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Encyclopédie Celtique

Une langue celtique en Mésopotamie ?

Une langue celtique en Mésopotamie ?

À la suite du célèbre sumérologue N. Kramer en 1963, quelques chercheurs ont proposé l'existence d'autres langues que le sumérien et les langues sémitiques en Mésopotamie (*1). En effet, on observe en sumérien un substrat lexical important de termes portant essentiellement sur les animaux et les plantes (Jonathan R. Ziskind, 1972), de nombreux noms de métiers, d'objets usuels et autres termes liés à l'industrie et à la technologie de l'époque, évidemment une importante toponymie constituée de noms de villes et de l'essentiel de l'hydronymie (à commencer par le Tigre : Idigna, et l'Euphrate : Buranum), et même quelques patronymes. N. Kramer, postulant a priori que ce substrat résultait d'une langue unique, a proposé d'en appeler les locuteurs "peuple X", terme couramment repris depuis.

Dès les années 60, certains chercheurs ont proposé que ce substrat soit une langue indo-européenne (Whitteker - qui est un élève de Gamkrelidze -, Kloekhorst, Jakobsen, Steinkeller...) Whitteker est allé jusqu'à avancer que cette langue, qu'il appelle euphratique, serait la première codée dans les idéogrammes sumériens avant que les Sumériens ne récupèrent cette écriture pour leur propre langue. Cela expliquerait pourquoi certains symboles (PES, IGI) ne ressemblent pas à ce qu'ils désignent en sumérien dès les premières inscriptions, alors qu'ils semblent rapprochables de mots reconstitués en indo-européen (resp. poisson, oeil). On serait dans la situation d'un linguiste qui déchiffrerait le japonais alors que le chinois n'aurait laissé aucune trace archéologique : il ne comprendrait pas systématiquement le rapport entre les mots qu'il lit et les motifs dessinés par les idéogrammes, dès lors que certains sont employés phonétiquement avec un son d'une langue mais un sens d'une autre.

En attendant que l'euphratique soit éventuellement identifié dans les textes, ce qui serait possible si c'est bien pour l'euphratique que l'écriture a été inventée avant d'être adoptée en sumérien puis en akkadien, en voici les caractéristiques reconstituables :

-présente en basse Mésopotamie à la "période Uruk tardive", fin 4e millénaire av. J.C.
-langue indo-européenne à laryngales, avec les métaphonies correspondantes : comme dans les langues anatoliennes, la 2e laryngale s'est mieux transmise que la 1e et la 3e :
-durah, lecture proposée durah, de *dórk-eh2 = biche - où on notera la métaphonie e > a,
-hurin / hirin, lecture proposée hürin = cèdre, de *h1lmos = orme,
-mais u-i, lecture proposée uwi = mouton de h3ówis = agneau (évolué en udu en sumérien classique).
Les laryngales disparues se détectent parfois par leur incidence secondaire sur la phonétique du mot, comme en indo-iranien : šunir = emblème divin, de *h1su-h2néros, où un s initial en indo-européen aurait conduit à s- en euphratique, d'où s- en sumérien dans les plus vieux textes.
-h2 alterne parfois avec k - le phénomène s'observe dès l'indo-européen ; plus inattendu, h3 alterne parfois avec g.
-de dialecte occidental :
-nerah, lecture proposée nerah, de *neh1treh2 = (déesse) serpent - à l'origine d'un toponyme Nerah ; *neh1treh2 n'est attesté qu'en latin et dans les langues celtiques et germaniques
-PES, idéogramme en forme de poisson, (de *pigskos = poisson) - codant un homophone sumérien signifiant "être large" ;
-peut-être tukum, lecture proposée tukum, = ceci étant, de *to-kom = avec ça - où *kom n'est attesté avec certitude que dans les langues italiques, celtiques et germaniques.
-semi-ergative : de nombreux mots euphratiques sont passés en sumérien avec la morphologie de l'accusatif, c'est à dire celle de l'absolu lorsque l'indo-européen était encore une langue semi-ergative, comme le sont encore les langues anatoliennes à époque d'attestation. On notera que le sumérien est une langue semi-ergative.
-à la syntaxe de composition inversée par rapport à l'indo-européen, mais conforme au modèle celtique : Eridugu, de *wriy-dulkus
-affecté d'une assimilation labio-vélaire p ... kw > kw ... kw, phénomène strictement phonétique mais connu (entre autres) dans les langues celtiques : Karkara / Kakru / Kakra, lecture proposée Karkro, de *perkwrós = planté de chênes.

