non cessabat. Nam plerumque arcessitum et minacibus lenibusque verbis, ut ab hac malitia desisteret, prohibere volui; sed magis odia quam aliquod fructum iustitiae ab eo recepi iuxta illud Salamoneacae Sapientiae proverbium: Argue stultum, adiciet odire te. Nam tantum in me odium miser habebat, ut saepius, spoliatis caesisque hominibus sanctae aeclesiae, exanimes reliquerit, causasque, qualiter aeclesiae vel basilicae sancti Martini damna intenderit, inquirens. Unde factum est, ut quadam vice venientibus hominibus nostris adque echinum in vasis deferentibus caederet, protereret ipsaque vasa dereperit. Quod factum cum conperissem, eum a commonione suspendi, non quasi ultur iniuriae meae, sed ut facilius eum ab hac insania redderem emendatum. At ille, electis duodecem viris, ut hoc scelus periuraret, advenit. Sed cum ego nullum vellim sacramentum suscipere, conpulsus ab eo vel a civibus nostris, amotis reliquis, ipsius tantum iuramentum suscipi, iussique eum recipi in commonione. Erat autem eo tempore mensis primus. Adveniente autem mense quinto, quo prata secare solent, pratum sanctimunialium, qui terminum prati sui adhaerebat, pervadit. In quo statim ut falcem misit, febre correptus, diae tertia spiritum exalavit. Disposuerat enim sibi sepulchrum in basilica sancti Martini vici Condatensis, quod detectum sui effractum in frustra repperierunt. Sic postea in porticum ipsius basilicae est sepultus. Vasa quoque echini, qua periuraverat, post obitum illius ab eius prumtuario sunt delata. Manifesta est autem virtus beatae Mariae, in cuius basilicam miser sacramentum protullit mendax.


Il y eut dans la ville de Tours un certain Pélage, exercé à une infinité de méchancetés, ne craignant aucun juge , parce qu'il avait sous ses ordres les gardes des chevaux du fisc. Il ne cessait de surprendre les citoyens, d'envahir leurs biens, de les maltraiter, et de se livrer à diverses sortes de crimes, tant sur l'eau que sur terre. Je le mandai plusieurs fois, et tachai, soit par des menaces, soit par des paroles de douceur, de le détourner de sa mauvaise conduite ; mais, au lieu d'en recueillir aucun fruit de justice, je m'attirai plutôt sa haine, d'après les paroles de Salomon : Ne reprenez point le fou, de peur qu'il ne vous haïsse. Ce malheureux avait en effet pour moi une telle haine que souvent, après avoir dépouillé et maltraité des gens de la sainte Église, il les laissait sans vie, cherchant de quelle manière il pourrait porter dommage, soit à la cathédrale, soit à la basilique de saint Martin. Il arriva qu'une fois il rencontra nos gens portant un hérisson dans des vases, il les maltraita, les foula aux pieds, et prit les vases. Ayant appris la chose, je lui interdis la communion, non pour venger mon injure, mais pour parvenir à le corriger de sa frénésie. Mais il choisit douze hommes avec lesquels il vint pour se purger de ce crime par un faux serment ; je ne voulais recevoir aucun serment ; mais sollicité par lui et par nos citoyens, je renvoyai ceux qu'il avait amenés, pris seulement son serment, et le reçus à la communion. On était alors dans le premier mois. Au cinquième mois, à l'époque où l'on a coutume de faucher les prés, il envahit un pré de religieuses qui confinait au sien ; mais, aussitôt qu'il y eut mis la faux, il fut pris de la fièvre, et rendit l'esprit le troisième jour. On l'avait mis en un sépulcre dans la basilique de saint Martin, au bourg de Candes. On trouva le sépulcre ouvert et brisé en pièces ; on l'ensevelit ensuite sous le portique de la basilique, et les vases du hérisson, qu'il avait juré faussement n'avoir point pris, furent, après sa mort, rapportés de son cellier. Ainsi se manifesta la puissance de la bienheureuse Marie, dans la basilique de laquelle ce misérable avait proféré de faux serments.

41. De his qui Praetextatum episcopum interfecerunt.

Cum autem per totam terram sonus illi percurrerit, Praetextatum episcopum a Fredegunde fuisse interfectum, illa quoque, quo facilius detergeretur a crimine, adpraehensum puerum caedi iussit vehementer, dicens: "Tu hoc blasphemium super me intulisti, ut Praetextatum urbis Rothomagensis episcopum gladio adpeteris". Tradedit eum nepoti ipsius sacerdotis. Qui cum eum in supplicio posuisset, omnem rem evidenter aperuit dixitque: "A regina enim Fredegunde centum solidus accepi, ut hoc facerem, a Melantio vero episcopo quinquaginta et ab archediacono civitates alios quinquaginta; insuper et promissum habui, ut ingenuus fierem, sicut et uxor mea". In hac voce illius evaginatum homo ille gladium praedictum reum in frustra concidit. Fredegundis vero Melantium, quem prius episcopum posuerat, aeclesiae instituit.


