Depuis quelque temps je m'interesse au cas des Galates. Ceux-ci sont passés en Asie Mineure en 278 av. J.-C. avec l'aide de Nicomède I de Bithynie qui les employa pour combattre Zipoites II, frère de Nicomède. En récompense de leur aide, les Bithyniens et les Héracléens cédèrent le butin fait aux Galates (Photius, Bibliothèque, CXXXIV) et des terres dans le sud de la Bithynie (Justin, Histoires Philippiques de Trogue Pompée, XXV). On considère qu'à partir de cet événement, les Galates échappèrent au contrôle de Nicomède et pillèrent l'Asie MIneure (perte de contrôle finalement toute relative ! cf. la suite).
A en croire Justin, le domaine donné par Nicomède correspond à ce qui sera appelé plus tard la Gallo-Grèce (Galatie), donc le centre de l'Asie Mineure. Nous lisons par contre chez Tite-Live (Histoire Romaine, XXXVIII, 16), qu'à leur sortie de Bithynie, les Galates (alors individualisés en Trocmes, Tolistobogiens et Tectosages) se partagèrent l'Asie Mineure (entre la mer Egée et le Taurus) : les Trocmes reçoivent la rive de l'Hellespont, les Tolistobogiens, l'Éolide et l'Ionie et les Tectosages, l'intérieur des terres. Ce domaine correspond très justement à la zone d'influence du royaume de Pergame naissant (ce royaume n'est pas indépendant des Séleucides, mais semble autonome depuis 282 av. J.-C. et l'avènement de Philétairos). Ce domaine occidental de l'Asie était disputé par les Bithyniens et les Séleucides. Sa récente autonomie (non-officielle, mais semble-t'il tolérée par Antiochos I) n'a t'elle pas été le prétexte de ces incursions ? Les Bithyniens ont-ils donné aux Galates des terres qu'ils ne possédaient pas, mais revendiquaient ? Si tel était le cas l'ambition de Nicomède était d'installer ses alliés entre son domaine et celui des Séleucides, pour garder les Galates à sa disposition, mais aussi et surtout faire du domaine galate un véritable glacis en cas d'offensive séleucide. Les cités grecques indépendantes étaient alliées de Pergame comme le prouve l'intervention de Philétairos de Pergame envers Cyzique (vers 276 av. J.-C.). Elles seront attaquées de façon systématique par les Galates : Ilion (Strabon, Géographie, XIII, 1, 27), , Themisonion (Pausanias, Description de la Grèce, X, 32, 4-5), Milet (épigramme d'Anytè de Mytilène), Ephèse (Callimaque, Hymnes, v.257), Erythrée (selon une inscription découverte à Erythée). En Phrygie c'est Kelainai (Pausanias, Description de la Grèce, X, 30, 9) qui est attaquée... La prise d'Ilion relatée par Strabon (Géographie, XIII, 1, 27) démontre bien que les Galates avaient bien l'intention de s'y fixer ! Ils abandonnèrent néanmoins leur prise, la ville n'étant pas fortifiée. Ces pillages et ces tentatives supposées d'installation ne prendront fin qu'avec l'intervention d'Antiochos I Sôter (Lucien de Samosate, Zeuxis ou Antiochus, VIII-XI) (entre 275 et 273 av. J.-C.). On dit que les Galates furent repoussés de la zone littoral, soit, mais vers ce que nous appelons la Galatie ? Ce fait est loin d'être assuré.
N.B. Je n'ai pas pris en compte l'attaque de Limyra entre 271 et 270 av. J.-C., puisqu'elle a eu lieu en domaine lagide.
On n'entendra plus parler des Galates jusqu'en 250 av. J.-C. lorsque les Tolistobogiens combattent de nouveau dans les rangs bithyniens (pour Zélas de Bithynie) dans la guerre de succession de Nicomède (Photius, Bibliothèque, XXXIX). La même année, ils attaquent à deux reprises Héraclée du Pont qui n'avait pas soutenu Zélas, puis le royaume du Pont dirigé par le jeune Mithridate II, qui avait soutenu Héraclée du Pont lors du siège galate (Photius, Bibliothèque, XL). Aucune mention n'est faite du territoire qu'ils occupaient alors.
Entre 241 et 238 av. J.-C., on trouve les Trocmes, les Tectosages et les Tolistobogiens aux côtés de l'usurpateur Antiochos Hiérax (Justin, Histoires Philippiques de Trogue Pompée, XXVII). Y avait-il pour autant rupture de l'alliance avec les Bithyniens ? Rien ne permet de le dire, néanmoins notons qu'ils combattent alors dans les rangs d'Antiochos contre les Séleucides et Pergame, adversaires des Bithyniens. C'est d'ailleurs dans le cadre de cette alliance qu'ils se tailleront un grand domaine en Asie Mineure, après deux lourdes défaites (241 av. J.-C.) conte Attale I de Pergame. La prise d'Ancyra, de Pessinonte et d'Agdistis n'est pas antérieure aux guerres menées par Antiochos Hiérax contre le centre de l'Asie Mineure séleucide et se situe autour de 238-237 av. J.-C. (Justin, Histoires Philippiques de Trogue Pompée, XXVII ; Pausanias, Attiques, IV, 5).
Enfin, c'est probablement à partir de ce domaine qu'ils tentèrent (de nouveau) de prendre Héraclée du Pont, prise par les Macédoniens et donnée aux Bithyniens. Les Galates profitèrent de cette période troublée, pour tenter de prendre cette cité grecque (entre 202 et 190 av. J.-C.), "voulant essayer ce qu'ils pourraient faire par mer" nous dit Photius (Bibliothèque, XXXIX).
Je suis donc tenté de voir le domaine donné par Nicomède aux Galates dans le sud de la Bithynie, plus exactement l'Hellespont, l'Éolide, l'Ionie, la Lydie et la Phrygie occidentale, où ils ne se fixèrent pas réellement, ne parvenant à mettre la main sur les villes (278-275/274 av. J.-C.), la seule Lydie et Phrygie occidentale après la victoire d'Antiochos I Sôter, et enfin la Phrygie centrale et orientale et la Cappadoce occidentale à partir des années 238-237 av. J.-C. Les attaques menées contre Héraclée du Pont correspond peut-être à la volontée d'ouvrir un accès à la mer (entreprise qui avait échoué précédemment du fait de la victoire d'Antiochos Sôter).
Qu'en pensez-vous ? Des sources anciennes m'ont elles échappé ? (pour les références bibliographiques indiquées sur ce message, cf. Encyclopédie de l'A.-C.).