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Les fourreaux d’épée laténiens

Déposez vos questions/remarques sur ce forum consacré aux connaissances actuelles concernant les Celtes...

Modérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice

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140 messages • Page 7 sur 10 • 1 ... 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10

Messagede Sedullos » Jeu 06 Mar, 2008 10:57

Je reviens sur le bois.

Elwin a mentionné des haies de clayonnage utilisées de façon défensive.

Outre que des clayonnages ont été utilisés comme éléments de rempart, en tant que "créneaux" par les Celtes et les Romains, il est possible que des mantelets de vannerie aient existé. A une date ancienne, les Assyriens s'en servaient et au Bas-Empire, les Goths les utilisent contre les Byzantins.

Toujours à propos des haies et des clayonnages, l'Irlande ancienne connaît une "haie du druide", une sorte de haie magique. Le Roux et Guyonvarc'h la mentionnent en précisant qu'ils n'ont pas beaucoup d'information.

Clémence Ramnoux donne dans Le Grand Roi d'Irlande une courte description d'un rite de souveraineté. Après son élection, le roi s'approche de la limite d'une habitation en portant une lance en avant et on abaisse devant lui une sorte de clayonnage, signifiant par là qu'on reconnaît sa souveraineté comme effective.
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Messagede Sedullos » Mar 11 Mar, 2008 12:45

Salut à tous,

Prêts pour un nouvel épisode de Sedullos contre les «Havane Bouledogue» ?


Anne Dudant a écrit:Le griffon, animal hybride à la fois aigle et lion, fait du guerrier plus qu'un simple combattant, il l'investit d'une mission sacrée. Son combat est juste.


Leukirix a écrit: On pourrait considérer que le symbole est en relation directe avec la méthode de combat (en comparant avec les romains de la république) :
- les griffons symbole animalier mobile : prédateurs = hastatus et principes
- les frettes à triscèles, décor style hongrois symbole végétale immobile : dernière chance = triari

Les premiers sont portés sur l'offensive, les seconds pour la défense le cas échéant !


Nous touchons là quelque chose qui est du ressort de l’idéologie du guerrier, un thème parfois abordé de manière indirecte sur ce forum. Ces deux propositions sont-elles compatibles ?

En clair, un prédateur peut-il mener un combat juste ? Existe-t-il un lien entre l'esthétique des militaria et l'éthique des guerriers celtes ?

J'espère que d'autres membres du forum vont prendre part à la discussion.
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Messagede Sedullos » Jeu 13 Mar, 2008 13:05

anne dudant a écrit:. Le vin répandu en sacrifice lors de libation n'est pas une métaphore du sang du guerrier.


Salut à tous
Je reviens sur ce commentaire de Anne.

Dans ce cas, pourquoi le revers d'une monnaie portant la légende Vercingétorix présente-elle un cheval surmonté d'une esse avec au dessous une amphore vinaire ?

Vercingétorix n'était pas marchand de vin :lol:
Si l'amphore apparaît associée au cheval et à l'esse, cela a une signification qui engage la souveraineté et la communauté des guerriers, Vercingétorix étant le grand roi des guerriers.

Plutôt que d'y voir uniquement le sang répandu à la guerre ou lors d'un sacrifice, on peut y voir aussi selon l'interprétation de Matthieu Poux, le vin en tant que métaphore des échanges de sang entre guerriers, des frères de sang, ce qui me semble tout à fait acceptable.

A noter que sur la monnaie en question, l'esse tient sur un cheval tourné vers la gauche, la place de conducteur, la même que tient l'épée sur d'autres monnaies avec le cheval tourné vers la droite.
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Messagede Leukirix » Jeu 13 Mar, 2008 19:21

De mon côté je ne parviens pas à envisager la symbolique autrement que par la fonction du guerrier...
Mon hypothèse de prédateur (griffons) pour les corps expéditionnaires et de gardiens de la tribu pour les symboles végétaux (en imaginant qu'il pourrait s'agir d'une symbolique féminine) retient mon attention, car comme ces symboles finissent pas fusionner, on pourrait imaginer que le guerrier devient à la fois gardien de la tribu et prédateur...