L'euphratique apparaît donc comme très proche du celtique commun, au point de présenter des innovations lexicales et structurelles communes spécifiques.

-les -s finaux sont empruntés intacts, puis évoluent en néo-sumérien pour donner des liquides rétroflexes, codées alternativement en -r ou en -d. L'alternance se rencontre aussi pour les -s- à l'intérieur des mots. Les s sont palatalisés en š devant e ou au contact de i.
-Les -eh2 finaux sont empruntés intacts en -ah, avec la métaphonie caractéristique.
-Les -m finaux sont empruntés intacts, avant de se durcir occasionnellement en -b. En présence d'un n ailleurs dans le mot, le n et le m s'intervertissent (métathèse) par un procédé régulier du sumérien (qui rappelle des phénomènes semblables dans les langues dravidiennes). Ils sont particulièrement fréquents du fait du caractère semi-ergatif de l'euphratique, hérité de l'indo-européen, et du caractère ergatif du sumérien. Kullab est le nom du temple d'Ea à Uruk, de *kulmn = montagne ; son nom est glosé en "temple blanc" à époque tardive - en se rappelant que les Sumériens considéraient les ziggurats (kur, kurgal) comme des montagnes sacrées.
-Les sourdes sont préservées comme tel.
-Le trait d'aspiration disparaît pour laisser une sonore.
-Les sonores sont préservées comme tel. On reconstitue les sonores de l'indo-européen comme étant d'anciennes glottalisées. L'akkadien les aurait restituées comme tel, mais produit des sonores là où l'euphratique en présente, ce qui signifie que l'évolution glottalisée > sonore était achevée en euphratique.
-gw > b, autre grand classique celtique, mais pour des raisons de diachronie, la coïncidence peut être fortuite
-Les n consonantiques sont sonorisés en -on-, qui évolue en -o-, généralement noté u (okor, noté ukur = pauvre, de *n-kuh1r-ós, en face de kurud = noble, de *kuh1r-ós), mais aussi plus rarement a (pod, noté pad = canal, de *pṇth2-ós, génitif de *póntoh2-s) - il faut se rappeler que les transcriptions phonétiques des idéogrammes sumériens nous ont été transmises par les Akkadiens, dont la langue sémitique a un vocalisme très réduit (a, i, u, des e en alternance plus ou moins instable avec i)
-Les -š finaux renvoient aux neutres sigmatiques : ils résultent de la régularisation du thème oblique.
--w- n'existe pas en sumérien et disparaît quand il n'est pas vocalisé (Uruk, avec l'épithète "aux enclos", de *wrg-h2, pl. de *wrgom)
-on connaît quelques adjectifs en -ús, parmi les adjectifs de dimensions, comme en indo-européen
--sw- > -z-
-Les dentales sont palatalisées en labiales devant r (dr > br)
--rg- > -r-

Le dossier est considéré comme spéculatif sans être formellement rejeté à ce jour :

