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L'amour courtois et le culte marial.Modérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice
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L'amour courtois et le culte marial.Bonjour,
Comme il existe plusieurs spécialistes du moyen-âge sur ce forum j'aimerais savoir si l'on connait les sources de l'amour courtois en occident, ses premiers "effets" en littérature, ses transmissions, car Dante semble porté sur cette vague et non précurseur bien que parfois catalyseur. Question subsidiaire: Cet "effet Sophial" est-il en rapport avec le culte marial dont l'agent serait, dit-on, Bernard de Clairvaux ? Une page et un site pour infos complémentaires: http://www.moncelon.com/fedeli.htm J'espère que les références à R. Guénon n'offusqueront pas nos chercheurs de vérité. Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
Bonjour Muskull,
Le débat (s'il s'ouvre !) promet d'être vigoureux ! Ce qui touche au culte marial entrant dans le domaine que je connais un peu moins mal, celui de l'hagio-historiographie médiévale, je propose ici quelques pistes de réflexions à partir de quelques auteurs, en particulier M.-G. Grossel dont la thèse sur Le Milieu littéraire en Champagne sous les Thibaudiens (1200-1270) publiée en 1994 et malheureusement épuisée, fait une large place (passim et aussi spécifiquement p. 497-511 et p. 605-634 ) à Gautier de Coinci qui (p. 498) "fut sinon l'inventeur de la canso à la Vierge au moins l'origine du succès d'un genre, appelé à son plein épanouissement dans les années qui suivirent sa tentative. On ne doit pas oublier que les troubadours, maîtres des trouvères comme on le rappelle à satiété, n'avaient pas eu l'idée (étrange ?) de chanter Notre Dame avec les termes de la Fine Amor." J. Le Goff souligne à propos du rituel symbolique de la vassalité (dans Un autre Moyen Âge, 1999, p. 362-363) que "... le système de l'amour courtois a connu sa plus haute expression dans le culte marial et qu'ici la contamination du rituel marial par le rituel vassalique", même s'il ne lui parait pas qu'un rapprochement entre "le baiser courtois" et le baiser à bouche du rituel vassalique soit "pertinent". Sur saint Bernard et son influence, il faut encore et toujours se reporter aux travaux d'E. Gilson, notamment son article sur « La mystique de la grâce dans la Queste del Saint Graal », Romania, t. 51 (1925), p. 321-347 : je souligne à dessein cet article car la concomitance du développement du système de l'amour courtois, de la dévotion mariale et de la légende arthurienne est manifeste. On en reparle. Bien cordialement, André-Yves Bourgès Dernière édition par André-Yves Bourgès le Ven 22 Mai, 2009 10:18, édité 1 fois.
Salut à tous, Je n'ai pas du tout le temps pour participer à ce fil. D'après René Nelli et d'autres auteurs, il semblerait bien qu'au XIIe siècle, après 1244, certains troubadours ralliés ou non à l'église catholique, on a, me semble-t-il l'exemple unique d'un troubadour devenu inquisiteur, aient traité le thème marial à travers leur "canso". A vérifier : Anthologie des troubadours / Pierre Bec.- 10/18, 1979. Terre des troubadours : XIIe-XIIIe siècles : anthologie commentée / Gérard Zuchetto.- Ed de Paris, 1996.- 455 p. +1 disque compact audio. Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
Salud deoc'h tout ha bloavezh mat d'an holl !
premier point : la Fin Amor est antérieure au développement du culte marial second point : le but ultime du troubadour, quand il honore une dame par ses chansons, est de l'honorer ensuite dans un lit. Qu'il y mette le temps et les formes ne change rien à l'affaire : la Fin Amor est un jeu sexuel. Les Bretons sont plus grands et mieux proportionnés que les Celtes. Ils ont les cheveux moins blonds, mais le corps beaucoup plus spongieux.
Hippocrate
Dommage... Quant au texte cité, je souligne qu'il n'est pas de moi, mais de M.-G. Grossel. AYB Dernière édition par André-Yves Bourgès le Ven 22 Mai, 2009 10:19, édité 1 fois.
Ce n'est pas uniquement une question de temps.
