Nom par lequel les auteurs gréco-romains désignaient une portion des Alpes occidentales, puis une province romaine. Les attestations dans les sources littéraires furent nombreuses : Pline les désigne sous le nom de Graias et Graiarum Alpium (Histoire naturelle, III, 123 et 134), Tacite sous ceux de Grais Alpibus et monte Graio (Histoires, II, 66 et IV, 68), Ptolémée sous ceux de Γραίαις Ἄλπεσι et Γραίαις Ἄλπεσιν (Géographie, III, 1, 37, III, 1, 40 et III, 1, 39), Alpes Graias dans l'Itinéraire d'Antonin (346, 9-10), Graia dans la Cosmographie de Ravenne (IV, 30), ou encore (Alpes) Graiarum et Alpes Graiae et Poeninae dans l'Histoire de Rome d'Ammien Marcellin (XV, 10, 9 et 11, 12). On connaît également une unique attestation épigraphique sous la forme ALPIVM GRAIARVM sur une inscription votive de la fin du Ier s. ap. J.-C. (CIL 06, 3720 (p 3007, 3758) ; 31032). Enfin, la Table de Peutinger mentionne une localité dénommée Alpis Graia, l'actuel col du Petit Saint-Bernard. Dans sa plus grande extension, le territoire désigné ainsi couvrait le massif du Mont-Blanc, le Beaufortain, la Vanoise, le Mont-Cenis et les Alpes grées, soit la haute-vallée de l'Isère et plus au nord, la haute-vallée de l'Arve.
L'étymologie de ce massif montagneux a été discutée dés l'antiquité par Caton (Origines, cité par Pline, Histoire naturelle, III, 134) et Ammien Marcellin (Histoire de Rome, XV, 10, 9) qui rapprochaient cet oronyme de l'adjectif latin graius / graia, qui signifie "grec / grecque". Selon ces auteurs, cette portion des Alpes tirait son nom du fait qu'elles fut traversée par Hercule, de retour de la péninsule ibérique avec les b?ufs de Géryon. Caton allait plus loin puisque sur la foi de ses étymologies farfelues, il considérait que les habitants des Alpes grées étaient des Grecs, descendants de troupes laissées là par Hercule. On considère actuellement que cette portion des Alpes tirait son nom d'un dieu topique, Graius, connu par deux inscriptions gallo-romaines. On notera également que les Graiocèles tiraient leur nom de ces montagnes.
Nous ne savons rien des conditions qui permirent aux Romains de soumettre les Ceutrons et les Graiocèles, les deux peuples des Alpes grées. Toujours est-il que ce territoire fut constitué en province et intégré à l'empire sous le nom d'Alpes Graiae. Cette petite province alpine reçut Axima / Forum Claudii (Aime-en-Tarentaise) pour métropole. Au cours du IIe s. ap. J.-C., cette province prit le nom d'Alpes atrectiennes, avant d'être associée, à la toute fin du IIe s. ap. J.-C., à la Vallée pennine pour constituer la province des Alpes atrectiennes et pennines (connue plus tardivement sous le nom d'Alpes grées et pennines).
Pline, Histoire naturelle, III, 134 :"Le même Caton pense que les Lépontiens et les Salasses appartiennent à la nation Taurisque ; presque tous les autres, admettant une étymologie grecque pour le mot Lépontiens, pensent qu'ils proviennent d'hommes qui appartenaient au cortège d'Hercule, et dont les membres furent gelés par la neige au passage des Alpes ; que les habitants des Alpes Graïques provenaient de Grecs (Graii) appartenant aussi à cette armée, et que les Euganéens, étant d'une race illustre, avaient tiré leur nom de cette circonstance. Leur capitale est Stonos."
Pline, Histoire naturelle, III, 123 :"La onzième région, qui vient ensuite, prend du Pô le nom de Transpadane ; elle est tout entière dans l'intérieur des terres, mais elle n'en reçoit pas moins toutes choses de la mer par l'utile canal de son fleuve. Villes : Vibi Forum, Segusio ; colonies, à partir du pied des Alpes: Augusta des Taurins, de l'antique nation des Ligures, et où le Pô commence à être navigable; puis Augusta Praetoria des Salasses, auprès des deux passages des Alpes ; les portes Graïques et les portes Poenines (on rapporte que les Carthaginois ont passé par celles-ci, et Hercule par celles-là) ; la ville d'Eporedia, fondée par le peuple romain sur l'ordre des livres sibyllins (les Gaulois appellent Eporédies les bons écuyers) ;"
Ammien Marcellin, Histoire de Rome, XV, 10, 9 :"La plus ancienne est l'?uvre de l'Hercule thébain ; et ce travail fut à peine un temps d'arrêt pour le héros, lorsqu'il courait donner la mort à Géryon et à Taurisque. Cette voie longe les Alpes maritimes, auxquelles Hercule donna le nom d'AIpes Grecques. La citadelle et le port de Monaco sont encore d'éternels monuments de son passage dans ces contrées. Cette chaîne, plusieurs siècles après, prit le nom d'Alpes Poenines : voici à quelle occasion."
"A Sol, Luna, Apollon et Diane, Tiberius Claudius Pollio, procurateur d'Auguste du 20e des héritages, procurateur des Alpes grées, flamine de Carmentis, préfet des populations en Afrique, préfet de l'aile Flavia miliaria (a dédié)."