-Ni les langues sémitiques, ni - et c'est plus surprenant - le sumérien n'expliquent la toponymie mésopotamienne. Le nom sumérien de Babylone (akkadien bâb ilu) est Tindir, sans signification à l'intérieur du sumérien, mais explicable par l'indo-européen *deywôm dhúros, de même sens.
De la même façon :
-Kalama, désignation sumérienne de la basse Mésopotamie, de *kalh2mâ = (pays des) roseaux
-Nibru (akkadien Nippur), siège d'Enlil, dieu des vents, de *nebhrós = nuageux, comparé à un nuage rapide : duŋud dirig-ga, de *dhñghwos dhergh- (on trouve aussi la locution kur-ra dirig-ga = nuage sur la montagne, avec un premier terme sumérien). Dans un mythe, les Sumériens désignent les habitants de la ville de Bad-Tibira sous le nom de Nibiru (les Akkadiens, dans le même mythe, les appellent Anunaki), les donnent comme d'origine céleste (le russe a fait glisser le sens de *nébhos = nuage à небо = ciel), et experts dans le travail des métaux,
-or Bad-Tibira s'analyse comme "la forteresse des forgerons", avec un premier terme sumérien et un second terme obscur, quoique passé dans les langues sémitiques ; mais avec tibal = forgeron en hébreux et tabbâlu = joueur de tambour en akkadien (deux frappeurs), la langue géographiquement la plus proche de Sumer n'est pas celle qui préserve le sens sumérien (*2). Bad-Tibira était le marché aux métaux de Sumer. Située en bordure de marais, il faut se rappeler que les forges sont toujours situées au bord de l'eau pour assurer l'efficacité des procédés de trempe (c'est d'ailleurs bien souvent comme ça que les archéologues les retrouvent). Tibira peut en fait s'analyser sur la racine indo-européenne *s-tup-/*s-tuph-/*s-tubh- = frapper, à partir du traitement du pluriel *túbh-es-a d'un neutre sigmatique *túbhos. (*3)
-Eridugu, de *wri-dulkús = ville douce
-Kuara, de ghuh3eh2ros = poissonneuse : le roi mythologique Dumuzid est dit "roi pêcheur originaire de Kuara" : History of Sumer sur Wikipédia (consulté le 29/09/2012)
-Kark'ro, siège du dieu de la foudre Iškur, de *perkwrós, variante thématisée de *perkwús = chêne ; le nom d'Iškur vient clairement de *s-kuh1rós = orage ; il est pourvu d'une arme, le plus souvent une masse, appelée ugur, lecture proposée ogor, de *h1wogrós = force, pierre précieuse, arme du dieu de l'orage (sanskrit vajra, arme d'Indra, ou mieux latin vigor = force, mais aussi éclat d'un diamant)
-Araram, lecture proposée Araram, de *h2rg-r-óm : noté par le sumérogramme UD-UNUG-KI "lieu d'habitation brillant"
-semblablement Ararim / Ururim, lecture proposée Ororim, de *h2rg-r-ih2-m
-Osab, ville à l'emblème d'un disque solaire : de *h2us-róm = auroral ; le sumérogramme (pour l'akkadien) UD-NUN-KI "lieu noble brillant", renvoie au caractère noble de la déesse aurorale (à comparer avec l'épithète brigantia pour la déesse aurorale celtique), qui était donc déjà connu des Euphratiques.
-Lagaš, traduite en akkadien comme Nakkamtu = entrepôts, mais codée SIR-BUR-KI-la "cité corbeau", avec héraldique correspondante : du neutre *léghos = établissement, en particulier entrepôt (pluriel *légh-es-a, qui explique la finale du toponyme), avec une étymologie populaire sur *lugus = corbeau (attesté en gaulois). On a là un lien exclusif avec le celtique commun.

On soupçonne depuis longtemps la présence d'une ou plusieurs langues non-attestées en haute Mésopotamie, notamment de par la tendance au redoublement dans des mots sans étymologie connue présents dans des langues attestées à proximité. L'une d'entre elles a été repérée (publication à l'été 2012) dans une tablette rassemblant une série de patronymes, découverte en haute Mésopotamie.

Très peu de chercheurs sont à la fois capables de lire le sumérien et d'accéder à des reconstitutions modernes de l'indo-européen - le dossier n'est donc traité que par très peu de monde.