Le bruit s'étant répandu par tout le pays que l'évêque Prétextât avait été tué par l'ordre de Frédégonde, pour se laver de ce crime, elle fit prendre un de ses serviteurs, et ordonna qu'il fût violemment frappé de coups, disant : C'est toi qui as fait tomber sur moi ce blâme, en attaquant de ton épée Prétextat, évêque de la ville de Rouen ; et elle le livra au neveu de l'évêque. Celui-ci l'ayant fait appliquer aux tourments, le serviteur découvrit clairement toute l'affaire, et dit : J'ai reçu de la reine Frédégonde cent sols d'or pour faire ce que j'ai fait. J'en ai eu cinquante de l'évêque Mélantius, et cinquante autres de l'archidiacre de la cité. De plus, on m'a promis que je serais libre ainsi que ma femme. A ces mots le neveu de l'évêque tirant son épée mit le coupable en morceaux. Frédégonde institua évêque Mélantius, qu'elle avait dès le premier moment nommé à ce siège.

42. Quod Bippolinus dux datus est.

Per quam cum Beppolenus dux valde fatigaretur nec iuxta personam suam ei honor debetus inpenderetur, cernens se dispici, ad Gunthchramno regem abiit. A quo accepta potestate ducatus super civitates illas, quae ad Chlotharium, Chilperici regis filium, pertinebant, cum magna potentia pergit, sed a Rhedonicis non est receptus. Andecavus vero veniens, multa mala ibidem gessit, ita ut annonas, faenum, vinum vel quicquid repperire potuisset in domibus civium, ad quas accesserat, nec expectatis clavibus, disruptis osteis, devastaret; multusque de habitatoribus loci caedibus adfecit protrivitque. Domigysilo quoque metum intulit, sed pacificatus est cum eo. Accedens autem ad urbem, dum epularetur cum diversis in tristico, subito effractum pulpitum domus, vix semivivus evasit, multis debilitatis, in eisdem tamen malis perdurans, quae prius gesserat. Multa tunc et Fredegundis in regno filii sui de rebus eius evertit. Ipse quoque ad Rhedonicus rediens et eos regi Guntchramno subdere cupiens, filium suum in hoc loco reliquit. Qui non multum intercedente tempus, inruentibus Rhedonicis, interemptus est cum multis honoratis viris. Hoc anno multa signa aparuerunt; nam mense septimo arbores visi sunt floruisse, sed et multae, quae prius poma habuerant, nova dederunt, quae usque natalis dominici tempore in ipsis arboribus habitae sunt. Fulgor per caelum in modum serpentes cucurrisse visus est.


Le duc Beppolène, fort ennuyé de Frédégonde qui ne lui accordait pas près d'elle les honneurs qui lui étaient dus, et s'en voyant méprisé, alla trouver le roi Gontran, qui lui confia la puissance ducale sur les cités qui appartenaient à Clotaire, fils du roi Chilpéric. Il s'y rendit avec un grand appareil, mais ne fut pas reçu à Rennes. Venant ensuite à Angers, il y fit beaucoup de mal, s'emparant des provisions, du foin, du vin, et de tout ce qu'il pouvait trouver dans les maisons des citoyens, où il entrait sans attendre les clefs, et en rompant les portes. Il frappa de coups et foula aux pieds beaucoup des habitants de ce lieu. Il fit peur aussi à Domégésile ; mais ensuite se raccommoda avec lui. Étant venu à la ville, tandis qu'il était à faire festin avec plusieurs, dans une maison à trois étages, le plancher de la maison s'enfonça tout à coup, et il s'en échappa à grand'peine demi-mort, et beaucoup furent blessés ; mais il n'en persévéra pas moins dans ses mauvaises actions. Frédégonde lui enleva beaucoup des propriétés qu'il avait dans le royaume de son fils. Il retourna à Rennes, et, voulant soumettre cette ville à la puissance du roi Gontran, il laissa son fils auprès ; mais peu de temps après les habitants de Rennes étant tombés sur lui, le tuèrent ainsi que beaucoup d'hommes de rang. Cette année beaucoup de signes apparurent ; on vit des arbres fleurir au septième mois, et plusieurs qui avaient déjà donné des fruits en produisirent de nouveaux, qui demeurèrent sur les arbres jusqu'au jour de la nativité du Seigneur. On vit des feux parcourir le ciel en manière de serpents.

