Anatilia - Pline, dans son Histoire naturelle (III, 36-37), mentionne la ville d'Anatilia au sein d'une longue liste où il mêle toponymes, ethnonymes et gentilés, dans le cadre d'une description géographique et ethnique de la Provence narbonnaise. Il y cite successivement des peuples gaulois, des villes et des régions spécifiques. Parmi elles, Anatilia se distingue comme une cité importante, bien que son emplacement exact demeure encore incertain et fasse l'objet de débats parmi les chercheurs.
Pline, Histoire naturelle, III, 36-37 :"Dans l'intérieur des terres, colonies : Arles de la sixième légion, Béziers de la septième, Orange de la seconde ; dans le territoire des Cavares, Valence, des Allobroges Vienne ; villes latines : Aix des Salluviens, Avignon des Cavares, Apta Julia des Vulgientes, Alébécé des Reies Apollinaires, Alba des Helves, Augusta des Tricastins, Anatilia, Aeria, les Bormanni, les Comani, Cabellio, Carcasum des Volques Tectosages, Cessero, Carpentorate des Mémines, Ies Caenicenses, les Cambolectres, surnommés Atlantiques, Forum Voconii, Glanum Livii ; les Lutevans, appelés aussi Foroneronienses ; Nîmes des Arécomiques, les Piscènes, les Rutènes, les Samnagenses ; Toulouse des Tectosages, sur la frontière de l'Aquitaine ; les Tascons, les Tarusconienses, les Umbraniques ; les deux capitales de la cité des Vocontiens alliés, Vasio et Lucus Augusti ; dix-neuf villes sans renom, de même que vingt-quatre attribuées à Nîmes."
Or, Pline vient juste d'évoquer, en amont dans le texte, les Anatiliens (III, 34). Nous pouvons en déduire qu'Anatilia était une cité des Anatiliens, et très probablement leur capitale. Pline les situe "superque" (au-dessus de, au-delà de) des "campos lapideos" (champs de pierre), ce qui est généralement perçu comme étant au nord de la Crau. Toutefois, deux indices sèment le doute : • La direction de la description : Sa description géographique ne suit pas un axe sud-nord, mais bien un axe ouest-est, il longe la côte. Dès lors, comment comprendre ce "superque" ? Est-ce "au nord" comme on pourrait le penser dans une progression nord-sud, ou plutôt "au-delà", c'est-à-dire plus à l'est dans une progression ouest-est ? • L'indication "à l'intérieur" : Après avoir parlé des Anatiliens, Pline mentionne ensuite, à l'intérieur, les Désuviates et les Cavares, puis annonce revenir vers la mer avec les Tricolles. Cette mention de "revenir vers la mer" laisse entendre que les Anatiliens, si les peuples suivants sont bien situés à l'intérieur des terres, seraient donc sur la côte. Cela suggère qu'ils ne sont pas au nord de la Crau, mais bien dans une zone côtière, à la limite des terres et de la mer.
Pline, Histoire naturelle, III, 34 :"Au delà, les fossés qui partent du Rhône, travail célèbre de C. Marius, et qui porte son nom; l'étang Mastramela ; Maritima, ville des Avatiques, et, au-dessus, des champs de pierre (la Crau) qui gardent la mémoire des combats d'Hercule ; la région des Anatiliens, et, dans l'intérieur, celle des Désuviates et des Cavares. En revenant à la mer, Tricorium ; puis, dans l'intérieur, les régions des Tricolles, des Vocontiens et des Segovellaunes, puis des Allobroges ; sur la côte, Marseille des Grecs Phocéens, alliée ;"
Âme ou Vent ?
📌 The wind that blows on a man's face is the same that blows in his soul. (Emerson - Essays: First Series, 1841)
X. Delamarre (2003) rapproche le nom des Anatiliens (et donc indirectement celui de Anatilia) d'un élément celtique anatia, que l'on retrouve notamment dans l'inscription sur plomb du Larzac. Il interprète ce terme comme signifiant "les âmes", se basant sur l'idée que le mot celtique anatia dérive de la racine indo-européenne liée à l'âme ou au souffle vital.
Ce rapprochement étymologique est particulièrement intéressant, car, dans de nombreuses cultures anciennes, l'âme est perçue comme un souffle vital. Cela est illustré par le grec ἄνεμος (ánemos), qui signifie à la fois "vent" et "souffle", et qui est à l'origine de termes comme "animé" en français, via le latin "animus" (souffle, esprit, âme). L'idée d'un souffle ou d'une force vitale traversant tout être vivant se retrouve également dans les racines des mots associés à la vie et à l'énergie.
L'hypothèse de X. Delamarre, selon laquelle Anatalia pourrait signifier "ville des âmes" ou, selon une lecture plus large, "ville du souffle", trouve une résonance géographique intéressante dans le contexte des régions exposées aux vents. Cette interprétation renforcerait l'idée que la localisation des Anatiliens et de leur capitale Anatalia pourrait bien se trouver dans une zone venteuse, comme la Crau ou d'autres plaines provençales, connues pour leurs conditions climatiques difficiles.
À ce jour, il est impossible de déterminer quelle ville actuelle pourrait correspondre à ce nom, car rien dans la toponymie locale n'y ressemble. La localisation d'Anatilia a fait couler beaucoup d'encre, et il est fort probable qu'elle continue à en faire couler encore beaucoup.
Exemple de tentative de localisation
"Anatalia, capitale des Anataliens, dont M. Ménard à fixé la position dans le mémoire précédent : il a fait voir que ces peuples habitoient au delà de la Crau, entre les embouchures de Rhône & la rive gauche de ce fleuve, c'est par conséquent en vain que la plupart des géographes ont voulu persuader qu'Anatilia étoit Saint-Gilles, qui se trouve en Languedoc à la droite du Rhône." (Anonyme, 1764)
Sources
• Anonyme, (1764) - "Suite de la description de la province Narbonnoise, selon le texte de Pline, éclairci par des remarques géographiques, historiques & critiques.", Histoire et mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Vol. 29, Paris, Imprimerie royale, pp. 228-250