|
Les préparatifs de la première expédition de César en Bretagne (fin de l'été 55 av. J.-C.)
 L'île de Britannia (Bretagne) était totalement méconnue des Romains. Les quelques informations relatives à ce territoire qu'ils possédaient, leur venaient vraisemblablement de géographes grecs, et ils étaient portés à douter de leur véracité (Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Jules César, XVII). Les Romains s'étaient déjà intéressés à la Bretagne au milieu du IIe s. av. J.-C., comme en témoigne le voyage entrepris par Publius Cornelius Scipio Aemilianus (après 146 av. J.-C.), visant à collecter des informations sur cette île, en vain. Dans le cadre de l'entreprise de cette expédition en Bretagne, à l'instar de son prédécesseur, César tenta d'obtenir des informations relatives aux habitants de cette île, leurs villes, leurs ports et leur manière de combattre auprès des commerçants gaulois. Tout comme son prédécesseur, César n'obtint aucune information de la part des commerçants gaulois, qui prétendaient ne rien savoir de cette île et avoir peur de s'y aventurer (César, Guerre des Gaules, IV, 20 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 50) (1).
Les trop rares informations communiquées par les Gaulois obligèrent César à envoyer une galère reconnaître les côtes de l'île, dirigée par le tribun Caius Volusenus Quadratus. Cette mission de reconnaissance dura cinq jours, et les informations collectées furent communiquées à César (César, Guerre des Gaules, IV, 21 ; Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Jules César, LVIII).
Pendant que Caius Volusenus Quadratus explorait les côtes de la Bretagne, César rassembla ses troupes chez les Morins et fit venir l'ensemble des navires disponibles (notamment les galères construites pour combattre les Vénètes, l'année précédente) (Guerre des Gaules, IV, 21). Le point de rassemblement de la flotte était fixé à Portus Itius (région du cap Gris-Nez ?) (2). D'après l'énumération de César, il y eut au total quatre-vingts vaisseaux de charge destinés au transport de deux légions, dix-huit vaisseaux de charge destinés au transport de la cavalerie et un nombre indéterminé de galères attribuées à son questeur, ses lieutenants et aux préfets (Guerre des Gaules, IV, 22).
Alors que César finalisait ses préparatifs, il eut la surprise de recevoir des ambassadeurs de différents peuples bretons, avertis par des commerçants gaulois de l'imminence de cette expédition. Après avoir reçu d'eux la promesse de leur soumission prochaine, il les renvoya en Bretagne accompagnés par Commios, le roi des Atrébates. Ce dernier devait intercéder en la faveur de César, pour convaincre l'ensemble des peuples de l'île de se soumettre à Rome et les avertir officiellement de l'arrivée prochaine des troupes romaines (Guerre des Gaules, IV, 21).
Lorsque César entreprit cette expédition, la Gaule était largement pacifiée. Seuls les Morins (chez lesquels il se trouvait) et les Ménapes n'avaient pas rendu les armes au terme de la campagne de la fin de l'été 56 av. J.-C.. Les Morins profitèrent de la présence de César pour lui faire parvenir des députés et négocier avec lui une paix honorable. Par mesure de précaution, César envoya Lucius Aurunculeius Cotta et Quintus Titurius Sabinus chez les Ménapes (lesquels n'étaient toujours pas soumis), et dans la portion du territoire des Morins ne lui ayant pas envoyé de députés, tandis que Publius Sulpicius Rufus fut chargé de défendre le port des Romains (Guerre des Gaules, IV, 22).
Après avoir collecté des informations sur la Bretagne, réuni ses troupes, entamé des négociations avec les représentants de plusieurs peuples bretons et assuré ses arrières en déployant des troupes chez les derniers peuples gaulois insoumis, César profita d'un vent favorable pour effectuer la traversée.