43. Quod Nicetius rector Provinciae ordinatur, et de his quae Antestius gessit.

Anno quoque duodecimo Childeberthi regis Nicetius Arvernus rector Massiliensis provinciae vel reliquarum urbium, quae in illis partibus ad regnum regis ipsius pertinebant, est ordinatus. Antestius vero in Andecavos a rege Gunthchramno dirigitur, multis ibidem damnis adfligens eos, qui in morte Domnolae, uxoris Nectarii, mixti fuerunt. Resque Boboleni, eo quod fuerit huius caput sceleris, in fisco redactis, Namnetas accessit ac lacessire Nonnichium episcopum coepit, dicens: "Quia filius tuus in hoc facinus est admixtus, ut dignas pro cummissas suis poenas luat, meritum exigit". Sed puer conscientia accusante territus, ad Chlotharium, filium Chilperici, aufugit. Antestius vero, acceptis fideiussoribus ab episcopo, ut in praesentia regis adesset, Santonas venit. Sonus autem his diebus exierat, quod Fredegundis occultus in Hispaniis nuntius dirigerit, eosdemque a Palladio urbis Santonicae episcopo clam susceptus et inantea transmissus fuisse. Erant autem eo tempore dies quadragensimae sanctae, et episcopus in insola maris orationis causa secesserat. Secundum consuetudinem autem, dum ad dominicae caenae festa ad aeclesiam suam, populo expectante, rediret, ab Antestio in via vallatur. Qui, nec discussa rei veritatem, dicebat: "Non ingredieris urbem, sed exilio condemnaberis, quia suscepisti nuntius inimicae domini nostri regi". At ille: "Nescio", ait, "quid loquaris. Tamen quia dies sancti inminent, accedamus ad urbem, decursisque solemnitatum sanctarum festis, postea quaecumque volueris obpone, rationem a me accipies, quia quod reputas nihil est". At ille: "Nequaquam", inquid, "sed non adtingis limina aeclesiae tuae, quia infidelis apparuisti domino nostro rege". Quid plura? Tenetur in via episcopus, domus aeclesiae discribitur, resque deripiuntur. Cives cum homine obtenere non queunt, ut saltim vel celebrata solemnitate paschali discutiatur. Hisque supplicantibus et illo rennuente, tandem patefacit vulnus, qui latebat in pectore. "Si", inquid, "domum, quam infra territurii Biturigi termino habere dinuscitur, meae ditione, facta vinditione, subdedirit, quae flagitatis facio; alioquin non effugiet manus meas, nisi trudatur exilio". Metuit negare episcopus; scripsit subscripsitque ac tradedit agrum, et sic, datis fideiussoribus de praesentia sua ante regem, in civitate ingredi permissus est. Transactis igitur diebus sanctis, ad regem pergit. Adfuit et Antestius, sed nihil de his quae opponebat episcopo potuit adprobare. Episcopus autem ad urbem redire iubetur et usque ad synodum futurum dilatatur, si forte aliqua de his quae opponebantur evidentius possit agnosci. Adfuit et Nonnichius episcopus, qui, datis multis muneribus, abscessit.


