Lingons - 708 - L'encyclopédie

Lingons

Localisation

Peuple celte du nord de l'Italie. Les indications relatives au territoire qu'ils occupaient sont rares et ténues. Suivant les indications de Tite-Live, ils étaient installés sur la rive droite du Pô, en contrebas de l'Apennin, sur des territoires ayant jadis appartenu aux Étrusques et aux Ombriens, dans le voisinage des Boïens (Histoire romaine, V, 35). Polybe, apporte un élément supplémentaire puis qu'il indique que leur territoire était voisin d'Ἀδρία (Histoire générale, II, 17). Dans leurs traductions de l'oeuvre de Polybe, V. Thuillier (1753), H. F. Bouchot (1847) et P. Waltz (1921) ont traduit Ἀδρία par "mer Adriatique", mais cette notion pouvait également désigner la ville du même nom, c'est à dire l'actuelle Adria en Vénétie, ou la branche septentrionale du delta du Pô, actuellement dénommée le Pô d'Adria. Il convient donc de localiser les Lingons dans le delta du Pô, au niveau des actuelles provinces de Ferrare et de Rovigo.

Attestations et étymologie

Les Lingons ne furent mentionnés que par Polybe sous la forme Λίγγονες (Histoire générale, II, 17) et Tite-Live, sous la forme Lingones (Histoire romaine, V, 35). Leur nom s'explique par la racine gauloise *ling- qui signifie "sauter / bondir". Ainsi, les Lingons étaient littéralement "les sauteurs / bondissants".

Protohistoire

Les Lingons étaient les homonymes des Lingons de la région de Langres (Haute-Marne), mais rien ne permet de dire s'il existait un lien entre ces deux peuples, autre qu'une simple homonymie. Notons toutefois que d'après le récit plus ou moins légendaire de Polybe (Histoire générale, II, 17) et Tite-Live (Histoire romaine, V, 35), les Lingons seraient bel et bien originaires de Gaule, ils se arrivés en Italie depuis les Alpes pennines, aux côtés des Boïens. Par la suite, ces deux peuples auraient fait main-basse sur des terres appartenant auparavant aux Étrusques et aux Ombriens au tout début du IV^e s. av. J.-C.

Une histoire énigmatique, partiellement éclairée par l'archéologie

Les auteurs de l'antiquité demeurent silencieux quant à l'histoire des Lingons. Ces auteurs se sont souvent bornés à n'aborder que les menaces et affrontements ayant impliqué les Romains, et dans une moindre mesure certaines cités alliées. Quelques textes font néanmoins états de menaces que les Gaulois ont fait peser sur quelques cités de la basse-plaine du Pô, que l'on pourrait éventuellement attribuer aux Lingons. Ainsi, Tite-Live indique qu'à la fin du IV^e s. av. J.-C., les habitants de Padua (Padoue) étaient fréquemment menacés par des Gaulois (Histoire romaine, X, 2).

L'archéologie contribue néanmoins à remplir les vides laissés par les historiens de l'antiquité. Les spécialistes du monde étrusque évoquent bien souvent "la grande crise du IV^e siècle" (Sassatelli, 1990) pour évoquer les changements majeurs observés sur les sites archéologiques entre le IV^e et le III^e s. av. J.-C. Quelques sites paraissent échapper à ces changements, dont Hadria (Adria, province de Rovigo) et Spina (Ostellato, province de Ferrare), deux cités située dans l'immédiate périphérie du territoire lingon. G. Sassatelli (1990) explique le cas particulier de Spina par le fait que cette cité était ceinte de marais et de dunes, et qu'elle constituait pour les Gaulois une intermédiaire avec le monde méditerranéen. De leur côté, M. Guido & A. Mansuelli (1960) considèrent que ce sont les Gaulois qui jouaient le rôle d'intermédiaire entre les commerçants grecs de Spina avec l'intérieur des terres, et ainsi assuraient le rôle que les Étrusques ne jouaient plus. Suivant cette hypothèse, Spina constitua une enclave autonome au sein du territoire lingon. Ainsi, dans la nécropole de Valle Trebba, près de la cité gréco-étrusque de Spina, différents artefacts attribués aux Celtes ont été mis à jour, de même que des inscriptions sur lesquelles figurent des anthroponymes gaulois ont été découverts. Ces différents éléments contemporains ou postérieurs à l'intervalle 320-280 av. J.-C. témoignent, selon G. Colonna (1993) et P. Desantis (1994), d'une période de solides échanges, voire d'une véritable cohabitation entre Gaulois et Spinites. Ce fut probablement dans ce cadre que se déroula une certaine forme d'étruscisation de la société gauloise avoisinante décrite par G. Sassatelli (1990).

Sources littéraires anciennes

Polybe, Histoire générale, II, 17 : "Aussi, quand on étudie l'histoire de l'Étrurie et de son empire, faut-il entendre par là non pas le territoire que les Étrusques occupent actuellement, mais la plaine du Pô avec toutes les ressources qu'elle leur offrait. Les Gaulois, qui étaient leurs voisins, entrèrent en relations avec eux ; séduits par la beauté du pays, ils saisirent un prétexte futile pour envahir brusquement la vallée du Pô avec une armée immense, en chassèrent les Étrusques et s'y établirent à leur place. Les tribus qui se fixèrent le plus près de la source furent celles des Laëns et des Lébéciens, puis celle des Insubres, la plus considérable de toutes, et un peu plus bas les Cénomans ; les bords de l'Adriatique furent colonisés par les Vénètes, nation très ancienne, qui ne se distingue guère des autres peuplades gauloises par les moeurs et le costume, mais qui parle une langue différente ; les auteurs d'histoires dramatiques racontent à leur sujet force légendes merveilleuses. Au delà du Pô, du côté de l'Apennin, on trouve en premier lieu les Anianes, puis les Boïens ; après eux, en allant vers l'Adriatique, les Lingons ; enfin, sur la côte, les Sénons. Telles sont les plus importantes des tribus qui ont occupé la région qui nous intéresse."

Tite-Live, Histoire romaine, VI, 35 : "Bientôt, suivant les traces de ces premiers Gaulois, une troupe de Cénomans, sous la conduite d'Étitovius, passe les Alpes par le même défilé, avec l'aide de Bellovèse, et vient s'établir aux lieux alors occupés par les Libuens, et où sont maintenant les villes de Brixia et de Vérone. Après eux, les Salluviens se répandent le long du Tessin, près de l'antique peuplade des Lèves Ligures. Ensuite, par les Alpes Pennines. arrivent les Boïens et les Lingons, qui, trouvant tout le pays occupé entre le Pô et les Alpes, traversent le Pô sur des radeaux, et chassent de leur territoire les Étrusques et les Ombriens : toutefois, ils ne passèrent point l'Apennin. Enfin, les Sénons, qui vinrent en dernier, prirent possession de la contrée qui est située entre le fleuve Utens et l'Aesis. Je trouve dans l'histoire que ce fut cette nation qui vint à Clusium et ensuite à Rome ; mais on ignore si elle vint seule ou soutenue par tous les peuples de la Gaule Cisalpine."