L'euphratique se reconstitue comme une langue très proche du celtique commun - à ce titre rattachable au rameau brugmannien - à un stade laryngal tardif similaire à celui du hittite, et datable de la fin du 5e millénaire av. J.C. : sa confirmation ferait gagner mille ans à la reconstitution de l'indo-européen.

Un des points les plus intéressants en ce qui concerne cette langue, c'est le témoignage de laryngales dans une langue rattachable au rameau brugmannien.

Il est symptomatique que l'euphratique ait laissé à la population agraire des sumériens la terminologie liée :

-à l'autorité civile et militaire : kurud = noble, nêr = prince, héros, noté ner/nir - avec de nombreux dérivés, ugnim = armée, de * h2gmên, mutin = époux, de *póti-m, avec son féminin mutina, de *pótnih2-m, et le spectaculaire GA-RA-PA-TE-si = chef de la ville, de *ghordhó-potis - noté en alternance avec le sumérien ensi) ; dans le cas de nêr, on notera que la langue féminine dite dialecte eme-sal conserve une forme strictement sumérienne en concurrence avec šer ... ŋal = avoir de l'autorité, noté še-er ... ŋal, en face du régulier (dialecte eme-ŋir) ner ... ŋal. On notera aussi udu šunir (second terme issu de *h1su-h2neros évoqué plus haut) qui désigne le mouton avec la laine duquel on confectionnait les étendards
-et à l'organisation, y compris agricole : pod, noté pad, un des termes désignant le canal, agar = champ, à rapprocher du grec ἀγρός, du latin ager, du vieil haut allemand akr, etc., opin = charrue, noté apin, de *woghwnis, karadin = gerbe, de *krh2tis, une racine en rapport avec la vannerie, kaš = bière, peut-être à rapprocher du kvas, arar = meunier, de *h2l-tros = nourricier),
-une large partie de la toponymie urbaine : en plus des exemples déjà cités, on remarquera une montagne de [...]dunu mentionnée dans l'Epopée de Gilgamesh (version ninivite IV 4 - on pensera évidemment au gaulois dunom), des noms d'animaux sauvages et domestiques : šoh = porc, noté šah, gud = vache, de *gwóws, et une composante non négligeable de la mythologie, sans pour autant avoir modifié les caractéristiques très particulières de la langue sumérienne.

L'euphratique doit être vu comme la langue de voisins des sumériens, avec une société hiérarchique de chasseurs et d'éleveurs typique de ce qu'on trouve dans les peuples indo-européens : les sociétés agraires sont généralement assez égalitaires, mais ce n'est pas le cas des Sumériens à époque historique. On peut parfaitement postuler que les Euphratiques aient inspiré l'organisation sociale des Sumériens, nécessaire à l'ordre que suppose une agriculture irriguée.



  • G. Whittaker, "The case of euphratic", in Bulletin of the georgian national academy of sciences, vol 2/3, 2008 (consulté le 29/09/2012)
  • G. Whittaker, "Word formation in Euphratic", in Indo-european word formation, Museum Tusculanum Press, 2004 (consulté le 29/09/2012)



    (*1) : On rappelle que les Sumériens étaient prédominants dans l'extrême sud de Sumer, de Nibur (akkadien Nippur) jusqu'au Golfe Persique. Les Sémites habitaient principalement au nord du Bas Euphrate, entre Nibur et Bagdad.
    (*2) : On se rappelle que les Hébreux se donnent mythiquement comme originaires d'Ur, en basse Mésopotamie
    (*3) : Les remarques sur Bad Tibira sont de Hubert La Marle, qui ne se prononce pas quant à l'origine du peuple X et ne leur envisage pas d'origine autre que sémitique, élamite ou indo-iranienne. L'étymologie proposée est de moi.


  • Sources:
  • Alexandre Avon pour l'Arbre Celtique

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