Peuple du centre de la Gaule, ils étaient voisins des Arvernes, des Cadurques et des Gabales. Initialement, leur territoire correspondait au Rouergue et à l'Albigeois (presque exactement les limites actuelles des départements du Tarn et de l'Aveyron), mais il ne se résumait plus qu'au seul Rouergue lors de la Guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.). Leur métropole était Segodunum (Rodez).
Un court passage de la Guerre des Gaules de César (I, 45) nous apprend que les Rutènes prirent part à la guerre ayant opposé les Romains aux Arvernes et Allobroges (122-121/120 av. J.-C.) et qu'ils furent l'un des peuples vaincus dans le cadre de la victoire remportée par Quintus Fabius Maximus (121 av. J.-C.). C'est probablement en conséquence de cet engagement que Rome a annexé la portion méridionale de leur territoire (entre 121/120 et 118 av. J.-C.). Dés lors, la cité des Rutènes fut scindée en deux : une partie resta libre et indépendante, tandis que la seconde, celle des "Rutènes provinciaux" (Rutenis prouincialibus), échut à Rome (César, Guerre des Gaules, VII, 7).
En 52 av. J.-C., Vercingetorix dépêcha Luctérios chez les Rutènes, Nitiobroges et Gabales pour les convaincre de rejoindre l'insurrection et d'attaquer la Province romaine (César, Guerre des Gaules, VII, 5 et VII, 7-8). Après l'assemblée générale des Gaules de Bibracte, les Rutènes et Cadurques reçurent pour consigne d'attaquer de nouveau la Province, et plus précisément de ravager le territoire des Volques Arécomiques (César, Guerre des Gaules, VII, 64). Par la suite, dans le cadre du siège d'Alésia, les Rutènes fournirent un contingent de douze milles hommes à l'armée de secours (César, Guerre des Gaules, VII, 75). Au cours de l'hiver 52-51 av. J.-C., après la défaite de la coalition gauloise de Vercingetorix, César installa Caius Caninius Rebilus à la tête d'une légion chez les Rutènes (César, Guerre des Gaules, VII, 90).
Entre juin 49 av. J.-C., dans le cadre de la Guerre civile (49-45 av. J.-C.), Jules César recruta des archers rutènes pour affronter les légats pompéiens Lucius Afranius et Marcus Petreius en Hispanie (César, Guerre civile, I, 51).
César, Guerre des Gaules, I, 45 : "Q. Fabius Maximus avait vaincu les Arvernes et les Rutènes, et Rome, leur pardonnant, ne les avait pas réduits en province, et ne leur avait pas imposé de tribut. S'il fallait s'en rapporter à la priorité de temps, elle serait pour le peuple romain un juste titre à l'empire de la Gaule ; s'il fallait s'en tenir au décret du sénat, elle devait être libre, puisqu'il avait voulu que, vaincue, elle conservât ses lois."
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César, Guerre des Gaules, VII, 7 : "Cependant le Cadurque Luctérios, envoyé chez les Rutènes, les attire au parti des Arvernes, va de là chez les Nitiobroges et les Gabales, qui lui donnent les uns et les autres des otages ; puis, à la tête d'une nombreuse armée, il marche pour envahir la Province du côté de Narbonne. À cette nouvelle, César crut devoir préférablement à tout partir pour cette Province. Il y arrive, rassure les peuples effrayés, établit des postes chez ceux des Rutènes, qui dépendent de la province, chez les Volques Arécomiques, chez les Tolosates et autour de Narbonne, lieux qui tous étaient voisins de l'ennemi. En même temps, il donne ordre à une partie des troupes de la province, et au renfort qu'il avait amené de l'Italie, de se réunir chez les Helviens, qui sont limitrophes des Arvernes."
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César, Guerre civile, I, 51 : "Cependant on annonce à Afranius qu'un grand convoi, destiné à César, est arrêté près du fleuve. II lui venait des archers du pays des Rutènes, et des cavaliers Gaulois, traînant à leur suite, selon la coutume de ce peuple, quantité de chariots et de bagages."
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Strabon, Géographie, IV, 2, 2 : "enfin, les Rutènes et les Gabales, sur les confins de la Narbonnaise. Il y a de belles forges chez les Pétrocoriens, ainsi que chez les Bituriges-Cubes ; des fabriques de toiles de lin chez les Cadurques, et des mines d'argent chez les Rutènes et chez les Gabales."