Notes
(1) Ce passage de la Guerre des Gaules est plus que curieux dans la mesure où César a précisé à d'autres occasions qu'à minima, les Suessions (Guerre des Gaules, II, 4), les Bellovaques (Guerre des Gaules, II, 14) et les Vénètes (Guerre des Gaules, III, 9) entretenaient des rapports privilégiés avec les Bretons. Il indique également que le roi des Atrébates, Commios, jouissait d'un grand crédit auprès des Bretons (Guerre des Gaules, IV, 21). Aussi, le même auteur assure que les druides allaient parfaire leur érudition sur cette île (Guerre des Gaules, VI, 13). Il est fort probable que les marchands gaulois tentaient de conserver le monopole du commerce avec les Bretons en refusant de communiquer des informations à un concurrent potentiel. D'ailleurs, dans le passage suivant, César indique que les Bretons avaient été instruits par des marchands gaulois des préparatifs des Romains.
(2) Dans le passage relatif aux préparatifs de la première expédition en Bretagne, César n'a pas situé avec précision le port duquel il partit. Par contre, dans le cadre des préparatifs de la seconde expédition en Bretagne (54 av. J.-C.), César a réuni ses troupes à Portus Itius tout en précisant qu'il savait que la traversée était aisée depuis ce point. Cette précision laisse croire que ce port a pu être le point de départ de la première expédition (Guerre des Gaules, V, 2). Aussi, dans une courte description se rapportant visiblement à cette première expédition, Strabon situe l'embarquement à Ἴτιον ("Ition", Portus Itius) (Géographie, IV, 5, 2).
Sources littéraires anciennes
| César, Guerre des Gaules, IV, 20 : "Si la saison ne lui permettait pas de terminer cette expédition, il lui serait cependant, à ce qu'il lui semblait, très utile de visiter seulement cette île, d'en reconnaître les habitants, les localités, les ports, les abords, toutes choses presque inconnues aux Gaulois. Nul en effet, si ce n'est les marchands, ne se hasarde à y aborder, et ceux-ci même n'en connaissent que les côtes et les pays situés vis-à-vis de la Gaule. Ayant donc fait venir de tous côtés des marchands, César n'en put rien apprendre ni sur l'étendue de l'île, ni sur la nature et le nombre des nations qui l'habitaient, ni sur leur manière de faire la guerre, ni sur ceux des ports qui étaient les plus propres à recevoir beaucoup de grands vaisseaux."
|
| César, Guerre des Gaules, IV, 21 : "Pour acquérir ces connaissances avant de s'engager dans l'expédition, il envoie, avec une galère, C. Volusénus, qu'il jugeait propre à cette mission. II lui recommande de revenir au plus tôt dès qu'il aurait tout vu. Lui-même, avec toutes les troupes, part pour le pays des Morins, d'où le trajet en Bretagne est très court. Il y rassemble tous les vaisseaux qu'il peut tirer des régions voisines et la flotte qu'il avait construite l'été précédent pour la guerre des Vénètes. Cependant, instruits de son projet par les rapports des marchands, les Bretons envoient à César des députés de plusieurs cités, qui promettent de livrer des otages et de se soumettre à l'empire du peuple romain. Après les avoir entendus, César leur fait de bienveillantes promesses, les exhorte à persévérer dans ces sentiments, et enfin les renvoie, accompagnés de Commios qu'il avait lui-même, après ses victoires sur les Atrébates, fait roi de cette nation, homme dont le courage et la prudence lui étaient connus, qu'il pensait lui être dévoué, et qui avait un grand crédit en Bretagne. Il lui ordonne de visiter le plus grand nombre possible de nations, de les exhorter à se remettre sous la foi du peuple romain, et de leur annoncer sa prochaine arrivée chez elles. Volusénus ayant inspecté la contrée, autant que pouvait le faire un homme qui n'osait sortir de son vaisseau ni se fier aux barbares, revient le cinquième jour auprès de César, et lui rend un compte détaillé de ses observations."