L'an douzième du roi Childebert, Nicet d'Auvergne fut nommé gouverneur de la province de Marseille et des autres villes appartenant à Childebert en ces contrées. Antestius fut envoyé à Angers par le roi Gontran, et infligea beaucoup d'amendes à ceux qui avaient été impliqués dans le meurtre de Domnole, femme de Nectaire ; il vint à Nantes apportant au fisc les biens de Beppolène, principal auteur de ce crime, et il commença à inquiéter l'évêque Namnichius en lui disant : Ton fils est impliqué dans ce crime, et il faut qu'il subisse la peine qu'il a méritée. Le jeune homme, effrayé par les accusations de sa conscience, s'enfuit près de Clotaire, fils de Chilpéric. Antestius, ayant pris caution de l'évêque qu'il se présenterait devant le roi, se rendit à Saintes. Il courait alors un bruit que Frédégonde avait envoyé secrètement des messagers en Espagne, qu'ils avaient été reçus également en secret par Pallade, évêque de Saintes, qui les avait fait passer plus loin. On était alors dans les saints jours du carême, et l'évêque s'était retiré dans une île de la mer pour s'y livrer à l'oraison. Comme il revenait, selon la coutume, le jour de la cène du Seigneur à sa cathédrale, où le peuple l'attendait, il fut entouré en route par les gens d'Antestius. Celui-ci, sans examiner la vérité des faits, lui dit : Tu n'entreras point dans la ville, mais seras condamné à l'exil, parce que tu as reçu les messagers de l'ennemie du roi notre seigneur. - Je ne sais, répondit l'évêque, ce que tu veux dire, mais cependant voici les jours saints, allons à la ville, et, après les solennités de ces saintes fêtes, porte contre moi l'accusation que tu voudras et écoute mes raisons ; car ce que tu crois n'est pas véritable. - Point du tout, dit Antestius, tu n'atteindras pas le seuil de ton église, car il paraît que tu as manqué de foi au roi notre seigneur. Que dirai-je de plus ? Il retint l'évêque sur la route, fit l'inventaire de la maison épiscopale, et en enleva les effets. Les citoyens ne purent obtenir de lui qu'au moins la chose ne fût discutée qu'après la célébration des fêtes de Pâques. Mais, comme ils le sollicitaient et qu'il se refusait à leurs prières, il découvrit enfin la plaie cachée de son 'coeur. S'il veut, dit-il, remettre en mes mains, à titre de vente, la maison qu'on sait qu'il possède dans le territoire de Bourges, je ferai ce que vous demandez, autrement il ne sortira de mes mains que pour aller en exil. L'évêque n'osa refuser ; il écrivit, signa et livra son champ. Puis, ayant donné caution de se présenter devant le roi, il lui fut permis de rentrer dans la ville. Les jours saints passés, il se rendit vers le roi, Antestius s'y rendit aussi ; mais ne put rien prouver de ce qu'il avait imputé à l'évêque. L'évêque s'en retourna dans sa ville, et son affaire fut renvoyée au futur synode, afin qu'on y examinât si l'on pouvait prouver quelque chose de ce dont on l'accusait. L'évêque Namnichius se rendit aussi devant le roi, et fut renvoyé après avoir donné beaucoup de présents.

44. De eo qui regem Guntchramnum interficere voluit.

Fredegundis vero quasi ex nomine filii sui legatos ad Gunthchramnum regem diregit. Qui, reserata petitione, accepto responso, vale dicentes abscedunt; sed, nescio quibus causis, paulolum apud metatum suum remorati sunt. Mane autem facto, procedente regem ad matutinus ac praeeunte cereo, visus est homo quasi ebrius in angulo oraturii dormitare, accinctus gladio, cuius asta pariete sustentabatur. Hoc viso, rex exclamavit, dicens, non esse simpliciter, hominem sub hoc horrore noctis tali in loco quiescere. Oppraessus autem et loris revinctus, interrogabatur, quid sibi haec vellint, quae agerit. Nec mora supplicio subditus, dicit se a legatis, qui advenerant, emissum fuisse, ut rex deberet interfici. Denique adpraehensi legati Fredegundis, nihil de his quae interrogati sunt confitentur, dicentes: "Nos nihil ad aliud missos, nisi legationem, quam suggessimus, deferremus". Tunc hominem illum diversis plagis adfectum et carcere mancipatum, legatus per diversa loca exilio condempnare praecepit. Manifestissime enim patuit, sub hoc dolo a Fredegunde fuisse directus, ut regem interficere deberent, quod misericordia Domini non permisit. Inter quos Baddo senior habebatur.


Frédégonde adressa, au nom de son fils, des envoyés au roi Gontran. Celui-ci, ayant ouvert la lettre et fait réponse, les envoyés lui dirent adieu, et se retirèrent ; mais je ne sais pourquoi ils demeurèrent quelque temps auprès de son logis. Le matin suivant, le roi se rendant à Matines précédé d'un flambeau de cire, on vit dans un coin de l'oratoire un homme endormi, comme ivre. Il portait une épée à son baudrier, et sa lance était appuyée contre la muraille. Le roi, l'ayant vu, se récria, et dit qu'il n'était pas naturel que, durant l'horreur de la nuit, un homme dormît en tel lieu. Il fut donc saisi, lié avec des cordes, et on lui demanda ce que signifiait une telle conduite. Livré sur-le-champ aux tourments, il dit qu'il avait été chargé par les envoyés de tuer le roi. On prit donc les envoyés de Frédégonde, qui n'avouèrent aucun des faits sur lesquels on les interrogeait, et dirent : Nous n'avons eu d'autre mission que d'apporter le message que nous avons rendu au roi. L'homme qu'on avait pris fut soumis à divers tourments, et condamné à la prison, et les envoyés furent condamnés à l'exil en divers lieux. Il parut clairement qu'ils avaient été traîtreusement envoyés par Frédégonde pour faire périr le roi, ce que ne permit pas la miséricorde de Dieu. Parmi eux se trouvait Baddon, un des principaux de sa ville.