Le Moyen Age est une très longue période à étudier, très riche mais aussi complexe. Cela requiert des connaissances que je n'ai pas forcément. Je préfère me concentrer sur (zoom avant le Deuxième âge du Fer, les Gaulois, la guerre des Gaules et l'armement de La Tène finale. Je m'y suis remis depuis quelques années et vu le nombre de publications et les problèmatiques que cela génère, cela m'occupe suffisament. Toute une civilisation à explorer... Et puis, sur les centaines d'inscrits actifs sur ce forum ; il y a sûrement des gens qui ont des trucs à dire et des questions à poser. Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
Oui ; mais ce que M.-G. Grossel souligne c'est le fait qu'à partir du moment même de ce développement, "les troubadours, maîtres des trouvères comme on le rappelle à satiété, n'avaient pas eu l'idée (étrange ?) de chanter Notre Dame avec les termes de la Fine Amor"
Oui : la citation que j'ai donnée (extraite comme je l'ai dit des nombreuses pages consacrées par M.-G. Grossel à Gautier de Coinci) s'en tient aux seuls "termes de la Fine Amor" ; rien à voir avec les éventuelles arrière-pensées du troubadour. C'est pour une raison qui me paraît assez similaire que J. Le Goff, dans le passage que j'ai rappelé, tout en mettant de côté "le problème du caractère purement littéraire ou non" de l'amour courtois, ne croit pas pertinent le rapprochement entre le baiser de bouche vassalique et le baiser courtois : "c'est un fait que dans l'amour courtois l'homme est le vassal de la femme et qu'un moment essentiel du système symbolique courtois est le baiser. Mais je rappellerai que, au moins dans son principe, l'amour courtois a été, au XIIe siècle, un phénomène contestataire, scandaleux, une manifestation du monde à l'envers". Quant à la dévotion mariale qui prend un nouvel essor à partir du XIIe siècle, y a-t-il une indication qu'elle aurait pris une forme différente dans le Sud ? AYB Dernière édition par André-Yves Bourgès le Ven 22 Mai, 2009 10:21, édité 1 fois.
Bonjour et merci,
Gautier de Coinci écrit "Les Miracles de Nostre Dame" de 1218 à 1230 environ. Son travail est donc connu et diffusé après 1230 et si je ne m'abuse il s'agit du culte marial. Dante commence à écrire "La divine comédie" un peu moins d'un siècle plus tard. Taliésin écrit:
Je présume qu'il y a un écrit précurseur en ce sens non dédié à la Vierge Bernard de Clairveaux est d'un siècle plus tôt, début du XII° et:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_de_Clairvaux Or "Le Cantique des Cantiques" est une ode amoureuse et charnelle au bien aimé qui ne pouvait être que divin. L'inversion s'est faite fructueuse chez les poètes de l'Islam, notamment Omar Khayam (XI° siècle). Inversion toute relative car en persan le terme "bien-aimé" est neutre et a été féminisé dans les traductions successives. Bref, pour moi cela reste un peu confus Influences orientales par "El Andalus" et la Sicile, plus tôt par les croisés ou une génération spontanée chez les francs ou les catalans Muskull / Thomas Colin
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Bonjour,
J'ai trouvé cette page: http://www.cafe.umontreal.ca/genres/n-romcou.html Extrait:
Qu'en pensez-vous ? Est-ce une bonne référence pour tenter une petite anthologie ? P.S. Ils ont oublié les cantiques de Salomon. Muskull / Thomas Colin
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On voit au travers des références proposées par ce site combien les XII-XIIIe siècles constituent la période-clé de l'amour courtois, du moins dans sa dimension littéraire et sublimatoire (que je crois pour ma part essentielle, car il me semble que les membres de la classe chevaleresque vivaient avant tout par procuration leurs amours avec leurs "dames", c'est-à -dire les femmes de leurs suzerains : « Les troubadours n’inventent pas l’amour mais une nouvelle façon de le dire pour ne pas le faire », écrit J.-C. Huchet). Or cette période est également celle qui voit le développement de la dévotion mariale, non son culte bien plus ancien évidemment, dans le cadre d'une véritable "relation mario-vassalique" (j'ai utilisé cette formule dans un travail sur le culte marial en Bretagne). Au delà d'un synchronisme patent, il convient d'inventorier et d'évaluer sans préjugés les composantes du système d'échanges entre l'amour courtois et la dévotion mariale. Bien cordialement, André-Yves Bourgès PS : me gène un peu de voir indiquer "haut Moyen Âge" pour le XIIe siècle, qui est au centre du Moyen Âge central ! Dernière édition par André-Yves Bourgès le Ven 22 Mai, 2009 10:22, édité 1 fois.