Quoi que le principe de gardien de la tribu est le plus ancien...
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Messagede Elwin » Jeu 13 Mar, 2008 22:44

Salve,

En lisant La civilisation celtique de Guyonvarc'h & Le Roux, j'ai relevé un passage spécifique aux fourreaux (page 28 de l'édition poche), qui apporte quelques éléments supplémentaires (ou tout du moins que je n'ai pas vu passé dans ce fil). Je passe tout ce qui a déjà été dit ici et j'ajoute les passage suivant:

"Sans que l'on tire dans l'immédiat aucune conclusion définitive, [...] [ce décor des esses opposés] rejoint le thème des dragons et du maitre des animaux de la tradition galloise ainsi que le récit irlandais de la conception des deux Porchers."

Le mieux est bien sûr de lire le passage dans son contexte. Je relèves en passant la référence au Porcher, qui pourrait faire le lien avec les têtes porcines que Pierre a évoqué. Au delà l'interprétation me dépasse, ne connaissant pas le dit mythe, mais je serais bien heureux de voir quelqu'un m'éclairer sur ce point!

Le passage renvoie enfin à des articles d'Alain Bulard, Eva Petres, et Paul-Marie Duval dont je donnerai les (longues) références à la demande.
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Messagede Sedullos » Ven 14 Mar, 2008 0:29

Salut à tous,

Elwin, c'est page 26 :)

Les porchers sont des haut-fonctionnaires de cour qui vont se battre pendant plusieurs années sous forme animale, corbeaux, animaux aquatiques, vers, démons, champions, en reprenant forme humaine de temps en temps. Les porchers ont dans ce récit des capacités mythiques égales à celles des druides ou de Cian, le père de Lug.

Les deux dragons sont ceux qui se battent sous la tour de Vortigern et la font écrouler à chaque fois, c'est l'enfant sans père Ambrosius = Merlin qui prophétise sa chute à Vortigen.

Le maître des animaux de la tradition galloise est, je suppose, le rustre à la massue que l'on trouve dans les contes gallois arthuriens médiévaux et leurs équivalents français comme Yvain, le chevalier au Lion.
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Messagede Sedullos » Ven 14 Mar, 2008 0:46

Leukirix a écrit:De mon côté je ne parviens pas à envisager la symbolique autrement que par la fonction du guerrier...
Mon hypothèse de prédateur (griffons) pour les corps expéditionnaires et de gardiens de la tribu pour les symboles végétaux (en imaginant qu'il pourrait s'agir d'une symbolique féminine) retient mon attention, car comme ces symboles finissent pas fusionner, on pourrait imaginer que le guerrier devient à la fois gardien de la tribu et prédateur...

Quoi que le principe de gardien de la tribu est le plus ancien...


L'interprétation par les prédateurs pour les griffons n'est pas incompatible avec leur rôle de gardiens de l'arbre de vie ou arbre cosmique. Anne devrait être d'accord là-dessus. De toutes façons, le symbole du griffon est ambigu tout comme le guerrier : gardien ou prédateur.

J'ai évoqué plus haut l'éthique du guerrier : à savoir l'étude de la morale du guerrier, le problème c'est que à part les textes irlandais médiévaux que certains récusent en tant que témoignages, on a pas grand chose en comparaison de Rome, de la Grèce ou de l'Iran.
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Messagede Kambonemos » Sam 15 Mar, 2008 13:00

Bonjour,

Par-delà le symbolisme du griffon et du dragon, fort bien abordée dans ce fil intéressant, je relève dans cette notice consacrée au dragon dans le Dictionnaire des Symboles :

Il est remarquable que ce symbolisme s'applique non seulement en Chine, mais chez les Celtes, et qu'un texte hébreu parle du Dragon céleste comme d'un roi céleste (.../...)


Dragon = symbole royal chez les Celtes ?