45. De interitu Desiderii ducis.

Cum autem legati de Hispaniis crebro ad regem Gunthchramnum venerint et nullius pacis gratiam obtenere potuissent, sed magis inimicitia pullularet, rex Gunthchramnus Albigensim urbem nepote suo Childebertho reddedit. Quod cernens Desiderius dux, qui maxime in eiusdem urbis territurio meliora facultatis suae condiderat, timens, ne ultio expetiretur ab eo propter antiquam inimicitiam, quod aliquando in eadem civitatem exercitum gloriosae memoriae Syghiberthi regis graviter adfecisset, cum Tetradia uxore sua, quam Eulalio nunc Arverno comite abstullerat, in termino Tholosano cum rebus omnibus transiens, exercitum cummovet et contra Gothos abire disponit, divisis prius, ut ferunt, rebus inter filius et coniugem. Adsumptoque secum Austrovaldo comite, Carcasonam petit. Praeparaverant enim se, hoc audito, urbis illius cives, quasi resistere volentes; audierant autem de his prius. Denique inito bello, fugire Gothi coeperunt et Desiderius cum Austrovaldo a tergo cedere hostem. Illis quoque fugientibus, hic cum paucis ad urbem accessit. Lassati enim fuerant equites sociorum. Tunc ad portam urbis accedens, vallatus a civibus, qui infra murus erant, interfectus est cum his omnibus, qui eum fuerant prosecuti, ita ut vix pauci exinde quodadmodo evaderent, qui rem, ut gesta fuerat, nuntiarent. Austrovaldus vero audiens Desiderium mortuum, de via regressus, ad regem perrexit; qui mox in eius locum dux statuetur.


Les envoyés d'Espagne revenaient continuellement vers le roi Gontran, sans pouvoir en obtenir la paix ; mais, au contraire, l'inimitié s'augmentait. Le roi Gontran rendit à son neveu Childebert la ville d'Albi. Le duc Didier, qui avait rassemblé dans le territoire de cette ville toutes ses meilleures possessions, craignit alors la vengeance du roi Childebert, parce qu'autrefois, dans ce même lieu, il avait rudement traité en ennemie l'armée du roi Sigebert de glorieuse mémoire. Il s'en alla donc avec sa femme Tétradia qu'il avait enlevée à Eulalius, comte d'Auvergne ; et, passant avec tous ses biens dans le territoire de Toulouse, il leva une armée, et se disposa à marcher contre les Goths, après avoir partagé, à ce qu'on dit, tout ce qu'il possédait entre ses fils et sa femme. Ayant pris avec lui le comte Austrovald, il marcha vers Carcassonne. Les citoyens de cette ville se préparèrent à se défendre, car ils avaient été avertis de leur arrivée. Le combat ayant été livré, les Goths commencèrent à fuir, et Didier, ainsi qu'Austrovald, à les poursuivre toujours battant. Eux continuant à fuir, Didier arriva à la ville avec peu de monde, parce que les chevaux de ses compagnons étaient rendus. S'étant donc approché de la porte de la ville, il fut entouré par les citoyens demeurés dans les murs, et tué avec ceux des siens qui l'avaient suivi. A grand'peine put-il s'en échapper un petit nombre qui vinrent raconter ce qui s'était passé. Austrovald, apprenant la mort de Didier, rebroussa chemin, et se rendit vers le roi, qui aussitôt le fit duc à la place de Didier.

46. De obito Leuvichilde regis.

Post haec Leuvigildus rex Hispanorum aegrotare coepit, sed, ut quidam adserunt, paenitentiam pro errore heretico agens et obtestans, ne huic heresi quisquam repperiretur consentaneus, in legem catholicam transiit , ac per septem dies in fletu perdurans pro his quae contra Deum iniquae molitus est, spiritum exalavit. Regnavitque Richaredus, filius eius, pro eo.


Après cela, Leuvigild, roi d'Espagne, tomba malade. Mais, à ce qu'on assure, il fit pénitence des erreurs de son hérésie, et protestant qu'il n'y retomberait point de sa volonté, fut converti à la foi catholique ; après avoir pleuré sept jours l'iniquité de ses entreprises contre Dieu, il rendit l'esprit. Son fils Reccared régna en sa place.


Sources:
  • Pierre Crombet pour l'Arbre Celtique

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