Merci André-Yves,
Ces croisements de lecture et débats en ce forum sont fructueux à souhait. Je cite un court extrait du lien fourni qui ne doit pas empêcher les curieux et les amoureux d'en lire l'intégralité:
Une image "invariable" peut être considéré comme un archétype et malgré le fait que je ne sois pas "fan" de Lacan je trouve qu'il y a dans cette image puissante à laquelle ont succombé aussi les préraphaélites plus tardivement, une représentation très similaire dans la poésie amoureuse soufie envers la Divinité qui date chez leurs auteurs classiques de bien avant le XII° siècle. Les auteurs anciens ont le plus souvent nié l'influence musulmane en Occident pourtant elle a été forte mais brève dans le domaine Occitan. C'est pour cela que je cherchais une sorte de manuscrit fondateur de la fine amor (si ce n'est un de ces "manuscrits fantômes") car une "génération spontanée" de l'archétype parce que des femmes de pouvoir existaient en ces temps ne me semble guère probable. Muskull / Thomas Colin
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Bonsoir ami Muskull,
Il y a ici le texte d'un entretien où Georges Duby est questionné sur la littérature courtoise. J'en extrais ceci (et je souligne quelques idées-force), mais tout l'entretien est à lire :
Allez, Muskull, tu as à nouveau la bénédiction posthume de l'oncle Georges... comme déjà par le passé. Bien cordialement, André-Yves Bourgès Dernière édition par André-Yves Bourgès le Ven 22 Mai, 2009 10:23, édité 1 fois.
Au fait, je ne partage pas toutes les analyses de G. Duby sur ce qu'aurait été la place de la femme dans le "système courtois" ; d'ailleurs sa pensée a connu sur ce sujet une inflexion non négligeable, comme le rappelle ici Michelle Perrot. Voir également, à des fins plus historiographiques le témoignage de J. le Goff sur Duby et l'histoire des femmes.
Par exemple, G. Duby ne me convainc pas quand il écrit dans "A propos de l'amour que l'on dit courtois" : "La chose est sûre : si Guillaume le Maréchal, encore célibataire, fut accusé d'avoir séduit l'épouse de son seigneur, c'est que telles entreprises n'étaient pas exceptionnelles". On pourrait au contraire conclure que c'est parce que cette "entreprise" (s'il ne s'agit pas seulement de ragots), était effectivement "exceptionnelle", notamment du fait du statut des personnages concernés (Guillaume donc, mais aussi le roi-associé Henri le Jeune et son épouse), qu'elle a laissé une trace dans l'histoire, au moins littéraire. Bien cordialement, André-Yves Bourgès Dernière édition par André-Yves Bourgès le Ven 22 Mai, 2009 10:20, édité 1 fois.
Diantre, que de choses à lire !
Au premier abord je retiens quelques points: - Le mariage, donc la femme, détient le pouvoir qui est de fait une partie du pouvoir du père à qui l'on doit plaire. C'est une reconsidération du "concept de souveraineté" que l'on trouve dans les mythes celtiques mais aussi d'ailleurs. - Un phénomène sociologique synchrone: la multiplication des couvents de moniales qui démontre que l'Eglise toute puissante alors admettait que les femmes pouvaient avoir une vie et une réalisation spirituelle ; elles n'étaient plus "mineures". - Les écrits de l'époque (ce qui nous reste) sont des faits dans le domaine des élites d'une forme de révolution sociétale plus profonde mais il est possible que non. Mais aussi face à ces lacaniens qui revisitent (ou amplifient) Freud de façon ludique mais un peu réductrice (il sont un peu agaçants) il pourrait y avoir une analyse plus poétique sur la complétion en la "réunion" de l'homme et de la femme dont l'apothéose rêvée est "fulgurante". Ce non dit (épatant) est patent chez des poètes antérieurs mais aussi clairement décrit dans la Bible et le Coran. André-Yves cite G. Duby
Il y aurait des choses à dire sur "les voiles". Muskull / Thomas Colin
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Je "rapatrie" ici deux posts de Taliésin de janvier 2006 sur le sujet:
Depuis le lien remémorant donné par André-Yves: http://forum.arbre-celtique.com/viewtop ... c&start=15 Muskull / Thomas Colin
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