A rapprocher de l'article de Christiane Eluère (in Ulysse - sept.99) qui parle _ entre autre _ des griffons crétois, résurgences orientales, pour conclure que c'est aussi à l'âge du Bronze que se met en place une correspondance des croyances au niveau européen.

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Messagede Sedullos » Sam 15 Mar, 2008 16:33

Salut à tous,

Kambonemos et Elwin, il y a aussi dans le conte de Lludd et Llewelys deux dragons qui s'affrontent, le blanc désignant les Saxons et le rouge, l'emblème du pays de Galles. Il semble évident que la souveraineté sur l'île de Bretagne est en jeu dans ce combat. Les dragons ivres d'hydromel sont enterrés dans un coffre de pierre à Oxford et servent de protection contre les envahisseurs, fonction dévolue à la tête coupée de Bran dans le mabinogi.
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Messagede Sedullos » Sam 15 Mar, 2008 20:01

Effectuant une recherche sur la licorne chinoise, dans Le bestiaire du Christ / Louis Charbonneau-Lassay.- Albin Michel, 2006, j'ai trouvé des éléments intéressants concernant certaines bestioles en rapport avec les monnaies gauloises et le thème de l'arbre de vie.

D'abord les licornes, si elles n'apparaisent pas sur les fourreaux et monnaies des Gaulois, Charbonneau-Lassay donne des exemples de sceaux chaldéens et babyloniens dont un illustré présentant deux licornes ailées affrontées de part et d'autre de l'arbre de vie.

Il mentionne aussi un autre animal, l'Hippogriffe, le cheval-griffon qui loin d'être uniquement un symbole médiéval, on le trouve sur la Tapisserie de Bayeux, figure aussi sur deux monnaies gauloises, une monnaie carnute, avec la légende Pixtillos et une monnaie trouvée en Vendée.
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Messagede Sedullos » Sam 15 Mar, 2008 20:21

Pour revenir au dragon en tant que symbole royal, on a la légende de Uter Pendragon, le père d'Arthur et le texte de Geoffroy de Monmouth, Histoire des rois de Bretagne qui attribue un dragon surmontant son casque à Arthur.

L'une des interprétations historicisantes du dragon est celle du draco, l'enseigne de cavalerie des Sarmates, qui l'auraient empruntée aux Chinois avant de la transmettre aux Romains.

C'est l'enseigne portée par Merlin, sur une enluminure médiévale, où elle est désignée comme une salamandre et qui fait que l'on peut légitimement considérer Merlin comme le magister equitum, le maître de cavalerie du roi.

De quel roi ? Ambrosius Aurelianus, Riothame, Arthur ?
Ce qui compte, c'est la permanence et la relecture du symbolisme. Si on rapproche cela des deux dragons sur Excalibur dans le texte gallois cité en tête de fil, on en revient aux dragons ou griffons. C'est un peu agaçant de constater que ça tourne en boucle :roll:
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Messagede Leukirix » Dim 16 Mar, 2008 19:38

Concnernant le code moral des guerriers... Il va sans dire que lorsque que l'on se vend au plus offrant en tant que mercenaires... Ces soudards ne devaient pas être très fréquentables.
Je conseil à tous la lecture du livre de mon ami Thierry Luginbühl : "Cuchulainn, Mythes guerriers et sociétés celtiques", Infolio éditions, 2006. ISBN 10 : 2-88474-122-4 / ISBN 13 : 978-2-88474-122-4
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Messagede Sedullos » Dim 16 Mar, 2008 20:11

Salut, Leukirix,

Oui, c'est un petit livre sympa et original.

Par contre, il y a une erreur p. 88, le roi des Bituriges est Ambigat et non pas Bituit et Bellovèse et Ségovèse ne sont pas ses fils mais ses neveux, les fils de sa soeur, détail important du mythe celtique.

Le mercenariat n'est peut-être la meilleure école pour la morale, au sens humaniste d'aujourd'hui. La guerre qu'elle soit faite pour le compte de la "tribu", du "peuple" ou pour un employeur étranger contre rémunération est de toutes façons une activité économique à part entière, cf les travaux de Jean-Louis Brunaux.