|
| César, Guerre des Gaules, IV, 22 : "Tandis que César était retenu dans ces lieux pour y rassembler la flotte, les députés d'une grande partie des peuples Morins vinrent le trouver, pour s'excuser de leur conduite passée, rejetant sur leur qualité d'étrangers et sur leur ignorance de nos coutumes, le tort d'avoir fait la guerre au peuple romain, et promettant de faire ce qu'il leur commanderait. César trouva que ces soumissions survenaient assez à propos : il ne voulait point laisser d'ennemi derrière lui ; la saison était trop avancée pour qu'il pût entreprendre cette guerre, et il ne croyait pas d'ailleurs que ces petits intérêts dussent être préférés à son entreprise contre la Bretagne. Il exigea donc un grand nombre d'otages. On les lui amena, et il reçut la soumission de ce peuple. Ayant fait venir et rassemblé quatre-vingts vaisseaux de charge, nombre qu'il jugea suffisant pour le. transport de deux légions, il distribua tout ce qu'il avait de galères à son questeur, à ses lieutenants et aux préfets. Il avait de plus dix-huit vaisseaux de charge, que le vent retenait à huit milles de cet endroit, et empêchait d'aborder au même port. Il les destina à sa cavalerie et envoya le reste de l'armée, sous le commandement de Q. Titurius Sabinus et L. Aurunculéius Cotta, ses lieutenants, chez les Ménapes et sur les points du territoire des Morins, dont il n'avait pas encore reçu de députés. II préposa à la garde du port son lieutenant P. Sulpicius Rufus, avec la garnison qui fut jugée nécessaire."
|
| Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 50 : "César est le premier Romain qui ait traversé le Rhin et pénétré ensuite dans la Bretagne, sous le consulat de Pompée et de Crassus. La plus courte distance de cette contrée à la partie de la Belgique habitée par les Morins est de quatre cent cinquante stades. Elle s'avance dans la mer et s'allonge en faisant face au reste de la Gaule et à presque toute l'Espagne. Les anciens Grecs et les anciens Romains n'en connaissaient pas même l'existence : plus tard on mit en doute si c'était un continent ou une île. L'une et l'autre opinion fut soutenue par plusieurs écrivains, qui ne savaient rien de certain, puisqu'ils n'avaient pas visité le pays et n'avaient reçu aucun renseignement des habitants : ils s'appuyaient sur diverses conjectures, suivant leurs loisirs et leurs lumières."
|
| Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Jules César, XVII : "L'expédition contre les Bretons témoigna de sa merveilleuse audace. Il fut le premier qui pénétra avec une flotte dans l'Océan occidental, et qui transporta une armée à travers la mer Atlantique pour aller faire la guerre. Cette île, dont l'existence était mise en doute, à raison de l'étendue qu'on lui attribuait ; cette île, qui avait été un sujet de contestation entre tant d'historiens, qui ont cru qu'elle n'avait jamais existé, et que tout ce qu'on en débitait, jusqu'à son nom même, était une pure fable, César tenta d'en faire la conquête, et porta au delà de la terre habitable les bornes de l'empire romain."
|
| Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Jules César, LVIII : "On ne saurait dire s'il montrait, dans ses expéditions, plus de prudence que de hardiesse. Jamais il ne conduisit son armée dans un pays propre à cacher des embuscades, sans avoir fait explorer les routes ; et il ne la fit passer en Bretagne qu'après s'être assuré par lui-même de l'état des ports, du mode de navigation, et des endroits qui pouvaient donner accès dans l'île."
|
| Strabon, Géographie, IV, 5, 2 : "Toutefois, quand on part des provinces rhénanes, ce n'est pas aux bouches mêmes du Rhin qu'on s'embarque , mais sur la côte de Morinie attenante au pays des Ménapes : c'est là, en effet, que se trouve Itium, ce port dont le divin César fit le rendez-vous de sa flotte, quand il fut pour passer en Bretagne. Il s'y embarqua de nuit, et le lendemain, vers la quatrième heure, il abordait dans l'île, ayant franchi la distance de 320 stades [que mesure le détroit], et trouvait le blé encore sur pied dans les champs." |
|
Espace Découverte
[ Les peuples de Gaule Belgique ]
Site protégé. Utilisation soumise à autorisation