Je me permets seulement de citer J. Guilaine pour lancer le débat:
Virilité /féminité.~
une inversion des symboles
On voit donc que la période qui s’étire entre — 3500 et —2000 voit peu à peu émerger l’image du mâle et de son espace, à la fois réel et idéologique, qui s’oppose, de façon structurelle, à celle de la femme dont la sphère est davantage orientée vers la maison, le tissu familial, la reproduction. Le guerrier est pourvu prioritairement du poignard — de silex puis de métal — qui est l’arme fétiche de cette époque. Il porte toujours, en héritage des temps antérieurs, l’arc, les flèches, la hache. Mais les améliorations techniques ont fait leur oeuvre les flèches ont atteint une perfection jusque-là inégalée, la hache de cuivre a remplacé la lame de pierre. L’archéologie témoigne de cette ascension du guerrier. C’est un homme en armes qui est représenté sur les statues masculines, premières manifestations de la statuaire européenne. Parallèlement, les fortifications enferment de plus en plus les établissements dans un espace protégé. Les flèches (et donc les arcs) connaissent une circulation sans précédent. Surtout, les signes de la masculinité s’affichent jusque dans les lieux les plus reculés de la nature armes et chasses au cerf sont gravées sur les plus hauts sommets comme sur les blocs des forêts profondes.
On ne manquera pas, pour terminer, d’observer une certaine contradiction dans la manipulation symbolique (fig. 52). Si le mâle s’épanouit dans l’espace non anthropisé, s’il appose sa griffe dans la nature la plus sauvage, il le fait par le biais d’armes, c’est-à -dire de productions techniques plus ou moins sophistiquées, d’artefacts culturels. On assiste donc à une appropriation de la nature par l’homme, lui-même codé par des signes spécifiques.
À l’inverse, la femme est d’abord louée pour ses fonctions biologiques c‘est son anatomie qui est prioritairement signalée sur les statues-menhirs et plus particulièrement les seins, symbole maternel et nourricier. Reproductrice, allaitante, elle est une certaine image, depuis toujours, de la Nature. Or son espace de prédilection, depuis les débuts du Néolithique — voire auparavant — est la maison, l’habitat, le champ, c’est-a-dire l’espace le plus anthropisé, le plus transformé par la société, le plus culturel qui soit. On atteint donc à cette époque, et désormais pour longtemps, les limites de l’inversion. L’homme exprime, avec des outils fortement culturels, sa maîtrise de l’espace le moins humanisé, celui du périphérique, du sylvestre. de l’inconnu, du non-limité où il peut donner libre cours à sa virilité et à ses prouesses. La femme, dont on perçoit prioritairement la fonction naturelle, sauvage, spontanée. évolue dans la sphère du domestique, de l’anthropique, de l’humanisé, du fermé. L’inversion est totale l’homme avec des outils culturels achève ou reproduit la conquête du sauvage; la femme, toujours empreinte de naturel, d’affectif. de spontané, occupe l’aire la plus modifiée par l’action humaine.