Donc lancer des razzias, des expéditions voire établir des colonies, c'est ce que font les Gaulois au IVe siècle av J.-C., en Italie, et tout cela s'intègre dans une conception globale du monde axée sur la guerre, la conquête. C'est un des mérites de Le guerrier gaulois que d'expliquer que les Celtes sont loin d'être des victimes de l'histoire, ils ont eu leur part en tant qu'agresseurs.

Comme le dit Thierry Luginbühl, le guerrier est marqué par une "absence de recul et donc de scrupules" p. 69 mais aussi par un "mépris de la mort, horreur de la lâcheté, respect scrupuleux et, s'il le faut, suicidaire des obligations et des interdits, souci permanent de l'honneur de la gloire" op. cit, p. 101.
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Messagede DT » Lun 24 Mar, 2008 14:04

Salut à tous,
Pour revenir sur "les arbres combattants", mais seulement à titre de comparaison :
Christian SEIGNOBOS, Systèmes défensifs végétaux africains,in Le grand atlas de l'archéologie, Encyclopaedia universalis, 1985, pp. 322-323.

Les rapports militaires, les comptes rendus « d'opérations de police » rédigés au début de la période coloniale en Afrique mentionnent les difficultés rencontrées pour approcher de nombreux établissements entourés d'épais fourrés d'épineux ou d'euphorbes. Ces fortifications végétales avaient été créées par l'homme, et leur démantèlement fut souvent exigé par les puissances coloniales comme gage de soumission. Elles disparurent donc rapidement à l'époque coloniale, car elles furent soit détruites, soit délaissées ou reconverties chez les groupes éleveurs en haies de protection des champs. Les chemins bordés qui permettaient de contenir le bétail se maintinrent alors que s'effaçaient les lignes boucliers. Beaucoup de ces constructions végétales sont encore décelables dans le paysage où se succèdent des éléments arborés ou arborescents en lignes. Leur abondance inattendue ne s'explique pas par la seule nécessité de canaliser le bétail, pas plus que les rideaux d'arbustes spinescents sur les piémonts ne peuvent être attribués uniquement à une action anti-érosive. De plus, l'évidente inefficacité défensive des constructions de terre et surtout de pierres sèches laisse comprendre leur vraie raison d'être, celle de supporter des constructions végétales formées d'épineux ou d'euphorbes dont les ruines sont encore accrochées à ces murs. Passant presque inaperçues, ces défenses végétales sont en réalité omniprésentes sur de vastes aires et montrent tout le raffinement de leurs diverses combinaisons. Leur reconstitution et leur interprétation exigent une véritable démarche archéologique. Nous évoquerons ici des exemples de fortifications végétales édifiées au Cameroun et dont certaines servaient encore au moment de la pénétration coloniale.
Les systèmes défensifs végétaux sont omniprésents en Afrique, tant en savane qu'en forêt. Toutefois, dans la zone soudano-sahélienne, l'élaboration de ces « fortifications » était favorisée par un certain nombre de conditions.
Elles n'existaient pas dans les États centralisés comme les royaumes du Bornou (près du lac Tchad) ou du Baguirmi (partie du Tchad actuel) - où seule la capitale s'arrogeait le droit d'être fortifiée. En revanche, dans les cités du pays haoussa, les défenses végétales renforçaient les murailles. Ces constructions végétales étaient surtout élaborées dans les zones où les densités de populations étaient trop fortes pour qu'un simple no man's land forestier puisse assurer leur protection.
Elles étaient également essentielles pour des groupes en situation d'assiégés ou menacés de façon endémique. Certaines régions, particulièrement vulnérables, multipliaient ces défenses dans les couloirs de peuplement nés du refoulement continuel de populations venues des grands empires, ou dans les régions directement exposées aux menées de ces empires qui les razziaient périodiquement. Les végétaux complétaient, dans bien des cas, les refuges naturels, collines et massifs rocheux avancés en plaine. La protection pouvait être assurée par une essence unique ou bien - et c'est le cas le plus fréquent - plusieurs espèces se combinaient entre elles en une succession de lignes formées de variétés différentes. Certaines plantes, qui se bouturent facilement, servaient de supports à d'autres, lianescentes et épineuses, qui constituaient les lignes avancées et créaient des écrans élevés. On utilisait en avant-poste les essences peu sensibles au feu, ou celles qui étaient difficiles, voire dangereuses à abattre (comme les plantes à latex, très toxiques). Certaines, enfin, qui formaient des « murs » hermétiques étaient disposées en dernière ligne.