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Pline, Histoire naturelle, IV, 108-109 : "A l'Aquitaine appartiennent les Ambilatres, les Anagnutes, les Pictons, les Santons, libres; les Bituriges, libres, surnommés Ubisques ; les Aquitains qui ont donné leur nom a la province ; les Sediboniates ; puis les Convènes rassemblés dans une ville ; les Bégères, les Tarbelliens, surnommés Quatuor Signani (à cause d'une garnison de quatre enseignes) ; les Cocosates, surnommés Sex Signani ; les Vénames, les Onobrisates, les Bélendes, la chaîne des Pyrénées ; au-dessous, les Monèses, les Osquidates des montagnes, les Sibyllates, les Campones, les Bercorcates, les Bipedimuens, les Sassuminiens, les Vellates, les Tornates, les Consoranniens, les Ausques, les Élusates, les Sottiates, les Osquidates de la plaine, les Succasses, les Tarusates, les Basabocates, les Vasséens, les Sénnates , les Cambolectres, les Agésinates joints aux Pictons, puis les Bituriges libres, appelés Cubes ; les Lemovices, les Arvernes, libres ; les Cabales ; d'un autre côté, les Rutènes, qui sont limitrophes de la Gaule Narbonnaise ; les Cadurques , les Antobroges et les Pétrocores, séparés des Toulousains par le Tarn. Mers qui baignent la côte : l'océan Septentrional jusqu'au Rhin, l'océan Britannique entre le Rhin et la Seine, l'océan Gaulois entre la Seine et les Pyrénées. Il y a plusieurs îles appartenant aux Vénètes et nommées Vénétiques, et, dans le golfe d'Aquitaine, l'île d'Uliarus."
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Pline, Histoire naturelle, XIX, 7-8 : "Le lin se sème surtout dans les lieux sablonneux, et après un seul labour. Rien n'est plus hâtif. Semé au printemps, il s'arrache en été, et c'est encore un mal qu'il fait à la terre. peut-être doit-on pardonner à l'Égypte de le semer, afin d'importer chez elle les marchandises de l'Arabie et de l'Inde. Mais quoi : les Gaules aussi sont estimées pour ce produit ; ce n'est pas pour elles on empêchement suffisant [à la culture du lin] que d'être bornées par les montagnes qui les séparent de la mer [Méditerranée], et d'avoir du côté de l'Océan pour limites ce qu'on appelle le vide ! Les Cadurciens, les Calètes, les Rutènes, les Bituriges et les Morins, qu'on regarde comme placés aux derniers confins de la terre ; que dis-je ? les Gaules tout entières, tissent des voiles."
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Inscription de Bagnères-de-Luchon (CIL 13, 356) N<Y=V>MP[HIS] MANV() SACRA RVTAEN[A] V(OTVM) S(OLVERVNT) L(IBENTES) M(ERITO)
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"Aux Nymphes, Manu(?) Sacra, rutène, s'est acquittée de son voeu de bon gré, comme il se doit."
Inscription de Bordeaux (CIL 13, 629) D(IS) [M(ANIBVS)] ET MEMORIAE VALERI SECV[N]DI RVTENI DEFVNCTI AN(NORVM) [...] SECVNDINV[S] FIL(IVS) P(ONENDVM) C(VRAVIT)
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"Aux Dieux Mânes et à la mémoire de Valerius Secundus, rutène, décédé à [...] ans, Secundinus, son fils, a pris soin d'élever (ce monument)."
Inscription de Cologne (CIL 13, 12061 ; AE 1906, 153) L(VCIO) VAL(ERIO) VERECVNDO RVT(ENO) MIL(ITI) COH(ORTIS) I CLASSICAE |(CENTVRIA) INGENV(I) ANN(ORVM) XXV STIP(ENDIORVM) IIII H(ERES) EX T(ESTAMENTO) F(ACIENDVM) C(VRAVIT)
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"À Lucius Valerius Verecundus, rutène, soldat de la cohorte I Classica, dans la centurie d'Ingenuus, mort à 25 ans, ayant servi 4 ans. Son héritier, conformément au testament, a pris soin de réaliser (ce monument)."
Inscription de Morlupo (AE 1919, 58) DIS MAN(IBVS) M(ARCI) IVNI SATVRNINI M(ARCI) IVNI POTITI FILI(I) ET VALERIAE CANAVIAE RVTAENI EX AQVITANICA VIX(IT) ANN(IS) XIX DIEB(VS) XXX
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"Aux Dieux Mânes de Marcus Iunius Saturninus, fils de Marcus Iunius Potitus et de Valeria Canavia, rutène, d' Aquitaine. Il a vécu 19 ans et 30 jours."
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