Le choix des combinaisons restait très ouvert, mais le mode défensif choisi était, dans sa complexité, représentatif du groupe ou du sous-groupe ethnique qui l'avait suscité et qui le reproduisait indéfiniment.
Les Guiziga, ethnie du Nord-Cameroun de la région de Maroua, établissaient leur habitat aux pieds de massifs rocheux. Une partie de leur terroir exigeant impérativement une protection, de véritables murs végétaux suivaient les piémonts, à quelques dizaines ou centaines de mètres des premiers éboulis. Les Guiziga bouturaient sur la ligne de défense extérieure Commiphora africana, de manière relativement espacée. Acacia ataxacantha était semé parallèlement à l'aide de cannes de mil évidées et remplies de graines qui s'écoulaient par l'extrémité qu'on laissait traîner dans une rainure du sol. En se développant, Acacia ataxacantha, épineux buissonnant, se mêlait à Commiphora africana pour former une barrière de trois à quatre mètres de hauteur. Une deuxième ligne, à base d'Euphorbia unispina, dans sa variété au port le plus serré et à la taille la plus élevée, poussait à quelques mètres en arrière. Enfin, Commiphora africana, arbuste à la silhouette contournée et dont les rameaux sont autant d'aiguillons, était bouturé en croisillons sur plusieurs rangs à l'arrière.
En complément de ces premières lignes de défense générale, les passes des petites vallées étaient barrées par des murets recréant un milieu favorable à la croissance d'euphorbiacées ou d'Acacia ataxacantha. Ces « pierriers », ces murets qui coupaient les vallées et qui sont aujourd'hui à nu ne servaient pas seulement à casser les assauts de la cavalerie des royaumes voisins, ils constituaient le plus souvent le support durable de systèmes défensifs végétaux complexes.
L'abondance d'une essence, Commiphora africana sur les massifs à l'ouest de Maroua ou Acacia ataxacantha en bordure des cours d'eau, permettait une mise en place rapide - une saison des pluies suffisait - et le renouvellement fréquent de centaines de mètres de haies. Ces rideaux défensifs évoluaient sans cesse, avançant en plaine ou se rétractant à proximité de l'entassement chaotique des pierres, contournant les massifs, d'abord partiellement, puis les ceinturant intégralement, en fonction des fluctuations de densité de population du massif.
En revanche, les plantes à latex comme Adenium obaesum, Euphorbia unispina et surtout Euphorbia desmondi étaient plutôt importées d'autres régions et on les faisait fructifier à partir des lignes existantes. Elles jouaient le rôle de barrière mécanique et l'on « mettait en réserve » l'une d'elles, qui servait uniquement, en association avec Strophantus*, à la composition de poison de flèche.
Dans le domaine forestier et à ses abords, les remparts végétaux pouvaient atteindre des dimensions impressionnantes comme en pays yambassa, au nord de Yaoundé. Ici, l'ossature défensive est fournie par un arbre, le kapokier (Ceiba pentandra), qui peut atteindre de 30 à 40 mètres de haut. Les Yambassa ont ainsi bouturé des « murs vivants » de kapokiers sur des kilomètres de long.
Les contreforts à la base des fûts s'imbriquent les uns dans les autres ou forment une véritable muraille de 3 à 4 mètres de hauteur qui assure une protection hermétique, dont les rares ouvertures étaient gardées. Toutefois, ces murs d'arbres gigantesques avaient d'autres fonctions. Non seulement ils délimitaient et défendaient l'espace d'une communauté villageoise, mais ils créaient véritablement le terroir yambassa. Installées dans des savanes herbeuses, ces lignes ceignaient les positions hautes et jouaient le rôle de pare-feu. À l'arrière, l'homme pouvait entretenir des massifs forestiers dont l'essence dominante était le palmier à huile.
Pour l'archéologue, la reconstitution de ces fortifications végétales apporte des informations sur la diffusion de certaines essences et sur la poliorcétique. Elles témoignent surtout du mode de contrôle de l'espace par les civilisations africaines. Dans cette optique, il serait souhaitable de dresser pour l'ensemble de l'Afrique, en s'appuyant sur les traditions orales, la typologie des systèmes défensifs.

Fortification des bords du lac de Fianga
Aux abords du Logone et du lac de Fianga, des fortins de terre. dépassant rarement 100 mètres de diamètre, étaient complétés par des défenses végétales. Certains se réduisaient à une simple levée de terre qui facilitait la venue d’Adenium obaesum. À l'avant, un dédale de haies, plus ou moins concentriques, de Ziziphus taillés supportait Capparis sp. buissonnant et lianescent aux doubles épines axillaires.

Image
Un exemple de défense chez les Guiziga Kaliaw
la ligne d'Acacia ataxacantha mêlée à Commiphora africana est suivie de celle d'Euphorbia unispina. Vient ensuite une ligne de Commiphora africana dont les rameaux sont disposés en croisillons. À l'arrière, Euphorbia kamerunica joue un rôle de protection occulte et de « plante à poison ».

Image
Système défensif chez les Guiziga Midjiving
Acacia ataxacantha précède une ligne serrée de Commiphora africana, qui flanque une double rangée d'Adenium obaesum, ménageant un chemin surélevé. À partir de cette double ligne avancée rayonnaient des chemins bordés d'Adenium obaesum qui, en cloisonnant le piémont, protégeaient des attaques par surprise.
limite des aires de défense végétale
L'aire des systèmes défensifs dominés par Euphorbia desmondi et Euphorbia Kamerunica se superposa aux sociétés d'agro-pasteurs situés sur les hautes terres et élevant des taurins Quant aux fortifications végétales à base de Commiphora africana, elles étaient omniprésentes sur les piémonts des monts Mandara septentrionaux et pouvaient parfois confiner au bocage défensif (région de Pulka au Nigeria). Si Adanium obaesum et Euphorbia unispina intéressent des systèmes défensifs plus localisés, Acacia ataxacantha, en revanche, n'est pas représenté tant son emploi est généralisé.

Image
Village de Djagaral (Guiziga Midjiving) : chemin défensif
Ces chemins sont généralement surélevés par rapport aux champs. Les haies d'Adenium obaesum, comme celle des autres lignes défensives végétales, jouaient un rôle anti-érosif.

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Messagede Sedullos » Lun 24 Mar, 2008 18:36

Salut à tous,
Merci DT, très intéressant tout cela.

De plus, l'évidente inefficacité défensive des constructions de terre et surtout de pierres sèches laisse comprendre leur vraie raison d'être, celle de supporter des constructions végétales formées d'épineux ou d'euphorbes dont les ruines sont encore accrochées à ces murs. Passant presque inaperçues, ces défenses végétales sont en réalité omniprésentes sur de vastes aires et montrent tout le raffinement de leurs diverses combinaisons. Leur reconstitution et leur interprétation exigent une véritable démarche archéologique. Nous évoquerons ici des exemples de fortifications végétales édifiées au Cameroun et dont certaines servaient encore au moment de la pénétration coloniale.


On est à l'opposé de certains chateaux médiévaux autour desquels on a tout rasé pour éviter que des assaillants puissent profiter d'abris végétaux pour s'approcher de la place forte.

Je note aussi que les pays africains où on trouvait ces types de fortifications végétales connaissaient pour eux-mêms ou à leur dépens, l'utilisation d'une cavalerie lourde de lanciers cuirassés.
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